Tristan Corbière, poète.

Édouard-Joachim Corbière, dit Tristan Corbière, né le 18 juillet 1845 à Ploujean (aujourd’hui Morlaix, dans le Finistère) et mort le 1er mars 1875 à Morlaix, est un poète français, proche du symbolisme, figure du « poète maudit ».

Auteur d’un unique recueil poétique, Les Amours jaunes, et de quelques fragments en prose, Tristan Corbière mène une vie marginale et miséreuse, nourrie de deux grands échecs dus à sa maladie osseuse et sa « laideur » presque imaginaire qu’il se complaît à accuser, celui de sa vie sentimentale (il aima non réciproquement une seule femme, “Marcelle” comme prénommée dans son œuvre ; en réalité Armida-Josefina Cuchiani), et celui de sa passion pour la mer (il rêvait de devenir marin, comme son père Édouard Corbière). Sa poésie porte en elle ces deux grandes blessures qui l’amèneront à adopter un style très cynique et incisif, envers lui-même autant qu’envers la vie et le monde qui l’entoure.

Ses vers teintés de symbolisme et aux idées proches du décadentisme rejettent et condamnent tous les courants littéraires de son époque, du romantisme au Parnasse, car leur créateur excentrique se veut « indéfinissable, incatalogable, pas être aimé, pas être haï ; bref, déclassé de toutes les latitudes ». Son écriture poétique est caractérisée par l’abondance de ponctuation, le manque de polissage, et une anti-musicalité, le tout présentant un aspect heurté et brut, qui fut d’abord perçu comme une impuissance à mieux faire, avant d’être reconnu plus tard comme une destructuration volontaire du vers (« cassant, concis, cinglant le vers à la cravache »).

Tristan Corbière, carte maximum, Morlaix, 4/03/2011.

À la publication en 1873 à compte d’auteur de son unique œuvre, Les Amours jaunes, il passe totalement inaperçu dans les milieux littéraires de l’époque, et il faudra attendre dix ans pour que Paul Verlaine le révèle au grand public dans son essai Les Poètes maudits.

Il meurt à 29 ans, peut-être tuberculeux, célibataire sans enfant et sans travail, retranché dans son vieux manoir breton, incompris de ses contemporains (« Ah, si j’étais un peu compris ! »), et sa poésie novatrice ne sera reconnue que bien après sa mort.


Edouard Joachim Corbière nait le 18 juillet 1845 au manoir de Coat-Congar, à Ploujean, près de Morlaix, de l’union de Jean Antoine René Édouard Corbière dit Édouard Corbière et d’Angélique Aspasie Puyo. Son père, alors âgé de 52 ans, est déjà un célèbre marin, journaliste, et romancier maritime. Il avait épousé la mère du poète l’année précédente, fille de l’un de ses amis, alors qu’elle n’avait que 18 ans. À la naissance de l’enfant, trente-trois ans séparent ses deux parents.

Tristan passe une enfance paisible dans la propriété, louée par ses parents, dite « Le Launay », à une centaine de mètres de Coat-Congar, à Morlaix. Sa sœur, Lucie, nait en 1850, puis son frère, Edmond, en 1855. Tristan est envoyé à Pâques 1859, à l’âge de quatorze ans, en pension au Lycée Impérial de Saint-Brieuc, en classe de quatrième, après avoir suivi l’année précédente les cours du maître morlaisien Monsieur Bourgeois. C’est un moment difficile pour Tristan, jusque-là élevé tranquillement près de ses parents. Mis à part en français et en latin, c’est un élève médiocre, qui a des relations difficiles avec ses professeurs comme avec ses camarades. La majeure partie de sa correspondance (cinquante lettres sur soixante) date de cette époque, où il écrit en moyenne tous les trois jours à sa famille, et dans laquelle il raconte son quotidien d’élève, mais fait également part de ses sentiments, de l’amour qu’il porte à sa famille, et du manque de celle-ci. C’est le jeudi, son jour de sortie, qu’il retrouve un peu du bonheur familial chez des amis de ses parents, les Bazin. C’est à cette époque qu’il commence à souffrir de rhumatismes articulaires, et d’engelures aux mains. Malgré ses mauvais résultats, il obtient à la distribution des prix du 6 août un 2e accessit de thème latin, sa matière de prédilection. C’est l’année suivante au pensionnat que naît sa vocation de poète et de caricaturiste : son premier poème connu “Ode au chapeau”, datant de février 1860, est une satire sur le chapeau de son professeur d’histoire. Au palmarès du 6 août 1860, il obtient trois prix : le 2e prix de version latine, le 1er accessit de thème latin, et le 1er accessit de vers latins.

Son état de santé s’aggravant, il doit quitter Saint-Brieuc en août pour rejoindre son oncle médecin, Jules Chenantais établi à Nantes. Il entre le 9 octobre en seconde-lettres au lycée qui deviendra le Lycée Georges-Clemenceau en qualité d’externe, étant logé chez son oncle. Le 8 août 1861, il remporte le 1er accessit de narration et de thème latin. En 1862, à la suite d’une grave crise, il reste partiellement infirme, et voyage en Provence avec sa mère pendant les vacances d’été pour des raisons de santé. Malgré sa préférence de son nouveau lycée, l’aggravation de sa maladie l’empêche de passer le Baccalauréat au terme de sa classe de “rhétorique et logique”.

Sa vie de marginal commence lorsqu’il s’installe à Roscoff, en Bretagne, dans une maison que possèdent ses parents, où il lit les œuvres de son père, de Hugo, de Baudelaire et de Musset. Les habitants du village le surnomment l’« Ankou », c’est-à-dire le spectre de la mort, en raison de sa maigreur et de son allure disloquée. Il aime prendre la mer sur son bateau, Le Négrier (titre du plus célèbre roman de son père) et se livre à quelques excentricités. Il s’amuse un jour à se déguiser en forçat, en femme ou en mendiant, l’autre à se raser les sourcils ou bien encore, alors qu’il est en visite à Rome, à traîner un porc en laisse déguisé en évêque lors du carnaval auquel assiste le pape. C’est ainsi que s’écoulent ses jours, jusqu’à sa rencontre avec une petite actrice parisienne que Tristan Corbière se plaît à appeler Marcelle, de son vrai nom Armida Josefina Cuchiani ; elle devient sa muse.

Délaissant son prénom d’état-civil, Édouard-Joachim, pour prendre celui, plus évocateur, de Tristan (pour « Triste en corps bière »), il fait paraître à compte d’auteur en 1873 son unique recueil de poèmes, Les Amours jaunes, qui passe inaperçu. Lui qui ne connut aucun succès de son vivant, il sera révélé de manière posthume par Verlaine, qui lui consacre un chapitre de son essai Les Poètes maudits (1884). Le recueil se trouve également en bonne place dans la bibliothèque élitiste de Des Esseintes, le héros d’À rebours : cette présence dans l’œuvre de Huysmans contribuera à faire connaître le poète au public.

Le poète qui rêvait d’être marin ne put satisfaire son désir de courir les mers, malgré son amour passionné pour celle-ci.

Il meurt à Morlaix le 1er mars 1875 et enterré au cimetière Saint-Augustin. Il n’a pas trente ans et n’a connu qu’une vie de solitude, brève et misérable, constamment atteint dans sa chair par la maladie, malheureux en amour, englué dans une passion unique et sordide ; sans doute, au figuré, la mer fut-elle sa véritable épouse. Le temps a rendu le poète à la lumière, et reconnu, bien tard, son talent.

Le nom des Amours jaunes, son unique recueil, a été donné à la bibliothèque publique ancienne de Morlaix. H. P. Lovecraft lui rend un bref hommage dans la préface de L’Appel de Cthulhu.

Son poème Litanie du sommeil est inclus par André Breton dans l’Anthologie de l’humour noir.

Source : Wikipédia.

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