Paul VI, pape.

Giovanni Battista Montini, né le 26 septembre 1897 à Concesio, près de Brescia, ville de Lombardie dans l’Archidiocèse de Milan au nord Italie, et mort le 6 août 1978 à Castel Gandolfo, est un prélat catholique italien, élu pape le 21 juin 1963 sous le nom de Paul VI (en latin Paulus VI, en italien Paolo VI). En qualité d’évêque de Rome, il est le 262e pape de l’Église catholique, et son pontificat s’étend de 1963 à sa mort en 1978.

Il est béatifié le 19 octobre 2014, puis canonisé le 14 octobre 2018, et fêté le 29 mai.


Giovanni Battista Montini n’ayant laissé aucun journal intime, on ne peut déterminer avec exactitude comment est née sa vocation. Plusieurs épisodes de sa jeunesse l’ont néanmoins marqué, ce qui a pu déclencher chez lui les premières interrogations.

En 1903, son père annonce la mort du pape Léon XIII à son fils de 6 ans. Paul VI avouera plus tard qu’il en ressentit « une grande émotion ».

La famille Montini se rend à Rome en 1907 et est reçue par le pape Pie X. La même année, Giovanni Battista Montini, qui a 10 ans, fait sa première communion et reçoit quinze jours plus tard le sacrement de confirmation. Toujours la même année, les Montini emménagent au 17 via delle Grazie à Rome, à proximité de l’église Santa Maria delle Grazie. Ce sanctuaire marial est régulièrement fréquenté par la famille.

En 1910, une communauté bénédictine s’installe à Chiari. Giovanni Battista Montini, 13 ans, contraint de rester chez lui pour étudier, assiste souvent aux complies et y fait quelques retraites spirituelles. Il restera toujours en contact avec les moines de cette abbaye : recevant en 1973 au Vatican des abbés bénédictins, il leur dit que c’est à Chiari qu’a germé sa vocation.

Enfin, après avoir quelque temps songé à la vie religieuse, il entre au séminaire en septembre 1916.

C’est au séminaire Santangelo de Brescia que Giovanni Battista Montini entre en septembre 1916. Pourtant, il ne suit pas la même formation que ses confrères séminaristes : son état de santé demeurant fragile, le supérieur du séminaire et l’évêque de Brescia acceptent d’emblée que le jeune homme ne soit pas soumis à la vie d’internat. Assistant d’abord aux cours en habits civils, il ne peut rapidement plus venir au séminaire. S’ensuit alors une formation solitaire, à la maison, où quelques prêtres viennent l’assister.

Ces temps de solitude lui permettent de garder un lien fort avec la société qui l’entoure. Il prend tout d’abord la présidence de l’association Manzoni en 1917, grâce à laquelle il lance une « bibliothèque du soldat » destinée à envoyer aux soldats du front de bons livres leur permettant de se distraire et de nourrir leur foi chrétienne. Il fonde en parallèle la « Maison du soldat français », où les militaires peuvent lire journaux et livres.

En juin 1918, Giovanni Battista Montini s’attelle à un autre grand projet : défendre la liberté de l’enseignement. Il lance avec des amis le magazine La Fionda, dans lequel il réclame notamment la création d’une université catholique.

Enfin, il prend position en faveur du PPI dont son père est député à trois reprises. Ce parti prône la liberté de l’enseignement, la défense de la famille et d’autres points plus administratifs.

Ces actions sociales entament nécessairement le temps de formation sacerdotale du jeune séminariste, dont les études sont alors parcellaires et discontinues. Hormis les quelques cours particuliers que certains prêtres viennent lui dispenser, il étudie des compendiums et lit des ouvrages éclectiques, religieux comme profanes. Ce sont des « lectures variées et hétérogènes, vastes et désordonnées ».

Le 21 novembre 1919, il revêt enfin la soutane. Six mois plus tard, il est ordonné prêtre : entre les deux dates, il reçoit la tonsure le 30 novembre, puis les ordres sacrés, notamment le sous-diaconat le 28 février 1920 qui le conduit à l’ordination sacerdotale.

Après une retraite spirituelle qu’il doit interrompre à cause de la chaleur, Montini est ordonné prêtre le 29 mai 1920. Une dérogation a dû lui être accordée du fait de son âge, le Code de droit canonique disposant alors que le candidat doit avoir vingt-quatre ans révolus.

Il célèbre sa première messe le lendemain en l’église Santa Maria delle Grazie de Brescia ; la nappe d’autel a été taillée dans une robe de sa mère. Les images d’ordination qu’il a fait imprimer portent une citation de Pie X : « Accordez, ô mon Dieu, que tous les esprits s’unissent dans la Vérité et tous les cœurs dans la Charité ».

La santé de don Montini ne lui permettant pas de lui voir confier la charge d’une paroisse, son évêque Gaggia qui a repéré ses qualités intellectuelles et spirituelles décide de l’envoyer à Rome pour compléter ses études.

Montini arrive à Rome le 10 novembre 1920, demeurant au séminaire pontifical lombard. Il y étudie dans deux universités : à la Grégorienne (dirigée par les Jésuites) et à la Sapienza (université d’État, laïque). Cette double formation coïncide avec la ligne directrice qui orientera son pontificat : l’ouverture vers le monde laïc. Parallèlement à ses études, il continue de collaborer pour La Fionda et écrit des nouvelles.

Il aide en outre son père à mener sa campagne électorale pour la XXVIe législature du royaume d’Italie. Le Parti populaire italien n’y obtient que 107 sièges. Pour la première fois, 35 fascistes (dont Mussolini) y sont élus.

Le 27 octobre 1921, Montini se fait connaître des autorités vaticanes par l’intermédiaire d’un ami de son père, le député Giovanni Maria Longinotti. Il est reçu par Giuseppe Pizzardo, substitut à la secrétairerie d’État. Recommandé par Longinotti, Montini se voit proposer une inscription à l’Académie des nobles ecclésiastiques sise à Rome. Cette institution de haut niveau avait été fondée en 1701 par Clément XI pour former les clercs destinés au service diplomatique du Saint-Siège.

Intégré à contre-cœur en novembre à l’Académie, Montini y étudie le latin, l’histoire ecclésiastique, la diplomatie et le droit. Il publie un opuscule commentant l’ouvrage de son maître spirituel le père Giulio Bevilacqua (oratorien de Brescia qu’il fera cardinal en février 1965), La Lumière et les ténèbres.

Après avoir voyagé en Allemagne et en Autriche durant l’été 1922note 3, le jeune prêtre passe son doctorat en droit canon le 9 décembre suivant.

En mai 1923, Montini apprend qu’il est affecté à la nonciature de Varsovie en tant qu’attaché à la nonciature. Sans attribution déterminée, il ne touche aucun traitement et vit de l’argent que ses parents lui envoient et des honoraires de messes. De la Pologne, il suit la politique italienne et dénonce dans ses lettres le rapprochement de certains membres du PPI avec le parti de Mussolini. Don Battista est admis à revenir à Rome en octobre 1923, grâce à Lauri, nonce de Varsovie, et à son père qui fait valoir que la santé de son fils supporterait très mal l’hiver polonais.

La FUCI (Fédération des universitaires catholiques italiens) est une branche de l’Action catholique italienne (ACI). Il s’agit d’une association composée de différents cercles en liens étroits avec la hiérarchie ecclésiastique,  chaque cercle étant spirituellement dirigé par un aumônier.

Un an après son retour de Pologne, Montini est nommé fin novembre 1923 aumônier du Cercle romain de la FUCI par son protecteur et ami Pizzardo. Son travail est de remettre de l’ordre dans ce cercle en y épurant ses activités politiques agitées pour y remettre un sang neuf de vie culturelle et religieuse, dans le but indirect de renforcer les liens entre la FUCI et l’ACI.

Don Battista n’abandonne pas pour autant son combat politique et milite pour l’indépendance du PPI face au fascisme pour les élections législatives de 1924. Toutefois, le parti est divisé et n’obtient plus qu’une quarantaine de fauteuils à l’assemblée.

Durant l’été 1924, Montini fait un séjour d’un mois en France : il prend des cours de français à l’Alliance française de Paris dispensés par René Doumic, et visite notamment le musée du Louvre ainsi que la ville de Lisieux et son carmel, où repose sainte Thérèse.

Alors qu’il n’a que vingt-sept ans, Montini reçoit une lettre de Pizzardo l’informant que le pape Pie XI l’autorise à le faire entrer à la secrétairerie d’État. Il commence sa fonction le 24 octobre 1924 en tant que préposé, le poste le plus modeste.

Après plusieurs mois d’apprentissage, on le nomme minutante le 9 avril 1925 à la section des Affaires ordinaires. Il est chargé de rédiger, d’après les instructions reçues, les brouillons, instructions et circulaires envoyés par la section.

Montini continue en parallèle son apostolat auprès des jeunes, travaillant au Vatican le matin puis au Cercle romain de la FUCI l’après-midi. Son activité apostolique n’est pas de tout repos : il organise des conférences, donne des leçons sur la morale chrétienne et prêche des retraites. Pourtant, un incident survient au printemps 1925 : don Battista organise une semaine d’études sociales pour les jeunes où son frère Lodovico, alors enseignant en sciences économiques et sociales à Milan, fait une intervention. Le  quotidien du PPI vante l’engagement politique des Montini dans lequel est inclus le jeune prêtre. Le cardinal Pompilj se plaint auprès de Pizzardo que le Cercle se « politise ».

Mais les événements internes à la FUCI incitent le pape Pie XI à nommer Montini aumônier national de la FUCI en vue de « dépolitiser » la  fédération, de la désolidariser du PPI et de contrôler les mouvements étudiants.

Pour renforcer l’autorité de l’aumônier, Pie XI le nomme camérier secret, titre qui ne correspond plus à une fonction précise. Don Battista donne une ligne plus culturelle et religieuse à la fédération.

La direction spirituelle de la FUCI doit faire face aux multiples incidents qui naissent entre les étudiants catholiques et fascistes. Par exemple, à  l’occasion de la réouverture de l’église Saint-Yves de Rome, un journal (La Sapienza) est édité, on y trouve des critiques contre le gouvernement et, indirectement, contre le pape lui-même, jugé inactif. Pie XI convoque Montini pour avoir le nom de l’auteur de l’article provocateur. La tentative d’assassinat de Mussolini, le 31 octobre 1926, envenime ces oppositions.

Montini adopte alors une nouvelle stratégie pour évangéliser le milieu étudiant sans risquer de heurts : le combat culturel, visant à former de l’intérieur le milieu étudiant en donnant un nouvel élan à la culture catholique. Il fonde la maison d’édition Studium et crée un bimensuel, Azione fucina. Tout en publiant des articles, il rédige aussi une importante étude sur la vie et l’enseignement du Christ d’après le Nouveau Testament. Ses écrits témoignent de l’influence qu’exercent sur lui l’abbé Maurice Zundel et le philosophe Jacques Maritain.

La montée du fascisme inquiète Montini, qui émet les plus grandes réserves lors de la conclusion des accords du Latran. « La méfiance et la prudence ne doivent jamais cesser, voilà la conclusion, et seuls les superficiels et les irresponsables peuvent éprouver, d’une façon méprisable, une joie complète », écrit-il à ses parents une semaine après la signature des accords. Il accepte toutefois d’y assister. Peu après, il exclut de la FUCI les étudiants qui refusent de quitter le Groupement universitaire fasciste. Malgré ses concessions, il est repéré à l’intérieur comme à l’extérieur de la curie comme un des tenants de la ligne d’opposition au fascisme. Il rencontre de futurs dirigeants de la Démocratie chrétienne, parmi lesquels Aldo Moro, avec lequel il entretient des rapports personnels d’amitié.

Cependant, la Seconde Guerre mondiale bouscule cette organisation. Montini, présent lors de la signature du concordat du 20 juillet 1933 entre le Saint-Siège (représenté par Pacelli, le futur pape Pie XII) et le Troisième Reich16, est en effet être un témoin privilégié de la guerre et de l’action du Saint-Siège face à celle-ci. Le nazisme, déjà condamné par Pie XI dans l’encyclique Mit brennender Sorge, continue d’inquiéter le Saint-Siège quand l’Allemagne annexe l’Autriche en mars 1938, lors de l’Anschluss.

Le 10 février 1939, le pape Pie XI meurt ; son successeur, le cardinal Pacelli, est élu le 2 mars suivant et prend le nom de Pie XII. Pendant le temps du conclave, Montini veille à l’organisation matérielle des lieux où se réunissent les cardinaux. Une fois élu, Pie XII nomme le cardinal Luigi Maglione secrétaire d’État, mais garde les deux substituts. Montini et le pape se voient tous les jours avant la guerre et pendant celle-ci, multipliant les audiences et les productions de documents. En juillet et août 1939, le Dr Manfred Kirschberg, de Paris, demande à Montini d’attribuer aux juifs d’Europe un territoire en Angola (territoire portugais) pour les préserver des persécutions, mais le projet n’aboutit pas.

Dès le début de la guerre, Montini se voit confier la responsabilité du Bureau d’informations, organe de liaison entre les prisonniers de guerre ou internés civils et leurs familles, notamment en donnant à ces dernières des nouvelles des prisonniers par radio. En janvier 1940, Pie XII demande à Montini de diffuser des messages via Radio Vatican pour dénoncer le sort réservé par les nazis au clergé et aux civils polonais. Après l’entrée des Allemands dans Paris le 14 juin 1940, Montini adresse un message de soutien à l’abbé Martin, seul Français de son service18. Outre les activités prenantes du Bureau d’informations, le substitut accorde de nombreuses audiences aux diplomates en visite au Vatican, et participe à la distribution de secours, par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, aux prisonniers et aux populations civiles.

Rapidement, Montini est au centre de deux incidents diplomatiques entre l’Italie fasciste et le Saint-Siège. D’une part, fin avril 1941, il est accusé par le ministre Galeazzo Ciano, gendre de Mussolini, d’avoir diffusé un tract antifasciste à des étudiants romains, mais aucun tract n’est retrouvé ; d’autre part, une note envoyée au Saint-Siège l’accuse d’avoir organisé une réunion antifasciste dans les appartements du Vatican, avec des diplomates étrangers : l’information est vite démentie par le secrétaire d’État.

En novembre 1941, le substitut préside la nouvelle « Commission pour les secours », chargée d’envoyer des aides financières et des médicaments aux prisonniers, alliés ou non. À partir de 1942, le Saint-Siège est informé du sort réservé aux Juifs d’Europe. Ceux de Slovaquie sont momentanément préservés de la déportation grâce à l’intervention de la secrétairerie d’État mais, très vite, on informe le Saint-Siège des conséquences de ces interventions : le 24 juin 1942, le nonce apostolique à Berlin Cesare Orsenigo informe Montini que les démarches tentées en faveur des Juifs « ne sont pas bien accueillies ; au contraire, elles finissent par indisposer les autorités ». À partir de ce moment, le Saint-Siège, et en particulier le pape Pie XII, réagissent discrètement face aux atrocités nazies, de peur des représailles.

À partir de septembre 1942, Montini se trouve au cœur d’un complot visant à renverser Mussolini22. La princesse de Piemont, Marie-José de  Belgique,épouse du prince-héritier et belle-fille du roi Victor-Emmanuel III, est reçue en audience le 3 septembre 1942 par Montini. Elle explique au substitut que le peuple italien est prêt à abandonner le régime fasciste, que des hommes sont prêts à assurer la relève et qu’une paix séparée peut être conclue avec les Alliés. Montini, à qui sa fonction permet de rencontrer les diplomates alliés, fait donc part de ce projet aux Alliés, qui font preuve de bonnes dispositions. Néanmoins, ils mettent en œuvre leur propre stratégie : ils commencent par débarquer en Afrique du Nord le 8 novembre 1942, se rapprochant ainsi de l’Italie. À l’issue du bombardement de Rome par les Alliés le 19 juillet 1943, Montini accompagne Pie XII dans les rues de la ville afin de prier et de secourir les pauvres. L’approche des Alliés ébranle le gouvernement fasciste ; le 24 juillet 1943, le Grand Conseil du fascisme vote les pleins pouvoirs au roi Victor-Emmanuel III. Le 25 juillet au matin, l’un des membres du Conseil qui a voté les pleins pouvoirs, Alberto De Stefani, demande à Montini que le Saint-Siège serve d’intermédiaire entre les Alliés et le nouveau gouvernement à venir. Le lendemain, le roi demande au maréchal Badoglio de former un ministère et ce dernier fait arrêter Mussolini. Le 13 août 1943, un nouveau bombardement allié survient sur Rome : Montini accompagne à nouveau le pape sur les lieux touchés afin de réconforter la population. Le lendemain, le gouvernement Badoglio  proclame Rome « ville ouverte ».

Jusqu’à la fin de la guerre, Montini est témoin des différents événements qui touchent Rome, notamment l’occupation de la ville par les Allemands à partir du 10 septembre 1943, puis sa libération par les forces alliées le 4 juin 1944. Cette guerre est aussi pour lui le temps des épreuves : ses parents meurent en 1943, et plusieurs de ses amis sont déportés dans des camps de concentration ; enfin, son ami Longinotti (qui l’avait fait entrer à l’Académie des nobles ecclésiastiques), meurt dans un accident de voiture en 1944.

Le secrétaire d’État Luigi Maglione meurt d’une crise cardiaque le 22 août 1944. Le pape Pie XII ne le remplace pas et la fonction de secrétaire d’État reste vacante jusqu’à l’élection de Jean XXIII.

Malgré cela, Montini a un rôle important dans les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et les États sortant de la guerre. Bien qu’il n’ait pas pris place dans le dialogue entre Pie XII et le gouvernement français pour remplacer quelques évêques « collaborateurs », il sert d’intermédiaire entre le pape et Jacques Maritain, nouvel ambassadeur de France près le Saint-Siège, au sujet de la responsabilité du peuple allemand. Pie XII avait en effet estimé que le peuple allemand n’était pas collectivement coupable de la Seconde Guerre mondiale, ce à quoi le philosophe Jacques Maritain répondait que le peuple allemand était responsable comme peuple. L’ambassadeur français insiste aussi auprès de Montini pour que Pie XII renouvelle son soutien au peuple juif en faisant une déclaration solennelle de compassion en faveur des victimes de la Shoah. Au sujet des pays d’Europe de l’Est soumis au régime soviétique, Montini adresse aux diplomates occidentaux plusieurs rapports sur la situation de ces pays. Il continue d’œuvrer au sein du Bureau d’informations en faveur des prisonniers libérés et des nouveaux prisonniers que l’épuration a créé. De plus, il se charge de la création d’un service d’assistance aux émigrés à la fin de l’année 1946, pour venir en aide aux populations italiennes, allemandes et polonaises contraintes de quitter leur territoire du fait des nouvelles frontières dessinées.

Parallèlement au devenir de l’Europe d’après-guerre, Montini a un rôle déterminant dans l’évolution politique de l’Italie, jusque dans les années 1950. Face à la Démocratie chrétienne dirigée par Alcide De Gasperi, d’autres partis dits chrétiens apparaissent, notamment à gauche. Montini refuse un tel pluralisme et Démocratie chrétienne se trouve seule à la tête du gouvernement italien, les autres partis ne recevant pas le soutien de l’Église. Lors de l’élaboration de la Constitution de l’Italie faisant suite au référendum du 2 juin 1946, Montini insiste pour que les accords du Latran soient inscrits dans le texte constitutionnel. Lors de la signature du traité de l’Atlantique nord en 1949, il se prononce pour l’adhésion de l’Italie à l’OTAN, exprimant ainsi sa propre volonté et celle de Pie XII. Concernant les syndicats, il inspire la création des Associations catholiques des travailleurs italiens (ACLI). Il promeut en même temps la création de syndicats indépendants de l’Église catholique.

Le pape Pie XII n’ayant pas pris de secrétaire d’État depuis la mort de Luigi Maglione, Montini devient donc le subalterne direct du Saint-Père aux affaires ordinaires. Partant, il rédige ou signe pour le pape un grand nombre de discours, messages ou allocutions à des organisations, personnalités ou pèlerins de passage au Vatican. En outre, il aide le souverain pontife dans la rédaction des encycliques et autres grands textes pontificaux. Par exemple, à Frédéric Joliot-Curie qui demande au pape d’intervenir pour inciter les pays à réduire leur armement, Montini répond que la véritable paix a sa source « dans la doctrine enseignée par Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Autre exemple : quand l’archevêque orthodoxe d’Athènes Spyridon Ier demande au pape de venir à une célébration pour l’occasion du XIXe centenaire de l’arrivée de saint Paul en Grèce, c’est encore Montini qui décline l’invitation.

Pour autant, ces décisions ne reflètent pas toujours la personnalité du substitut lui-même. Ce dernier est réputé pour être ouvert d’esprit, et les théologiens condamnés par le Saint-Office ou en passe de l’être viennent d’abord se référer à Montini avant d’aller voir le pape. Un adage se forme ainsi dans les milieux ecclésiastiques : « Pourquoi aller à la montagne (Pie XII) quand on peut passer par Montini ? » Un exemple permet de mieux comprendre le rôle d’intermédiaire joué par le substitut : le père Yves Congar et le père Féret publient dans La Maison-Dieu un article critiquant la nouvelle traduction latine du psautier engagée par Pie XII. Recevant le père Congar le 21 mai 1946, Montini dialogue avec lui sur ces critiques puis sur les thèses d’avant-guerre du père relatives à l’œcuménisme, jugées suspectes par Rome28. Montini transmet aux dicastères compétents des dossiers, envoyés par le père Congar, sur l’œcuménisme. Montini apporte aussi son soutien au père Henri de Lubac, théologien controversé depuis son ouvrage Surnaturel. En 1948, il réussit à convaincre Pie XII de recevoir en audience Bruno de Solages, recteur de l’Institut catholique de Toulouse, suspecté d’approuver les idées du père Teilhard de Chardin. Le 1er septembre de la même année, il épargne de l’Index le livre de Maxence Van der Meersch, La Petite Sainte Thérèse. Puis, en mars 1949, il reçoit le frère Roger Schütz et Max Thurian, responsables de la Communauté de Taizé, pour entamer avec eux un dialogue œcuménique et préparer leur audience prochaine avec le pape.

Paul Vi, carte maximum, Dahomey.

En 1950, Pie XII charge Montini de la préparation matérielle de l’Année sainte : calendrier des pèlerinages nationaux et des audiences publiques, et possibilités d’hébergement notamment. Quelques jours avant l’ouverture de cette Année sainte, il anime une conférence à Rome devant les autorités civiles et politiques de la capitale, visant à présenter ladite année. L’assistance admire le prélat et d’aucuns y voient déjà un futur pape.

1950 est aussi l’année de la publication de l’encyclique Humani Generis, dans laquelle le pape dénonce notamment « quelques opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique ». Montini relativise la portée du texte en confiant à son ami Jean Guitton que le pape ne dénonce pas des erreurs mais seulement des opinions pouvant aboutir à des erreurs.

Autre grand fait majeur pour l’Église en cette même année : la proclamation du dogme de l’Assomption le 1er novembre. Les protestants s’insurgent contre cette proclamation car elle attribue un privilège supplémentaire à la Vierge Marie qui n’est pas attesté historiquement et, aussi, elle engage l’infaillibilité du pape, notion que les protestants refusent également. Recevant Roger Schütz et Max Thurian au Vatican, Montini leur fait part de son souhait d’une « plus grande discipline et un texte qui précise la pureté de la doctrine ».

Montini reçoit beaucoup de prélats et de diplomates au Vatican. Parmi ceux-ci, dom Hélder Câmara avec qui il évoque la création d’une conférence épiscopale pour le Brésil. Enfin, le substitut effectue un voyage au Canada et aux États-Unis en 1951, où il rencontre notamment Francis Spellman, archevêque de New York.

Pour fêter les cent ans des apparitions mariales de Lourdes, le prélat organise un pèlerinage sur ce lieu avec 4 500 fidèles de son diocèse, du 26 juin au 1er juillet 1958. Ils rendent grâce ensemble pour les fruits de la Mission de Milan. Montini fait deux retraites le mois d’août suivant, dans l’abbaye d’Einsiedeln puis dans celle d’Engelberg en Suisse.

Le pape Pie XII meurt le 9 octobre 1958 à Castel Gandolfo, après trois jours d’agonie. Depuis son ordination épiscopale, Montini ne l’avait vu qu’à quelques audiences publiques mais jamais personnellement. En se recueillant devant la dépouille du pape le 10 octobre, le prélat aurait murmuré « Comme je lui voulais du bien. Et pourtant nous ne nous sommes pas compris ».

Bien que Montini ne soit pas cardinal, certains envisagent quand même son élection au trône de saint Pierre, ce qui est canoniquement possible mais ne s’était pas produit depuis l’élection d’Urbain VI en 1378. Certains cardinaux, dont Giuseppe Siri, s’y opposent néanmoins farouchement.

Le conclave de 1958 s’ouvre le 26 octobre et, après deux jours et dix scrutins infructueux, le cardinal Roncalli est élu le 28 et prend le nom de Jean XXIII. Le patriarche de Venise est un ancien diplomate du Vatican en Bulgarie, en Turquie et en France, qui avait été en contact direct avec Montini, dès le début de sa carrière, et qui en est proche.

Jean XXIII meurt le 3 juin 1963. Dans l’éloge funèbre qu’il prononce dans la cathédrale de Milan le 7 juin suivant, Montini exprime son admiration face au pape disparu, attestant que « sa tombe ne peut renfermer son héritage, ni la mort étouffer son esprit ». Le 15 juin, la veille de partir au conclave, Montini écrit au père Bevilacqua qu’il faut maintenant à l’Église « un pape efficace et sage », mais précise de suite « Non certes moi, comme l’habitude de désigner des papes préfabriqués peut l’insinuer ».

Montini part pour le conclave le 16 juin : il loge d’abord chez les sœurs de Marie-Enfant puis à Castel Gandolfo. Le 18 juin, il célèbre la messe à  l’abbaye Sainte-Priscille.

Le conclave qui va élire le successeur de Jean XXIII s’ouvre dans l’après-midi du 19 juin 1963, dans la chapelle Sixtine. Avec 80 cardinaux présents, c’est à l’époque le conclave qui réunit le plus grand nombre d’électeurs de l’histoire.

Le premier scrutin commence le lendemain, 20 juin. Pour être élu, le futur pape doit recevoir au moins 54 voix en sa faveur. Les favoris, papables, sont les cardinaux Montini, Lercaro et Siri.

Après cinq scrutins, le cardinal Montini est élu pape au sixième tour, le 21 juin 1963, avec quelque 60 voix : il a 65 ans. Il devance les cardinaux Siri, Lercaro, Antoniutti, Agagianian et Suenens. Il était pressenti favori par tous à tel point que le journal La Croix publia son édition spéciale sur sa nomination quelques minutes à peine après l’annonce officielle.

Au cardinal doyen (Eugène Tisserant) qui lui demande s’il accepte la lourde charge qui lui est confiée, Montini répond « Accepto in nomine domini » (« J’accepte au nom du Seigneur »), reprenant ainsi sa devise épiscopale. À la question portant sur le nom choisi, il répond « Vocabor Paulus » (« Je m’appellerai Paul ») : le nouveau pape se nomme donc Paul VI, en hommage à saint Paul et Paul V, pape qui avait mis en œuvre les décisions du concile de Trente et canonisa Charles Borromée.

Vers midi, le cardinal Ottaviani annonce l’élection du nouveau pape à la foule massée place Saint-Pierre. Selon la formule rituelle, il prononce ces mots : « Annuntio vobis gaudium magnum ; habemus Papam » (Je vous annonce une grande joie, nous avons un pape).

Quelques instants plus tard, le nouveau pape apparaît à la loggia de la basilique Saint-Pierre : il y donne sa première bénédiction Urbi et Orbi, mais ne prend pas la parole.

Paul VI reste fidèle aux traditions italiennes qui fait du pape un acteur important de la vie politique et un leader, de fait, de la Démocratie  chrétienne. Au moment où il lance l’Ostpolitik du Vatican par le biais de Casaroli pour améliorer le sort des catholiques vivant dans les pays communistes, Paul VI bloque toutes les tentatives du PCI et de son chef Berlinguer pour accéder au pouvoir en s’alliant à la Démocratie chrétienne. En effet, Paul VI ne veut pas donner l’impression de négocier avec les Soviétiques en position de faiblesse ou pour des raisons de politique intérieure. Le PCI ne s’y trompe pas et tente d’amadouer le pape. Il se retrouve en effet au cœur de la tension entre ces deux tendances de la démocratie chrétienne (celle anticommuniste de Giulio Andreotti, et celle favorable à l’alliance de son ancien étudiant Aldo Moro). La veille du jour où il doit signer le “compromis historique”, actant l’alliance gouvernementale entre Démocratie chrétienne et Parti communiste, Aldo Moro est enlevé par les Brigades rouges, dont le chef Mario Moretti est manipulé depuis l’ambassade des Etats-Unis à Rome. Aldo Moro demande une négociation pour sa propre libération alors que le parti de la Démocratie chrétienne refuse avec Andreotti, toute discussion avec les terroristes, appuyé en cela par le cardinal Giuseppe Siri qui déclare qu’Aldo Moro « a eu ce qu’il méritait ». Un des membres du commando est d’ailleurs le fils d’un ami du pape, qui est appelé au secours par Moro et qui écrit une lettre demandant la libération (mais en ayant ajouté « sans préalable »). Moro dans ses lettres se montre critique vis-à-vis de cette action trop faible à son goût. Après l’assassinat de Moro qui affecte profondément le pape, il fait une homélie marquante.

Le 27 novembre 1970, à son arrivée à l’aéroport international de Manille, Paul VI réchappe d’une tentative d’assassinat perpétrée par Benjamín Mendoza y Amor Flores, artiste-peintre bolivien de 35 ans originaire de La Paz. Déguisé en prêtre, crucifix en main, Mendoza parvient à approcher le pape avant de le frapper de deux coups de poignard dans le cou, portés de part et d’autre de la veine jugulaire. Le secrétaire particulier de Paul VI, Pasquale Macchi, atténue la violence des coups en retenant le bras de l’agresseur. Le col rigide que porte le pape pour le soulager de l’arthrose cervicale contribue à la légèreté des blessures dont l’existence n’est toutefois révélée qu’après sa mort en 1979. Paul VI poursuit sa visite officielle selon le programme prévu. Mendoza, qui affirme lors de son procès « vouloir sauver l’humanité de la superstition », est condamné pour tentative de meurtre. Après avoir purgé une peine de 38 mois de prison aux Philippines, il est expulsé vers la Bolivie en 1974.

Âgé de 80 ans et souffrant d’arthrose, Paul VI vit ses derniers jours presque toujours allongé.

Il est victime d’une crise cardiaque en fin d’après-midi le 6 août 1978 dans sa résidence d’été de Castel Gandolfo et meurt quatre heures plus tard, à 21 h, le jour de la Transfiguration du Christ.

Il est inhumé le 12 août 1978 et enterré, selon ses souhaits, dans les grottes du Vatican, après une cérémonie qui a lieu sur le parvis de la basilique Saint-Pierre.

Certains groupes minoritaires estiment néanmoins que Paul VI a été remplacé par un sosie et est toujours vivant.

Son procès en béatification a été ouvert en 1993 par l’Église catholique qui le reconnaît donc officiellement « Serviteur de Dieu ». Le pape Benoît XVI proclame l’héroïcité de ses vertus le 20 décembre 2012 : Paul VI devient donc, jusqu’en 2014, le vénérable Paul VI83. Le pape Paul VI est béatifié le 19 octobre 2014, l’annonce officielle en a été faite par le Vatican, le 10 mai 2014.

Le 6 février 2018, la Congrégation pour les causes des saints attribue une guérison miraculeuse à l’intercession de Paul VI. Le pape François le canonise le 14 octobre 2018 sur la place Saint-Pierre de Rome, durant le synode des évêques pour les jeunes. Il devient ainsi Saint Paul VI.

Source : Wikipédia.

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