Pierre-François Péron, marin.

Né le 6 février 1769 à Lambézellec, près de Brest, Pierre-François Péron est engagé dans le port de cette ville, comme pilotin, par le capitaine Moreau, qui commande un navire de commerce russe. Il n’a encore que 14 ans, mais en 1783, la paix entre la France et l’Angleterre permet la relance du  commerce lointain. Le bateau part vendre des munitions à l’Ile de France ( l’Ile Maurice ) et en Inde. Le vaisseau longe la côte du Brésil, puis rejoint le Cap de Bonne-Espérance, il essuie de fortes tempêtes et perd quelques membres de son équipage.

Péron devient ensuite officier sur un navire qui pratique la traite négrière en direction de Saint-Domingue. Installé sur la côte de l’Angola, le  commandant prend contact avec des intermédiaires locaux et achète d’abord 69 noirs, tant hommes que femmes, pour le prix de quelques pièces de coton, de miroirs et de chapelets de verre. L’approvisionnement s’étant tari, le navire se déplace vers l’embouchure du Zaïre, dans la baie de  Cabinda. Les marchands d’esclaves exigent cette fois de la poudre à canon, des fusils et de l’eau-de-vie ; ils livrent 265 noirs, mais les prix sont à la hausse, en raison de la concurrence de trois grands trois-mâts venus s’approvisionner.

Quant aux esclaves, Péron les décrit comme résignés, comme espérant sans doute un meilleur sort sous d’autres cieux. Pendant la traversée, sans incidents particuliers, 22 esclaves meurent de la petite vérole et du scorbut. Quelques autres décèdent sur le pont à l’arrivée.

Après un retour à Bordeaux, Péron repart en 1787, comme enseigne, sur le ” Prévôt de la Croix “, en direction de l’Ile de France, cabotage coupé par une longue escale au Yémen. De là, en 1791, il rejoint l’île d’Anjouan, aux Comores, car le prince-roi de l’île, furieux contre la lâcheté de ses soldats au cours de son attaque contre Mayotte, en vend 300 comme esclaves, avec 50 femmes en complément. Les prisonniers se révoltent en cours de route et un violent combat s’engage sur le bateau. Vaincus par les armes à feu, quelques noirs se jettent à l’eau et préfèrent se noyer plutôt que d’être repris ; selon Péron, ils croyaient qu’ils allaient être mangés à l’arrivée. Au total, onze captifs périssent dans la révolte et quelques marins sont gravement blessés.

Devenu capitaine en second, Péron fait une course à Java, puis continue à bourlinguer sous pavillon américain, car les bateaux français se camouflent, afin d’échapper aux Anglais, entrés en guerre. Sous la direction du capitaine Owen, il part pour l’île d’Amsterdam ( une île au climat doux, aujourd’hui l’île Saint-Paul des Terres australes françaises ), afin d’y chasser les loups marins et d’en tanner les fourrures pour les vendre en Chine. Péron  s’installe dans l’île avec quatre hommes, deux Français et deux Anglais. Leur commanditaire leur laisse quelques vivres et s’engage à venir reprendre les hommes et les peaux au bout de 14 mois.

Les lieux regorgent d’animaux de toutes espèces, mais n’offrent qu’une seule source d’eau potable. Nos nouveaux Robinson disposent d’une hutte en madriers construite par un groupe de chasseurs qui les avait précédés [ Erik Zeimert m’écrit aimablement qu’il a recherché en vain des vestiges de cette installation ]. Le capitaine Owen ne revient pas à l’époque prévue ( il est décédé ). Les vivres viennent à manquer, les hommes se nourrissent surtout d’oeufs de pétrels. Des navires de tous pays font bien escale, mais ils disposent de peu de réserves et ils leur vendent peu de choses. Une flottille britannique se montre pacifique et courtoise ; cependant, ses marins dérobent le stock de peaux accumulées.

Les misères redoublent. Les deux marins anglais se révoltent, s’emparent des armes et blessent Péron à coups de couteau. Ce dernier, soutenu par les deux Français, se réfugie dans une grotte voisine, jusqu’à ce qu’il parvienne à reprendre le dessus et à exiler les mutins à leur tour. Les deux  campements voisins s’épient ; un marin français meurt de maladie.
Au bout de 40 mois de séjour, en décembre 1795, un navire anglais, la Cérès, accepte de transporter les rescapés vers les terres plus hospitalières de la Nouvelle-Hollande ( l’Australie ). Cependant, faute de place, les 2 700 peaux sont abandonnées sur place. Par la suite, ces peaux sont récupérées par d’autres Anglais et saisies comme bien ennemi, tout comme leur ancien bateau français, l’Emilie.

En compensation partielle, Péron est engagé comme premier officier sur un navire qui rejoint Boston, en empruntant le passage du Nord-Ouest de l’Amérique, tout au long duquel Péron observe les populations indiennes.
Il continue à naviguer autour du Pacifique, il opère un long séjour en Chine et, en septembre 1802, il pose définitivement son sac à terre à Bordeaux, après 19 années de navigation.

Il réapparaît en 1804 au château du Péage, sur la commune d’Epieds, dont il devient maire. Il raconte volontiers ses aventures à ses visiteurs, mais il se déclare incapable de les mettre par écrit. François-Yves Besnard s’en charge à partir d’une masse de documents en désordre, certains en anglais. La rédaction, achevée en 1819, est remise à l’éditeur Louis-Saturnin Brissot-Thivars, qui la publie en 1824, en association avec les frères Bossange.

Source : Saumur jadis.

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