Roger Casement, diplomate et poète.

Roger Casement, né le 1er septembre 1864 et mort le 3 août 1916, est un diplomate britannique de profession et un poète, un nationaliste et un révolutionnaire irlandais.

Il est connu pour son engagement contre les abus du système colonial dans l’État indépendant du Congo et dans le Putumayo (région de production du caoutchouc, contestée entre le Pérou et la Colombie) ainsi que pour son engagement révolutionnaire en Irlande.


Roger Casement est né en Irlande à Sandycove, dans la grande banlieue sud de Dublin, d’un père protestant et d’une mère catholique. Orphelin dès l’âge de dix ans, il est élevé par des cousins en Ulster.

Roger Casement vient en Afrique pour la première fois en 1883, à l’âge de 19 ans, en tant que diplomate. En 1884, il se lie avec le jeune Herbert Ward, pour lequel il éprouve une amitié indéfectible.

En 1890, alors qu’il était consul à Matadi, il a une longue conversation avec Joseph Conrad lors de son arrivée dans l’État Indépendant du Congo et le met au courant des atrocités dont il a eu témoignage, aidant ainsi l’écrivain à recueillir les matériaux du roman Au cœur des ténèbres. Il restera en contact avec lui et le rencontrera à plusieurs reprises. Lors d’un séjour qu’il fait chez les Conrad en 1905, l’épouse de ce dernier le décrit comme « un protestant irlandais fanatique […] très élégant, avec une épaisse barbe noire, des yeux perçants et toujours mobiles, [dont] la personnalité m’a vivement impressionnée ». Les deux amis se détourneront cependant de lui lors de la Première Guerre mondiale, lorsque Roger Casement est emprisonné pour avoir sollicité l’intervention de l’Allemagne dans la cause de l’indépendance de l’Irlande.

En 1892, Roger Casement quitte le Congo pour rejoindre l’administration coloniale britannique au Nigeria. En 1895, il est nommé consul à Lourenço Marques (l’actuel Maputo). Il est ensuite nommé successivement consul britannique au Mozambique et en Angola en 1898, avant d’être désigné consul en août 1900 dans l’État indépendant du Congo, après érection de celui-ci en juridiction autonome séparée de Luanda. L’État indépendant du Congo est alors propriété de Léopold II.

Cela fait plusieurs années que le Foreign Office, à Londres — à la suite des témoignages du vice-consul Edward Bannister à Boma en 1894, puis aux rapports de William Pickersgill et d’Arthur Nightingale en 1895 et 1897 — souhaite avoir des preuves des exactions commises sur les territoires de l’É.i.C. contre des « travailleurs » venus des colonies britanniques de l’Afrique occidentale.

Le 30 avril 1900, Roger Casement écrit déjà au Foreign Office : « La racine du mal se trouve dans le fait que le gouvernement du Congo est avant tout un trust commercial, que tout le reste y est subordonné à la volupté du gain… » Le 28 juin 1901, Roger Casement envoie au Foreign Office une lettre rapportant les circonstances de l’affaire Cyrus Smith, souligné de ce commentaire : « Le Souverain tenait la Société anversoise dans le creux de sa main… et c’est impossible qu’il soit ignorant des méthodes employées par elle. Léopold II me dit lui-même à Bruxelles qu’il était « le maître du Congo » ».

Le 22 mai 1903, le consul Roger Casement demande l’autorisation au Foreign Office de quitter son poste à Boma et de gagner le Haut-Congo. Son enquête commence8. Il rejoint Matadi, puis Léopoldville par le train (5 juin), où il se documente notamment auprès du missionnaire Thomas Morgan de la Congo Balolo Mission. Puis le 2 juillet il quitte le Stanley Pool en bateau à destination de Tshumbiri, où il rencontre le missionnaire Arthur Billington et sa femme. Des 5 000 habitants qu’il avait lui-même vu en 1887, dit-il, il n’en compte plus que 5009. Le 10 juillet il gagne Bolobo pour un séjour de douze jours, où des 40 000 habitants qu’il affirme avoir recensés (sans dire comment), il n’en reste plus que 7 à 8 000 habitants. Il remonte par le fleuve jusqu’à Mpoko où vivent les Basengele. Il note deux faits nouveaux : « l’abattage au fusil d’Africains par un fonctionnaire blanc en personne, et l’apport de parties sexuelles masculines en tant que preuves de l’usage exclusif de cartouches contre des hommes ». Il poursuit sa route sur le fleuve jusqu’à Lukolela (25 juillet), où le missionnaire John Whitehead lui remet copie des lettres envoyées au gouverneur-général, puis navigue jusqu’au lac Tumba, où il gagne la mission de Joseph Clark à Ikoko. Il y reste 17 jours, visite Bikoro, Montaka, d’autres villages jusqu’à la mission américaine de Bolenge, situé plus haut sur le fleuve, et consigne toutes les informations qu’il peut récolter sur les exactions et les meurtres commis au nom de l’É.i.C., notamment ceux perpétrés dans la région par Léon Fiévez au cours de la période 1893-1898.

Le 14 novembre 1903, alors que Léopold II tente de rallier l’Italie à sa cause afin de désavouer moralement l’Angleterre qui a pris la tête de la contestation internationale contre l’É.i.C., le docteur italien Hector Villa, qui séjourne au Congo depuis plus de 10 ans, écrit dans un rapport à Rome « que les idées de son collègue Casement sur l’É.i.C. étaient exactes et irréfutables et qu’il ne fallait plus envoyer des militaires italiens au Congo ».

Le 28 décembre 1903, Roger Casement remet au Foreign Office son rapport dans lequel il dénonce les atrocités systématiques commises par les agents du roi, non seulement sur les sujets britanniques, comme il le lui était demandé, mais également sur l’ensemble de la population congolaise, hommes, femmes, enfants, vieillards. Le rapport est imprimé et diffusé dans la série des Confidential Prints (usage interne)11. Ce rapport donne ensuite lieu à une note12 qui est envoyée officiellement le 11 et 12 février 1904 à l’administration de l’État du Congo et aux puissances signataires de l’Acte de Berlin. À la suite de ce rapport et des preuves qu’il apporte, Léopold II est contraint d’accepter la nomination d’une Commission d’Enquête sur les exactions.

Après la publication de son rapport, Roger Casement quitte Londres et retourne en Irlande pendant un an et demi (1904-1905). Il est fait compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges pour son travail.

Durant les quatre années suivantes, il est envoyé par le Foreign Office comme consul au Brésil. D’abord à Santos, puis à Belém, enfin à Rio de Janeiro.

Dès 1907, Binjamín Saldaña Rocca, journaliste à Iquitos (Pérou), écrit des articles dans les journaux locaux (La Felpa et La Sanción), dénonçant les conditions inhumaines avec lesquelles sont traitées les populations indiennes asservies à la collecte du latex au Putumayo, par la Peruvian Amazon Company (en), (PAC), dirigée par Julio César Arana del Aquila.

En 1909, l’ingénieur américain Walter E. Hardenburg parcourt cette région. Horrifié par les maltraitances qu’il constate, il rassemble divers matériaux : photographies, coupures de presse et, à la faveur d’un voyage, fait paraître à Londres un édifiant article dans un magazine financier (Truth).

Toutes ces raisons amènent le gouvernement à intervenir. Il est décidé d’envoyer sur place une commission d’enquête à laquelle le Foreign Office demande à Roger Casement de participer.

La PAC a son siège opérationnel à Iquitos où elle a la mainmise sur toutes les administrations. La ville est devenue un important centre commercial et de regroupement du caoutchouc recueilli au Putumayo avant d’être expédié par voie fluviale sur la côte ouest, et de là, dans le monde entier.

Roger Casement et la commission arrivent à Iquitos le 31 août 1910. Malgré l’hostilité ambiante vis-à-vis de ces investigations, ils interrogent plusieurs barbadiens.

Au total 196 Barbadiens ont été recrutés par la PAC dans les années 1904-190526. La plupart ont été répartis entre la douzaine de centres de collecte du caoutchouc que possède la PAC au Putumayo. Chacun de ces comptoirs est dirigé par un chef secondé d’un adjoint qui, tous, selon le rapport de Roger Casement, sont des criminels. Les Barbadiens sont des intermédiaires entre ces chefs et les Indiens. Ils sont chargés de la surveillance de ces derniers, de les contraindre à rapporter du caoutchouc de la forêt, de l’application des sanctions.

Roger Casement rencontre le père supérieur des augustins pour lequel le principal problème à Iquitos est celui des enfants des deux sexes achetés ici à vil prix comme domestique/esclave. Chaque notable en possède au moins un, plusieurs le plus souvent. Ils ne sont pas rémunérés, pas éduqués, travaillent jour et nuit, sont battus, abusés sexuellement. Ces enfants indiens proviennent des raids qu’organise la PAC au Putumayo pour se procurer de la main-d’œuvre. Ces raids consistent à encercler un village par des hommes armés. Hommes, femmes, enfants sont enchaînés et amenés prisonniers dans un comptoir. Ensuite, ils sont contraints d’aller collecter le latex dans la forêt. Les femmes sont gardées en otage au comptoir afin de s’assurer du retour des hommes. Les enfants sont vendus à Iquitos ou bien à Manaus (Brésil).

Roger Casement et la commission quittent Iquitos le 14 septembre 1910 et après un voyage fluvial de 1 200 km, arrivent le 22 septembre à La Chorrera, le comptoir principal de la PAC au Putumayo. Là, comme dans les autres comptoirs qu’ils visiteront ensuite, ils continuent à interroger les sujets britanniques. Ils font également des constatations de visu telles que, présence de cicatrices de coups de fouet sur le dos et les fesses d’un grand nombre d’Indiens, présence dans chaque comptoir d’un engin de torture.

Six semaines plus tard, ils sont de retour à Iquitos. Ils ont pu visiter cinq autres comptoirs, qui sont les principaux de la PAC. Roger Casement quitte Iquitos le 6 décembre et arrive à Londres début janvier 1911 où il finalise son rapport.

Il arrête là sa carrière diplomatique pour raisons de santé et s’installe en Irlande où il prend fait et cause pour les nationalistes.

Alors que débute la Première Guerre mondiale, à la suite de diverses tractations, il est invité à Berlin où il arrive en novembre 1914 en passant par des pays neutres. Il considère alors que la guerre mondiale est une opportunité pour l’Irlande si elle veut obtenir son indépendance de l’Angleterre. Il essaye, en vain, de former une brigade irlandaise avec les prisonniers irlandais. Il échoue également dans sa tentative de convaincre le gouvernement allemand d’envoyer des troupes en Irlande. Il obtient juste la promesse d’une livraison d’armes, des fusils Mauser, aux indépendantistes irlandais de l’IRB et de l’ICA. Ces armes n’arriveront jamais entre les mains des nationalistes irlandais parce que l’Aud, le chalutier qui contenait 20 000 fusils pour l’insurrection programmée pour la semaine de Pâques, est intercepté (bien qu’il navigue sous le pavillon norvégien) par la Royal Navy et conduit à Queenstown où l’équipage (allemand) saborde le navire.

Après ces échecs répétés, Casement, qui est resté en Allemagne, tente d’entrer en rapport avec le chef indépendantiste irlandais Patrick Pearse et ses compagnons pour les dissuader de déclencher l’insurrection qu’il estime insuffisamment préparée.

En Grande-Bretagne, les manœuvres de Casement sont connues et il est considéré comme un traître. Il revient en toute hâte en Irlande à bord d’un sous-marin allemand qui le débarque dans la baie de Tralee le 20 avril 1916. Mais l’Angleterre, qui avait déchiffré le code des communications allemandes, était au courant de son arrivée et le fait immédiatement arrêter par une patrouille sur le litoral avant même qu’il ait pu contacter les responsables de « l’insurrection prévue pour Pâques ». L’arrestation de Casement et le sabordage du transport d’armes allemandes, révélés à l’opinion publique, sèment le doute chez les Irlandais et alertent le Castle, château de Dublin où siège l’autorité britannique en Irlande.

Sentant les projets des rebelles compromis, Casement veut faire annuler l’insurrection et parvient encore à faire passer un message en ce sens confirmant celui qu’il avait envoyé à Patrick Pearse depuis l’Allemagne. Néanmoins les combats éclatent quand même et aboutissent à une capitulation des nationalistes irlandais à Dublin. C’est le début d’un mouvement qui débouchera sur l’indépendance de l’Irlande.

Accusé de haute trahison, de sabotage et d’espionnage contre la Couronne britannique, Sir Roger Casement est condamné à mort en juin. Le nationaliste John Quinn tente de recueillir des appuis pour son appel et écrit en ce sens à son ami Conrad, mais celui-ci, qui juge la cause irlandaise futile dans la perspective d’une victoire allemande, refuse de signer la pétition :

« C’était un bon compagnon; mais déjà en Afrique je trouvais que c’était un homme littéralement sans esprit. Je ne veux pas dire qu’il était stupide, mais il était pure émotion. Par sa force émotionnelle (rapport sur le Congo, Putamayo…), il a fait son chemin, par pur tempérament — une personnalité véritablement tragique: dont il avait tous les traits, excepté la grandeur. Rien que la vanité. Sauf que cela n’était pas encore visible au Congo. »

L’appel est rejeté et Casement est pendu dans la prison de Pentonville à Islington le 3 août 1916. L’avocat Serjeant Sullivan qui le défendit lors de son procès, dit de lui bien plus tard : « Casement aurait dû être un charlatan. Vous auriez cru tout ce qu’il vous racontait. Il ne mentait jamais consciemment. Il avait les instincts d’un gentleman. Il aurait proféré les inventions les plus insensées et, non seulement les aurait crues lui-même, mais vous les aurait fait croire également. »

Lors de ce procès hautement médiatisé, l’accusation se heurta à la difficulté que le Treason Act de 1351, sur lequel elle s’appuyait, ne semblait  s’appliquer qu’aux activités menées sur le sol anglais ou britannique, alors que les actes incriminés avaient été commis en Allemagne. Une lecture attentive du texte en permit une interprétation plus large. La cour décida que l’original anglo-normand devait être ponctué de sorte que l’expression « dans son royaume ou par ailleurs » s’applique à l’ensemble des actes considérés, et non simplement aux « ennemis » auxquels étaient prodigués « aide et confort ». C’est pourquoi on dit de Roger Casement qu’il a été « pendu à une virgule » (« hanged on a comma »).

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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