Ville de Rouen (Seine-Maritime).

Rouen est une commune du nord-ouest de la France traversée par la Seine. Préfecture du département de la Seine-Maritime, elle est le chef-lieu de la région Normandie.

Comptant 112 321 habitants intra-muros, la ville est la trente-sixième commune la plus peuplée de France et la deuxième de Normandie après Le Havre. Elle n’en demeure pas moins la capitale administrative (préfecture) de la région Normandie tandis que la capitale politique est Caen (siège du conseil régional) ; la Normandie se distingue donc par une gouvernance bilocalisée. En 2018, son agglomération compte 498 822 habitants. Elle est la commune la plus densément peuplée du Grand-Ouest français avec 5 254 hab./km2. En 2012, avec 658 285 habitants, son aire urbaine est la première de la région normande, la douzième de France et la deuxième du Bassin parisien après celle de Pari5. Sa zone d’emploi, première du territoire régional, comprend 829 210 habitants en 2012. Par conséquent, la ville est un centre économique national important.

Rouen est le siège d’une intercommunalité, la Métropole Rouen Normandie, qui est, avec 492 681 habitants en 2018, la sixième de France et la deuxième du Grand Ouest français, après Nantes Métropole. Elle accueille aussi le Pôle métropolitain Rouen Seine-Eure.

L’histoire très riche de cette cité normande témoigne de sa dimension politique et économique. Entre 911 et 1204, elle est la capitale du duché de Normandie. L’Échiquier puis le Parlement de Normandie y sont successivement installés. À partir du XIIIe siècle, la ville connaît un essor économique remarquable grâce au développement des manufactures de textile. Revendiquée aussi bien par les Français que par les Anglais durant la guerre de Cent Ans, c’est sur son sol que Jeanne d’Arc a été incarcérée, jugée puis brûlée vive en 1431. Très endommagée par la Semaine rouge de 1944, elle a retrouvé son dynamisme économique au cours de l’après-guerre grâce à ses sites industriels et à son grand port maritime, qui est de nos jours le cinquième grand port maritime français.

Dotée d’un prestige hérité principalement de l’ère médiévale et d’un patrimoine composé de nombreux monuments historiques, Rouen est une capitale culturelle reconnue dont plusieurs musées jouissent d’une renommée certaine. Célèbres sont ses maisons à colombages. Le grand nombre d’édifices religieux s’y trouvant lui vaut le surnom de « Ville aux cent clochers ». La cathédrale Notre-Dame, bien connue par-delà la région, est l’une des plus hautes du monde. Labellisée ville d’art et d’histoire en 2002, elle est candidate au titre de capitale européenne de la culture pour 2028.

Cathédrale de Rouen, carte maximum, France.

Siège d’un archidiocèse et de la primatie de Normandie, elle accueille aussi une cour d’appel et une université. Tous les quatre à six ans, Rouen devient la capitale occasionnelle du monde maritime grâce à « l’Armada ».

Après la Seconde Guerre mondiale, Rouen fait partie des 21 villes décorées de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre 1939-1945.


L’occupation celte du site de Rouen est attestée entre autres par la découverte archéologique d’une pirogue monoxyle datée d’environ 900 avant J.-C. (fin de l’âge du bronze).

Un établissement s’est développé à l’époque gallo-romaine pour devenir la capitale de la tribu des Véliocasses, peuple celte de Gaule, dont le territoire dans la vallée de la Seine s’étendait peut-être de Caudebec-en-Caux actuel à Briva Isarae (Pontoise). La cité proprement dite a été fondée sur la rive droite de la Seine pendant le règne d’Auguste, et elle était la deuxième ville la plus importante de la Gaule derrière Lugdunum (Lyon).

Traditionnellement, une ville romaine est quadrillée en cardo (axe nord-sud) et decumanus (axe est-ouest). Le cardo maximus et le decumanus maximus sont les deux axes principaux de la ville à la croisée desquels se trouvait généralement le forum, la place publique où les Romains traitaient des grandes affaires. Il y au total 9 cardo et 6 decumanus pour Rouen, sans savoir vraiment lesquelles étaient précisément les maximus. La plupart de ses axes corroborent, avec quelques mètres de décalage, les rues actuelles.

Une communauté juive s’installe à Rotomagus au moment de la  colonisation romaine dans la terra judaeorum, quartier de 3 ha autour de l’actuelle rue aux Juifs. Cette installation est encouragée par le pouvoir romain qui veut conforter la conquête militaire de la Gaule par une implantation démographique. La communitas judaeorum se maintient de manière continue pendant un millénaire, malgré plusieurs massacres et jusqu’à l’expulsion des juifs de France ordonnée par Philippe le Bel en 1306 où les 5 000 Juifs rouennais sont chassés de la ville.

Le cardo maximus de Rotomagus (principal axe nord-sud) est marqué dans le tracé actuel de la ville par la rue Beauvoisine, la rue des Carmes et la rue Grand-Pont. Le tracé du decumanus maximus (principal axe ouest-est) est moins assuré : une hypothèse propose qu’il parte du débouché de la voie venant de Juliobona (Lillebonne) par la cavée Saint-Gervais, la rue Cauchoise, la place du Vieux-Marché, la rue du Gros-Horloge. Vers l’est, c’est très incertain. Un autre tracé plus septentrional passe par la rue des Bons-Enfants et la rue Ganterie.

Au IIIe siècle apr. J.-C., la ville gallo-romaine a atteint son plus fort développement. Un amphithéâtre et de grands thermes y ont été bâtis.

Des vestiges du rempart du ive siècle sont visibles rues des Vergetiers, de la Poterne et des Fossés-Louis-VIII. C’est également durant ce siècle que le premier groupe cathédral paléochrétien a été construit et qu’un premier évêque a été nommé, saint Victrice. Ce dernier relate en effet dans son De laude sanctorum (396) la construction d’une basilique pour abriter les reliques qu’il a reçues d’Ambroise de Milan (il fait référence à l’église Saint-Étienne qui est alors en construction).

À partir de 841, les Vikings effectuent de fréquentes incursions en vallée de Seine et, en mai, ravagent Rouen.

La Chronique de Fontenelle rapporte brièvement : « L’an de l’incarnation du Seigneur 841, les Vikings arrivèrent avec leur chef Oscherus et brûlèrent la ville de Rouen le 14 mai ». Oscherus correspond probablement à Asgeirr, chef viking du IXe siècle.

Un autre manuscrit, narrant également les événements de 841, mentionne Rouen sous le nom de Rotunum, qui serait une des latinisations du nom de la ville au Haut Moyen Âge.

En 843, Rouen est attaquée une fois de plus par les Nortmanni et de nouveau le 13 octobre 851 où la flotte de navires scandinaves est encore commandée par Ásgeir, comme au printemps 841.

En 876, Rollon, chef viking, s’empare de la ville et, à la suite du traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911, elle devient la capitale d’un territoire compris entre l’Epte et la Dives, correspondant approximativement aux diocèses de Rouen, Évreux et Lisieux, concédé par le roi des Francs Charles III. Rollon est fait comte de Rouen, au sens carolingien du terme, mais les textes de l’époque parlent plus fréquemment de « prince » (princeps). À cette date, le Cotentin et Bayeux sont encore bretons.

Vers 934, au cours d’une bataille ayant lieu dans un pré aux portes de la ville, Guillaume Longue-Épée chassa Riouf, comte du Cotentin, avec trois cents hommes, bien inférieur en nombre. Une rue à l’emplacement supposé de la bataille est appelée « rue du Pré-de-la-Bataille » ».

En 942, après l’assassinat de Guillaume Longue-Épée à Pîtres, le roi de France Louis IV d’Outremer s’installe à Rouen en « protecteur » du jeune Richard Ier, héritier du duché de Normandie, à peine âgé de 10 ans. Le roi l’enferme à Laon d’où il parviendra à s’évader.

En 947, le duc de Normandie Richard Ier, dit « Sans Peur », enfermé dans Rouen, doit affronter une grande coalition réunissant le roi de France Louis IV d’Outremer, l’empereur germanique Othon le Grand et le comte de Flandre venus mettre le siège devant la ville. Après que Louis et Othon eurent levé le siège, Richard les poursuit et les bat à Rougemare. Cette victoire a été décisive pour l’avenir de la Normandie.

En 1007, un pogrom décime une partie de la population juive de Rouen.

L’œuvre de Guillaume le Conquérant permet à la Normandie de devenir la province la plus puissante d’Europe. S’il installe la capitale politique à Caen, Rouen reste la capitale économique et religieuse. C’est d’ailleurs à Rouen que Guillaume mourra en 1087. On peut voir sur la scène 12 de la tapisserie de Bayeux une représentation de la ville forte de Rouen.

Dès la période viking, la ville était devenue un port de commerce en rapport avec la région parisienne et un marché d’esclaves.

Le 26 janvier 1096, les juifs de Rouen, qui formaient la plus grande  communauté au nord de la Loire, furent massacrés lors de « pogroms » dus à la flambée d’hostilité à leur égard suscitée par l’appel à la première Croisade lancé par le pape Urbain II fin 1095 puis la communauté restante est chassée de France par Philippe Auguste en 1182.

Le 14 janvier 1143, Rouen capitule devant la puissante armée du duc de Normandie, Geoffroy Plantagenêt.

Les ducs de Normandie ont résidé à Rouen, cependant, Guillaume le Conquérant préféra développer Caen comme capitale du grand duché de Normandie, ville dans laquelle se trouve sa sépulture. En revanche, le cœur d’un de ses descendants, Richard Ier d’Angleterre dit « Cœur de lion », sera conservé dans le tombeau à gisant que l’on peut voir dans le déambulatoire de la cathédrale.

En 1150, Rouen obtient une charte communale ; la ville est alors administrée par « cent pairs » et les habitants sont regroupés en corporations et confréries de métiers. Rouen est un centre de commerce important, exportant du sel et du poisson vers Paris et du vin vers l’Angleterre. C’est à Rouen que le 20 juillet 1189, Richard Cœur de Lion se voit remettre les attributs du pouvoir ducal.

En avril 1200, la cathédrale de Rouen est la proie d’un incendie qui s’étend à la ville.

Le 24 juin 1204, le roi de France Philippe Auguste, après quarante jours de siège, prend la ville. Le capitaine et gouverneur Pierre de Préaux signe l’acte de capitulation en constatant que le secours de Jean n’arrive pas. La même année, la Normandie est rattachée au domaine royal. Le roi maintient les privilèges communaux mais fait détruire le château ducal. Il fait  construire le château de Rouen pour surveiller la cité. Celui-ci est édifié sur l’ancien site de l’amphithéâtre romain ; il a pris le nom de château Bouvreuil.
Il sera détruit à la fin du XVIe siècle et servira de carrière ; seul le donjon dit tour Jeanne-d’Arc, restauré par Viollet-le-Duc, subsiste. Malgré son nom, cette tour n’a pas été le lieu de l’emprisonnement de Jeanne d’Arc en 1431, même s’il semble que celle-ci y résida (il ne reste, de la tour où fut emprisonnée la Pucelle d’Orléans, que les soubassements visibles dans la cour intérieure d’une propriété privée au 102 rue Jeanne-d’Arc, ouverte au public).

Des manufactures de textiles se développent à Rouen et dans sa région (Elbeuf, Darnétal, Barentin, Pavilly, Villers-Écalles, Saint-Pierre-de-Varengeville, Maromme, Le Houlme, Malaunay, Montville), les marchands achetant la laine en Angleterre et revendant les draps dans les foires de Champagne.

La prospérité de Rouen reposait principalement sur le commerce fluvial. Les marchands rouennais détenaient depuis Henri II le monopole de la navigation sur la Seine en aval de Paris. Ils expédiaient  en Angleterre des vins et du blé et importaient de la laine et de l’étain. Les troubles liés aux impôts se multiplièrent à Rouen, avec des émeutes en 1281, l’assassinat du maire et le pillage des maisons nobles. Devant l’insécurité, Philippe IV le Bel supprima la commune et retira aux marchands le monopole du commerce sur la Seine. Le souverain rétablit la commune en 1294.

En 1306, Philippe le Bel décida d’expulser la communauté juive de France et Rouen perdit 5 000 à 6 000 habitants reconnaissables à leur rouelle et installés dans la rue aux Juifs (vicus judaeorum) ou plus largement dans la juiverie rouennaise (terra judaeorum).

Dans un document promulgué à Pacy en février 1307, le roi cède aux maire, jurés et commune de Rouen, toutes les terres, maisons, cours, jardins, tous les biens et toutes les propriétés immobilières ainsi que le cimetière (« cimetière as Juieulz ») appartenant précédemment aux juifs de la ville « et dans la banlieue ».

En juillet 1348, la peste noire touche Rouen, qui perd un tiers de sa population.

Après 1350, les murs d’enceinte de la ville de Rollon et ceux de Saint Louis sont abattus et remplacés par une vaste enceinte s’étendant jusqu’au faubourg Saint-Hilaire (de nos jours les boulevards intérieurs reprennent exactement son tracé). Les finances royales étant exsangues, les travaux traînèrent en longueur mais, en 1415, la défaite d’Azincourt, avec des contributions extraordinaires en argent et en corvées imposées à la population permet en hâte son achèvement.

En 1382, une révolte urbaine importante éclate, la révolte de la Harelle, qui est cruellement réprimée par les troupes royales. Les impôts sont augmentés et les privilèges de Rouen pour le commerce sur la Seine abolis.

En janvier 1418, en plein affrontement entre Armagnacs et Bourguignons, le parti du duc de Bourgogne, Jean sans Peur reprend la place. Le roi d’Angleterre, Henri V, débarque le 1er août sur les côtes françaises, après avoir fait dans un premier temps la conquête de la Basse-Normandie, dès mai 1418. Il rassemble ses troupes à Bernay et entreprend, après avoir isolé la ville en direction de Paris et de la Picardie, sa marche sur Rouen, capitale de la Normandie et deuxième ville du royaume après Paris avec 60 000 habitants.

Le siège, commencé le 29 juillet 1418, est long ; la ville est défendue par une garnison de 1 500 hommes d’armes, Bourguignons et étrangers, commandés par Guy le Bouteiller et ses lieutenants : Jean de Neufchâtel, Antoine de Toulongeon, le Bâtard de Thian, le Bâtard d’Arly, le Grand Jacques condottiere lombard, la milice bourgeoise avec à leur tête Alain Blanchard et un détachement de canonniers aux ordres de maître Jean Jourdain. Elle est prise le 19 janvier 1419 par Henri V qui rattache la Normandie conquise, à l’exception du Mont-Saint-Michel, à la couronne anglaise. Jean Jouvenel des Ursins, contemporain de ces événements, rapporte :

« Le siège fut longuement devant Rouen, ne jamais ne l’eussent eu sinon par famine, car il y avoit vaillantes gens tenans le party du duc de Bourgogne ; mais la famine fut si merveilleuse et si grande, qu’ils furent contraints de se mettre en obeyssance du roy d’Angleterre, car d’un costé et d’autre ils n’eurent aucun secours. Le dix-neuviesme jour de janvier le roy d’Angleterre entra à Rouen. »

Henri V meurt en 1422, la même année que le roi de France Charles VI, et son frère Jean de Lancastre, duc de Bedford, assure la régence, essayant de gagner les Rouennais à sa cause, ce qu’il réussit en partie. Devenu chanoine de la cathédrale Notre-Dame, il y est enterré à sa mort en 1435.

C’est à Rouen, capitale du pouvoir anglais et normand dans le royaume de France, que Jeanne d’Arc est jugée, et brûlée par le bourreau Geoffroy Thérage le 30 mai 1431, à l’instigation du duc de Bedford et du parti bourguignon, majoritaire à Rouen même dans la population. Cette année-là, le jeune Henri VI est couronné roi de France et d’Angleterre à Paris, avant de venir à Rouen où il est acclamé par la foule.

En 1449, le roi de France Charles VII reprend la ville, défendue par John Talbot à l’issue d’un siège de 10 jours, 18 ans après la mort de Jeanne d’Arc et après 30 ans d’occupation anglaise.

Les chantiers, ralentis par la guerre de Cent Ans, se développent à nouveau. Ainsi, l’église Saint-Maclou, commencée sous l’occupation anglaise, finit par être achevée à la Renaissance. La nef de l’église abbatiale Saint-Ouen est enfin terminée, sans toutefois être complétée par une façade flanquée de deux tours. On construit la salle des pas perdus de l’actuel palais de justice. Le tout s’érige dans un style flamboyant, où se mêlent les premiers éléments décoratifs propres à la Renaissance dès le début du XVIe siècle. À cette époque, la cité est la plus peuplée du royaume après Paris, Marseille et Lyon.

Rouen est l’un des foyers normands de la Renaissance artistique, grâce en particulier au mécénat des archevêques (Georges d’Amboise et son neveu, Georges II d’Amboise) et des financiers. Artistes et architectes tels Roulland Le Roux ont orné les maisons et les palais de décors italianisants, comme le Bureau des Finances, faisant face au portail de la cathédrale. On attribue au sculpteur Jean Goujon les vantaux de l’église Saint-Maclou.

n novembre 1468, par lettres patentes, le roi Louis XI autorise la prolongation de la foire de Rouen, le Pardon Saint-Romain, jusqu’à six jours de durée, de sorte que la ville s’accroisse. Le 9 novembre 1469, Louis XI, après s’être fait remettre en avril 1468 lors des états généraux de Tours, l’anneau d’or, symbole de l’indépendance, puis de l’autonomie de la province, en séance de l’Échiquier, fait rompre sur une enclume l’anneau ducal.

L’essor économique de la ville à la fin du XVe siècle est dû essentiellement aux draperies, mais aussi à la soierie et à la métallurgie. Les pêcheurs de Rouen vont jusqu’à Terre-Neuve pêcher la morue et en Baltique pêcher le hareng. Le sel vient du Portugal et de Guérande. Les draps sont vendus en Espagne, qui fournit alors la laine, et les Médicis font de Rouen le principal point de revente de l’alun romain.

Au début du XVIe siècle, Rouen est devenue le principal port français de commerce avec le Brésil, principalement pour les colorants de draperies. En effet, les manufactures de Rouen utilisent des teintures directement importées du Nouveau Monde, le rouge tiré de l’essence du bois-brésil, le bleu issu de la culture et la transformation de l’indigo. Cette fonction teinturière de la ville est confirmée par la présence des Florentins qui en font la plaque tournante de l’alun romain dans le Nord de la France. L’alun est un minéral permettant la fixation des pigments sur les textiles. Son exploitation est monopolisée par la papauté durant toute la période (Moyen Âge, Renaissance et époque moderne). La naumachie organisée en faveur de Henri II le 1er octobre 1550 montre que le royaume de France veut se doter d’un empire colonial en Amérique du Sud, avec comme centre d’impulsion les dynamiques ports normands. En 1500, dix imprimeries sont installées en ville, seize ans après la première installation. En 1521 et 1522 la ville subit un nouvel épisode de peste.

Dans les années 1530 et suivantes, une partie de la population rouennaise se tourne vers la religion réformée, c’est-à-dire le protestantisme sous la forme prêchée par Jean Calvin.

Les Réformés ne représentent qu’un quart à un tiers du nombre d’habitants de la ville.

Dès 1560, les tensions entre communautés protestantes et catholiques se sont exacerbées. Le massacre de Wassy force les protestants à prendre les armes, c’est le déclenchement de la première guerre de religion.

Le 15 avril 1562, la population protestante entre dans l’hôtel de ville et chasse le bailli. En mai, les troubles iconoclastes ont gagné la campagne. Le 10 mai, les parlementaires catholiques quittent Rouen. Le 18 septembre, la population demande son aide au comte de Montgommery, chef militaire des protestants en Normandie. Celui-ci fortifie et protège la ville avant l’arrivée de l’avant-garde royale, le 29.

Après avoir subi des pertes considérables, les catholiques s’emparent des redoutes du mont Sainte-Catherine qui domine la ville. Les deux camps utilisaient la terreur. Des messagers rouennais demandent alors l’aide de la reine d’Angleterre. Les Anglais envoient, en vertu du traité d’Hampton Court signé le 20 septembre 1562 avec Condé, des troupes pour soutenir les protestants et occupent Le Havre. Le 26 octobre 1562, les troupes royales, en présence de Charles IX et de Catherine de Médicis, prennent Rouen et pillent la ville pendant trois jours.

La nouvelle du massacre de la Saint-Barthélemy est parvenue à Rouen fin août 1572 : Hennequier a essayé d’éviter le massacre aux protestants en les enfermant. Mais, entre le 17 et le 20 septembre, la foule a forcé les portes des prisons et égorgé les protestants qui s’y trouvaient. La ville a été plusieurs fois assaillie par Henri IV mais a résisté, notamment lors du siège de décembre 1591 à mai 1592, avec l’aide de l’armée espagnole du duc de Parme.

L’échiquier permanent de Normandie, installé à Rouen en 1499 par Georges d’Amboise, a été transformé en parlement par François Ier en 1515 et a été, jusqu’à la Révolution française, le lieu de pouvoir de la province. Il avait des compétences judiciaires, législatives et exécutives sur les affaires  normandes, n’ayant au-dessus de lui que le Conseil du Roi. Il avait également compétence sur la gestion du Canada français.

Les XVIe et XVIIe siècles sont prospères avec le commerce du textile et l’activité du port. Rouen demeure la deuxième ville la plus peuplée du royaume et compte environ 75 000 habitants, mais à partir du milieu du XVIIIe siècle, sa population stagne et la ville perd progressivement de son dynamisme.

Les oratoriens ont construit une église à partir de 1659, à la place de l’église Sainte-Barbe qu’ils occupaient. Charles de La Fosse a préparé pour cette église un décor constitué d’un ensemble de cinq tableaux relatant l’enseignement du Christ. Le musée des Beaux-Arts de Rouen en conserve une esquisse Jésus parmi les docteurs (vers 1707). Quelques vestiges de l’église sont restés visibles jusqu’au milieu du XXe siècle au revers d’un immeuble de la rue de l’Hôpital.

En 1703 est créée la Chambre de commerce de Normandie.

Bien que dépourvue d’université, Rouen a eu un fort rayonnement intellectuel avec des écoles renommées. En 1734, une école de chirurgie, la deuxième de France après Paris (1724), a été fondée. En 1758 a ouvert le nouvel Hôtel-Dieu à l’ouest de la ville, qui remplace l’ancien situé au sud de la cathédrale, devenu trop petit.

À partir de 1767 et pendant une vingtaine d’années, sous l’impulsion d’un intendant dynamique, Louis Thiroux de Crosne, la périphérie de la ville subit des transformations importantes : comblement des fossés, arasement des bastions d’entrée des murailles remplacés par des grilles, création d’un boulevard extérieur planté d’arbres, édification de casernes et création d’une place d’armes : le Champ de Mars.

Ville très modérée pendant la Révolution, Rouen est considérée comme fidèle au régime monarchique.

À l’été 1792, alors que la royauté vit ses dernières semaines, un certain nombre de ministres fidèles au régime, dont Molleville, Malouët et La Porte, investissent Rouen et y mettent en place toutes les structures nécessaires pour accueillir Louis XVI qui, éloigné de Paris et de l’Assemblée nationale, aurait pu restaurer son pouvoir et organiser un véritable gouvernement contre-révolutionnaire. Mais Louis XVI, éternel indécis, préférera rester à Paris sous l’influence de l’Assemblée, anéantissant ainsi les dernières chances qu’il avait de briser la Révolution. Le drapeau rouge arboré à la Commune y fut remplacé par le drapeau blanc le 6 septembre 1792 bien que la suppression de la taxe du pain amenât un conflit où plusieurs personnes furent tuées. Le 12 janvier 1793 fut signée sur la place de la Rougemare une pétition pour que le sort de Louis XVI fût l’objet d’un appel à la Nation : une rixe étant survenue, les cocardes tricolores furent arrachées, et l’arbre de la liberté scié et brûlé. La pétition destinée à la Convention, au sujet de la condamnation de Louis XVI, ne fut signée le 20 février que du maire et du greffier.

La réaction en faveur de l’ordre se manifesta le 1er janvier 1795 : la statue de Marat et le bonnet rouge furent renversés et jetés à la Seine : le 21, le représentant Duport fit mettre en liberté un grand nombre de religieuses. En février, Gratien, l’évêque constitutionnel des Côtes-de-la-Manche (nom imposé par le schisme au diocèse de Rouen), rentra à la Cathédrale. Le 9 mars, le conseil de la commune déclara qu’aucun culte ne serait troublé et, dès la fin du même mois, on rouvrit quelques églises.

En 1813, l’impératrice Marie-Louise posa solennellement la première pierre du pont de pierre (actuel pont Corneille).

L’hiver de 1829-1830 est très rigoureux ; la Seine resta gelée quatre mois. La pandémie de choléra de 1832 fit à Rouen de grands ravages.

Pendant la monarchie de Juillet, le 12 mars 1838, le compositeur Frédéric Chopin donne à Rouen un concert public sous la direction de son compatriote Antoine Orlowski. Rouen compte ainsi parmi les très rares cités où Chopin s’est produit dans un cadre « officiel ».

Symbolisée par une statue signée Jean-Pierre Cortot installée en 1838, Rouen fait partie des huit plus grandes villes françaises représentées par des statues sur la place de la Concorde à Paris.

Lors de la Révolution de 1848, Rouen est partiellement insurgée : en témoigne l’incendie du pont aux Anglais. Les troupes déployées sont d’abord menées par le général de Castellane. Les barricades, dressées dans la rue Saint-Julien ainsi que dans le quartier Martainville par les émeutiers, sont réprimées par l’usage de canons sous les ordres du général Ordener à partir du 2 avril 1848. Le Rouennais Charles Cord’homme en dresse plus tard son souvenir.

Pendant la guerre de 1870, le lundi 5 décembre, l’armée prussienne entra à Rouen, sous les ordres du comte de Manteuffel ; ils furent remplacés par le XIIIe corps d’armée du grand-duc de Mecklembourg-Schwerin. Rouen est alors occupée par les Prussiens, qui se composaient, au 9 janvier 1871, de 16 bataillons et 16 escadrons sous le commandement du général Ferdinand von Bentheim. Rouen a été l’une des rares villes de province qui aient conservé sa garde nationale jusqu’en 1871. Les troupes d’occupation ne quittèrent la ville que le 22 juillet.

Au mois de mai 1885, sur le quai Cavelier-de-La-Salle a lieu  l’embarquement, sur le bâtiment de transport militaire Isère commandé par Gabriel Lespinasse de Saune, des caisses contenant les pièces de la statue de la Liberté. Le 20 mai, le navire quitte le port à destination de New York. Il est salué par le maire Louis Ricard.

En 1896, Rouen accueille l’Exposition nationale et coloniale. L’exposition a lieu entre le Champ-de-Mars et la côte Sainte-Catherine. Elle est inaugurée le 16 mai 1896 en présence des ministres Henry Boucher et André Lebon, du général Giovanninelli, du préfet Hendlé et de l’adjoint au maire Marcel Cartier. Le président de la République, Félix Faure, fait l’honneur aux exposants d’une visite officielle en s’y rendant les 14 et 15 août.

L’une des principales attractions de l’exposition était le « village nègre », installé sur le Champ-de-Mars. «Tout ce monde de races si diverses et de pays si lointains se trouve réuni autour d’un petit lac sur lequel flottent des pirogues faites d’un seul tronc d’arbre et où, tout le jour durant, la multitude des négrillons plonge à la recherche des “petits sous” que leur jettent les visiteurs. » Le public et la presse sont fascinés et 600 000 visiteurs s’y précipitent.

Le sculpteur et médailleur Oscar Roty frappe une médaille commémorant l’événement qui fit honneur à la cité normande.

Lors de la Première Guerre mondiale, Rouen a servi de base à l’armée britannique. Le 2 août 1914, les gens y attendent la mobilisation générale. En effet, une dépêche est affichée à la porte de la recette principale des postes, rue Jeanne-d’Arc. « La nouvelle de la mobilisation générale a été apprise à Rouen à quatre heures, elle se répand en ville avec une rapidité incroyable. Partout elle est accueillie avec le même calme, le même sang-froid. C’est admirable et réconfortant au plus haut point. » L’ordre de mobilisation est lancé presque à la même minute dans tout le département, il est porté à la connaissance des populations grâce aux cloches et aux tambours. Le Journal de Rouen note qu’au Petit-Quevilly : « Les affiches de mobilisation ont vivement impressionné la population ouvrière ». La compagnie des tramways assure le transport gratuit des mobilisés.

La mairie de Rouen met en place des mesures de recensement pour les jeunes nés en 1895 ; c’est la « formation des classes de 1915 ». Les inscriptions se feront en mairie en personne, sauf cas de maladie ou d’absence, auquel cas les déclarations seront faites par leurs représentants. Les hommes appartenant aux classes antérieures par leur âge et qui ne se sont pas inscrits doivent également demander leur inscription. Dans le cas contraire, ils seront annotés comme devant être incorporés dans les troupes coloniales et pourront ensuite être envoyés aux colonies. À ce moment, tous les employés des tramways et des trains sont remplacés par des femmes.

De nombreux Belges se réfugient à Rouen pour échapper aux Allemands. Un comité central des réfugiés est créé afin de récolter des dons : chaussons, chaussures, pour hommes, femmes et enfants. La mairie de Rouen a décidé d’attribuer le nom de boulevard des Belges au boulevard Cauchoise, afin de leur rendre hommage. Beaucoup de jeunes Belges cherchent du travail en ville et passent des annonces dans le Journal de Rouen.

Le Journal de Rouen note également que les familles des soldats rouennais envoient beaucoup de paquets aux militaires au front. Le Journal de Rouen du 31 janvier 1915 note des difficultés de ravitaillement des grands magasins en raison de la guerre. C’est ainsi que les ventes et les journées « vente de blanc » ont été bloquées et que certains magasins souffrent de pénurie (en particulier le Sans Pareil). En juillet 1916, et particulièrement le 14, on note une série de manifestations en soutien aux blessés soignés par la Société française de secours aux blessés militaires, des concerts militaires à Dieppe, ou encore une manifestation patriotique au Grand-Quevilly. Le maire demande à ses habitants de « pavoiser leurs maisons » et d’assister à la manifestation de l’Association des anciens combattants à l’occasion de la Fête nationale.

En 1916, Rouen est le 1er port de France et son trafic atteint 9 millions de tonnes par an, l’objectif est de 14 millions de tonnes pour 1930.

Le Journal de Rouen du 6 mars 1917 annonce un symbole de mémoire et d’espoir : le timbre postal du « tricot du soldat » a pour but de créer des ressources nouvelles. Il représente un poilu casque en tête dans la tranchée, tendant les mains pour recevoir un paquet ; derrière lui se trouve une silhouette de la ville de Rouen. Le timbre porte l’inscription  patriotique : « Tricot du soldat, Rouen-1914 jusqu’à la Victoire. Secourez les combattants. » Ce timbre est utilisé pour affranchir les lettres destinées au personnel sur le front ; ainsi les soldats comprennent qu’à l’arrière on ne les oublie pas.

Le 11 juillet 1917, la reine consort du Royaume-Uni Mary de Teck entreprend une visite à Rouen. Le Journal de Rouen du 17 juillet établit le compte-rendu de cette même visite durant laquelle la reine et le prince de Galles, futur Édouard VIII, effectuent un parcours en automobile dans le centre de Rouen : « Le public, très nombreux sur le parcours, a respectueusement salué, applaudi et acclamé la reine. […] Elle y a visité un hôpital australien, les salles militaires de l’Hôtel-Dieu, l’institut belge de Bonsecours pour la fabrication des membres artificiels. Ensuite, elle a visité les établissements anglais et installations de la rive gauche, des hôpitaux au Madrillet, puis s’est rendue à l’hôpital de la Croix-Rouge. […] La reine a employé la journée du jeudi à visiter les ruines de Jumièges et Saint-Wandrille ; elle est allée au Havre. La dernière journée du séjour de la souveraine anglaise dans notre région a été consacrée par elle à la visite du mémorial de Jeanne d’Arc, place du Vieux-Marché […] ».

L’armistice est signé le 11 novembre 1918. Le Journal de Rouen du 12 novembre relate ainsi cet évènement : « L’armistice, c’est la paix, mais il faut la réaliser. » Les Rouennais se réjouissent ; le journal décrit les manifestations d’enthousiasme, un concert organisé ainsi que des concours de musique.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, après avoir été héroïquement défendue par le 5e groupe franc motorisé de cavalerie (GFC), Rouen est occupée par l’armée allemande du 9 juin 1940 au 30 août 1944. Le dimanche 9 juin 1940, au 11 rue de Bihorel, les Allemands massacrent à la mitrailleuse des civils et des soldats noirs ou algériens. Par la suite, 121 hommes d’origine africaine sont assassinés, et enterrés à l’emplacement actuel du Musée de l’éducation.

En début de matinée, le corps blindé allemand du général Hermann Hoth, avec les 5e et 7e divisions de Panzer de Lemelsen et de Rommel, amorçant une double manœuvre de débordement de Paris, arrive à Rouen. Ce secteur défensif appuyé sur la Seine, de plus d’une centaine de kilomètres entre l’embouchure du fleuve et Vernon, avait été constitué à la hâte le 28 mai aux ordres du général Duffour, commandant la 3e Région militaire, la défense de la ville de Rouen proprement dite et de ses quatre ponts étant sous la responsabilité du général Lallemand. Sur la rive droite de Rouen, des barricades sont établies devant chaque pont, et elles sont couvertes par le feu des armes présentes. Au pied du pont Corneille, les troupes sont disparates. Toutes celles descendant du plateau de Bonsecours se trouvent postées à Rouen par le coordonnateur de la défense de Rouen, le  commandant Lalande, de l’état-major du général Duffour. Au pied du pont Corneille donc, on trouve une quantité d’hommes appartenant à des unités différentes : 31e régiment régional, un peloton antichars de cavalerie qui vient de prendre à partie les blindés de Rommel à Boos, un char Somua S35, deux chars FT de 1918, le 5e GFC avec deux automitrailleuses de découverte, des groupes de gardes mobiles des 1re et 3e Légions de Garde républicaine mobile, des sapeurs du 3e Génie qui doivent faire exploser le pont. Après un combat avec les Panzer qui descendent la rue de la République, le tablier sud du pont Corneille saute, bientôt suivi par le tablier nord. Devant le pont, on recueille de nombreux cadavres ; on ignore le nombre des victimes projetées dans la Seine en raison du souffle de l’explosion. L’adjudant Louis Cartron, qui est aussi le grand-père du général Jullien, figure parmi les défenseurs tués à l’ennemi.

En ce début de conflit, Rouen subit un important incendie qui détruit tout le quartier ancien entre la cathédrale et la Seine. Les Allemands laissent brûler le quartier, et empêchent les pompiers d’intervenir.

De violents bombardements entre 1942 et 1944 visent notamment les ponts sur la Seine et la gare de triage de Sotteville-lès-Rouen.

Les deux bombardements ayant fait le plus de victimes et de dégâts ont été celui du 19 avril 1944 par la Royal Air Force, qui fit 816 morts et 20 000 sinistrés dans la ville et endommagea fortement la cathédrale et le Palais de justice, puis celui de la « semaine rouge », mené par les Américains du 30 mai au 5 juin 1944 et au cours duquel une partie de la cathédrale et son quartier sud ont à nouveau brûlé.

Le 30 août 1944, les Allemands battent en retraite et les Canadiens de la 3e Division d’infanterie libèrent la ville.

Dans le cadre général de la persécution des Juifs sous l’occupation nazie et le régime de Vichy, le cas de Rouen est une tragique exception. Alors qu’environ 75% des Juifs de France ont été sauvés (généralement par des Français), « la quasi totalité des Juifs restés à Rouen pendant la seconde guerre mondiale [ont] été déportés et assassinés », écrit l’historienne rouennaise Françoise Bottois.

Ce fait s’explique par une conjonction de facteurs. Tout d’abord, Rouen prend rapidement un caractère stratégique pour les Allemands. C’est un port fluvial important, proche de la zone côtière, et la présence de l’occupant y est particulièrement dense. Rouen est le siège de nombreuses administrations allemandes : le Militärbefehlshaber West (Commandement militaire pour l’Ouest), le Sipo-Sd (la Gestapo, installée 9 rue du Donjon), la Feldkommandantur (à la mairie de Rouen), la Feldgendarmerie (Police militaire, installée au commissariat central) et d’autres encore. Dans leur délire idéologique, les nazis se croient tenus d’éliminer les Juifs de la région, compte tenu du « danger » qu’ils représentent,

Le second facteur, c’est l’étonnante « bonne volonté » des autorités françaises pour appliquer avec zèle les mesures prises contre les Juifs par les autorités d’occupation ou par le régime de Pétain. Les Préfets régionaux René Bouffet, auquel succède André Parmentier sont deux antisémites notoires, proches du PPF, qui ne montreront jamais la moindre hésitation dans l’application des décisions les plus humiliantes et les plus cruelles, à l’encontre de personnes qui n’ont pas transgressé la loi.

Enfin, la présence à Rouen d’une antenne de la Police aux questions juives, tenue par des antisémites acharnés (et par ailleurs corrompus) jouera également un rôle important.

Il faut inversement souligner le courage du maire (désigné par les Allemands en juin 1940), Maurice Poissant, qui aura fait ce qu’il pouvait pour protéger ses administrés juifs ou non, notamment au moment des rafles de 1942.

Dès le 2 octobre 1940, les Juifs font l’objet d’un premier recensement. Le 3, ils sont exclus de la fonction publique. Le 16, ils doivent faire apposer un timbre portant l’inscription « JUIF » à l’encre rouge. Le 31, les commerces doivent afficher un panneau avec la mention « Jüdisches Geschäft – Magasin juif ». L’imprimeur Pierre-René Wolf, dont le commerce est situé rue de la Pie, refuse d’appliquer cette mesure. Il expose dans sa vitrine les décorations militaires de sa famille, dont sa propre croix de guerre 1914-1918.

Le 29 mars 1941 est institué le Commissariat général aux questions juives, confié à Xavier Vallat. Une police aux questions juives (PQJ) est créée le 19 octobre. Elle ouvre une antenne régionale à Rouen, au 1 rue de Fontenelle, confiée à André Coulon, un ancien membre des Croix-de-Feu. Son rôle est de traquer les Juifs qui ne se conformeraient pas à la loi, mais aussi d’ « aryaniser » les entreprises juives. Ces « policiers » se montrent tellement corrompus que la PQJ est supprimée en juillet 1942, et remplacée par la « section d’enquête et de contrôle » (SEC), qui ne se comportera guère mieux.

En juin 1941, les Allemands organisent des rafles de militants communistes, mais des Juifs russes sont également arrêtés.

Les rafles se succèdent en 1942, notamment à la suite des actions de la résistance. On arrête les supposés « criminels judéo-bolcheviques ».

Dans la nuit du 6 au 7 mai, 77 Juifs, en majorité français, sont arrêtés, emprisonnés à la prison Bonne nouvelle, et transférés le 12 mai à Drancy. 56 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Seuls quatre étaient en vie à la libération du camp.

Après cette rafle, les Juifs sont systématiquement traqués.

Une nouvelle rafle a lieu les 9 et 10 octobre. Ses résultats sont modestes et les policiers semblent avoir des difficultés à localiser certains Juifs.

Il faut dire qu’à l’été, l’obligation du port de l’étoile jaune et les rafles dont beaucoup de Français ont été témoins, ont suscité des réactions de réserve, et même de franche indignation dans la population. L’intervention des églises catholique et protestante, ainsi que de certains diplomates étrangers a rendu les opérations des nazis et de la police plus difficiles et moins « fructueuses ». Les Juifs eux-mêmes utilisent désormais des stratagèmes variés pour échapper à l’arrestation.

Néanmoins, 44 Juifs, adultes et enfants sont envoyés à Drancy le 15 octobre, accompagnés par un détachement de gendarmes français.

Une nouvelle rafle aura lieu du 15 au 17 janvier 1943. L’ordre vient du capitaine SS Röthke, et a pour but de « liquider le département de ses Juifs ». À nouveau, c’est la police française, sous l’autorité du préfet Parmentier, qui est chargée de l’exécution. 56 Juifs, raflés dans tout le département sont transportés à Drancy le 18 janvier. En tout, 222 personnes sont internées, puis envoyées à Auschwitz dans différents convois. Denise Holstein, qui a laissé un témoignage poignant de son expérience, et Georges Erdelyi seront les seuls survivants.

Linda Ganon, née Alalouf, est de nationalité turque. Elle a 43 ans lors de la rafle de janvier 1943. Lorsque les policiers arrivent, elle simule une fausse couche, et demande à être hospitalisée avec ses deux filles, Paulette et Gaby. À la maternité de l’hospice général, elle est examinée par le chef du service, le docteur Georges Lauret, à qui elle dit la vérité, et qui accepte de la garder. Il diagnostique une maladie mystérieuse, malgré la présence d’un médecin allemand.

Linda Ganon et ses filles resteront à l’hospice jusqu’à la libération. Georges Lauret recevra le titre de « juste parmi les nations » en 2004, à titre posthume. On doit constater que son comportement est apparemment resté sans exemple à Rouen.

En 1940, 365 Juifs sont officiellement recensés à Rouen. Le 6 janvier 1943, ils ne sont plus que 264. À la Libération, 209 manquent à l’appel, soit 79 %, une proportion incomparable au chiffre de 24,4 % proposé par Raul Hilberg pour la communauté juive française.

Deux plaques commémoratives sont fixées au murs de la cour intérieure de la synagogue de Rouen. Mais pour l’instant (août 2022), aucun monument ne rappelle le martyre des Juifs de Rouen, qui avaient fait confiance à la France pour les protéger des persécutions dont ils étaient victimes. Des Stolpersteine ont été posées entre 2020 et 2022.

Après la guerre, le centre-ville a été reconstruit selon le plan Gréber et sous la direction de Jean Démaret126, François Herr et Jean Fontaine.

Du 4 avril 1968 à sa mort en 1993, le centriste Jean Lecanuet occupe le fauteuil de maire de Rouen. Il marque profondément son époque en dotant la ville d’un réseau de tramway, inauguré peu après sa mort. Il contribue à la singularité de la capitale haut-normande en faisant d’elle la première ville de France pourvue d’une voie exclusivement piétonne en 1971.

La ville connaît une effervescence durant les événements de Mai 1968. Plusieurs mois auparavant, dès le 12 janvier 1967, vingt militants du mouvement nationaliste Occident, venus de Paris, attaquent les comités Viêt Nam devant le restaurant universitaire du Panorama à la Cité universitaire de Mont-Saint-Aignan. Un militant de gauche, Serge Bolloch, est frappé à coups de clé anglaise, puis laissé dans le coma. Il deviendra journaliste au Monde puis directeur adjoint de cette rédaction en 2007. Quelques mois plus tard, Gérard Longuet, Alain Madelin et Patrick Devedjian et dix autres militants d’Occident sont condamnés pour « violence et voies de fait avec armes et préméditation ». La même année, une manifestation contre la Réforme Fouchet des universités rassemble 2 000 personnes au lieu des 300 espérées et la pièce d’Armand Gatti, V comme Vietnam rencontre un certain succès à l’issue de sa représentation au centre culturel Voltaire de Déville-lès-Rouen. Une manifestation de 3 000 personnes a lieu dès le 7 mai suivant. Quatre jeunes ayant tenté de rejoindre la Nuit des barricades de Mai 68 l’évoquent dans un amphi bondé le lendemain tandis que plus de 30 000 personnes défilent à Rouen le 13 mai. Un comité de grève est ensuite élu en assemblée générale : ses membres sont Gérard Filoche, Michel Labro, futur journaliste à L’Express et au Nouvel Observateur, Jean-Marie Canu, ou encore Jean-Claude Laumonier, futur cadre infirmier au centre hospitalier du Rouvray.

En février 1977, après la prise de contrôle de Paris-Normandie par Robert Hersant, six journalistes démissionnaires ont fondé un nouvel  hebdomadaire, la Tribune, diffusé sur l’agglomération rouennaise et tiré à quinze mille exemplaires, comportant vingt-quatre pages dont seize en couleurs.

Le 26 septembre 2019, l’incendie de l’usine Lubrizol provoque un inquiétant nuage de pollution. Les répercussions et la gestion de cette crise font l’objet de controverses.

Source: Wikipédia.

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