Rogier de le Pasture, dit en flamand Rogier van der Weyden, est un peintre appartenant au mouvement des primitifs flamands, né en 1399 ou 1400 à Tournai et mort le 18 juin 1464 à Bruxelles.
Originaire de Tournai, il y est formé au sein de l’atelier du peintre Robert Campin. Il s’installe à Bruxelles en 1435 et devient peintre officiel de la ville. Il répond par ailleurs à de nombreuses commandes des ducs de Bourgogne et de leur entourage. Il fait un voyage en Italie vers 1450 où il acquiert une certaine renommée. Il termine sa vie à la tête d’un atelier prospère auteur de nombreuses œuvres. Les historiens de l’art lui attribuent une quarantaine d’œuvres encore conservées. Il a, par ailleurs, probablement eu une activité d’enlumineur.
Rogier de Le Pasture naît à Tournai vers 1400. La ville est alors une commune autonome dépendant du roi de France. Rogier est le fils du coutelier Henry de le Pasture, mort avant 1426 et d’Agnès de Wattrelos1. Peut-être est-il parent d’un certain Coppin de la Pasture, peintre tournaisien mentionné dans une condamnation en 1408. Il entre sans doute assez tôt comme apprenti dans l’atelier de Robert Campin, aussi appelé Maître de Flémalle. Avant 1426, il épouse Isabelle Goffaert, fille d’un riche chausseur bruxellois Jan Goffaert et de Cathelyne van Stockem (ou de Stoquain), probable parente de la femme de Robert Campin.
En 1426, Rogier de le Pasture est apprenti dans l’atelier de Robert Campin, en même temps que Jacques Daret. Selon Albert Châtelet, il était au préalable parti compléter sa formation lors de plusieurs voyages. Très engagé dans la vie politique de la ville, Robert Campin se repose sur cet apprenti déjà expérimenté pour faire fonctionner son atelier. Pour autant, aucune œuvre ne peut être attribuée à Rogier de le Pasture avant 1426. Il est signalé, dans les archives de la ville, comme apprenti dans cet atelier de 1427 à 1432. De cette époque date peut-être la petite Vierge à l’Enfant du musée Thyssen-Bornemisza. En 1432, il obtient le titre de maître dans la Guilde de Tournai. De cette époque date la Descente de Croix du musée du Prado, destinée à la chapelle de la confrérie des arbalétriers de Louvain.
Son origine tournaisienne est attestée par plusieurs documents d’archives. En 1440, il fait rédiger à Bruxelles, en qualité de tuteur de sa nièce (fille de sa sœur germaine Jeanne), une procuration pour la vente d’une maison située à Tournai. Il sera encore question de cet immeuble dans un document rédigé à Tournai en 1426, où sont cités Henri de le Pasture et Agnès Watrelos, père et mère de Jeanne. En 1463, une lettre est adressée par la duchesse de Milan au Magistro Rugiero de Tornay pictori in Burseles. Un registre de la corporation des peintres de Tournai contient son inscription comme maître avec la mention natif de Tournai. Enfin, les comptes de la confrérie de Tournai pour 1463-1464 mentionnent en ces termes les frais payés à l’occasion du service funèbre de Rogier Van der Weyden : Item payent pour les chandèles qui furent mise devant saint Luc, à cause de service Maistre Rogier de le Pasture, natyf de cheste ville de Tournay lequel demoroit à Brouselles.
Saint Luc dessinant la Vierge (1435), musée des beaux-arts de Boston.
Dans le courant de l’année 1435, Rogier de le Pasture part s’installer à Bruxelles, dans le Brabant, où son nom sera désormais flamandisé en Rogier van der Weyden1. Dès son arrivée, il est nommé peintre officiel de la ville. En avril 1434, la visite officielle du bourgmestre de Bruxelles aurait été l’occasion de débaucher le peintre tournaisien. Cette fonction reste essentiellement honorifique : il ne perçoit officiellement, chaque année, qu’une pièce de drap pour tout salaire, sans aucun revenu régulier. Il obtient tout de même le titre de bourgeois de la ville, qu’il mentionne en 1439.
C’est à titre de peintre officiel que la ville de Bruxelles lui commande de grands tableaux pour la salle principale de l’hôtel de ville. Deux sont réalisés avant 1439, illustrant des épisodes de La Justice de Trajan. Une seconde série, peinte sans doute avant 1454, représente deux scènes de La Justice d’Archambaud. Il s’agit à chaque fois de tableaux destinés à l’édification des magistrats qui rendent leurs jugements en ces lieux. Panneaux de très grande dimension et sans doute pièce maîtresse de van der Weyden, ils ont probablement été détruits en 1695 lors du bombardement de Bruxelles par les troupes françaises et ne sont plus connus aujourd’hui que par des reproductions partielles, sous forme de tapisserie ou de dessin.
Peu de temps après son arrivée, il peint le retable de l’autel de la confrérie des peintres à la collégiale Sainte-Gudule dédié à saint Luc, patron des peintres, auquel il semble avoir donné ses traits. Le tableau est directement inspiré de La Vierge du chancelier Rolin, que le peintre n’a pu observer que dans l’atelier de Jan van Eyck, signe des liens qui unissaient les deux artistes. En 1444, Rogier habite une grande maison de la ville.
Retable des sept sacrements, Musée M, musée de la Ville de Leuven.
À partir de 1442, sans être peintre officiel de la cour de Philippe le Bon, il répond à de nombreuses commandes de l’entourage du duc. L’année 1441 marque la disparition du peintre officiel Jan van Eyck. Celui-ci n’est pas remplacé, mais le prince n’hésite pas à faire appel à l’artiste le plus en vue de sa ville et résidence favorite. On trouve sa trace en 1446, puis en 1458-1459, dans les comptes du duc pour des réalisations officielles, notamment la peinture polychrome de statues. Mais c’est surtout pour l’entourage du prince qu’il reçoit ses commandes les plus importantes : Le Jugement dernier (vers 1445-1449), pour le chancelier Nicolas Rolin aux Hospices de la ville de Beaune, ou encore Le Retable des sept sacrements pour Jean Chevrot, évêque de Tournai et chef du conseil du duc. Outre ces œuvres de très grande dimension, il réalise aussi des enluminures dans des manuscrits destinés à la bibliothèque ducale. La seule qui lui soit attribuée avec certitude est la miniature de présentation des Chroniques de Hainaut de Jean Wauquelin, datée de 1446-1448.
À la même époque, van der Weyden réalise un portrait de Philippe le Bon, dont on ne conserve aucun exemplaire attesté de sa main. Les différentes répliques d’atelier ont sans doute été réalisées à partir d’un poncif : le maître dessine une esquisse du visage et du buste puis laisse à ses compagnons ou apprentis le soin d’en peindre différentes versions définitives. Ce mode de fonctionnement, fréquent des ateliers contemporains, explique les variations dans la qualité de sa production10. Par ailleurs, van der Weyden réalise de nombreux portraits de cour, dont celui de la duchesse de Bourgogne et de son fils, le futur Charles le Téméraire.
Vers 1450, à l’occasion du Jubilé, van der Weyden part en Italie, très vraisemblablement à Rome et à Florence. Ce voyage est connu grâce au témoignage du napolitain Bartholomeus Facius, dans son De Viris Illustribus de 1456. À cette époque, van der Weyden a déjà eu l’occasion de travailler pour des commanditaires italiens tel Lionel d’Este, mais uniquement par des intermédiaires installés à Bruges. Rien n’est connu des conditions de son voyage : Facius signale que l’artiste bruxellois a pu admirer les fresques de Gentile da Fabriano à l’église Saint-Jean-de-Latran.
Seules deux œuvres témoignent d’une influence italienne directe ; elles sont d’ailleurs commandées par des personnalités transalpines. La Lamentation du Christ, conservée à la galerie des Offices de Florence et destinée à la famille Médicis, reproduit un schéma de Fra Angelico issu du panneau central de la prédelle de l’église du couvent San Marco. La Vierge Médicis (Städel Museum, Francfort), commandée par la même famille, reprend la disposition des saints se tenant debout autour de la Vierge, mais cet agencement se rencontre déjà dans quelques retables flamands. Cette influence italienne reste en fait relativement limitée. Elle apparaît aussi dans le Triptyque de saint Jean-Baptiste (Gemäldegalerie de Berlin) : le choix des scènes y est analogue à celui de la porte sud du baptistère de Florence, due à Andrea Pisano.
En décembre 1460, le peintre Zanetto Bugatto, portraitiste officiel de la cour des Sforza, est envoyé à Bruxelles. Le duc de Milan le recommande au duc de Bourgogne pour qu’il se perfectionne auprès de Rogier van der Weyden. Il y demeure jusqu’en mai 1463.
Durant la première moitié de la décennie 1460, l’atelier du peintre continue d’assurer d’importantes commandes : pour des couvents (tel un diptyque pour l’abbaye Saint-Aubert de Cambrai, aujourd’hui conservé au Philadelphia Museum of Art) ou des particuliers (comme le Diptyque à la Vierge de Philippe Ier de Croÿ ou le Portrait de François d’Este). Sa renommée et son aisance lui permettent aussi de faire des dons : à la chartreuse de Scheut (une Crucifixion de grand format, désormais à l’Escurial) ou encore à la Chartreuse de Hérinnes-lez-Enghien, où son fils Corneille s’est retiré. Au sein de son atelier, Rogier est secondé, depuis au moins 1455, par son fils Pierre, né en 1437.
Rogier van der Weyden meurt à Bruxelles le 18 juin 1464. Il est enterré à l’église Sainte-Gudule, au pied de l’autel de la confrérie des peintres et de son retable.
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Sources : Wikipédia, YouTube.