Ville de Kaboul (Afghanistan).

Kaboul est la capitale et la plus grande ville d’Afghanistan. Elle est aussi la capitale de la province du même nom, située dans l’Est du pays. Selon les estimations officielles de 2014, la population de la ville serait de 3 543 700 habitants.


On connaît au moins trois récits légendaires se rapportant à la fondation de Kaboul. Le premier se rapporte à deux tribus vivant dans des zones marécageuses qui construisirent un pont (« poul ») sur des pierres jetées dans les marais et recouvertes de paille (« kâh ») pour ne pas blesser les sabots des chevaux, d’où kâh-poul, dont dériverait Kaboul. Le second se réfère à une fantaisie calligraphique persane sur les mots goul (« fleur ») et âb (« eau »), d’où g[âb]-oul d’où viendrait Kaboul. Le troisième récit fait toujours référence à un marais où l’eau s’accumulait. Un légendaire personnage du nom de Farhâd aurait ouvert à coups de hache un passage dans les montagnes en direction de l’Est, formant ainsi les gorges du Tang-e Ghâro (en) vers lesquelles les eaux se seraient écoulées, asséchant ainsi la plaine de Kaboul.

On peut également ranger au chapitre des légendes ce que rapporte Al-Biruni dans son Livre de l’Inde. Le grand physicien et mathématicien écrit en effet que les Hindous avaient des rois résidant à Kaboul, des Turcs que l’on disait d’origine tibétaine. Le premier d’entre eux, Barhatakîn, aurait vécu dans une grotte et aurait été par la suite reconnu comme roi, fondateur de la dynastie des Shâhiyas de Kaboul. En revanche, lorsque Al-Biruni évoque un « roi » du nom de « Kank », on peut reconnaître le nom du grand empereur kouchan, Kanishka, que l’on évoquera plus loin.

Du VIe siècle au IVe siècle av. J.-C., la région fait partie de l’Empire achéménide, puis elle passe sous la domination des Grecs d’Alexandre et de leurs descendants, Gréco-Bactriens et Indo-Grecs. La rivière Kaboul est alors connue sous le nom de Kophen ou Kophès, et la ville de Kaboul est désignée par Pline sous le nom d’Orthospanum, Ptolémée évoquant pour sa part Kabura et le pays des Kabolitae au sud des monts Paropamisus.

À partir du IIe siècle apr. J.-C., et peut-être jusqu’au début du IVe, Kaboul est intégrée dans l’immense empire kouchan, dont l’une des capitales, à une cinquantaine de kilomètres vers le nord, est Kapissa (aujourd’hui Begram), l’antique Alexandrie du Caucase fondée par Alexandre sans doute en -329. La découverte du « trésor de Begram » par Joseph Hackin dans les années 1930 montra qu’à l’époque des souverains kouchans Begram (et par conséquent Kaboul) étaient situés sur une voie majeure de communication entre l’Orient indien, la Chine et l’Occident romain, et que les interférences culturelles entre les différentes civilisations étaient nombreuses. De nombreuses pièces exposées au musée Guimet en témoignent.

Kaboul est ensuite incluse dans la mouvance de l’empire kouchano-sassanide au ive siècle, puis celui des Huns Hephtalites aux Ve et VIe siècles. Après la défaite des Hephtalites vers 563 en Transoxiane, le royaume — ou la principauté — de Kaboul sera l’une des dernières d’Asie centrale à passer sous la domination des Turcs. La dynastie des Turki-Châhis, dont le premier souverain aurait eu pour nom Barhâtegin selon Al-Birouni, s’installe à Kaboul du VIIe au IXe et celle des Hindou-Shâhis leur succédera pour une courte période à partir de 843. De 661 à 871, les « Kaboulshâhs », vaincus à deux reprises par les conquérants arabes, et contraints de payer tribut, parviendront cependant toujours à se débarrasser de leurs envahisseurs et à conserver leur autonomie. Dans ces combats, ils feront cause commune avec celui qui est sans doute leur parent, le « Zunbil » d’Ar-Rokhadj (l’Arachosie des Grecs, autrement dit la région de Kandahar au sens large).

Depuis l’ère kouchane, le bouddhisme fleurit dans tout l’actuel Afghanistan et alentour (de nombreux vestiges de temples et de monastères en  témoignent), avec une apparition de l’hindouisme peut-être au VIIe ou VIIIe siècle.

En 871, Ya`qûb ben Layth as-Saffâr, fondateur de la dynastie des Saffarides (867-1003), venu du Khorassan par Balkh, Bâmiyân qu’il ravage, investit Kaboul, d’où il chasse les Hindu-Shahis qui installeront leur capitale à Udabhândapura, l’actuel village de Hund sur la rive droite de l’Indus. L’islam s’impose dès lors progressivement aux populations des régions conquises. Le bouddhisme et l’hindouisme se maintiennent pourtant longtemps si l’on en croit le témoignage d’Ibn Hauqal, qui visite la région vers 967-96817. Il confirme en effet qu’Alptegin, maître de Kaboul depuis 962 (?), impose de lourdes taxes aux habitants à la fois au titre du kharâdj et de la djizîah, ce dernier impôt étant celui que paient les non musulmans. La cité, signale Ibn Hauqual, est dotée d’une puissante citadelle et elle  constitue une importante étape pour les caravanes circulant entre l’Inde, la Chine et le Moyen-Orient.

Kaboul fait dès lors partie de l’empire ghaznévide naissant, auquel se substituera celui des Ghorides durant la seconde moitié du xiie siècle. La prospérité de la cité ne survit pas aux invasions de Gengis Khan. Comme tant d’autres, elle est ravagée en 1220-1221 par les Mongols. Elle aura du mal à s’en relever.

Vers 1333, Ibn Batoutah, après avoir franchi l’Hindou-Kouch dans des conditions difficiles en raison du froid et de la neige, découvre Kaboul avec étonnement : « C’était jadis une ville considérable ; mais ce n’est plus qu’un village, habité par une tribu de Persans appelée Afghans. Ils occupent des montagnes et des défilés et jouissent d’une puissance considérable. La plupart sont des brigands. Leur principale montagne s’appelle Kouh Soleiman ».

En 1397, Tamerlan, nomme son petit-fils, Pîr Mohammed, fils de Djahângîr, gouverneur de Kaboul avec pour mission de préparer l’invasion de l’Inde. On peut supposer que la cité, en raison de son importance stratégique sur la route vers l’est, retrouve un peu de sa prospérité passée. À la mort de Tamerlan en 1405, Pîr Mohammed, héritier désigné, n’est reconnu par aucun des prétendants à l’Empire. Il est assassiné l’année suivante, et Kaboul est incluse dans l’Empire du fastueux Châh Rokh (1377-1447), dernier fils de Tamerlan, qui fera de Hérat une capitale dont le lustre rayonne dans tout l’Orient musulman. On ne sait rien de l’histoire de Kaboul dans le demi-siècle qui suit.

C’est en 1504 que Bâbour (1483-1530), descendant de Gengis Khan et de Tamerlan, chassé de Samarkand et du Ferghana par un rival, s’empare de la cité à la tête de quelques troupes. Il en fera la base de départ pour ses futures conquêtes en Inde.

Ce fondateur de la puissante dynastie des Grands Moghols de Delhi devait rester attaché à Kaboul, qu’il s’attarde à décrire dans ses mémoires, le Bâbur Nâmeh20. Il se plaît à signaler que Kaboul redevient une place commerciale de première importance : « Les marchands y font autant de bénéfices que s’ils allaient en Chine ou dans le pays de Roûm. Il arrive chaque année à Kaboul sept, huit ou dix mille chevaux et, venant de l’Inde, dix à vingt mille caravaniers (…) On peut trouver à Kaboul des produits du Khorâssân, de Roûm, d’Iraq et de Chine ; c’est le véritable emporium de l’Inde ».

Avec Delhi, Kaboul était l’autre capitale de l’empire de Bâbour. Il s’y plaisait, vantant sa situation (« De Kaboul, on peut aller en une journée dans des endroits où jamais il ne neige, tandis qu’à deux heures  astronomiques de distance se trouvent des lieux où la neige ne fond jamais »), ses fruits et aussi ses vins… Ou bien il compose des distiques. L’un d’eux débute ainsi : « Avec sa verdure et ses fleurs, Kaboul au printemps est un vrai paradis ».

C’est à Kaboul que Bâbour a souhaité être inhumé. Sa tombe, récemment restaurée, notamment grâce à la fondation de l’Agha Khan, se situe au centre d’un de ces jardins que l’empereur moghol avait créés à Kaboul.

Si le fils de Bâbour, Homâyoun, lui succède normalement, il sera dépossédé en 1540 de sa capitale Delhi par les Pachtouns du clan des Sûris. De 1545 à 1555, date à laquelle il retrouve Delhi, la capitale d’Homâyoun demeure Kaboul23. Il meurt l’année suivante. La dynastie moghole se maintiendra en Inde, mais, en 1598, les Perses safavides s’assurent le contrôle de l’Afghanistan oriental avec Kaboul. S’ouvre alors une période très confuse de luttes entre les Ouzbeks, les Perses et les Moghols, tandis que les Pachtouns demeurent autonomes dans les zones qu’ils habitent. En 1699-1700, Kaboul est sous l’autorité d’un gouverneur moghol mais Kandahar est aux mains des Safavides.

Le chef de la tribu pachtoune des Ghilzaîs, Mir Wais (mort en 1715), d’abord rallié aux Safavides, va les défier. Il s’ensuit une série d’affrontements, notamment pour le contrôle de Kandahar. Dans un contexte d’une rare complexité, avec une série de trahisons et de retournements d’alliances, le monarque persan Nâdir Châh, qui a rallié à sa bannière la tribu pachtoune des Abdalis, rivale des Ghilzaïs, investit Kandahar et Kaboul en 1738, puis se lance à la conquête de l’Inde. En 1739, il enlève Lahore puis Delhi, qui sont pillées. À Delhi, ses troupes se livrent à un véritable carnage en représailles du meurtre de quelques combattants pachtouns.

Après l’assassinat de Nâdir Châh en 1747, les Abdalis abandonnent son camp. Un de leurs jeunes chefs, Ahmad Shâh est élu chef du clan lors d’une loyah djirgah tenue à Kandahar. Il va conquérir le Khorassan, puis l’Inde, investissant Delhi en 1757, sans toutefois déposer les derniers empereurs moghols dont il fait ses marionnettes. Il conduira plusieurs campagnes en Inde, contre les Sikhs et les Marathes, et ses troupes en rapporteront de considérables butins. Ahmad Châh Abdali (surnommé Dour-e Durrân, « la perle des perles »), meurt en 1772. Son fils Timour Châh lui succède.

Depuis Hérat, il se dirige aussitôt vers Kandahar, où son frère, Soleiman Mirza (en), héritier désigné, a été proclamé émir à l’instigation de Châh Wâli, vizir et gendre d’Ahmad Châh. Soleiman et ses partisans font leur soumission à Timour. Celui-ci fait aussitôt exécuter l’ancien vizir et sa famille, et ordonne que l’on enferme Soleiman et ses autres frères au Bâlâ Hissar de Kaboul. Par mesure de prudence, Timour transfère en 1775 sa capitale de Kandahar à Kaboul, où il se sent plus en sûreté.

À la mort de Timour Châh, en 1793, son cinquième fils, Zaman Châh, lui succède, mais l’histoire de ce qui n’est pas encore l’Afghanistan, que l’on désignera encore longtemps sous le nom de « royaume de Kaboul » (qui inclut la région de Pechâwar et une partie de l’actuelle Khyber Pakhtunkhwa du Pakistan), va être nourrie des rivalités avec ses frères et parents. Ce n’est qu’une incessante série de guerres civiles durant lesquelles Kaboul, Ghazni, Kandahar changent régulièrement de maîtres, tandis que l’Angleterre, qui consolide sa mainmise sur l’Inde, s’inquiète à la fois de cette situation  instable aux frontières de son empire et des visées perses et russes sur l’Afghanistan en pleine anarchie.

L’histoire du royaume de Kaboul va se confondre avec celle de sa capitale jusqu’en 1880.

Le gouvernement de l’Inde choisit un de ses officiers de renseignement (« Political Officer ») Alexander Burnes, qui parle couramment dari et ourdou, avec probablement de très solides notions de pachtou, pour aller enquêter sur la situation politique à Kaboul. Accompagné d’une équipe modeste, il y séjournera à plusieurs reprises entre 1836 et 1838. Cette mission prélude à l’invasion de l’Afghanistan par les Anglais, qui ont décidé, contrairement à l’avis de Burnes, de déposer l’émir Dost Mohammed, qui leur est hostile, et réinstaller sur le trône de Kaboul l’émir déchu Châh Choudja, jugé plus conciliant. Les Anglais entrent dans Kaboul en août 1839 après avoir défait les troupes de Dost Mohammed. Châh Choudja s’installe dans le palais inclus dans le périmètre de la forteresse de Bâlâ Hissar.

La situation est mal acceptée par la population, qui ne supporte pas l’occupation étrangère. Une révolte éclate, menée par Wazir Akbar Khan, fils de Dost Mohammed. Burnes, nommé représentant officiel du  gouvernement britannique courant 1841, est massacré le 2 novembre 1841 avec les membres de sa mission. Châh Choudja est assassiné peu après.

Les Anglais évacuent Kaboul en janvier 1842, en une colonne comprenant 16 500 personnes (dont 4 500 soldats et 12 000 auxiliaires, membres de leurs familles et domestiques), commandée par le major-général William Elphinstone, mais qui est anéantie dans une embuscade, dans la région de Djalalabad, à Gandamak : tous ou presque sont tués. Seul le docteur William Brydon réussit à fuir le champ de bataille.

Les Anglais entendent bien venger cette humiliation, cette catastrophe, et deux corps d’armées britanniques entrent en Afghanistan par des voies différentes durant l’été 1842, atteignent Kaboul en septembre, et libèrent en différents endroits les prisonniers faits en janvier.

En représailles du carnage, le général Pollock, commandant les détachements britanniques, ordonne l’incendie du bazar de Kaboul (après qu’Istalif et Charikar, au nord de la ville, ont subi un sort identique)

Les deux corps d’armée quittent alors l’Afghanistan et l’émir Dost Mohammed retrouve Kaboul, où il va régner sans partage jusqu’à sa mort en 1863.

L’anarchie s’installe alors à nouveau, car trois fils de Dost Mohammed se disputent sa succession : une guerre civile fait rage pendant six ans, tandis que les Russes avancent dans la Transoxiane et que les Perses menacent Hérat.

Les Anglais ont alors deux choix : soit annexer la partie orientale de l’Afghanistan (ou plutôt le royaume de Kaboul et la province de Kandahar), soit favoriser l’émergence d’un État afghan indépendant. Au terme de valses hésitation et de négociations difficiles entre les nombreux protagonistes, les Anglais obtiennent de l’émir de Kaboul (à cette époque Yakoub Khan, qui a évincé son père Sher Ali, fils de Dost Mohammed) l’accréditation d’une mission diplomatique permanente à Kaboul pour contrebalancer l’influence russe qui se fait de plus en plus pressante. Les Anglais lui imposent en outre le traité de Gandomak, signé le 28 mai 1879, qui place les relations extérieures du futur État afghan sous la tutelle britannique, en échange de quoi l’émir percevra une « pension » confortable. De plus, il sera libre d’imposer son autorité dans les limites du territoire qui lui aura été reconnu après délimitation des frontières, et qui s’appellera officiellement l’Afghanistan.

L’histoire se répète : le chef de la mission britannique, le major Cavagnari  s’installe à Kaboul en juillet 1879, mais en septembre il est assassiné par des soldats afghans.

Les troupes anglaises, commandées par l’énergique général Frederick Roberts, entrent alors en Afghanistan et investissent Kaboul le 12 octobre. Yakoub s’enfuit. Les Britanniques, qui font face à des mouvements populaires dans la ville, décident d’imposer comme émir Abdur Rahman Khan, un autre petit-fils de Dost Mohammed, exilé à Boukhara. Abdur Rahman s’installe à Kaboul en 1880 après avoir reconnu les termes du traité de Gandomak.

Sur le chemin du retour, le 27 juillet 1880, une brigade anglaise de 2 500 hommes est surprise à Maïwand, près de Kandahar. Elle est exterminée par les troupes de Mohammed Ayoub Khan, cinquième fils de Sher Ali. Le gros des troupes britanniques, commandées par Roberts rejoint Ayoub Khan et lui inflige une sévère défaite le 1er septembre 1880 aux alentours de  Kandahar, l’obligeant à fuir.

Au début du XIXe siècle, Kaboul comptait à peu près 60 000 habitants, et on y voyait 80 mosquées, 14 ou 15 caravansérails, des bazars regorgeant de marchandises. Le déclin va pourtant être rapide à partir des années 1830 en raison des incessantes guerres civiles, de l’incendie du bazar en 1842, et des lourdes taxes imposées par les tribus pachtounes sur les voyageurs et sur le transport des marchandises. En 1880, le commerce était réduit à sa plus simple expression, la ville était sale, insalubre, boueuse durant les basses saisons, balayée par des vents de poussière au plus fort de l’été ; un seul pont permettait de franchir la rivière, les constructions étaient effectuées en torchis ou en briques séchées, et les charpentes étaient fragiles faute de bois en quantité suffisante. Quant aux productions artisanales, elles étaient de qualité médiocre.

Abdur Rahman entend changer cette situation. Il se révélera comme un grand bâtisseur (voir ci-dessous « Les monuments de Kaboul »). Il fait installer des fourneaux pour la fabrication de briques cuites afin de limiter le recours au torchis et à la boue séchée pour les constructions, encourage la fabrication de ciment. Il ordonne l’édification d’une nouvelle grande mosquée, de deux palais, fait aménager des rues, des caniveaux et des jardins. Dans le même temps qu’il recrute des médecins, un vétérinaire, un dentiste, tous anglais, ainsi que des auxiliaires de santé indiens (décisions qui suscitent la réprobation des mollahs qui pratiquent souvent une médecine « traditionnelle » généralement inopérante, voire dangereuse, mais rémunératrice), il décide la construction du premier hôpital à Kaboul, qui sera inauguré en 1895. Pour consolider son pouvoir, il n’oublie par de créer une école militaire et fait preuve d’une grande sollicitude envers ses troupes, dont il modernise les équipements. Il fait en outre construire, pour son usage personnel, un palais d’été entouré d’un vaste jardin sur une colline dominant Kaboul : ce sera le Bâgh-e Bâlâ (« le jardin d’en-haut ») meublé et décoré à la manière européenne37. C’est dans ce palais qu’il s’éteindra en 1901.

On estime alors que la population de Kaboul, avec 75 000 habitants, avait largement dépassé son niveau du début du XIXe siècle.

L’émir Habiboullah, qui succède à son père, va tenter de poursuivre son œuvre à Kaboul, notamment pour améliorer la santé publique. La ville demeure insalubre. Deux épidémies de choléra se déclarent en effet en 1903 et 1915. Des efforts sont effectués pour nettoyer les rues de la capitale, creuser des canaux de drainage des eaux stagnantes, pour moderniser l’hôpital, y attirer des praticiens étrangers compétents, vaincre les résistances populaires concernant les « nouvelles thérapies », familiariser les populations avec des règles élémentaires d’hygiène. Un aqueduc est construit pour amener dans la capitale les eaux des hauteurs de Paghman, à une dizaine de kilomètres de Kaboul.

Dans le domaine éducatif, le premier lycée (pour garçons) est créé en 1904 et portera le nom du souverain : le collège Habibiya. Son fonctionnement est assuré directement par la cassette personnelle de l’émir.

Dans le domaine économique, Habiboullah s’efforce également de développer l’industrie locale à Kaboul. Les ateliers gouvernementaux de Kaboul emploient 1 500 personnes pour le travail des métaux. Les différentes machines utilisées, dont un marteau-pilon à vapeur, travaillent essentiellement pour produire des fournitures militaires ; Habiboullah favorise également le développement de tanneries, de fabriques de textiles. Le manque de matières premières (bois, charbon, pétrole) handicape pourtant ces activités, qui emploieront pourtant environ 5 000 personnes à Kaboul à la fin du règne d’Amanoullah, avec des salaires de misère.

Parallèlement, l’émir s’efforce de faire construire des routes pour faciliter l’accès à Kaboul. La première ligne de téléphone, reliant Kaboul à Djelâlâbâd (la résidence d’hiver de l’émir), sera inaugurée en 1908.

Tous ces efforts sont encouragés par un esprit réformateur, Mahmoud Beg Tarzi, exilé par Abdur Rahman, qu’Habiboullah a rappelé auprès de lui. Tarzi met le journal qu’il a eu l’autorisation de créer en 1911, le Sirâdj al-Akhbâr (« la flamme éternelle » : سراج الاخبار), au service des idées nouvelles. Mais celles-ci ne sont diffusées que dans un cercle étroit dans la capitale, de la même façon que les effets de la politique moderniste prudente  d’Habiboullah restent limités à Kaboul et ne concernent pratiquement pas le reste de l’Afghanistan.

Nâdir Châh ne règne pas longtemps. Il est assassiné le 8 novembre 1933. Son jeune fils, Mohammed Zâher Châh, lui succède mais la réalité du pouvoir va être exercée par ses oncles paternels, Mohammed Hachem Khan (1933-1946), puis Châh Mahmoud (1946-1953), et enfin par le fils de ce dernier (de surcroît le beau-frère de Mohammed Zaher Châh), Mohammed Daoud Khan, Premier ministre de 1953 à 1963.

Sans doute des efforts avaient-ils été faits dans les années 1930 et 1940 pour transformer Kaboul, et placer la capitale au centre d’un réseau routier modernisé. Mais les véritables bouleversements vont intervenir avec le gouvernement de Daoud, qui y gagnera le surnom de « bâtisseur ». La date clef à cet égard est celle du 18 décembre 1955, quand l’URSS accorde à  l’Afghanistan un prêt de 100 millions de dollars afin de financer les investissements souhaités par Daoud. Sans atteindre le niveau du prêt soviétique, d’autres pays, dont les États-Unis, vont contribuer au développement des infrastructures et de l’économie afghane, non seulement à Kaboul et aux alentours, mais dans tout le pays à la faveur des plans quinquennaux qui vont se succéder. Ceux-ci sont largement élaborés et suivis avec l’aide des experts soviétiques ou des démocraties populaires d’Europe de l’Est.

En vingt ans, l’urbanisme de Kaboul se transforme considérablement. L’alimentation en électricité est désormais assurée, des avenues et des carrossables sont ouvertes, les liaisons téléphoniques sont améliorées ; des quartiers entiers vont surgir de terre, comme celui de Nadir Châh Mina, vaste ensemble de blocs d’appartements conçus sur le modèle soviétique, ou bien celui, très résidentiel, de Wazir Akbar Khan ; les édifices  administratifs flambant neufs se multiplient. Des écoles sont ouvertes pour accueillir des élèves toujours plus nombreux — y compris des filles. L’université de Kaboul se dote de facultés de plus en plus nombreuses.

L’activité économique est soutenue, les bazars sont animés, le petit commerce est alimenté par la noria des camions aux décorations multicolores qui sillonnent le pays grâce au réseau routier entièrement rénové (avec des ouvrages d’art, comme le célèbre tunnel du Salang, creusé sur 2,7 kilomètres, à 3 600 mètres d’altitude), qui facilite enfin les communications de la capitale avec le Nord du pays.

Il reste cependant beaucoup à faire pour améliorer l’assainissement, et surtout pour contrôler l’urbanisme sauvage dans certaines parties de Kaboul, où affluent sans cesse de nouvelles populations pauvres, notamment Hazaras. En s’entraidant, ils construisent des logements de fortune dépourvus du confort le plus élémentaire (pas d’électricité ni d’eau courante), tassés les uns sur les autres, où les ruelles étroites, encombrées de détritus, se transforment en fondrières à chaque pluie et lors du dégel…

La vie à Kaboul continue normalement après que Mohammed Daoud a été écarté du pouvoir et qu’une nouvelle constitution a été adoptée en 1964.

Dans la nuit du 16 au 17 juillet 1973, un coup d’État militaire a lieu pendant que le roi prend des vacances en Italie. La République est proclamée par Mohammed Daoud, qui devient le premier président du nouveau régime.

Daoud a pris le pouvoir avec le concours de nombreux officiers secrètement communistes. Il ne gouvernera que quatre ans. Le 27 avril 1978, un nouveau coup d’État a lieu, organisé par les communistes afghans qui ont largement infiltré l’armée. Daoud, sa famille et ses proches, au total une trentaine de personnes, sont massacrés dans l’enceinte de l’ancien palais royal (l’Arg). Le concours de l’aviation (ralliée aux communistes) a été déterminant pour venir à bout des troupes fidèles à Daoud.

Les tragédies vont s’enchaîner. Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1979 à 3 h du matin, dans le cadre l’opération Chtorm-333, deux divisions de l’armée de l’air soviétique atterrissent à Kaboul et à Shinband, dans l’ouest de l’Afghanistan. Au même moment des unités motorisées stationnées en Ouzbékistan franchissent la frontière. Deux jours plus tard, le président du Conseil révolutionnaire, Hafizullah Amin, est exécuté par les Spetsnaz et remplacé par son rival au sein du Parti communiste afghan, Babrak Karmal. Après le retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan en 1989, les communistes afghans se défendent seuls contre les moudjahidines. Après plusieurs années de conflit, le gouvernement de Nadjibullah tombe en 1992 durant laquelle l’Alliance du Nord prend le pouvoir et doit faire face à une nouvelle guerre civile entre factions rivales. L’État islamique d’Afghanistan est établi par l’accord de Peshawar, un accord de paix et de partage des pouvoirs par lequel tous les partis afghans s’unissent en avril 1992, hormis le parti Hezb-e-Islami Gulbuddin de Gulbuddin Hekmatyar. Gulbuddin Hekmatyar démarre une campagne de bombardement contre la capitale Kaboul qui marque le début de cette nouvelle phase de la guerre. En contraste direct avec la période soviétique, la campagne conserve un calme relatif pendant cette période tandis que les grandes villes comme Kaboul, Mazar-e Sharif et Kandahar subissent de violents combats.

Le 27 septembre 1996, les Talibans s’emparent de la capitale afghane et mettent en place l’Émirat islamique d’Afghanistan. Ils en sont chassés cinq ans plus tard par les États-Unis, avec la contribution militaire de l’Alliance du Nord et d’autres nations occidentales (Royaume-Uni, France, Canada, etc.), permettant l’instauration d’un gouvernement provisoire dirigé par Hamid Karzai à la suite des accords de Bonn de décembre 2001. Les talibans engagèrent alors une guérilla contre la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) qui regroupe les forces armées sous commandement de l’OTAN. Le 31 décembre 2014, l’OTAN met fin à son engagement en Afghanistan après treize ans de guerre et passe le relais aux Forces armées afghanes. Joe Biden annonce en 2021 le retrait des troupes américaines ; les talibans reprennent alors le contrôle du pays et Kaboul tombe le 15 août 2021.

Source : Wikipédia.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.