Ville de Delphes (Grèce).

Delphes (en grec ancien et grec moderne Δελφοί, Delphoí) est le site d’un sanctuaire panhellénique, situé au pied du mont Parnasse, en Phocide, où parle l’oracle d’Apollon à travers sa prophétesse, la Pythie qui était assise dans une salle du temple d’Apollon et parlait au nom du dieu. Elle répondait aux questions qui lui étaient posées ; ces réponses étaient aussitôt traduites en phrases par des prêtres. Delphes abrite également l’Omphalos ou « nombril du monde ». Investie d’une signification sacrée, le sanctuaire est, du vie au ive siècle av. J.-C., le véritable centre et le symbole de l’unité du monde grec. Les sanctuaires panhelléniques sont des complexes architecturaux extérieurs aux cités. Ils constituent les seuls lieux où tous les anciens Grecs, et certains barbares (Lydiens et Étrusques) prennent part à des célébrations religieuses communes.

Les ruines de Delphes ont été rendues au jour grâce aux fouilles de l’École française d’Athènes à partir de 1892 sous la direction de Théophile Homolle.


Le nom de Delphes (Δελφοί / Delphoí ) vient de δελφύς / delphús (« matrice, giron, creux, utérus ») qui a aussi donné les termes « cochon » ((δέλφος / délphos), « dauphin, cochon de mer » (δελφίς / delphís) : dans la poésie homérique, Apollon aurait pris la forme de cet animal pour attirer les marins crétois chargés d’instaurer son culte sur le site.

Delphes, carte maximum, Grèce.

Les traces les plus anciennes d’une occupation humaine dans la région de Delphes (dans une grotte du plateau du Parnasse) remontent au néolithique. Le philosophe péripatéticien Phanias d’Érèse dit qu’avant le règne du roi Gygès de Lydie, Apollon Pythien n’avait ni or, ni argent. Sur le site du sanctuaire, un village modeste fondé vers 1400 av. J.-C. existait : nommé Pythô (Πυθώ, οῦς (ἡ) il est abandonné entre 1100 av. J.-C. environ et 800 av. J.-C. Le sanctuaire se développe probablement à partir de cette date, avec l’apparition d’un premier autel et d’un premier temple, que la tradition delphique et la tradition antique placent sur une pente ; la fissure naturelle et les exhalaisons de vapeurs sur ce site « sont du domaine de la légende » et leur mention date d’une époque tardive. Il est sûr qu’aux VIe et Ve siècles av. J.-C., aux siècles de l’apogée delphique, rien de tel ne s’est jamais produit, et les études modernes de géomorphologie ont d’ailleurs démontré l’impossibilité de vapeurs dans le téménos du temple. C’est surtout entre le milieu du viiie siècle av. J.-C. et le milieu du VIIe siècle av. J.-C., qu’Apollon Pythien gagne une notoriété importante : il est le protecteur des entreprises coloniales effectuées durant cette période.

Le tremblement de terre de 373 av. J.-C., suivi de chutes de rochers du haut des Phédriades, causa la destruction du temple d’Apollon qui fut reconstruit en 370-330 av. J.-C. grâce à une collecte panhellénique : ce sont les ruines de ce temple inauguré en 330 qui subsistent actuellement sur le site. Perdant son importance politique et surtout son autonomie à partir du ive siècle av. J.-C., le site entame un long déclin, marqué par les troubles politiques qui agitent la Grèce. Le iiie siècle av. J.-C. est celui de la mainmise de la Confédération étolienne, dont les troupes repoussent près de Delphes les envahisseurs Galates en 279 av. J.-C.

Après la conquête de la Grèce par Rome (le pilier de Paul-Émile commémore la défaite du dernier roi macédonien Persée), peu d’édifices importants sont construits, si ce n’est le stade refait par Hérode Atticus.

En 392, l’interdiction des cultes païens dans l’empire romain par l’Édit de Théodose marque la fin officielle du culte d’Apollon Pythien. Une ville chrétienne s’installe alors dans le sanctuaire (églises, villas importantes), puis disparaît probablement au VIIe ou VIIIe siècle. Le site est  provisoirement abandonné et les ruines sont progressivement recouvertes. Le site est ensuite occupé jusqu’à la fin du XIXe siècle par un village du nom de Kastri. Cyriaque d’Ancône visite Delphes au XVe siècle.

Apollon lui-même aurait fondé le sanctuaire de Delphes après avoir construit le temple de Délos. Le temple était alors gardé par un serpent nommé « Python », fils de Gaïa (la Terre) et gardien d’un oracle consacré à Gaïa. Apollon, désireux d’établir un oracle pour guider les hommes, tua Python (il le laissa pourrir au soleil par la suite) avec son arc et s’appropria l’oracle. (cf. Hymnes homériques) Dans certaines versions du mythe, il est dit que Python avait été envoyé par Héra, exaspérée des adultères de son époux Zeus, afin de chasser Léto enceinte d’Apollon et Artemis. Ce mythe justifie alors en partie, la raison pour laquelle Apollon tua Python. Pour faire venir ses prêtres, il détourna un bateau crétois.

Ce mythe, qui fait d’Apollon Pythien un conquérant fondateur, explique son patronage de la fondation de colonies grecques et l’expansion de son culte dans l’ensemble des colonies. Il place aussi l’oracle au cœur du sanctuaire.

Selon une autre tradition, que suit Eschyle et dont la musique a été gravée sur un mur du Trésor des Athéniens à Delphes, l’oracle a d’abord été celui de la Terre, puis celui de divinités féminines successives pour être enfin transmis à Apollon.

Le sanctuaire de Delphes, en effet, est « oraculaire » : la parole du dieu y est transmise aux hommes par l’intermédiaire de la Pythie, dont la tradition antique fait une jeune vierge inculte, installée sur un trépied sacrificiel placé dans une fosse oraculaire, l’adyton, juste au-dessus d’une fissure d’où les Anciens pensaient qu’émanaient des vapeurs toxiques ; la Pythie tient une branche de laurier, l’arbre du dieu Apollon, et une phiale, récipient plat dépourvu d’anses, servant aux libations.

La consultation de l’oracle était au départ annuelle : elle avait lieu le sept du mois Byzios (février-mars), jour de la fête d’Apollon. Elle se fit ensuite le sept de chaque mois durant la période de neuf mois où Apollon était censé occuper le site : ce jour fut nommé polyphthoos (πολύφθοος, « jour où l’on offre de multiples gâteaux sacrés »).

Des rites précédaient la consultation : ils étaient accomplis en fonction de la prophétesse et requéraient la présence de deux prêtres. Ces derniers  exerçaient leur charge à vie et étaient secondés par cinq hosioi (ὅσιοι) qui maintenaient le culte, et deux prophètes. L’un de ces derniers assistait la Pythie, notamment en traduisant ses paroles afin que l’oracle rendu soit compréhensible. Les réponses du dieu étaient transmises en prose, et en vers sous forme d’hexamètres.

Delphes, carte maximum, Grèce.

Dans le détail, on ignore si la Pythie était visible, aucun témoignage digne de confiance n’étant explicite sur la question. La tradition la plus courante rapporte cependant que la Pythie aurait été cachée par un voile et que le consultant ne pouvait la voir.

L’historiographie moderne a cherché, à la suite de la tradition antique probablement d’origine delphique, à expliquer les transes et les paroles incompréhensibles prêtées à la Pythie lors des séances de l’oracle. L’explication qui en a longtemps été donnée était l’inhalation par la prophétesse de vapeurs s’échappant des entrailles de la terre (cause physique) ; au XXe siècle, les spécialistes étaient nombreux à considérer une telle explication comme fausse, en se basant sur les fouilles des soubassements du temple d’Apollon menées par l’École française d’Athènes, car aucune fissure n’a été trouvée et la nature du sol est de schiste. Or, en 2001, des fouilles menées par Jelle de Boer de la Wesleyan University ont montré que le marbre travertin formant les murs de l’adyton contient des résidus de méthane et d’éthane, deux composés gazeux qui proviennent probablement du calcaire bitumineux contenu dans les fondements du site. Cela indique que l’adyton était rempli de gaz dans le passé. En outre, dans les sources voisines, on a trouvé de l’éthylène, un gaz de la même famille.

Il est certain que le déroulement même de l’oracle dut subir des  changements notables au fil du temps. Parmi les témoins les plus proches, Plutarque, qui a été prêtre d’Apollon à Delphes, a transmis de nombreuses considérations sur le culte : il relate qu’à son époque (au Ier siècle) une unique Pythie ne recevait plus qu’une fois par mois alors que trois prophétesses devaient se relayer dans le passé. Dans un autre sanctuaire d’Apollon, l’oracle se passait mentalement : celui qui venait consulter l’oracle conversait seul avec le dieu et recevait les réponses à ses questions directement dans son esprit (ce qui autorisait une plus libre interprétation).

Il n’y avait pas d’oracle en l’absence d’Apollon, et de nombreux fidèles attendaient son retour. Dès lors, la « promantie » (ordre de passage déterminé par les prêtres) fut instaurée. Des cadeaux étaient faits à la divinité, puis les prêtres jetaient des gouttes d’eau sur une chèvre qui, si elle ne tremblait pas, faisait perdre son tour au pèlerin. Ce dernier, en cas d’acceptation, entrait dans l’adyton où il pouvait poser sa question : celle-ci entraînait une réponse de la Pythie ou non, selon la volonté du dieu.

À l’époque chrétienne, la figure de la Pythie fut associée à celle d’une femme possédée par le démon (Jean Chrysostome) ; ce dernier entrait dans le corps de la prophétesse depuis les profondeurs de la terre au-dessus desquelles le trépied était censé être installé.

Pendant les mois d’hiver, Apollon était réputé quitter le sanctuaire de Delphes pour aller se purifier en Hyperborée. Il était alors remplacé à Delphes par Dionysos. Ce dernier était présent durant trois mois et faisait l’objet d’un culte rendu sur le Parnasse (les libations des Thyades omophages). Dans l’adyton se trouvait la tombe de Dionysos.

Le statut de ce dernier changea peu à peu en raison de son rapport avec l’Apollon Pythien : il était inférieur au dieu solaire, mais grâce à son rôle d’opposé, il devint progressivement indissociable de la divinité  apollinienne ; ainsi, le culte de Dionysos profita probablement de la renommée de Delphes dans l’ensemble du monde grec.

Le site du sanctuaire dénombre d’autres monuments, qui ont fait  considérablement évoluer son aspect entre la période archaïque et l’époque hellénistique : la plupart d’entre eux avaient un caractère votif ou commémoratif. En revanche l’époque romaine se caractérise par un certain abandon, et même un pillage organisé comme sous l’empereur Néron. Comme l’occupation du site fut extrêmement longue, les nombreux monuments révélés par les fouilles ne furent pas toujours présents en même temps. Sur la plupart des représentations modernes, c’est l’aspect le plus récent qui est figuré.

L’évolution de l’occupation du site dépend étroitement de la topographie qui dicta l’aménagement du sanctuaire en trois étages (théâtre, temple, autres monuments), mais aussi des cataclysmes (incendies, tremblement de terre, etc.) et des événements politiques qui modelèrent l’espace delphique au gré des offrandes et des (re)constructions.

La répartition des édifices sur le site est hétérogène : certaines zones sont densément construites, d’autres laissées presque vides ; et encore, la taille même de ces édifices varie considérablement avec une prédominance des monuments de taille modeste, en raison de leur coût moins élevé et de problèmes d’espace.

Un calendrier quasi-liturgique déterminait, à travers un certain nombre de célébrations communes (les « Panégyries »), l’occupation de l’espace : rites, concours musicaux et théâtraux peuvent expliquer, aussi, dans une certaine mesure l’implantation des monuments.

En octobre 1838, l’architecte allemand Laurent au service de l’état grec est envoyé au village de Kastri qui se trouvait à l’emplacement de la ville  antique de Delphes pour y faire des opérations de cadastre. Il en profite pour faire des fouilles limitées sur le site de Marmaria où il s’est intéressé au sanctuaire d’Athena, et plus particulièrement à la tholos. L’universitaire Heinrich Nikolaus Ulrichs en rend compte dans le livre Reisen und Forschungen in Griechenland, paru en 1840.

En septembre 1860, Paul Foucart, membre de l’École française d’Athènes, se rend à Delphes avec C. Wescher pour relever des inscriptions et rédiger le Mémoire sur les ruines et l’histoire de Delphes en 1861, publié en 1865. Il a essayé d’obtenir du gouvernement grec l’expropriation de l’ensemble du terrain de Delphes. La mort du roi Othon Ier, en 1867, a interrompu les négociations. En 1880, il est revenu en Grèce comme directeur de l’École française d’Athènes. Il envoie Bernard Haussoullier pour y reprendre des fouilles. Il fait reprendre les négociations avec le gouvernement grec pour obtenir l’expropriation du territoire de Delphes et sa concession à la France. Elles ont duré 10 ans. La convention de Delphes est votée par les deux Chambres du Parlement français en février et mars 1891 et par le Parlement grec en avril. C’est le 13 avril 1891 que le roi Georges Ier a signé l’accord concédant le site de Delphes à la France pendant dix ans. Le Parlement français a voté un crédit de 500 000 francs pour commencer les fouilles.

Le site est alors occupé par le village de Kastri. Les Français doivent acheter le village à ses habitants et, conformément à la convention signée avec le gouvernement grec, le reconstruire maison par maison à proximité. Cette opération est pilotée par Théophile Homolle, directeur de l’École française d’Athènes. Le site est en moyenne montagne et il y a alors peu de routes pour y accéder. Les fouilles vont nécessiter d’encadrer jusqu’à 220 ouvriers. Contrairement au site d’Olympie fouillé par les Allemands, il n’y a pas pour le site de Delphes de partage des fouilles. Toutes les découvertes doivent rester sur place.

Les fouilles vont mettre à jour le Trésor des Athéniens, Anthinoüs, le Trésor de Siphnos, la colonne des Danseuses. L’Aurige de Delphes est découvert en 1895. Les fouilles permettent de comprendre comment fonctionne un grand sanctuaire grec.

Conformément à la convention, le site de Delphes est rendu au  gouvernement grec en 1903. Les fouilles ne sont terminées. Il reste à fouiller à Marmaria le site du temple d’Athena. Les Français conçoivent un musée où sont réunis les fragments découverts pendant les fouilles.

L’écologiste Franz Weber est depuis 1997 citoyen d’honneur de Delphes, en raison de son action pour la sauvegarde du site.

Source : Wikipédia.

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