Paula Modersohn-Becker, peintre.

Paula Modersohn-Becker, née le 8 février 1876 à Dresde et morte le 21 novembre 1907 à Worpswede, est une artiste peintre allemande et l’une des représentantes les plus précoces du mouvement expressionniste dans son pays.

Paula Becker se tourne vers l’étude des Beaux-Arts, et se concentre sur la peinture. Elle rejoint le groupe d’artistes indépendants établis dans le village de Worpswede, non loin de Brême, adepte du retour à la nature et aux valeurs simples de la terre. Elle y épouse le peintre Otto Modersohn (1865-1943).

Toutefois sa fougue et sa soif de nouveauté n’est pas rassasiée par les peintres worpswediens. Elle voit en eux un certain manque d’audace qui la pousse à rechercher des inspirations extérieures et effectuer plusieurs séjours à Paris, où elle cherche le contact des peintres avantgardistes.

Au cours de ses quatorze années de vie d’artiste, elle réalise environ 750 toiles, treize estampes et environ un millier de dessins. Son style, particulièrement original, est le fruit d’influences multiples, aux confins de la tradition et de la modernité. Sa peinture présente des aspects mêlant l’impressionnisme de Cézanne, van Gogh ou Gauguin, le cubisme de Picasso, le fauvisme, l’art japonais ou encore de la Renaissance allemande. La force expressive de son œuvre résume à elle seule les principaux aspects de l’art au début du XXe siècle.

Elle meurt à 31 ans, des suites de l’accouchement de sa fille.

Jusqu’à l’exposition que lui consacre le musée d’Art moderne de la ville de Paris en 20161, elle est peu connue au-delà des pays germanophones.


Paula Becker est le troisième enfant venu au monde au sein d’une fratrie qui compta en tout sept frères et sœurs. Son père, Carl Woldemar Becker, était ingénieur et sa mère, Mathilde von Bültzingslöwen, est issue d’une illustre famille de la noblesse de Thuringe. Les lettres que Carl Woldemar Becker envoya à sa fille donnent de lui l’image d’un homme cultivé et ouvert sur le monde : familier de Paris comme de Londres et polyglotte maîtrisant le russe, le français et l’anglais. La famille maternelle de Paula présentait les mêmes dispositions au voyage : le grand-père von Bültzingslöwen avait commandé une garnison à l’étranger, et plusieurs frères de Mathilde émigrèrent en Indonésie, en Nouvelle-Zélande et en Australie.

L’art, la littérature et la musique occupaient une place essentielle dans l’éducation des enfants Becker. Paula Becker, tout comme ses sœurs, reçut des cours de piano. Sa sœur aînée, qui avait un très beau timbre de voix, eut même droit à des cours de chant. La famille appréciait beaucoup l’œuvre de Richard Wagner, à l’exception notable de Paula qui le jugeait « non-allemand » (undeutsch). Quant à Goethe, il était considéré dans le foyer comme le plus grand de tous les poètes. Selon les biographes de Paula, les Becker appartenaient aux classes moyennes et à la petite bourgeoisie, et n’étaient donc pas particulièrement aisés.

Paula Becker passa les douze premières années de sa vie à Dresde, une période au sujet de laquelle très peu d’éléments sont connus. On retrouve néanmoins la trace d’un drame survenu lors de sa dixième année, alors qu’elle et ses deux cousines Cora et Maidli Parizot jouaient dans une carrière de sable. Enfouies sous un éboulement, seules Paula et Maidli purent être sauvées à temps, alors que la jeune Cora Parizot, âgée de onze ans, s’étouffa et trouva la mort sous les gravats. Dans une lettre écrite bien des années plus tard à Rainer Maria Rilke, Paula Modersohn-Becker révéla à quel point cette expérience l’avait marquée. Sa biographe, Lieselotte von Renken, y voit même la raison de la détermination dont la peintre fit preuve pour s’engager dans une carrière artistique.

En 1888, Carl Woldemar Becker obtint un poste à Brême dans le secteur du bâtiment, ce qui poussa la famille à quitter la ville de Dresde. La vie culturelle de Brême était très effervescente à cette époque, et la mère de Paula Becker cultiva de nombreuses amitiés dans les cercles artistiques, si bien que la famille Becker put jouir constamment de relations privilégiées avec ce milieu.

Grâce à la branche maternelle de sa famille, Paula Becker put se rendre à Berlin au début de l’année 1896 afin d’y suivre pendant six semaines des cours de dessin et de peinture auprès de l’Association des artistes berlinoises (Verein der Berliner Künstlerinnen). Cette école de peinture était très en vue : à peine onze années plus tôt, Käthe Kollwitz y avait par exemple fait ses premières armes. L’existence de ce type d’associations était une nécessité pour les femmes, qui n’avaient pas encore accès aux académies des beaux-arts à l’époque.

Paula Modersohn-Becker, carte maximum, Allemagne, 1996.

Paula Becker fut en mesure de poursuivre sa formation au-delà des six semaines initialement envisagées, car il semble que sa mère ait obtenu auprès de la direction une diminution des droits de scolarité. Pour parvenir à payer des études à sa fille, Mathilde Becker alla même jusqu’à accueillir un pensionnaire dans la maison familiale. Par ailleurs, le frère de Mathilde, Wulf von Bültzingslöwen, tout comme son épouse Cora, s’étaient déclarés prêts à loger Paula Becker à leur domicile et à pourvoir à ses besoins quotidiens.

L’enseignement dispensé à Berlin accordait une place prépondérante au dessin, réalisé à partir de modèles professionnels. Seules les candidates ayant déjà une bonne maîtrise de la matière étaient admises dans la classe. De nombreux dessins de nu réalisés par Paula Becker et datant de cette période ont pu être conservés : les lignes, en règle générale, sont fortement marquées, et l’on est frappé de l’omniprésence des effets de clair-obscur. En 1897, elle fut admise pour la première fois dans la classe de Jeanna Bauck. Cette artiste, aujourd’hui tombée dans l’oubli, eut une influence profonde sur sa jeune élève, et la persuada plus tard d’aller vivre quelque temps à Paris.

Au cours de son séjour berlinois, Paula Becker passa de nombreuses heures dans les galeries des musées. Tout comme les artistes du mouvement nazaréen qui avait connu son apogée sept décennies plus tôt, Paula Becker aimait par-dessus tout les toiles de la Renaissance allemande et italienne. Parmi les peintres qu’elle appréciait particulièrement, on compte Albrecht Dürer, Lucas Cranach, Hans Holbein l’Ancien, Le Titien, Botticelli et Léonard de Vinci. Elle semble donc avoir eu une prédilection pour les artistes ayant tendance à dessiner des formes claires et à appuyer sur le trait.

À l’occasion des noces d’argent des parents, la famille Becker entreprit à l’été 1897 une excursion au petit village de Worpswede, situé à quelques encablures de Brême. Paula Becker fut profondément impressionnée par la singularité du lieu, par la diversité des couleurs du paysage et surtout par la « colonie artistique » (Künstlerkolonie) qui y avait été fondée quelques années plus tôt.

Avant même l’automne, elle se rendit à nouveau sur place en compagnie d’une amie, afin de rencontrer les peintres et visiter les lieux avec plus d’attention. Lorsqu’en janvier 1898, Paula Becker hérita de 600 marks et put rembourser une partie des sommes engagées par ses cousins Arthur et Greta Becker pour lui permettre de poursuivre ses études, elle décida en accord avec ses parents de se rendre à Worpswede.

À l’origine, le séjour était envisagé comme de simples vacances de courte durée. Mathilde Becker avait prévu que sa fille y suive pendant seulement deux semaines les cours de peinture et de dessin de Fritz Mackensen, afin qu’elle puisse ensuite partir pour Paris à l’automne et y trouver une place de fille au pair. On doit par ailleurs à l’influence du père d’avoir pu convaincre Mackensen de prendre en charge la jeune artiste. Malgré toutes ces précautions familiales, il semble bien que Paula Becker, lorsqu’elle prit finalement la route de Worpswede en septembre 1898, avait l’intention d’y rester plus longtemps que prévu et ambitionnait de devenir une artiste professionnelle.

Les artistes qui s’étaient installés à Worpswede en 1889 revendiquaient leur indépendance vis-à-vis des grandes académies artistiques. Ils étaient, pour la plupart, d’anciens élèves de l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf, une institution rendue célèbre quelques années auparavant par Wilhelm von Schadow. Comme beaucoup de jeunes artistes du XIXe siècle, ils considéraient toutefois la peinture académique des institutions officielles et leurs anciens maîtres d’un œil très critique. En établissant cette retraite symbolique à Worpswede, ils aspiraient à donner une place renouvelée et régénérée à la nature dans leurs œuvres, tout comme l’avaient fait avant eux Théodore Rousseau et les peintres de l’école de Barbizon. Les peintres de Worpswede désiraient exercer leur art sur le motif, sans artifice et en toute simplicité, afin notamment de donner une image idéale de la population paysanne, qu’ils jugeaient d’une pureté encore originelle et non corrompue par la civilisation.

Une profonde amitié naquit progressivement entre Paula Becker et Clara Westhoff, une jeune femme qui voulait devenir sculptrice et suivait chez Mackensen des cours de dessin et de modelage. Bien que Becker ait, au départ, adopté une attitude plutôt réservée vis-à-vis des artistes de Worpswede, des liens se nouèrent imperceptiblement à partir de mars 1899, en particulier avec son futur mari Otto Modersohn et avec Heinrich Vogeler. C’est sous leur supervision bienveillante que Becker réalisa plusieurs estampes à l’eau forte au cours de l’été 1899. La stricte discipline qu’imposait ce travail graphique si particulier ne lui a cependant pas spécialement plu, de même que la contrainte liée à l’utilisation des techniques de gravure.

Les cours dispensés par Fritz Mackensen furent au début d’une grande aide pour Paula Becker et pour l’épanouissement de son talent. Dès la fin de 1898, toutefois, l’artiste commença à avoir le sentiment que ce professeur n’était pas fait pour elle. Son propre style, qui tendait de plus en plus à la simplification des formes et des couleurs, trouvait en effet peu d’écho à Worpswede. Par ailleurs, lorsque Becker se mit à participer à quelques expositions en 1899, les critiques impitoyables dont elle fit l’objet achevèrent de la convaincre que sa peinture restait marginale dans l’évolution de la culture allemande. Dans le Weser-Zeitung daté du 20 décembre 1899, on pouvait lire cette analyse de deux œuvres exposées :

« Pour qualifier ce travail, les ressources d’une langue pure ne suffisent pas, et nous nous refusons à en utiliser une impure. Disons que si une activité créatrice du même ordre s’était illustrée dans les domaines du théâtre ou de la musique, et avait eu l’insolence de s’aventurer sur scène ou dans la salle de concert, les sifflets et les huées auraient eu tôt fait de mettre un terme à une si grossière mascarade. »

Certes, des artistes comme Max Slevogt, Lovis Corinth, Max Liebermann ou Wilhelm Leibl connaissaient alors leurs premiers succès à Munich et à Berlin. Dans l’ensemble, cependant, l’Allemagne était toujours marquée par la domination des salons de peinture et par l’omniprésence de l’art académique, et c’est bien plutôt Paris qui brillait alors par l’ouverture et l’innovation de sa vie artistique. Rien d’étonnant donc à ce que Paula Becker, depuis son séjour à Berlin, désirât par-dessus tout découvrir et visiter la capitale française.

Dans la nuit du 31 décembre 1900, Paula Becker prit la route de la France. Tout comme Rome avait été au début du xixe siècle un grand centre d’attraction pour tous les artistes allemands, Paris était alors devenu le lieu de rencontre par excellence de tous les courants artistiques européens. Plusieurs artistes allemands réputés, comme Emil Nolde, Bernhard Hoetger ou Käthe Kollwitz y réalisèrent des séjours plus ou moins longs. Quant à Clara Westhoff, l’amie de Paula rencontrée à Worpswede, elle s’y trouvait déjà depuis la fin de l’année 1899, animée par l’espoir de devenir l’élève d’Auguste Rodin.

Paula Becker pouvait se permettre ce voyage sur le plan financier, puisqu’elle continuait à bénéficier de l’aide de ses parents et du reste de sa famille. Après avoir occupé après son arrivée une chambre modeste — contiguë à celle de Clara Westhoff — au cinquième étage du Grand Hôtel de la Haute-Loire4 situé en bordure du carrefour Vavin au 203, boulevard Raspail, dans le quartier du Montparnasse (14e arrondissement), elle s’installa dès le 15 janvier au 9, rue Campagne-Première et agrémenta sommairement son petit studio de caisses et de quelques meubles dénichés au marché aux puces. Elle alla suivre les cours de l’Académie Colarossi — toujours à Montparnasse, mais dans le quartier Notre-Dame-des-Champs — qui offrait l’avantage d’accepter les femmes. Elle se remit aussi à arpenter les musées comme elle l’avait fait à Berlin, et fréquenta seule ou en compagnie de Clara Westhoff les expositions et les galeries artistiques pour se familiariser avec la peinture moderne française.

Otto Modersohn et Paula Becker se marièrent le 25 mai 1901. À cet effet, et sous la pression de ses parents, elle accepta même de suivre un cours de cuisine à Berlin, qu’elle abandonna cependant assez rapidement. Elle s’en explique dans une lettre du 8 mars 1901, et la raison qu’elle évoque révèle non seulement sa personnalité profonde, mais aussi l’état d’esprit qui sera le sien durant sa première année de vie conjugale :

« Il est bon de se libérer des situations qui nous prennent de l’air. »

Le couple effectua une courte lune de miel, au cours de laquelle il fut notamment invité par Gerhart Hauptmann près de Hirschberg en Silésie, aujourd’hui un territoire polonais. S’ouvre ensuite une période de la vie de Paula Modersohn-Becker où cette dernière tenta de concilier ses ambitions artistiques avec sa nouvelle vie d’épouse, de femme au foyer et de belle-mère de la petite Elsbeth, issue de la première union d’Otto Modersohn. Paula Modersohn-Becker, pour tout atelier, ne disposait alors que d’une petite cellule située dans la cour d’une ferme. Otto Modersohn entreprit de faire construire un vasistas sur le toit du bâtiment principal, afin que son épouse puisse y travailler. La jeune mariée était aidée dans l’accomplissement des tâches quotidiennes par une domestique. De neuf heures du matin à environ une heure de l’après-midi, Paula Modersohn-Becker pouvait ainsi peindre dans son atelier, sortait pour déjeuner puis revenait à son œuvre vers quinze heures, pour y rester souvent jusqu’au soir, lorsque dix-neuf heures sonnaient. Elle essayait néanmoins d’être une mère attentive et consciencieuse pour sa belle-fille Elsbeth. Cette dernière servit d’ailleurs de modèle à toute une série de portraits d’enfant, tels que la Petite fille au jardin près d’un globe de verre, qui date de 1901 ou 1902, et la Tête d’une petite fille.

Otto Modersohn semble avoir été très heureux au cours des trois premières années de sa nouvelle vie de couple. Son journal indique alors régulièrement à quel point il était persuadé de partager l’existence d’une artiste hors du commun, chose que personne d’autre ne semblait encore réaliser à l’époque. Paula Modersohn-Becker avait trouvé en Otto Modersohn un homme aimant et qui, bien loin de s’ériger en obstacle au développement de sa sensibilité artistique, savait au contraire accompagner cette évolution d’un regard critique et appréciateur. Comme beaucoup de ses contemporains, cependant, il manquait au mari une compréhension vraiment profonde de l’œuvre de son épouse. Par ailleurs, l’intensité avec laquelle elle réagissait aux moindres soubresauts de la vie artistique parisienne le laissait quelque peu perplexe.

Paula Modersohn-Becker, entier postal, Allemagne.

Paula Modersohn-Becker quitta Worpswede le 23 février 1906. Elle indique clairement dans son journal que ce geste équivaut à une rupture avec Otto Modersohn. Ce dernier fut d’ailleurs pris au dépourvu, et envoya à Paris des lettres la conjurant de revenir auprès de lui. Elle le pria en retour de s’accoutumer à l’idée qu’elle poursuivrait désormais sa propre voie dans la vie. Son mari alla jusqu’à faire un saut d’une semaine à Paris en juin, mais le dialogue entre eux resta infructueux. Otto Modersohn continua malgré tout à l’entretenir financièrement et à recevoir le soutien moral de la famille de Paula Modersohn-Becker, qui reprochait à cette dernière son égoïsme.

Elle s’installa dans un atelier particulièrement spartiate de l’avenue du Maine, dans le 14e arrondissement. Elle se remit à fréquenter les cours de dessin, les expositions de l’avant-garde et alla même assister à un cours d’anatomie aux Beaux-Arts, car son style la laissait insatisfaite. Très intriguée par une sculpture exposée au Salon des indépendants, elle rendit visite au sculpteur Bernhard Hoetger dans son atelier. Lorsqu’une remarque fortuite de Modersohn-Becker indiqua à Hoetger qu’il avait affaire à une artiste, il insista pour examiner ses toiles, et fut stupéfait. Pour Paula Modersohn-Becker, qui n’avait jusqu’alors trouvé de soutien dans sa vocation artistique qu’à Worpswede auprès de son mari et de Rainer Maria Rilke, les éloges qu’elle reçut valaient de l’or. Le 5 mai 1906, elle écrivait :

« Vous m’avez fait des miracles. Vous m’avez restituée à moi-même. J’ai pris du courage. Mon courage se trouvait toujours derrière des portes condamnées et ne savait comment sortir. Vous avez ouvert ces portes. Vous m’êtes d’un grand secours. Je commence maintenant à croire que quelque chose restera de moi. Et lorsque j’y pense, me viennent les larmes de la félicité… Vous m’avez rendue si heureuse. J’étais un peu seule. »

L’appréciation de Hoetger encouragea ensuite Modersohn-Becker à déployer sans crainte toute la force de sa peinture. Le nombre de toiles réalisées entre 1906 et 1907 est estimé à environ 90. Sa biographe Lieselotte von Reinken fait d’ailleurs la remarque qu’il serait douteux de pouvoir physiquement attribuer tant de travail à une seule et même personne, si les lettres et le journal de l’artiste n’étaient là pour l’attester.

Paula Modersohn-Becker dédia principalement son temps aux peintures de nu. Outre ces dernières et quelques natures mortes, cette époque compte également de nombreux autoportraits tels que l’Autoportrait au citron, où l’artiste apparaît le plus souvent à moitié nue. Elle alla jusqu’à inaugurer un genre inédit dans l’histoire de l’art, à savoir l’autoportrait entièrement nu.

Le 3 septembre 1906, Paula Modersohn-Becker fit savoir à son mari qu’elle comprendrait qu’il veuille divorcer, et lui demanda une toute dernière somme de 500 marks. Par la suite, elle s’engagerait à subvenir elle-même à ses besoins. Elle revint cependant sur sa décision à peine quelques jours plus tard, le 9 septembre, et se résolut à rentrer à Worpswede. Ce changement d’attitude doit être principalement imputé à Bernhard Hoetger, qui avait entre-temps fait valoir à la jeune femme à quel point sa situation se dégraderait s’il lui fallait assurer elle-même sa subsistance. Elle écrivait à ce sujet à Clara Westhoff, le 17 novembre :

« J’ai remarqué cet été que je n’étais pas femme à savoir rester seule […] Si j’ai tort ou raison, seul l’avenir pourra en décider. Le principal pour mon travail, c’est la tranquillité, et je ne risque certes pas d’en manquer aux côtés d’Otto Modersohn. »

Otto Modersohn était arrivé à Paris dès le mois d’octobre pour y passer l’hiver avec elle. Il s’installa dans un atelier situé dans le même immeuble que celui de son épouse. En mars 1907, le couple repartit pour Worpswede. Peu de toiles datent de la période qui suit : Modersohn-Becker avait finalement pu être enceinte, mais souffrait en même temps de ne plus être en mesure de passer chaque jour autant d’heures qu’auparavant devant son chevalet. Parmi les dernières œuvres qu’elle put achever, on compte la Vieille domestique au jardin : la vieille femme, entourée d’un champ de coquelicots sauvages, tient une tige de digitale dans sa main. L’artiste, dans cette toile, assimile et adapte des thèmes chers à l’art naïf. L’œuvre fut suivie d’un dernier autoportrait, l’Autoportrait aux camélias (1907, Essen, musée Folkwang).

Le 2 novembre, lors d’un accouchement extrêmement difficile, Paula Modersohn-Becker mit au monde une fille, Mathilde. Le médecin prescrivit à la mère éprouvée de garder le lit pendant plusieurs jours. Le 20 novembre, alors qu’on l’autorisait pour la première fois à se lever, Paula Modersohn-Becker fut victime d’une embolie pulmonaire et mourut dans sa 32e année.

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