Salvador Dalí i Domènech, premier marquis de Dalí de Púbol, né à Figueras le 11 mai 1904, et mort dans la même ville, le 23 janvier 1989, est un peintre, sculpteur, graveur, scénariste et écrivain catalan de nationalité espagnole. Il est considéré comme l’un des principaux représentants du surréalisme, et comme l’un des plus célèbres peintres du XXe siècle.
Influencé très jeune par l’impressionnisme, il quitta Figueras pour recevoir une éducation artistique académique à Madrid où il se lia d’amitié avec Federico García Lorca et Luis Buñuel et chercha son style entre différents mouvements artistiques. Sur les conseils de Joan Miró, il rejoignit Paris à l’issue de ses études et intégra le groupe des surréalistes, où il rencontra sa femme Gala. Il trouva son propre style à partir de 1929, année où il devint surréaliste à part entière et inventa la méthode paranoïaque-critique. Exclu de ce groupe quelques années après, il vécut la guerre d’Espagne en exil en Europe, avant de quitter la France en guerre pour New York, où il résida huit ans et où il fit fortune. À son retour en Catalogne, en 1949, il opéra un virage vers le catholicisme, se rapprocha de la peinture de la Renaissance et s’inspira des évolutions scientifiques de son temps pour faire évoluer son style vers ce qu’il nomma mysticisme corpusculaire.
Les thèmes qu’il aborda le plus fréquemment furent le rêve, la sexualité, le comestible, sa femme Gala et la religion. La Persistance de la mémoire est l’une de ses toiles surréalistes les plus célèbres, le Christ de saint Jean de la Croix est l’une de ses principales toiles à motif religieux. Artiste très imaginatif, il manifestait une tendance notable au narcissisme et à la mégalomanie qui lui permettaient de retenir l’attention publique, mais irritaient une partie du monde de l’art, qui voyait dans ce comportement une forme de publicité qui dépassait parfois son œuvre. Deux musées lui furent dédiés de son vivant, le Salvador Dali Museum et le théâtre-musée Dalí. Dalí créa lui-même le second, comme une œuvre surréaliste à part entière.
La sympathie de Dalí pour Francisco Franco, son excentricité et ses œuvres tardives font de l’analyse de son œuvre comme de sa personne des thèmes difficiles et sujets à controverses.
En 1922, Dalí s’installa dans la célèbre résidence d’étudiants de Madrid pour commencer ses études à l’Académie royale des beaux-arts de San Fernando8. Il attira immédiatement l’attention à cause de son caractère excentrique de dandy. Il portait une longue chevelure à favoris, une gabardine, de hautes chaussettes épaisses de style victorien. Cependant, ce furent ses peintures, que Dalí teintait de cubisme, qui attirèrent le plus l’attention de ses camarades de résidence, notamment ceux qui devinrent des figures de l’art espagnol : Federico García Lorca, Pepín Bello, Pedro Garfias, Eugenio Montes, Luis Buñuel, Rafael Barradas10 et plus généralement la génération de 27. À cette époque, cependant, il est possible que Dalí n’eût pas compris complètement les principes cubistes. En effet, ses uniques sources étaient des articles publiés par la presse — L’Esprit Nouveau20 — et un catalogue que lui avait donné Pichot, puisqu’il n’y avait pas de peintres cubistes à Madrid à cette époque. Si ses professeurs étaient ouverts à la nouveauté, ils se trouvaient en retard sur l’élève : ils adaptaient l’impressionnisme français aux thèmes hispaniques, approche que Dalí avait dépassé l’année précédente.
Dalí se consacra avec Lorca et Buñuel à l’étude des textes psychanalytiques de Sigmund Freud. Il considérait la psychanalyse comme l’une des découvertes les plus importantes de sa vie. Accusé à tort de diriger un mouvement d’agitation en Catalogne, il fut expulsé en 1923 de l’académie et emprisonné du 21 mai au 11 juin. La raison de son arrestation semble être liée à la plainte pour fraude électorale déposée par le père de Dalí à la suite du coup d’État de Primo de Rivera. Dalí retourna à l’académie l’année suivante.
En 1924, toujours inconnu, Salvador Dalí illustra un livre pour la première fois. C’était une publication du poème en catalan Les Bruixes de Llers (Les Sorcières de Llers) d’un de ses amis de la résidence, le poète Carles Fages de Climent. Dalí se familiarisa rapidement avec le dadaïsme, influence qui le marqua pour le reste de sa vie. Dans la résidence, il refusa les avances amoureuses du jeune Lorca qui lui dédia plusieurs poèmes.
Les deux artistes devinrent amis. Il est probable que chacun des jeunes hommes trouva en l’autre une passion de découverte esthétique correspondant à ses propres désirs. Les demandes de l’écrivain se firent à un tournant de l’œuvre de Dalí qui les ressentit comme un écho à ses recherches sur l’inconscient. Compte tenu des affabulations de Dalí, on ne saura sans doute jamais quelles furent leurs relations, alors que les deux artistes faisaient amoureusement le portrait l’un de l’autre. Les toiles de cette époque sont marquées par l’onanisme du peintre, qui affirma être resté vierge avant sa rencontre avec Gala. Dalí reçut la visite de Federico García Lorca, en novembre 1925, à Cadaqués puis, cette même année, Dalí réalisa sa première exposition personnelle à Barcelone à la Galerie Dalmau, où il présenta Portrait du père de l’artiste et Jeune fille à la fenêtre.
La même galerie exposa, fin 1926, d’autres œuvres de Dalí et, notamment La Corbeille de pain, peinte durant l’année. Ce fut la première toile de l’artiste présentée hors d’Espagne, en 1928, lors de l’exposition Carnegie de Pittsburgh. Sa maîtrise des moyens picturaux se reflète impeccablement dans cette œuvre réaliste. Les premières critiques barcelonaises furent chaleureuses. Pour l’une d’elles, si cet enfant de Figueras tourna son visage vers la France, c’est parce qu’il peut le faire, parce que ses dons de peintre que Dieu lui a donné doivent fermenter. Qu’importe si Dalí pour aviver le feu se sert du crayon à mine de plomb d’Ingres ou du gros bois des œuvres cubistes de Picasso. Dalí fut par la suite expulsé de l’Académie en octobre 1926, peu avant ses examens finaux, pour avoir affirmé que personne n’était en condition de l’examiner.
En 1927, probablement en début d’année, Dalí visita Paris pour la première fois, muni de deux lettres de recommandation destinées à Max Jacob et à André Breton. D’après lui, ce voyage fut marqué par trois visites importantes, Versailles, le musée Grévin et Picasso, que le jeune Dalí admirait profondément. Picasso avait déjà reçu des commentaires élogieux sur Dalí de la part de Joan Miró.
Pablo Picasso avait 23 ans de plus que lui. Dalí raconta que, lors de cette rencontre, il lui montra une de ses petites toiles, La Fille de Figueras que Picasso contempla pendant un quart d’heure, puis Picasso en fit autant avec quantité des siennes, sans un mot. Il ajouta qu’au moment de se quitter, sur le pas de la porte, nous échangeâmes un regard qui disait : “Compris ? — Compris !”.
Picasso resta une référence constante pour Dalí, admiré et rival. Dans son Analyse dalinienne des valeurs comparées des grands peintres, il lui attribua 20/20 à la catégorie « génie », à égalité avec Léonard de Vinci, Vélasquez, Raphaël et Vermeer, alors qu’il ne s’attribua « que » 19/20. À la fin de sa vie, il se permit d’être plus critique sur la peinture de Picasso : Picasso refuse la légitimité ; il ne prend pas la peine de corriger, et ses tableaux ont de plus en plus de jambes, tous ses hâtifs repentirs sortent avec le temps ; il s’est fié au hasard ; le hasard se venge38. Ils restèrent en contact durant toute leur vie.
Avec le temps, Dalí développa un style propre et se transforma à son tour en une référence et en un facteur influent de la peinture de ces peintres. Certaines caractéristiques de la peinture de Dalí de cette époque se convertirent en marques distinctives de son œuvre. Il absorbait les influences de divers courants artistiques, depuis l’académisme et le classicisme, jusqu’aux avant-gardes. Ses influences classiques passaient par Raphaël, Bronzino, Zurbarán, Vermeer et, évidemment, Velázquez dont il adopta la moustache en croc et qui devint emblématique. Il alternait les techniques traditionnelles et les méthodes contemporaines, parfois dans la même œuvre. Les expositions de cette époque attirèrent une grande attention, suscitèrent des débats et divisèrent les critiques. Sa jeune sœur Anna-Maria lui servit souvent de modèle à cette époque, posant souvent de dos, devant une fenêtre. En 1927, Dalí, âgé de 23 ans, atteignit sa maturité artistique. Cette évidence transparaît dans ses œuvres Le miel est plus doux que le sang et Chair de poule inaugurale, la première inspirée par sa relation avec Lorca et la seconde par sa première rencontre intime avec Gala.
Quelques mois plus tard, Luis Buñuel se rendit à Figueras où les deux amis écrivirent le scénario du film surréaliste Un chien andalou avant que Dalí ne retournât à Paris en 1928, accompagné d’un autre Catalan, Joan Miró. Pour Robert Descharnes et Gilles Néret, le film lança Dalí et Buñuel comme une fusée. C’était pour le peintre, un poignard en plein cœur du Paris spirituel, élégant et cultivé, ajoutant que le film avait été ovationné par un public abruti qui applaudit tout ce qui lui semble nouveau et bizarre.
À la suite de la visite, à l’été 1929, de René Magritte et Paul Éluard à Cadaqués, et sur les conseils de Joan Miró, Dalí allait adhérer au surréalisme. De retour à Paris il commença donc à fréquenter le groupe des surréalistes constitué de Hans Arp, André Breton, Max Ernst, Yves Tanguy, René Magritte, Man Ray, Tristan Tzara et de Paul Éluard et son épouse Helena, surnommée par tous Gala. Née sous le nom d’Elena Ivanovna Diakonova, c’était une migrante russe dont Dalí tomba amoureux, et qui fut séduite par cet homme de dix ans plus jeune qu’elle. Bien que Dalí eût allégué être complètement impuissant et vierge, son œuvre reflète son obsession sexuelle. Il représenta notamment le désir sous la forme de têtes de lions.
Gala était sa muse. Elle lui tenait lieu de famille, organisait ses expositions et vendait ses toiles. En décembre, en raison de sa liaison avec Gala — femme mariée —, Salvador Dalí se brouilla profondément avec son père et sa sœur Anna-Maria. La légende d’une gravure mal interprétée complète le tableau d’un fils en rupture avec sa famille. Le critique d’art Eugenio d’Ors aurait rapporté, dans un journal barcelonais, que Dalí aurait montré au groupe des surréalistes une chromo représentant le Sacré-Cœur, sur lequel était écrit parfois, je crache par plaisir sur le portrait de ma mère, provoquant l’ire de son père et obligeant Dalí à partir. Gala et lui passèrent les années 1930 à 1932 à Paris. Les premiers mois furent pourtant difficiles, ses toiles se vendaient mal et le couple vivait de peu. Mais le peintre se fit connaître à Paris où il fréquentait autant les dîners mondains que les cercles surréalistes. En 1930, ne pouvant s’installer à Cadaqués en raison de l’hostilité paternelle, Dalí et Gala achetèrent une minuscule maison de pêcheur à quelques centaines de mètres de Cadaqués, au bord de la mer, dans la petite crique de Portlligat. Au fil des ans, la fortune aidant, il transforma sa propriété en une fastueuse villa aujourd’hui convertie en musée. Le paysage sur la petite crique devint une référence picturale permanente dans l’œuvre du peintre qui affirma : Je ne suis chez moi qu’ici, partout ailleurs, je ne suis que de passage50. Gala et Dalí se marièrent civilement en 1934, avant de se marier religieusement en 1958.
En 1931, Dalí peignit l’une de ses toiles les plus célèbres, La Persistance de la mémoire, également connue sous le nom des Montres molles qui, selon certaines théories, illustre son refus du temps comme entité rigide ou déterministe. Dalí, dans un pathétique désir d’éternité fait du temps de la montre, c’est-à-dire du temps mécanique de la civilisation, une matière molle, ductile qui peut aussi être mangée à la manière d’un camembert coulant. Cette idée est développée par d’autres figures de l’œuvre, comme l’ample paysage ou bien certaines montres à gousset, dévorées par des insectes54. D’autre part, les insectes feraient partie de l’imaginaire dalinien comme entité destructrice naturelle et, comme le peintre l’explique dans ses mémoires, seraient des réminiscences de son enfance.
De retour en Catalogne, Dalí et Gala quittèrent Portlligat en 1936 pour fuir la guerre civile espagnole et voyagèrent en Europe. Ils vécurent un temps en Italie fasciste, où il s’inspira des œuvres romaines et florentines de la Renaissance, notamment pour réaliser des images doubles telles que Espagne. Ses toiles Construction molle aux haricots bouillis (également connue sous le nom de Prémonition de la guerre civile) et La Girafe en feu furent les plus représentatives de cette période, qui vit l’invention de ces monstres. Ceux-ci reflètent sa vision de la guerre, mais non son attitude politique. Il représenta la guerre civile comme un phénomène d’histoire naturelle, une catastrophe naturelle, et non un événement politique, comme Picasso avait pu le faire avec Guernica. Ce fut à Londres qu’il apprit le meurtre de son ami Federico García Lorca, le 19 août 1936, à Grenade par un franquiste, le faisant tomber dans une profonde dépression.
Durant son deuxième voyage aux États-Unis, la presse et le public firent un accueil triomphal à Mr Surrealism. Le portrait de Dalí par le photographe Man Ray fit la une, en décembre 1936, du magazine Time. En février 1937, Dalí rencontra à Hollywood les Marx Brothers et fit un portrait de Harpo Marx, agrémenté de cuillères, de harpes et de fils de fer barbelés. Le film qu’ils projetaient de faire ne vit pas le jour. En 1938, par l’intermédiaire d’Edward James ainsi que celle de son ami Stefan Zweig, Dalí rencontra à Londres Sigmund Freud, qu’il admirait depuis longtemps et dont les travaux avaient inspiré ses propres recherches picturales sur les rêves et l’inconscient.
À partir de 1949, les Dalí revinrent vivre en Catalogne sous la dictature franquiste et passèrent leurs hivers à Paris, dans une suite de l’hôtel Meurice. Il décupla sa virtuosité technique, intensifia son intérêt pour les effets optiques mais, surtout, réalisa son retour à la foi catholique. Il fut reçu en audience privée le 23 novembre 1949 par le pape Pie XII. Ses recherches sur les proportions classiques le menèrent à sublimer toutes les expériences révolutionnaires de [son] adolescence dans la grande tradition mystique et réaliste de l’Espagne. Cette conversion prit notamment la forme de deux toiles, La Madone de Port Lligat (1949) et le Christ de saint Jean de la Croix (1951), qui furent complétées d’illustrations pour La Divine Comédie (1952, aquarelles). Il avait alors déjà publié son Manifeste mystique, où il expliquait les tenants et les aboutissants de son mysticisme nucléaire et signé ses premières toiles corpusculaires dont la toile Galatée aux sphères est une représentante. Il lia catholicisme et physique des particules en expliquant les Élévations — de la Vierge, de Jésus — par la « force des anges », dont les protons et les neutrons seraient des vecteurs, des éléments angéliques. Il lia la corne de rhinocéros à la chasteté, à la Vierge Marie et à La Dentellière de Vermeer, dans un raisonnement mêlant la géométrie « divine » de la spirale logarithmique, la corne l’animal et la construction corpusculaire de la plus violente rigueur de la toile du maître hollandais. Il peignit de nombreux sujets composés de cet appendice.
Le 17 décembre 1955, il exposa ces idées à la Sorbonne, lors de sa conférence « Aspects phénoménologiques de la méthode paranoïaque-critique ». Il se rendit à l’université dans une Rolls-Royce jaune et noire, remplie de choux-fleurs qu’il distribua en guise d’autographes. Opposant dans sa présentation la France et l’Espagne, le premier étant selon lui le pays le plus rationnel au monde et le second le plus irrationnel, il démontra au cours de cette conférence l’unicité de l’arrière-train du pachyderme avec un tournesol, l’ensemble étant lié à la célèbre Dentellière et aux corpuscules de la physique atomique.
En 1979, le Centre Georges Pompidou réalisa une grande rétrospective Dalí, exposant 169 peintures et 219 dessins, gravures et objets de l’artiste. Une des particularités de l’exposition se trouvait au sous-sol. Une Citroën était suspendue au plafond avec une botifarra (saucisse catalane), une cuillère de 32 m de long et de l’eau coulait dans le radiateur de la voiture.
L’année suivante, la santé de Dalí se dégrada fortement. À 76 ans, Dalí présentait les symptômes de la maladie de Parkinson98 et perdit définitivement ses capacités artistiques98. Il reçut en 1982, le titre de Marqués de Dalí de Púbol (marquis de Dalí de Púbol), de la main du roi d’Espagne, Juan Carlos. Dalí réalisa pour le souverain son dernier dessin intitulé Tête d’Europe.
Gala mourut le 10 juin 1982, à 87 ans. Dalí déménagea de Figueras pour le château de Púbol où, en 1984, un incendie éclata dans sa chambre à coucher, dont la cause ne fut jamais éclaircie. Dalí fut sauvé et retourna vivre à Figueras, dans son théâtre-musée. En novembre 1988, Dalí fut hospitalisé après un malaise cardiaque. Il reçut une ultime visite du roi d’Espagne, le 5 décembre 1988. Le peintre mourut le 23 janvier 1989 à Figueras, à l’âge de 84 ans. Il fut inhumé dans la crypte de son théâtre-musée. Sa fortune fut pillée à sa mort.
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Sources : Wikipédia, YouTube.