Victor-Emmanuel III (en italien Vittorio Emanuele III, Vittorio Emanuele Ferdinando Maria Gennaro di Savoia), né le 11 novembre 1869 à Naples (Italie) et mort à Alexandrie (Égypte) le 28 décembre 1947, est roi d’Italie entre le 29 juillet 1900 et le 9 mai 1946.
Il est également, empereur d’Éthiopie entre le 2 mai 1936 et le 5 mai 1941, premier maréchal d’Empire à partir du 4 avril 1938 et roi d’Albanie entre le 16 avril 1939 et le 3 septembre 1943. Il abdique le 9 mai 1946 et est remplacé par son fils Humbert II peu avant la proclamation de la République. Il est le fils d’Humbert Ier et de Marguerite de Savoie. À sa naissance, il reçoit le titre de prince de Naples : comme son dernier prénom, qui renvoie au saint protecteur de Naples, ce titre est destiné à souligner l’intégration dynastique des provinces méridionales, moins de dix ans après l’absorption de l’ex-royaume des Deux-Siciles dans le nouveau Royaume d’Italie.
Son règne de 45 ans voit, outre les deux guerres mondiales, l’introduction du suffrage universel masculin (1912) et féminin (1945), des premières formes de protection sociale importante, le déclin et l’écroulement de l’État libéral (1900-1922), la naissance et l’écroulement de l’État fasciste (1925-1943), la résolution de la question romaine (1929), l’intégration de plusieurs terres jusque là « irrédentes » à l’Italie et les principales conquêtes coloniales (Libye). Victor-Emmanuel III est mort un peu plus d’un an et demi après la fin du Royaume d’Italie.
À la suite de la victoire de la Première Guerre mondiale, il est appelé le « Roi soldat ».
Il joue un rôle fondamental dans l’affirmation du fascisme, dans la promulgation des lois raciales, dans les guerres coloniales et dans l’entrée en guerre durant la Seconde Guerre mondiale. Par son aspect précipité, sa fuite de la capitale après l’armistice de 1943 fut perçue très négativement, laissant à la population comme à l’armée un sentiment d’abandon. En 1946, il tente de sauver la monarchie en abdiquant en faveur de son fils. En Italie, 409 noms de lieux lui sont dédiés.
Victor-Emmanuel Ferdinand Marie Gennaro de Savoie, fils d’Humbert Ier et de Marguerite de Savoie, naît le 11 novembre 1869 à Naples, lieu choisi à dessein avec l’objectif de renforcer le sentiment d’appartenance des provinces du Sud au jeune Royaume d’Italie alors que, l’ex-roi des Deux-Siciles, François II conteste toujours son éviction depuis son exil romain. La grossesse ne fut pas facile, Marguerite faillit perdre l’enfant. De santé plutôt fragile et de petite taille4 et Victor-Emmanuel grandit, dépourvu de l’affection de ses parents qui ne s’entendent pas. À douze ans, ils le confient aux soins du colonel Egidio Osio (it), lequel avait été attaché militaire de l’ambassade italienne à Berlin. Homme très dur, impérieux et habitué aux ordres, celui-ci donne au prince une éducation sur le modèle prussien du roi aux armées. Il semble qu’à peine installé, il aurait dit à son élève : « On rappelle au fils d’un roi, comme au fils d’un cordonnier, combien quand il est un âne il est un âne. » Certains précepteurs dirent que la sévérité d’Osio eut des effets nuisibles sur le caractère du futur souverain, le rendant encore plus anxieux et introverti.
Victor-Emmanuel apprécie William Shakespeare, parle quatre langues, dont le piémontais et le napolitain, mais il n’aime ni aller au théâtre ni aux concerts. Il a une éducation soignée qu’il complète par de longs voyages à l’étranger. Elle comprend, entre autres, la fréquentation de la prestigieuse École militaire Nunziatella de Naples (1881-1884), puis l’École militaire de Modène (1884-1886) et enfin l’École de guerre (1886-1889) où il obtient le grade de sous-lieutenant d’infanterie en 1886. Élevé au rang royal, il prend l’habitude de fréquenter les séances d’inauguration de l’Académie des Lyncéens ainsi que d’autres associations d’intérêt scientifique. Parmi toutes ses passions, dans le milieu culturel, émergent entre autres la numismatique, l’histoire et la géographie : sa connaissance dans ces domaines est reconnue à de hauts niveaux, jusque hors du royaume (il écrivit un traité sur la monnaie italienne, le Corpus Nummorum Italicorum). À plusieurs occasions, Victor-Emmanuel est appelé, en vertu de sa profonde connaissance dans le secteur géographique, comme médiateur dans les traités de paix et les disputes de frontières. Il fut appelé comme arbitre pour la dispute territoriale de l’île de Clipperton, entre la France et le Mexique. En 1887, à l’âge de dix-huit ans, sous la protection d’Osio, Victor-Emmanuel III fait un long voyage en Égypte.
À l’âge de vingt ans, Victor-Emmanuel commence une rapide carrière militaire. Pour le former au commandement, il est assigné au premier régiment d’infanterie « Roi » de Naples, où il reste pendant cinq ans (1889-1894). Tout d’abord en 1889 en tant que major d’infanterie. En 1890, il devient colonel, la même année il prend congé du colonel Osio, étant désormais majeur et ayant un grade égal à celui de son précepteur, avec lequel il maintint une correspondance presque journalière. Il obtient un avancement rapide comme général-major en 1892, puis lieutenant-général en 1894. Il est commandant de la division de Florence entre 1894 et 1897, puis commandant du 10e corps d’armée à Naples de 1897 à 1900. À Naples, il noue une amitié avec le prince Nicolas Brancaccio, qui réussit à vaincre la réticence et la timidité du jeune Victor-Emmanuel, l’initiant à la vie nocturne napolitaine faite de théâtre peu « respectable » et logeant des actrices.
Pour le jeune prince, la période napolitaine fut peut-être la plus heureuse de sa vie : il apprend à parler couramment le napolitain et a diverses amantes, dont la baronne Marie Barracco (il semble que de cette relation soit née une fille), même si sa préférence va pour les actrices et ballerines. Dans son rôle de commandement, il montre une rigidité aboutissant à une maniaquerie telle que, comme il l’écrit dans ses lettres à Osio, il devient une vraie bête noire pour ses soumis. Dans une lettre il écrit « Mon peloton d’élèves officiers a atteint le nombre de 104 élèves ; rapidement, ils furent 103 parce que j’en ai chassé un pour avoir volé un compagnon. Je suis convaincu de la nécessité de leur faire peur à leurs débuts. » Victor-Emmanuel présente des capacités d’officier et se montre pointilleux, bon connaisseur des matières militaires. Nommé général, il est critique envers la campagne d’Afrique entre 1895 et 1896.
L’unique personne probablement plus tatillonne que lui était le général Joseph Ottolenghi de Sabbineta, qui ne perdait pas une occasion de faire un exemple sur des manques éventuels de forme. Cela donne à Victor-Emmanuel la fantaisie de l’affubler de surnoms (d’origine juive) comme « Joseph l’Hébreu » ou « Pauvre Macchabée ». Il ne s’agissait pas d’antisémitisme, mais d’un petit dédain personnel envers son supérieur.
Un fait remarqué durant sa période de résidence à Naples est qu’il entre en conflit avec une personne du même grade qui, à l’époque, commandait le dixième régiment des Bersagliers. Ce colonel était Luigi Cadorna et entre les deux naquit une défiance féroce qui dura toute leur vie et qui pût avoir des conséquences évidentes vingt ans plus tard, durant la Grande Guerre.
Il interrompt la vie solitaire de caserne par des voyages qui achèvent sa formation. Après des débuts pénibles en société, il connait, en 1888, les premières aventures galantes et, inévitablement, la cour (assistée notamment par Francesco Crispi) entreprend de planifier un mariage. Face aux résistances du prince, on s’en abstient jusqu’en 1894. On cherche, cependant, une princesse utile à la diplomatie à l’italienne. Le choix tombe sur Hélène de Monténégro, âgée de vingt-trois ans, pas très gracieuse, mais aux traits doux et gentils. À l’insu de Victor-Emmanuel, on favorise les occasions de rencontre et, grâce à leurs caractères proches, ils s’entendent rapidement. Les accords entre les maisons seront simples et les fiançailles brèves. Hélène de Monténégro abjure le credo orthodoxe et, le 24 octobre 1896, on célèbre les noces. Suivent des années heureuses pour Victor-Emmanuel. Le couple partage une affection sincère et une vie réservée et presque frugale. Leurs passions communes étaient la photographie, la pêche, la vie à la campagne et les voyages en mer. Les enfants arrivent tard mais nombreux : Yolande Marguerite en 1901, Mafalda en 1902, Humbert II en 1904, Jeanne en 1907 et Marie Françoise en 1914. Durant ces années, Victor-Emmanuel pense à renoncer au trône en faveur d’une carrière académique.
Le régicide change tout, quand Humbert I est assassiné le 29 juillet 1900. Victor-Emmanuel et Hélène sont en croisière en Grèce à bord de leur yacht Yela. Ils rejoignent Reggio di Calabria puis Monza. Victor-Emmanuel commence à « se consacrer à chaque emploi de roi » aux institutions et à la monarchie. Giuseppe Saracco, président du Conseil des ministres, est à peine sorti de la chambre ardente du roi défunt quand Victor-Emmanuel le convoque dans son bureau. Sans lui donner le temps de présenter ses condoléances, le nouveau roi montre les papiers qui s’amoncellent sur sa table, les décrets sur lesquels son père n’a pas eu le temps de se pencher, mais qui, selon lui, sont peu en accord avec la Constitution. Giuseppe Saracco répond que la valeur de la Constitution n’est pas la compétence du roi, qui doit se limiter à signer comme il l’a fait depuis toujours. Le jeune roi répond « le roi veut signer ses erreurs, éventuellement, non celles des autres ». Saracco qui, en outre, passe pour un grand expert du droit, se sent offensé et offre séance tenante sa démission. Le prince fait semblant de ne pas écouter, mais insiste pour que les décrets lui soient donnés en lecture avant toute signature. Après quoi, il explique au président comment il conçoit ses devoirs et ceux des autres. « Je n’ai pas la prétention de remédier avec la force du soleil aux difficultés présentes. Mais je suis convaincu que ces choses ont une unique cause. En Italie, peu de personnes accomplissent exactement leur devoir : il y a trop de mollesse et de relâchement. Il faut que chacun, sans exception, observe exactement ses devoirs ; je servirai d’exemple, en remplissant tous mes devoirs. Les ministres m’aideront, en ne caressant pas de vaines illusions, en ne promettant pas combien je suis certain de pouvoir maintenir. »
Le 2 août 1900, quelques jours après le régicide, dans son premier discours à la nation, le nouveau roi liste les fondements de sa vision politique.
Le 11 août, il jure fidélité au statuts dans la salle du Sénat, devant le président Giuseppe Saracco et les deux chambres du Parlement disposées à ses côtés. Dans son discours, écrit de sa main, le nouveau roi expose une politique conciliante et parlementaire.
Enfin, la réconciliation nationale veut que le souverain prenne acte avec le décret du royaume 11 novembre 1900, no 366, dans lequel le roi accorde l’amnistie pour les délits de presse et pour ceux contre la liberté de travail, et remette la moitié des peines infligées pour les mouvements populaires de 1898. En 1901, est imprimée la première série de timbres qui inaugura les impressions philatéliques de son royaume, comme la série dite « Série Floreale » et amenait intrinsèquement la nouveauté d’utiliser le nouveau style dit Liberty, qui, dans les années à venir, est italianisé en Floreale.
La normalisation des rapports avec la République française a commencé quelques années avant l’accession au trône de Victor-Emmanuel, avec la signature des trois conventions entre l’Italie et la Tunisie le 30 septembre 1896 et ensuite avec l’accord commercial franco-italien le 21 novembre 1898, qui met fin à la guerre douanière entre les deux puissances. En décembre 1900, avec la conclusion d’un accord Victor-Emmanuel et Emilio Visconti Venosta – Camille Barrère, le gouvernement obtient une première reconnaissance française de son intérêt pour la Cyrénaïque tripolitaine. L’accord a pour effet de vider la Triple Alliance d’une partie de son contenu, lié au contraste franco-italien en Méditerranée.
L’accord est renforcé en juillet 1902 par les accords de Prinetti-Barrère qui engage les deux puissances à maintenir neutres en cas de conflit avec d’autres puissances. Le rapprochement franco-italien est scellé par le voyage à Paris de Victor-Emmanuel, qui reçoit la Légion d’honneur, remise par le président Émile Loubet, en octobre 1903, un voyage réciproque à Rome a lieu en 1904.
La politique extérieure italienne désignait ainsi un système qui aurait rendu moins rigide la division entre les « blocs de puissances », qui aurait amené à la déflagration du conflit mondiale. Dans ce contexte, s’explique le comportement italien pendant la Conférence d’Algésiras au Maroc en 1906, où le représentant italien, Visconti Venosta, fut désigné pour ne pas appuyer l’Allemagne de Guillaume II.
L’établissement de bons rapports avec la Russie, dont la manifestation la plus évidente de rapprochement a été, à l’époque d’Humbert, le mariage de Victor-Emmanuel avec Hélène de Monténégro, est le complément nécessaire des directrices de politique externe dans l’aire balkaniques. Le statu quo dans lequel la Triple Entente s’engage, au moins formellement, à se maintenir, est menacée par la crise sans fin de l’Empire ottoman, et par les appétits concurrents autrichiens et russes, parmi lesquels l’Italie souhaite s’insérer en cherchant de limiter les tentatives d’alliance des Habsbourg, vouées à changer la situation à son avantage, en violation de l’article VIII du traité. L’Italie regarde vers les Balkans, comme une aire d’influence potentielle pour son économie. Devant les visées expansionnistes de la Serbie, Victor-Emmanuel se fait médiateur pour la création d’un état tampon, qui interdirait à Pierre Ier le blocage de l’Albanie sur l’Adriatique. Le comportement autrichien, qui en 1908 a annexé sans préavis la Bosnie-Herzégovine, suscitant des fortes protestations dans la partie serbe et russe, outre celle italienne, amène le gouvernement italien à passer accord avec la Russie. Le 24 octobre 1909, est signé entre les deux puissances le traité de Racconigi qui, dans la partie russe, met fin à la politique des accords exclusifs avec l’Autriche sur les Balkans, pour lesquels on présente l’actualisation du principe de nationalité et une action diplomatique commune des deux puissances. Dans ce sens, en outre, la Russie reconnaît l’intérêt italien pour la Cyrénaïque tripolitaine.
Le 14 mars 1912, le maçon romain Antonio d’Alba, un anarchiste, tire deux coups de pistolet contre le roi, mais il rate sa cible. Quelques heures après l’attentat raté, Victor-Emmanuel reçoit la visite des socialistes romains Ivanoe Bonomi, Leonida Bissolati et Angiolo Cabrini qui se réjouissent avec le roi. Ce geste donne ensuite un prétexte à la majorité du PSI pour expulser les trois réformistes coupables d’avoir appuyé le quatrième gouvernement Gioillitti dans la guerre contre la Turquie. Parmi les socialistes, le plus intransigeant reste Benito Mussolini, qui accuse les réformistes de connivence en disant « troupeau clergé-nationaliste-monarchique » , déclarant « Soit avec le Quirinale, soit avec le socialisme ! »
Le 12 avril 1928, alors qu’il inaugure la VIIIe édition de la Foire de Milan, Victor-Emmanuel est la cible d’un attentat à la dynamite : une bombe explose dans la foule rassemblée en attendant de voir le roi et tue vingt personnes dont des femmes, enfants et des militaires présents. Le roi n’est toutefois pas touché. Les républicains Ugo la Malfa, Lelio Basso et Leone Cattani sont arrêtés. Mario Giampaoli, secrétaire du Fascio de combattant de Milan, est accusé de manière infondée, mais est impliqué quelques mois plus tard dans le scandale Belloni.
En 1941, durant un voyage en Albanie, le roi est la cible d’un troisième attentat. Un jeune, Vasil Laci Mihailloff, tire cinq fois, mais aucun des coups de feu n’atteint le roi. Victor-Emmanuel III, impassible, commente « Tirez bien sur ce garçon ».
La guerre contre l’Autriche-Hongrie, sous la haute direction de S.M. le Roi, chef suprême de l’armée italienne, inférieure en nombre et en moyens, débute officiellement le 24 mai 1915. Durant la première guerre mondiale, Victor-Emmanuel soutient la position initialement neutre de l’Italie. Beaucoup moins favorable aux chefs de la Triple Alliance (dont l’Italie fait alors partie avec l’Allemagne et l’Empire austro-hongrois) et hostile à l’Autriche, il promeut la cause de l’irrédentisme du Trentin et de la Vénétie julienne. Les avantages offerts par l’Entente (formalisés dans le Pacte de Londres et stipulés en secret, à l’insu du parlement) amènent Victor-Emmanuel à appuyer l’abandon de la Triple Alliance (4 mai 1915), et à combattre aux côtés de la Triple-Entente (France, Grande-Bretagne et Russie).
Début mai, l’action prônant la neutralité de Giovanni Giolitti, avec la diffusion d’informations concernant les concessions territoriales de la part des Autrichiens, déclenche une crise parlementaire. Le 13 mai, Antonio Salandra rend au roi son mandat : le Corriere della Sera écrit : « M. Giolitti et ses amis triomphent. Plus encore triomphe le prince de Bülow . Il a réussi à faire tomber le ministère qui menait le pays à la guerre ». Et le Messagiero : « Salandra donne un jeu gagnant aux organisateurs de l’embuscade maléfique, et se rend aux mauvais arts diplomatiques du prince de Bülow ».
Giolliti est convoqué en conséquence par le roi, pour former le nouveau gouvernement. Ainsi informé des nouveaux engagements pris avec la Triple Alliance, il décide de refuser la charge, tout comme d’autres politiques également convoqués par la suite.
Le 16 mai, Victor-Emmanuel repousse officiellement la démission de Salandra. Les 20 et 21 mai, à la très grande majorité, les deux parties du Parlement votent en faveur des pouvoirs extraordinaires du souverain et du gouvernement en cas d’hostilité. Le 23 mai, l’Italie déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie.
Dès le début des hostilités sur le front italien (24 mai 1915), Victor-Emmanuel est constamment présent sur le front, gagnant le surnom de « Roi soldat ». Durant les opérations de guerre, il confie la lieutenance du royaume à son oncle Thomas, duc de Gênes. Il n’établit pas le siège du quartier général à Udine, mais dans une ville voisine, Torreano di Martignacco, près de la « Villa Linussa » (désormais appelée « Villa Italia ») avec une petite suite d’officiels et de gentilhommes.
Chaque matin, suivi par les aides de camp, Victor-Emmanuel se rend en voiture pour inspecter le front ou les arrières. Le soir, au retour, un officiel de l’état-major informe de la situation militaire le roi, qui exprime ensuite ses avis, sans jamais dépasser les tâches du commandant suprême. Il se rend en France et accompagne Albert Ier (roi des Belges), dans les casernes et bases militaires. Les deux monarques envisagent également le mariage de leurs enfants, le prince héritier Humbert et la princesse Marie-José de Belgique, au grand dam de l’ex-reine, Marie des Deux-Siciles, grand-tante de la princesse dont les états ont été annexés en 1860 par l’arrière-grand-père du prince italien.
Après la bataille de Caporetto, par décision fixée entre les gouvernements de l’Alliance durant la conférence de Rapallo, le général Luigi Cadorna est remplacé par le général Armando Diaz. Le 8 novembre 1917, au congrès de Peschiera, il expose sans interprète une analyse ponctuelle de la situation militaire difficile en confirmant sa confiance dans la réorganisation de l’armée. Il suit les décisions du gouvernement Orlando et les ratifie. Le Conseil des Ministres souhaite décerner au roi la Médaille d’or de la Valeur militaire, mais le souverain le refuse : « Je n’ai conquis aucune position difficile, gagné aucune bataille, coulé aucun cuirassé, accompli aucun exploit de guerre aérienne ». La victoire italienne donne à l’Italie les territoires du Trentin et du Haut Adige (avec Trente), de la Vénétie Julienne, de Zadar et certaines îles dalmates (dont celle de Lagosovo).
Victor-Emmanuel, entre 1914 et 1918, a aussi reçu environ 400 lettres menaçantes, au caractère essentiellement anti-guerre, de la part d’individus de toute extraction sociale, surtout basse et semi-alphabète. Ce courrier est conservé dans les Archives centrales de l’État dans trois fonds, numérisés et de domaine public, en étant de grand intérêt historique et linguistique.
Au début de la première guerre mondiale, l’Italie se déclare neutre. Elle le reste jusqu’à ce que le Premier Ministre Antonio Salandra et le Ministre des Affaires Etrangères Sidney Sonnino , fortement soutenus par le roi, durant des tractations secrètes, se lient aux intentions du Pacte de Londres (26 avril 1915). Après les mois difficiles des crises internationales, la préoccupation guerrière est utile au roi, perturbé par un des rares moments de tension avec la reine Hélène de Monténégro. Le roi se rend visite aux troupes, photographie et note avec obstination chaque détail, synthétisant les lacunes de l’armée et du commandement. La résolution positive du conflit crée le mythe du « roi victorieux » convaincu « d’avoir conclu le cycle des guerres risorgimentali et d’avoir donné un nouvel éclat ou une plus grande sûreté à la couronne ».
Les rapports entre Victor-Emmanuel III et Mussolini n’iront jamais au-delà des rapports formels entre le chef d’État et le chef du gouvernement. Le roi, de formation libérale, durant toute la période fasciste, ne manqua pas de rappeler positivement à Mussolini et ses collaborateurs l’expérience de l’État libéral. Victor-Emmanuel ne scella ses idées profondément anti-allemandes en général, et antinazies en particulier, idées qui se renforcèrent durant la visite d’État d’Hitler à Rome en mai 1938. D’autre part, l’hostilité entre Hitler et Victor-Emmanuel III était réciproque53 et plusieurs fois le dictateur autrichien naturalisé allemand et ses collaborateurs suggérèrent à Benito Mussolini de se débarrasser de la Monarchie.
Le chef du Fascisme méditait déjà depuis longtemps sur l’abolition de l’institution monarchique, de façon à avoir un plus grand espace d’action, mais reporta de nombreuses fois la décision à cause du soutien ample populaire de la monarchie.
Le roi se montra particulièrement hostile aux innovations institutionnelles du régime, à l’introduction de nouveaux honneurs et cérémonies qui contribuent à renforcer le poids du chef du gouvernement, aux projets de « modification des coutumes italiennes », comme l’introduction du salut fasciste, la question du vouvoiement et, majoritairement, la question raciale. Cette opposition, bien que pas comprise de la population, mina les relations avec Mussolini et les éléments plus radicaux du parti fasciste, fidèles au programme ordinaire du parti et soutiens du choix d’un régime républicain.
Mussolini écrit que le souverain avait commencé à le détester depuis la loi de la constitution du Grand Conseil du fascisme (9 décembre 1928), mais retient que la vraie cause de fracture fut le titre de Premier Maréchal de l’Empire, approuvé un plébicite de la Chambre le 30 mars 1938 (sous l’impulsion de Starace, Costanzo et Galeazzo Ciano et en accord avec le Duce) et conféré au chef du gouvernement ainsi qu’au roi (selon Federzoni, alors président du Sénat, « on ne pouvait pas adresser un regard, du reste purement formel au Roi »). Dans une rencontre privée, convoquée par Mussolini, Victor-Emmanuel III, pâle de colère, lui dit qu’il aurait préféré abdiquer plutôt que de subir cet affront.
Le 28 décembre 1939, la rencontre de Victor-Emmanuel III et du pape Pie XII, la première d’un pontife au Quirinal après la prise de Rome, fut vue comme une tentative en faveur de la paix en Europe.
L’abdication de Victor-Emmanuel III est l’acte dans lequel, le 9 mai 1946, le Roi Victor-Emmanuel III, renonce au titre formel de roi, en faveur de son fils Humbert II, qui revêtait déjà le rôle de lieutenant du royaume. Victor-Emmanuel, dès le 5 juin 1944, le lendemain de la libération de Rome, avait cessé d’exercer les fonctions de souverain, en nommant son fils « lieutenant général du royaume ».
Le roi était d’abord réticent à abdiquer, et les partis politiques du CLN auraient préféré ne pas changer la situation, déjà très délicate. En mai 1946, l’abdication est perçue par les milieux monarchiques comme la seule possibilité de sauvegarder le sort de la Maison de Savoie, discréditée par le soutien offert depuis 20 ans au fascisme et à Mussolini en particulier, et l’avenir de la monarchie en Italie.
De plus, il ne faut pas oublier que l’abdication a eu lieu sans tenir compte du décret du lieutenant no 151 du 25 juin 1944 et de l’article 2 du décret-loi du lieutenant no 98 du 16 mars 1946, qui prévoyait le maintien du régime de lieutenant jusqu’à la consultation électorale pour l’élection de l’Assemblée constituante. Le premier projet était, en effet, de laisser le choix de la forme de l’État aux constituants. Dans un second temps le référendum a été choisi mais, en tout cas, toujours dans le régime de lieutenant de son fils Humbert.
L’abdication a eu lieu à Ravello, sur la côte amalfitaine, où le roi vivait à Villa Episcopio. Sur la base de la loi Attributions et prérogatives du chef du gouvernement, les fonctions de notaire de la couronne auraient appartenu au chef du gouvernement, qui était alors Alcide De Gasperi, mais il n’a pas été jugé opportun de demande à De Gasperi d’entériner un acte formellement illégal et la légalisation de la signature du roi a été certifiée à un notaire, un professionnel normal avec une étude à Naples. Un communiqué officiel a ensuite été publié : « Aujourd’hui à 15h15 à Naples, le roi Victor-Emmanuel III a signé l’acte d’abdication et, selon la coutume, est parti en exil volontaire. Dès que le nouveau roi Humbert II reviendra à Rome sera officiellement notifié au Conseil des ministres ».
L’abdication est durement critiquée par la presse de gauche italienne : Unità qualifie la décision du souverain d’« acte ignoble et grotesque » et Avanti ! qualifie Victor-Emmanuel III de « roi fasciste » (décrivant également le nouveau roi Humbert II comme « prince fasciste »). Le plus modéré est le quotidien démocrate-chrétien Il Popolo, qui souligne que l’abdication du souverain ne freinerait pas l’engagement des démocrates-chrétiens en faveur du référendum institutionnel.
Victor-Emmanuel prend le titre de comte de Pollenzo, qui fait référence à une localité de la municipalité de Bra, un fief qui appartenait à la famille Romagnano au XVIIIe siècle mais qui passa ensuite aux Savoie. Carlo Alberto y avait construit un magnifique château.
Le soir même de l’abdication, le roi, devenu comte de Pollenzo, et la reine Hélèna s’embarquent sur le Duc des Abruzzes et, en exil volontaire, ils s’installent en Égypte, invités du roi Farouk Ier. L’ancien souverain meurt à Alexandrie, en Égypte, le 28 décembre 1947.
Victor-Emmanuel III se retire en exil avec son épouse, avant la consultation référendaire, à Alexandrie en Égypte avec le titre de comte de Pollenzo.
Durant son exil égyptien le souverain visite les zones de guerre où le royaume en exercice avait combattu quelques années auparavant, dont celle d’El Alamein.
Il meurt à Alexandrie le 28 décembre 1947, le lendemain du vote de la constitution de la République italienne qui entre en vigueur le 1er janvier 1948 et qui réserve un sort particulier aux membres et descendant de la maison de Savoie selon l’article XIII. Ainsi, les membres et descendants de la maison de Savoie sont privés de leurs droits civiques et ne peuvent plus remplir de fonction publique. Dans les dispositions finales, les biens existants sur le territoire national des anciens rois de la Maison de Savoie, de leurs épouses et de leurs descendants mâles sont transférés à l’État. L’article XIII stipule également que l’entrée et le séjour sur le territoire national sont interdits aux anciens rois de la maison de Savoie, à leurs épouses et à leurs descendants mâles. Avec l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 23 octobre 2002, les alinéas 1 et 2 de l’article XIII de la constitution italiennes cessent de s’appliquer aux membres et descendants de la maison de Savoie.
La mort de Victor-Emmanuel III dans une chaumière de la campagne égyptienne est due, comme l’ont constaté les médecins, à une congestion pulmonaire dégénérée en thrombose. L’ancien souverain en souffrait depuis cinq jours quand, le 28, survint sa mort. Le monarque expire à 14h20, après s’être levé une dernière fois, malade, à 4h30 (il avait toujours été un lève-tôt).
Les derniers mots de l’ancien roi furent : « Combien de temps cela va-t-il durer ? J’ai des choses importantes à faire », une phrase qu’il adressa au médecin qui s’était précipité à son chevet après le début de la paralysie. Quelques jours plus tôt, précisément le 23 décembre, Victor-Emmanuel III avait plutôt dit : « Nous vivons dans un très beau monde ! », ces paroles étaient adressées à son aide de camp, le colonel Tito Livio Torella di Romagnano, et faisaient référence au fait que Victor-Emmanuel avait remarqué que, dans la correspondance qui arrivait en Italie pour les vacances de Noël, certaines lettres de personnalités brillaient en raison de leur absence. Évidemment, il attendait les hommages.
La mort de Victor-Emmanuel III a limité chaque appel de Humbert II. Le roi d’Égypte Farouk a ordonné que le défunt ait le droit à des funérailles militaires (avec le cercueil qui est placé sur un affût de canon et escorté par une représentation adéquate des forces armées égyptiennes), le corps de Victor-Emmanuel III, salué lors des funérailles par 101 coups de canon, a été inhumé dans la cathédrale catholique latine d’Alexandrie en Égypte. Par contre, selon le désir du défunt, aucune fleur n’a été déposée sur le cercueil. En effet, ceux qui voulaient honorer sa mémoire ont été invités à suivre la suggestion de la reine Hélène, au profit de la communauté italienne d’Alexandrie en Egypte.
Source : Wikipédia.