Pierre-Simon de Laplace, mathématicien et astronome.

Pierre-Simon de Laplace ou Pierre-Simon Laplace, comte Laplace, puis 1er marquis de Laplace, né le 23 mars 1749 à Beaumont-en-Auge et mort le 5 mars 1827 à Paris, est un mathématicien, astronome, physicien et homme politique français.

Laplace est l’un des principaux scientifiques de la période napoléonienne. En effet, il a apporté des contributions fondamentales dans différents champs des mathématiques, de l’astronomie et de la théorie des probabilités. Il a été l’un des scientifiques les plus influents de son temps, notamment par son affirmation du déterminisme. Il a contribué de façon décisive à l’émergence de l’astronomie mathématique, reprenant et étendant le travail de ses prédécesseurs dans son Traité de Mécanique céleste3 (1799-1825). Cet ouvrage majeur, en cinq volumes, a transformé l’approche géométrique de la mécanique développée par Newton en une approche fondée sur l’analyse mathématique.

En 1799, il est nommé ministre de l’Intérieur sous le Consulat. Napoléon Ier lui confère le titre de comte de l’Empire en 1808. En 1817 il est fait marquis par Louis XVIII, après la restauration des Bourbons.

En 1769, il part à Paris rencontrer l’un des plus influents mathématiciens de l’époque, d’Alembert, son arrivée étant annoncée par une lettre de recommandation de Le Canu. D’abord réticent, d’Alembert est rapidement convaincu des facultés de Laplace par un essai de quatre pages sur l’inertie. D’Alembert lui obtient un poste de professeur de mathématiques à l’École royale militaire. Il reçoit des émoluments de 1 400 livres annuelles et réside à même l’École militaire en pension complète. Ainsi, sa situation économique est réglée et ses obligations d’enseignement, légères. Il a le loisir de passer des heures dans sa chambre ou à la bibliothèque, l’une des mieux pourvues de France, avec toutes les nouveautés concevables en mathématiques et en physique. Il dispose des actes des principales sociétés scientifiques, celles de Paris, Londres, Berlin, Saint-Pétersbourg, Turin et Göttingen. Lagrange et Euler sont les vrais maîtres de Laplace dans cette bibliothèque qui lui tient lieu de paradis.

Laplace envoie sa première contribution — un travail sur le calcul des variations que Lagrange vient de perfectionner — à l’Académie royale des sciences le 28 mars 1770. Il arrive aux mêmes conclusions que Lagrange, mais avec une autre méthode « moins directe et rigoureuse en apparence, mais plus simple et plus agréable », selon le comité d’évaluation. Elle sera suivie de douze autres avant son élection comme membre adjoint le 31 mars 1773 (en remplacement de Desmarest).

En 1775, il obtient une bourse annuelle de 500 livres de l’Académie et en 1776, alors que l’École royale militaire est supprimée et transformée en École de cadets-gentilshommes, il obtient une pension de 600 livres. Élu membre associé de l’Académie le 25 janvier 1783, il est deuxième, derrière l’abbé Rochon, lors de l’élection à la place de pensionnaire vacante à la suite de la mort d’Étienne Bézout, mais obtient sa place d’examinateur des aspirants et élèves de l’artillerie (4 000 livres par an) ainsi que la nouvelle place d’examinateur des élèves ingénieurs-constructeurs de la Marine (1 200 livres par an). Il est enfin élu pensionnaire de la classe de mécanique de l’Académie (1 200 livres par an) le 23 avril 1785.

Les différents comités et commissions qui intéressent la Convention sont détachés de l’Académie des sciences et deviennent indépendants, sous le contrôle direct du Comité d’instruction publique. Parmi ces nouvelles instances, on trouve le Comité du Nouveau Calendrier et la Commission des Poids et Mesures. Ce dernier comité rassemble de nombreux académiciens, dont Borda, l’un de ses instigateurs, mais aussi Delambre, Condorcet, Lagrange, Monge. Laplace n’y siégeait pas au début, tandis que Condorcet et Monge n’y siègent plus à la fin, le premier parce qu’il est exécuté, le second parce qu’il se consacre entièrement aux études balistiques. Laplace, lui, joue un rôle décisif dans ce comité chargé de définir la nouvelle mesure : le mètre.

De 1793 à 1795, il est remplacé par Sylvestre-François Lacroix comme examinateur de l’artillerie. Il est adjoint de Lagrange à l’École normale de l’an III et y fait dix leçons du 1er pluviôse au 21 floréal an IV. Il est, de 1796 à 1798, examinateur permanent de mathématiques à l’École polytechnique pour le recrutement des officiers de l’artillerie, des ingénieurs-constructeurs des vaisseaux, et des ingénieurs géographes (Bossut étant chargé du recrutement des officiers du génie militaire, des ingénieurs des ponts et chaussées et des ingénieurs des mines). Bien que très influent à l’École polytechnique, Laplace n’y enseigna jamais.

Après la suppression de l’Académie royale des sciences, il est nommé membre résident de la section de mathématiques dans la 1re classe de l’Institut national le 20 novembre 1795 puis, en 1803, dans la section de géométrie.

Le dernier grand apport de la Révolution est le Bureau des longitudes, institué le 25 juin 1795. On y retrouve les membres survivants de la Commission des Poids et Mesures. Un député de la Convention, Joseph Lakanal, demande à Laplace ce que doit faire la Convention en matière d’astronomie — Laplace est en effet l’indiscutable autorité du pays en cette discipline et est neutre sur le plan politique —. Lakanal introduit mot pour mot dans son projet de loi les idées du savant : en l’absence d’Académie, le Bureau se charge de faire renaître la science de l’astronomie. Malgré le partage des pouvoirs toujours en vigueur, c’est Laplace qui est chargé de fonder et de faire fonctionner le Bureau : un salaire annuel de 8 000 francs et un emploi à long terme lui garantissent la sécurité financière. Le Bureau devient vite son fief personnel, il en est aussitôt élu président et a désormais affaire à des députés, des ministres et des cabinets ministériels, cela lui permet de faire connaître le travail du Bureau et de chercher des financements pour de nouveaux projets. Il est devenu le porte-parole officiel de l’astronomie, et même de toutes les sciences, auprès du pouvoir. Politiquement, il est parvenu au sommet.

Durant dix-sept ans, de 1771 à 1787, il produit une grande partie de sa contribution à l’astronomie. Son travail débute par un mémoire lu devant l’Académie française en 1773, dans lequel il montre que les mouvements planétaires sont restés voisins de ceux prévus par la théorie de Newton pour de longs intervalles de temps et il vérifie la relation jusqu’aux cubes de l’excentricité et de l’inclinaison des orbites. Plusieurs articles suivent sur certains points du calcul intégral, des différences finies, des équations différentielles et d’astronomie. Cependant certaines découvertes importantes proposées dans ces articles, comme les correspondances des harmoniques sphériques dans l’espace bidimensionnel, ont déjà été publiées par Adrien-Marie Legendre dans un article envoyé à l’Académie en 1783.

En 1795, il devient membre de la chaire de mathématiques du nouvel Institut des sciences et des arts, dont il est président en 1812. En 1816, il est élu à l’Académie française. En juin 1817, il préside une commission afin d’« examiner le projet d’une nouvelle carte topographique de la France, appropriée à tous les services publics et combinée avec l’opération du cadastre général ». En 1821, il devient lors de sa fondation le premier président de la Société de géographie. En outre, il devient membre de toutes les principales Académies scientifiques d’Europe.

Par son intense activité académique, il exerce une grande influence sur les scientifiques de son temps, en particulier sur Adolphe Quetelet et Siméon Denis Poisson. Il est comparé à un Newton français pour son aptitude naturelle et extraordinaire pour les mathématiques. Il semble que Laplace n’ait pas fait preuve de modestie, puisque Anders Johan Lexell, en visite à l’Académie des sciences à Paris en 1780-1781, rapporte que « Laplace laisse vraiment transparaître le fait qu’il se considère le meilleur mathématicien de son temps en France. »

Laplace est l’un des premiers savants à s’intéresser de près à la question de la stabilité à long terme du Système solaire. La complexité des interactions gravitationnelles entre le Soleil et les planètes connues à l’époque ne semblait pas admettre une solution analytique simple. Newton avait d’ailleurs déjà pressenti ce problème après avoir remarqué des irrégularités dans le mouvement de certaines planètes ; il en déduisait d’ailleurs qu’une intervention divine était nécessaire de manière à éviter la dislocation du Système solaire.

Après ses travaux sur la mécanique céleste, Laplace se propose d’écrire un ouvrage qui aurait dû « offrir une solution complète au grand problème de la mécanique représenté par le Système solaire et porter la théorie à coïncider aussi étroitement avec l’observation que les équations empiriques n’auraient plus trouver place dans les tables astronomiques. » Le résultat est contenu dans ses ouvrages Exposition du système du monde et Mécanique céleste.

Son Traité de Mécanique céleste est publiée en cinq volumes. Les deux premiers, publiés en 1799, contiennent les méthodes pour calculer les mouvements des planètes, pour déterminer leurs formes et pour résoudre les problèmes liés aux marées. Le troisième et le quatrième, publiés respectivement en 1802 et en 1805, contiennent les applications de ces méthodes et diverses tables astronomiques. Le cinquième volume publié en 1825 est principalement historique, mais il fournit en appendice les résultats des dernières recherches de Laplace. Celles-ci sont très nombreuses, mais il s’approprie beaucoup de résultats d’autres scientifiques avec peu ou pas de reconnaissance, et les conclusions sont souvent mentionnées comme si elles étaient les siennes. D’après Jean-Baptiste Biot, qui aide l’auteur dans la relecture avant impression, Laplace est fréquemment incapable de retrouver les détails des démonstrations et est ainsi souvent conduit à réétudier ses résultats pendant plusieurs jours.

Le Traité de Mécanique céleste n’est pas seulement la traduction des Principia Mathematica dans le calcul différentiel, mais complète certaines parties que Newton n’avait pas été en mesure de détailler.

Dans cet ouvrage, Laplace expose l’hypothèse de la nébuleuse selon laquelle le Système solaire se serait formé à la suite de la condensation d’une nébuleuse. L’idée de la nébuleuse avait déjà été énoncée par Kant en 1755, mais il est probable que Laplace n’en fût pas informé.

En 1847, Victor Hugo nous rapporte que le savant François Arago aimait à raconter l’anecdote suivante : lorsque Laplace publia les derniers tomes de son Traité de Mécanique céleste, l’empereur Napoléon le convoqua et l’apostropha, furieux : « Comment, vous donnez les lois de toute la création et, dans tout votre livre, vous ne parlez pas une seule fois de l’existence de Dieu ! – Sire, répondit Laplace, je n’avais pas besoin de cette hypothèse. »

Laplace, qui avait effectué ses premiers travaux sur les probabilités entre 1771 et 1774, en redécouvrant notamment après Thomas Bayes les probabilités inverses, dites loi de Bayes-Laplace, ancêtre des statistiques inférentielles, publie en 1812 sa Théorie analytique des probabilités. Dans cet ouvrage, Laplace donne des éléments déterminants à la théorie des probabilités dont il est considéré comme un des pères. En 1814, il publie son Essai philosophique sur les probabilités. Il est le premier à publier la valeur de l’intégrale de Gauss. Il étudie la transformée de Laplace, étude plus tard complétée par Oliver Heaviside. Il adhère à la théorie d’Antoine Lavoisier, avec qui il détermine les températures spécifiques de plusieurs substances à l’aide d’un calorimètre de sa propre fabrication. En 1819, Laplace publie un simple résumé de son travail sur les probabilités.

Marquis de Laplace, carte maximum, Beaumont-en-Aube, 11/06/1955.
Laplace, carte maximum, Beaumont-en-Aube, 11/06/1955.

Laplace est connu également pour son « démon de Laplace », lequel a la capacité de connaître, à un instant donné, tous les paramètres de toutes les particules de l’Univers. Il formule ainsi le déterminisme généralisé, le mécanisme. L’état présent de l’Univers est l’effet de son état antérieur, et la cause de ce qui va suivre. « Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée, la position respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers, et ceux du plus léger atome. Rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé seraient présents à ses yeux. » Dans cette perspective, l’auteur adopte une position déterministe, soit une position philosophique et scientifique capable d’inférer de ce qui est, ce qui sera. Ce concept de démon sera notamment remis en cause par le principe d’incertitude (ou d’indétermination) de Heisenberg.

La capacité et la rapidité avec laquelle Laplace réussit à changer d’opinion politique sont surprenantes. Adversaire de la dictature et républicain, comme Lacépède, avant le 18 brumaire, Laplace se rallie sans hésiter au gouvernement consulaire et au pouvoir grandissant du général Bonaparte. Laplace abandonne ses principes républicains qui sont fidèlement le reflet des opinions du parti au pouvoir. Trois jours après le coup d’État du 18 brumaire, Laplace stupéfait reçoit la notification de sa nomination comme ministre de l’Intérieur. Son travail consisterait à administrer tous les départements de France et d’y régler les questions de la société civile, en particulier celles qui concernent le transport, le commerce, l’industrie, la santé et l’éducation. Il est possible que ce dernier point ait incité Bonaparte à nommer un néophyte en matière politique. Laplace ne reste pas plus de six semaines à ce poste, qui revint à Lucien Bonaparte. Mais pendant ce bref mandat, il n’est pas inactif : il n’oublie pas les financements du Bureau des longitudes et la réforme de l’École polytechnique, mais son principal projet est l’implantation du système métrique décimal — qu’il n’aura pas le temps de mener à bien — et fait en sorte que ses successeurs continuent le travail avec la même énergien. Le bulletin de Napoléon à sa démission est le suivant : « Géomètre de première catégorie, Laplace n’a pas tardé à se montrer un administrateur plus que médiocre ; de son premier travail nous avons immédiatement compris que nous nous étions trompés. Laplace ne traitait aucune question d’un bon point de vue : il cherchait des subtilités de partout, il avait seulement des idées problématiques et enfin il portait l’esprit de l’infiniment petit jusque dans l’administration. »

Ainsi Laplace perd sa charge, mais il maintient sa fidélité. Il entre au Sénat conservateur à la création de ce corps, le 3 nivôse an VIII. Dans le troisième volume du Traité de Mécanique céleste il réalise une note dans laquelle il déclare qu’« entre toutes les vérités contenues dans celui-ci, la plus chère à l’auteur est la déclaration faite à sa dévotion envers le médiateur de l’Europe. » Dans le tirage vendu après la Restauration celle-ci est effacée.

Lors de la formation des lycées, il est nommé, le 18 décembre 1802, membre de la commission chargée de déterminer par une instruction réglementaire les parties à enseigner dans chaque classe de mathématiques. Il est élu vice-président du Sénat en 1803, et chancelier de ce corps au mois de septembre de la même année. Initié franc-maçon, il est membre du collège des grands officiers du Grand Orient de France en 1804.

C’est Laplace qui, le 30 août 1805, fait au Sénat un rapport sur la nécessité d’abandonner le calendrier républicain pour reprendre le calendrier grégorien. Il est élu président de la Société Maternelle en 1811.

Membre de la Légion d’honneur (19 vendémiaire an XII), grand officier (25 prairial suivant), créé comte de l’Empire le 24 avril 1808, grand-croix de l’Ordre de la Réunion le 3 avril 1813, il n’en vote pas moins, en avril 1814, au moment où il est évident que l’Empire va faillir, la déchéance de l’empereur, l’établissement d’un gouvernement provisoire et se dépêche d’offrir ses services aux Bourbons.

Pour l’en récompenser, Louis XVIII le nomme pair de France (4 juin 1814) et le fait marquis (ordonnance royale et lettres patentes de 1817). Le marquis de Laplace se tient à l’écart pendant les Cent-Jours, et reprend après la seconde abdication, son siège a la Chambre haute ; il vote pour la mort dans le procès du maréchal Ney.

En 1816, il préside la commission chargée de réorganiser l’École polytechnique. Il montre pour les Bourbons, à la Chambre des pairs, le même dévouement qu’au Sénat de l’Empire : « un de ses biographes a noté, avec justice, que la conclusion de son Exposition du système du Monde reflétait très exactement les variations de ses opinions politiques ».

Le mépris que ses collègues ont à son égard en raison de sa conduite en 1814-1815 peut être lu dans les pages de Paul-Louis Courier. La connaissance de Laplace est utile pour les nombreuses commissions scientifiques auxquelles il appartient et justifie probablement la manière dont on ferma les yeux sur sa versatilité et son opportunisme politique.

Selon W. W. Rouse Ballo, « Que Laplace soit présomptueux et égoïste n’est nié par aucun de ses plus passionnés admirateurs ; sa conduite à l’égard de ses bienfaiteurs lors de sa jeunesse et envers ses amis politiques est ingrate et, de plus, il s’approprie les résultats de ceux qui sont relativement inconnus. Parmi ceux qu’il traite de cette manière, trois deviennent très connus : Adrien-Marie Legendre et Jean Baptiste Joseph Fourier en France et Thomas Young en Angleterre. Ceux-ci n’oublieront jamais l’injustice dont ils furent les victimes. D’autre part, sur certaines questions, il fait preuve d’un caractère indépendant et ne cache jamais sa manière de voir les questions de religion, de philosophie ou de science, même si cela n’est pas apprécié des autorités au pouvoir. Vers la fin de sa vie, et spécialement pour les travaux de ses élèves, Laplace est généreux et une fois, il omet un de ses articles de sorte qu’un élève reçoive le mérite exclusif de la recherche. »

Laplace a publié un nombre considérable de travaux pour la réimpression desquels la Chambre des députés, en 1842, vota un crédit de 40 000 francs.

Source : Wikipédia.