Rabbi Chlomo ben Itzhak HaTzarfati dit “Rachi”, rabbin, talmudiste, poète et décisionnaire.

Rabbi Chlomo ben Itzhak HaTzarfati (hébreu : רבי שלמה בן יצחק הצרפתי Rabbi Salomon fils d’Isaac le Français), plus connu sous les noms de Rachi, Rabbi Salomon et Salomon de Troyes, est un rabbin, exégète, talmudiste, poète, légiste et décisionnaire français (né à Troyes en France vers 1040 et mort dans la même ville le 13 juillet 1105).

Vigneron de son état, il est surtout l’auteur de commentaires sur la totalité de la Bible hébraïque et la majeure partie du Talmud de Babylone. Devenus des outils indispensables à la bonne intelligence de ces textes du vivant de leur auteur, ils sont diligemment répandus dans l’ensemble du monde juif, et lui assurent une place de choix au sein des autorités rabbiniques du Moyen Âge. Ils en font de plus un témoin privilégié de la France septentrionale au XIe siècle, car Rachi atteste par ses gloses et écrits divers où l’hébreu rabbinique se mêle à l’ancien français, de la saveur et l’état de la langue orale et véhiculaire d’alors. Ils en font enfin l’un des rares savants juifs à avoir influencé le monde non-juif car son commentaire biblique aura inspiré, outre ses lecteurs et supercommentateurs juifs, Abélard, Nicolas de Lyre et la traduction de la Bible par Martin Luther.


Enfant, Rachi se distingue sûrement par sa mémoire prodigieuse, et passe pour un maître accompli à 20 ans. À 18 ans, il part étudier dans les écoles talmudiques rhénanes. Il étudie d’abord six ans à Mayence (Magenza) auprès de Rabbi Yaakov ben Yakar. Rachi est fortement influencé par ce sage qu’il nomme « mon vieux Maître », doté d’un caractère modeste et se tenant à l’écart des activités publiques. Après la mort de Yaakov ben Yakar en 1064, il continue un temps ses études à Mayence avec Rabbi Itshaq ben Judah qui dirige alors la yeshivah. Il étudie également avec rabbi David Halévi (« mon Maître ») avec lequel il correspondra après son retour en Champagne.

Rachi, carte maximum, Paris, 16/01/2005.

À la même époque, Itshaq Halévi haQadosh est à la tête de la yeshivah de Worms. Celle-ci connaît son apogée à la fin du XIe siècle et attire de nombreux maîtres. C’est probablement ce qui décida Rachi à venir y étudier. Rabbi Itshaq Halévi a une personnalité assez différente de Yaakov ben Yakar. Non seulement il dirige la yeshivah de Worms, mais il est aussi le chef de la communauté juive florissante de cette ville et son représentant devant les autorités. Pendant les 3 à 5 ans que Rachi étudie à Worms, il rencontre un autre étudiant brillant, Salomon ben Samson, qui deviendra le chef de la yéshiva pendant le dernier quart du XIe siècle. Par la suite, ces deux sages suivront des voies différentes car Rabbi Salomon ben Samson était beaucoup plus conservateur que Rachi. Les sources gardent des traces de la tension qui régnait entre ces deux maîtres.

Ces années passées en Allemagne ont permis à Rachi d’étudier dans les plus importants centres d’études talmudiques d’Europe et avec les plus grands maîtres. Pendant cette période, Rachi connaît des difficultés pour sa subsistance et celle de sa famille. Il est, semble-t-il, déjà marié et avait au moins une fille. Avant ses 30 ans, il revient à Troyes et commence son activité littéraire et publique.

Il fonde une école talmudique qui attire rapidement des élèves de toute l’Europe. Malgré sa renommée, il refuse de tirer profit de sa charge de rabbin et gagne peut-être sa vie comme vigneron, ainsi qu’il transparaît dans un de ses respons, où il s’excuse de sa brièveté, étant pris par les vendanges.

Un siècle avant Maïmonide, sa renommée est au moins aussi grande. Maïmonide s’exprime plutôt pour l’élite, alors que Rachi reste simple et modeste, refusant d’arbitrer les cas qui ne relevaient pas de sa communauté, admettant son ignorance, tant dans ses responsa que dans ses commentaires. Rachi est à la portée du débutant comme de l’érudit.

Rachi, épreuve d’artiste signée.

La fin de sa vie est marquée par les Croisades et les massacres des communautés juives qui les accompagnèrent. Rachi est protégé par le comte de Champagne, mais pas un jour ne se passe sans qu’il entende une mauvaise nouvelle émanant de ses chères communautés rhénanes.

La petite histoire veut que Rachi ait eu l’idée de son commentaire en entendant dans une synagogue un père se tromper en donnant à son fils l’explication du sens simple (pshat) d’un verset. Rachi a l’idée de réunir dans un commentaire toutes les réponses aux questions qu’un enfant de cinq ans pourrait se poser en restant aussi concis que possible (« une goutte d’encre vaut de l’or »). Il veut trouver l’explication la plus simple du verset.

Si la Torah a toujours été commentée, on ne se concentrait jusque-là que sur le drash des versets : lorsqu’une difficulté se présente, que ce soit dans la compréhension textuelle ou contextuelle de la section lue, les maîtres tendent à donner des réponses indirectes. Qu’elles soient allégoriques, poétiques, politiques, philosophiques, voire mystiques, elles extraient souvent un verset de son contexte et le dénaturent quelque peu. Ainsi en est-il du fameux « Ne lis pas banaïkh (“tes fils”) mais bonaïkh (“tes bâtisseurs”) ». Tout exacts que soient ces propos, ce n’est pas là l’intention du verset.

En commentant le Tanakh et le Talmud, Rachi ne souhaite ni se lancer dans des discussions savantes, ni débattre de questions philosophiques ou théologiques ardues, mais seulement restituer les moyens de comprendre des textes écrits dans une langue antique, parlant de choses trop élevées, se basant sur des notions trop anciennes, et sur lesquels ils doivent pourtant se baser de façon indispensable pour continuer à perpétuer les traditions d’un peuple qui, s’il ne peut en aucun cas rajouter ni retrancher quoi que ce soit à la lettre, doit s’y conformer dans un monde en perpétuelle mutation.

Pour ce faire, il a transmis les opinions des Anciens, des maîtres de la tradition prophétique, puis rabbinique, en sélectionnant dans l’immense compilation de midrashim celui qui semble correspondre le mieux au sens simple du texte. Il recherche avant tout la clarté de pensée, et la clarté de style, n’hésitant pas à recourir à la langue d’oïl, la langue vernaculaire de la Champagne du XIe siècle (signalée par bela’az, « en laaz »), ou à chercher la comparaison avec une anecdote vécue à Troyes afin de simplifier encore plus l’explication proposée.

Doué d’une mémoire et d’une connaissance encyclopédiques, il parvient à reconstituer par sa seule intuition la disposition du Tabernacle. Il souligne les explications connues mais erronées. Il illustre souvent par des midrashim. et en nombre d’occasions, il aborde des questions de grammaire, d’orthographe ou de cantilation lorsque cela permet d’éclairer le sens simple des versets.

Rachi traite rarement de points de théologie. Pour éclairer les Psaumes 49:11 « Ils remarquent pourtant que les sages meurent (yamoutou), tout comme périssent (yovedou) le fou et le sot, en laissant leurs biens à d’autres. », Rachi explique la différence de terme entre mita s’appliquant au sage, dont seul le corps meurt, tandis qu’aveda est pour le fou ou le sot, dont ce n’est pas seulement le corps mais l’âme qui disparaît.

Rachi n’hésite pas à dire « je ne sais pas ». Modestement, il rapporte les différentes explications possibles en soulignant que les opinions sont partagées ou qu’elles correspondent à plusieurs niveaux de lectures.

Il révise à trois reprises son œuvre colossale. Selon son petit-fils, le Rashbam, il s’apprêtait à le refaire encore peu avant sa mort.

Rashi emploie fréquemment dans ses commentaires les quatre sens de l’écriture : pshat, remez, drash, sod.

Rachi est l’un des premiers auteurs à utiliser la langue française, telle qu’elle s’entendait en Champagne au XIe siècle, dans ses écrits, alors que la plupart des auteurs français qui lui sont contemporains utilisaient le latin.

À chaque fois qu’il le jugeait utile, Rachi commentait en effet un mot ou une expression difficiles, issus du texte biblique ou talmudique, dans la langue qu’il parlait habituellement, passant ainsi de l’hébreu au français. Rachi retranscrit phonétiquement en lettres hébraïques les mots français, de sorte que les mots conservent leur prononciation, ce qui fait des Commentaires de Rachi « l’un des plus précieux documents que l’on possède sur l’état réel du français tel qu’il était parlé dans la seconde moitié du XIe siècle », selon Claude Hagège.

Le philologue Arsène Darmesteter (1846-1888) s’est appuyé sur le texte de Rachi pour poser les bases générales de l’étude de l’ancien français dans son ouvrage, Les Gloses françaises de Raschi dans la Bible. Des philologues, parmi lesquels David Simon Blonhein (1887-1934), Louis Brandin (1894-1940), et plus récemment Moshé Catane, Claude Hagège et Simon Schwarzfuchs ont poursuivi ces travaux. Le commentaire de la Bible par Rachi contient environ 1 500 mots français, et son commentaire du Talmud, environ 3 500, selon Simon Schwarzfuchs.

L’œuvre de Rachi constitue le « mémorial du français des commencements », non seulement « le conservatoire, mais le conservateur où l’ancien français a été capturé et sauvé de l’oubli », selon Bernard-Henri Lévy, qui considère Rachi comme « l’un des inventeurs de la France11», l’un de ceux qui ont donné le « coup d’envoi » du processus qui permettra à la langue française de se substituer au latin et de créer sa propre culture.

La langue de Rachi, facilement accessible aux lecteurs chrétiens à cause de l’abondance des expressions françaises, a contribué à la diffusion de son œuvre parmi les lettrés au Moyen Âge en France. Elle constituait un ouvrage tout à fait particulier où un lecteur pouvait s’habituer à la lecture de l’hébreu, dans la mesure où Rachi ne cesse de passer d’une langue à l’autre et d’effectuer des traductions.

Rachi n’est pas le premier commentateur, mais il est le Parshan data, de l’araméen פרשנדתא (פרשן דתא), le « Commentateur de la Loi ». Ses commentaires sont considérés comme d’une inspiration divine. Il se dit que le Talmud sans son commentaire serait comme un livre scellé. Il est le premier livre juif à être imprimé en hébreu (Calabre 1475). Son commentaire édité en marge du texte est typographié à partir d’une semi-cursive italienne, pour différencier le commentaire du corpus du texte biblique, et qui ne tardera pas à être connue sous le nom d’« écriture Rachi ».

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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