Otton Ier, Empereur du Saint Empire.

Otton Ier du Saint-Empire, surnommé en allemand Otto der Große (Otton le Grand en français), est l’un des plus célèbres souverains allemands  du Moyen Âge, fondateur du Saint-Empire romain germanique. Il est né le 23 novembre 912 à Wallhausen en Saxe et est mort le 7 mai 973 au palais familial de Memleben en Thuringe. Fils d’Henri Ier l’Oiseleur et de Mathilde de Ringelheim, il doit son prénom à son grand-père le duc de Saxe Otton qui, agonisant, décède huit jours après sa naissance, le 30 novembre 912. Le jeune Otton succède à son père Henri l’Oiseleur, duc de Saxe (Basse-Saxe et Saxe-Anhalt actuelles) et roi de Francie orientale ou Germanie, mort le 2 juillet 936. Il s’impose alors en souverain politique de plus en plus incontesté malgré les premières révoltes. De roi de Germanie, il finit par accaparer la fonction puis la dignité impériale en 962 jusqu’à sa mort en 973. Il est enterré selon son souhait dans la cathédrale de Magdebourg, sa nouvelle capitale.

Durant un long règne, il donne à la royauté germanique un rayonnement et un prestige hors pair, tant par le sens de la gestion politique que par les victoires militaires. Il se proclame roi d’Italie après avoir épousé en 951 la reine Adélaïde, veuve du roi Lothaire. Il parvient à s’impliquer dans la délicate politique italienne et restaure la dignité impériale à son profit. Il est élu par ses vassaux et couronné empereur des Romains par le pape Jean XII en 962. La dynastie dite ottonienne ou saxonne se poursuit par trois autres règnes d’empereurs, ses descendants et successeurs, jusqu’en 1024.

Par ses réformes administratives privilégiant le clergé épiscopal et la collégialité des prélats et princes au détriment des monastères, Otton est le véritable fondateur du Saint-Empire romain germanique même si cette dénomination n’apparaît qu’au xve siècle. Cette première entité politique dénommée en allemand moderne Reich perdure jusqu’en 1806. Dès le début de son règne impérial, Otton marque la volonté d’extension vers l’Est de son royaume et de son Empire, avec Magdebourg pour capitale, rompant avec la tradition carolingienne centrée sur la Lotharingie (Metz et Aix-la-Chapelle).


Au Xe siècle, la Francie orientale est limitée à l’ouest par le Rhin, au Nord par la mer du Nord, le Jutland et en théorie par la mer Baltique même si elle ne domine plus ses côtes, à l’est par l’Elbe, la Saale et la Bohême jusqu’à l’Inn, et se termine au sud par le lac de Constance environnée des Alpes. La population est inégalement répartie en quatre noyaux denses de population : Franconie, Souabe, Saxe, Bavière. Elle tend à se concentrer à proximité des vallées du Rhin, de la Weser et du Danube à l’ouest et dans une moindre mesure celles de l’Elbe et de la Saale à l’est dont les bordures orientales à reconquérir sous forme de marches militaires échappent partiellement au pouvoir. Rivières et fleuves sont des voies navigables importantes pour le commerce et le négoce. À partir du Xe siècle, partout, le nombre des hommes commencent à augmenter et la superficie des forêts en plaine et en montagne diminue au profit d’une expansion agricole sur les bons sols de plaine et surtout des Börde entre plaine et montagne. L’exploitation de massifs argentifères dans le massif du Harz en Saxe apparaît fondamentale pour la stabilité monétaire saxonne. Le développement des techniques métallurgiques ultérieures explique aussi l’hégémonie saxonne.

À côté des grands axes à la fois fluviaux et terrestres menant vers les cols de Rhétie, la Francie orientale est parcourue par des routes commerciales reliant l’Occident et l’Est. La plus ancienne et la plus prestigieuse est la Helweg longeant en ses nombreux diverticules les premiers reliefs des massifs hercyniens surplombant la plaine germano-polonaise et qui, au-delà du Rhin, gagne Aix-la-Chapelle, voire Liège, Saint-Quentin ou Paris. Vouées principalement au commerce des esclaves et des grains, des métaux et des fourrures, les autres routes rejoignent l’axe Nord-Sud formé par la succession de la vallée du Rhin ou de la Meuse à l’occident ou par l’Elbe à l’orient, elles coupent la vallée de la Weser, les multiples affluents méridionaux du Danube ou renforcent l’axe fluvial du Danube ou du Main. De riches villes prospèrent au bord de ces fleuves, comme Mayence, Augsbourg ou Ratisbonne.

Au Xe siècle, la Francie orientale, nommée encore Germanie si on inclut les marches orientales, est divisée en quatre grandes entités : la Bavière, la Saxe, la Souabe et la Franconie, qui s’affirment en duchés ethniques. Les familles nobles à leur tête, principalement descendantes des aristocraties carolingiennes ou des anciens leudes mérovingiens possèdent d’immenses domaines. Pour assurer leur hégémonie, elles ont pendant le second ixe siècle dévasté ou laissé dévaster les domaines et contrées hostiles à leur autorité. Ainsi, si elles dirigent souvent un centre de pouvoir riche et dense, elles ne sont pas obéies aux frontières qui sont périodiquement saccagées, surtout si leur territoire est formé de massifs aux nombreuses vallées, lieux de refuges. Conscients de l’escalade de ce jeu de destruction entre rivaux, les familles princières de Souabe et de Franconie craignent vite les maîtres militaires des marches en partie slavisés, que sont les ducs de Bavière et de Saxe. S’ils sont parvenus au pouvoir, ils ne peuvent être sortis victorieux que d’un jeu guerrier d’élimination. Le maintien de la royauté de Germanie qui échoit à une maison de Franconie est une stratégie pour garder la haute main sur la hiérarchie religieuse et administrative et pour mener des actions militaires aux frontières.

La famille des Ottoniens qui dirige la Saxe descend du premier duc Ludolphe en 866. Il a transmis la charge à son fils Odon ou Otton qui s’empresse de dévier les assauts vers les Slaves de l’Est, pour un temps tranquilles  partenaires commerciaux, afin de s’emparer de la Thuringe.

À la mort du dernier roi franconien de Francie orientale, cette famille est une des plus puissantes du pays, parce que pour des nécessités de défense face à des mondes slaves et danois, périodiquement agressifs, une solidarité cantonale de défense à toute épreuve a bénéficié au groupe dirigeant de Saxe. Le chef de guerre consulte et délègue, écoute et décide. De plus, le duc de Saxe a rassemblé et placé sur le front une foule de réfugiés de Germanie, mercenaires casés sur les terres saxonnes reconquises qui gardent des liens même distendus avec leurs pays d’origine. Défenseur incontesté du monde franc, il s’impose partout en arbitre. C’est pourquoi Conrad l’a désigné pour la sécurité des siens alors qu’il déteste les Saxons et surtout Henri  l’insouciant oiseleur qui, humilié, ne répond plus à ses convocations.

Henri l’Oiseleur, duc de Saxe est nommé roi de Francia orientalis en 919. Simplement désigné par son prédécesseur pourtant ennemi, il refuse longtemps le sacre pour ne pas donner l’impression que la royauté fait de lui un être à part. Il a rencontré par hasard en 912 Mathilde, fille du comte de Westphalie, Theodoric de Rheingelheim. Il la sort du couvent où elle était éduquée et l’épouse. Elle lui donne cinq enfants : Otton né en 912, Gerberge née en 913, Henri né en 916, Edwige ou Hatwige née en 920, Bruno ou Brunon né en 928.

Ses premiers actes sont en faveur de l’extension de la Francia orientalis aux dépens de la Lotharingie. Il s’agit en particulier d’englober l’Alsace dans le duché de Souabe et d’autoriser la reconquête des contrées du Rhin inférieur. La partie nord de la Lotharingie, qui va de la Frise jusqu’aux bouches de l’Escaut, est annexée par le royaume de Germanie et soumise à la protection saxonne pour éviter les ravages des pirates. C’est l’origine du comté de Frise ou de Hollande. Aix-la-Chapelle, l’ancienne capitale impériale en Lotharingie est déjà l’objet de convoitises.

Mais Henri inaugure une dynastie atypique qui refuse de lier service régalien et récompense régalienne, ministerium et feodum. Le service se fait pour Dieu et les hommes dans l’intérêt de tous. La récompense n’a pas à être ajustée – le pourrait-elle lorsque l’arbitraire inclut la perte de la vie – comme dans une banale tractation commerciale. Le chef de guerre et sa famille ne sont aussi que des enfants du Dieu sauveur.

Henri l’Oiseleur acquiert son prestige grâce aux victoires remportées sur les Slaves, les Danois et les Magyars. Mais il ne peut enrayer les infiltrations et dévastations et entame, pour ne pas perdre la digne figure de protecteur, une série de négociations, en acceptant de payer tributs aux groupes les plus menaçants pour qu’ils épargnent la Francie orientale. Il lui faut trouver des ressources, et le Saxon Henri convoite la Lotharingie morcelée, à la fois riche et en pleine décomposition politique.

En 925, Henri Ier soumet et intègre, après une sanglante bataille, la Lotharingie. Désormais la vallée de la Meuse puis celle de l’Escaut fixent la frontière entre France et Germanie. Verdun et Bar-le-Duc font partie du royaume de Germanie. Le duc Gisilbert à la fois sous tutelle et à son service paie tribut et reçoit mission d’éradiquer le morcellement lotharingien. Henri assure son pouvoir régalien en nommant les évêques et les abbés de Lotharingie, de Souabe et de Saxe. Au cours des règnes ottonides, une partie de la Basse-Lotharingie s’intègre progressivement à la Francie orientale. Avec des renforts guerriers lotharingiens, Henri Ier prend Meissen qui est une forteresse en pays slave. La marche dépasse l’Elbe et la Saale, entamant une longue progression vers l’Oder. Le roi de Germanie reçoit l’hommage de Wenceslas, duc de Bohême. Avec cette alliance de sécurité, il songe à faire plier le duché de Bavière qui s’émancipe avec arrogance. Mais il arrête la guerre fratricide en leur concédant le droit de nomination ecclésiastique, ne sont-ils pas des rejetons de l’Empire franc qui reviennent à la négociation et à un modus vivendi ?

Avant sa mort, il obtient la promesse des princes germaniques que son fils Otton ou Othon – époux d’Édith d’Angleterre – soit choisi en successeur légitime. Après sa mort survenue le 2 juillet 936, la diète d’Erfurt entérine ce choix et désigne Otton comme successeur. La dynastie saxonne repose dès lors sur le double principe héréditaire et électif.

Otton Ier, âgé de vingt-quatre ans, est couronné le 7 août 936 à Aix-la-Chapelle. La cérémonie montre ainsi qu’il veut renouer avec la tradition carolingienne. Les représentants de toutes les communautés de la Francie orientale sont convoqués; mais ce sont les représentants des duchés de la Saxe et de la Franconie qui ont le privilège de lui rendre hommage en  premier le 7 août dans l’atrium de la chapelle palatine. Il est ensuite acclamé par le peuple et sacré dans la chapelle par l’archevêque de Mayence Hildebert. Il reçoit ensuite les insignes de son pouvoir : épée, manteau, bracelet, sceptre et bâton de commandement. Au cours du banquet qui suit, les grands honorent le souverain en serviteurs chargés des offices domestiques13. Otton entend affirmer sa souveraineté par tous les signes visibles. Il bannit Eberhard, le duc de Bavière, après l’avoir battu car celui-ci avait refusé de lui rendre hommage.

En 937, les premières décisions du roi Otton suscitent des réactions hostiles de la même façon que son sacre fait naître jalousies et envies. Dans la plus pure tradition carolingienne, il doit faire face à une rébellion familiale menée par son frère Henri Ier de Bavière soutenu par le duc Gislebert de Lotharingie, le duc de Franconie Eberhard, une partie de la noblesse saxonne. Les conjurés, qui d’abord ne lui obéissent plus, ont l’alliance intéressée du roi carolingien de Francie occidentale, Louis IV d’Outremer qui entend récupérer l’ancienne capitale impériale de ses aïeux, Aquae ou Aix. Tous les ressorts du pouvoir régalien s’effondrent. Le duché saxon infiltré d’éléments hostiles reste encore obéissant. Toutefois la Souabe méprisée par les conjurés obéit au souverain.

Par des missions diplomatiques, le roi jauge ses soutiens. Il comprend alors qu’un des foyers de l’intrigue se place en Francie occidentale carolingienne. Or les Robertiens, responsables du duché de France, s’y affirment parmi une pléiade d’acteurs hostiles aux Carolingiens. Les Robertiens n’ont pas encore réussi à prendre le commandement de ces forces hostiles. Mais le duché de France assure la défense militaire des côtes et des rivages maritimes au  profit du royaume. Il garde la marche de Bretagne et surveille les Normands installés par les rois de France. Ils apparaissent en frères des Saxons qui s’opposent et combattent périodiquement Slaves et Danois en Germanie. Otton marie sa jeune sœur Hedwige à Hugues le Grand, puissant guerrier du royaume dont il attend qu’il neutralise toute action guerrière du roi à son égard. Promet-il à terme le royaume à la descendance d’Hugues ?

Grâce à l’appui du duc Hermann Ier de Souabe, le grand conseil d’Otton prend l’initiative et parvient à défaire les révoltés lors de la terrible bataille d’Andernach en octobre 939 où les ducs de Lotharingie et de Franconie sont tués. Devant le carnage fratricide qui concerne la plupart des familles dominantes, Otton victorieux est ému. Pris de colère, il ne songe d’abord qu’à faire massacrer les responsables capturés et les fuyards. S’il ne peut que pardonner à la majorité des survivants de sa famille, il reporte son courroux sur les autres et pendant des décennies exerce son inflexible vengeance.

Otton pardonne à son frère Henri et rejette la responsabilité sur son entourage et quelques apparentés ambitieux. Il lui confie des responsabilités et le place même à la tête de la Lotharingie. Mais Henri, jaloux et solidaire des anciens conjurés, continue à ruser et à comploter. Il ne se soumet vraiment qu’en 941.

Le roi de France comprend la terrible menace et se sauve par son mariage rapide avec Gerberge, sœur d’Otton et veuve du duc de Lorraine, femme puissante dont il accepte la reprise de la charge de la Lotharingie par son beau-frère Henri. Entrant dans la famille, le roi diplomate s’incline ainsi devant Otton et devient l’égal de son rival Hugues.

Mais Otton n’est nullement satisfait des promesses de Louis IV d’Outremer. Il intervient en France pour assurer la sécurité lotharingienne victime de brigandage et ne s’arrête qu’à Attigny, où la négociation rétablit paix et bonne entente. Otton joue facilement de la rivalité entre ses parents par alliance, les derniers Carolingiens et les Robertiens, les ancêtres des Capétiens, pour assurer son emprise sur la Francie occidentale et par contrecoup sur la Lotharingie enclavée. Il s’efforce de maintenir un équilibre entre les deux maisons afin qu’aucune ne soit assez forte pour revendiquer la Lotharingie. Mais le peuvent-elles alors qu’elles sont impuissantes à empêcher les guerres locales ?

La Lotharingie indispensable au prestige royal à cause d’Aix-la-Chapelle n’est pas le mythique point faible du royaume ottonien. Il faut par contre comme en Germanie réformer l’Église et fixer efficacement les divisions territoriales mouvantes pour assurer un pouvoir régalien stable. L’archevêque Brunon, le plus jeune frère d’Otton, est promu pour surveiller cette évolution largement amorcée : homme fort de la Lotharingie en 954, il est successivement archevêque de Cologne et duc de Lotharingie, cumulant jusqu’à sa mort les deux responsabilités.

Avant même d’avoir fini de pacifier les marges belliqueuses nordiques ou slaves, de consolider ses positions en Lotharingie et en Germanie, Otton comprend la nécessité de reprendre la judicieuse stratégie de légitimation royale qui avait été lancée par Pépin le Bref. Le souverain doit être le premier soutien de la dignité papale et doit bénéficier en retour de la délégation divine du pontife de l’Église romaine sur les autres évêques et responsables chrétiens. Otton délaisse ses anciennes vengeances et tourne son attention vers l’Italie, surpris des déboires de la couronne franque.

En Italie, la situation est très confuse. L’anarchie règne et attise les appétits des puissants voisins. Elle accroît la menace d’une conquête par les  infidèles. En 950, Bérenger d’Ivrée et la marche slavisée du Frioul dominent l’Italie à la mort de Lothaire d’Arles. Les maîtres de la politique italienne emprisonnent la veuve de Lothaire, Adélaïde de Bourgogne, pour empêcher son remariage et la naissance d’un héritier légal au royaume d’Italie.

En septembre 951, Otton, décidé à une conquête guerrière si besoin, descend en Italie avec une armée complétée par les prélats lombards16 qui ne rechignent pas à lui apporter leur soutien. Imitant symboliquement son ancien héros Charlemagne, il prend à Pavie le titre militaire de roi des Francs et des Lombards d’Italie, le 23 septembre. Quelques semaines plus tard, il obtient la libération d’Adélaïde et, fasciné par sa beauté, l’épouse en secondes noces. Le couple se fait sacrer roi et reine d’Italie. Le pape ayant refusé de les recevoir, Otton – qui craint pour sa sécurité – quitte l’Italie en abandonnant son titre militaire de roi des Francs et des Lombards, mais laisse son gendre Conrad le Roux sur place. Bérenger peut reprendre l’initiative et accapare le titre contre un engagement de vassalité. Bérenger, demeuré seul, oublie son serment et s’attaque au pape Jean XII qui appelle Otton à la rescousse. Depuis le début du Xe siècle, les Hongrois, ou Magyars, font de nombreuses incursions (au minimum une chaque année), chez leurs voisins pour mener des razzias, et notamment sur les territoires situé à l’ouest, soit, outre, les différents duchés dit “allemands”, également l’actuel nord de l’Italie, et même jusqu’au nord de la France. Mais au milieu du siècle, le sentiment d’une appartenance chrétienne commune aux victimes, l’emporte sur les divisions. Il s’agit de défendre un mode de vie, et une organisation sociale. En effet, les Hongrois étaient nomades, païens, et organisés selon le régime tribal (différentes tribus). Tandis que leurs  victimes, étaient sédentaires, chrétiens, et organisés selon un modèle étatique. Ceci se manifeste, par exemple, dans le fait que, à cette époque, certains évêques, ou abbés n’hésitent pas à prendre la tête de fortes troupes, mobilisées pour parer aux incursions. L’un des principaux points d’orgue de cette situation, nous a été rapportés à travers les chroniques historiques: Dans la chaleur d’août 955, une bande magyare dirigée par trois capitaines – Lehel, Bultzu et Boton – surgit des contreforts alpins et menace Augsbourg. L’évêque d’Augsbourg prend la tête d’une armée de paysans guerriers souabes après une défense acharnée de la ville et les repousse. Les troupes ducales qui accourent les encerclent. Les autorités souabes appellent alors les duchés voisins qui volent à leur secours. Otton Ier, dernier venu avec ses Saxons, prend le commandement des opérations et défait le 10 août les Hongrois à la bataille du Lechfeld près d’Augsbourg. Les pillards envahisseurs encerclés sont impitoyablement massacrés un par un, la légende hongroise ne rapportant que sept rescapés dans une fuite  éperdue.

Par la suite, l’armée germanique, forte d’une maîtrise technique du combat, ayant fait ses preuves, et animant désormais, des concentrations massives de paysans devenus guerriers, prend l’initiative. Le 16 octobre 955, en Mecklembourg, elle écrase une coalition de Slaves de l’Elbe. Après quoi, Otton invite les chefs slaves à ne pas entrer dans les marches pour autre motif que celui du négoce, ou de protection marchande, et les chefs hongrois à se fixer dans les plaines de Pannonie, s’ils veulent bénéficier de la clémence royale. Au cours des décennies suivantes, les Hongrois renoncent aux pillages, se sédentarisent (dans la plaine de Pannonie), et se christianisent.

Ces victoires spectaculaires permettent à la royauté saxonne de jouer un rôle majeur sur le plan européen alors que les invasions s’éternisent depuis cinq longue décennies. Soldats et dignitaires religieux se doivent d’acclamer Otton comme le sauveur de la Chrétienté, un vainqueur digne d’être empereur. Face aux Slaves, il conduit une véritable politique d’expansion vers l’est. À la suite des victoires face aux Slaves et Hongrois, l’Oder est atteint.

Reconnaissant d’avoir été protégé des projets expansionnistes de Bérenger II, le pape fait d’Otton le successeur de l’empereur Charlemagne, qui avait protégé la papauté contre les Lombards. À ce moment, il ne s’agit pas de la fondation d’un nouvel empire mais de la restauration idéale de l’empire carolingien, rêvée au niveau d’une hégémonie territoriale.

Le 2 février 962, à Rome, Otton est couronné empereur des Romains par le pape Jean XII. La couronne, de forme octogonale symbolisant les deux cités saintes de Rome et de Jérusalem, est le symbole le plus significatif de cette monarchie sacrale. Le couronnement impérial confère à Otton le surcroît d’autorité qu’il attend. Il se trouve à mi-chemin de la cléricature et du laïcat. Les grands du royaume ne peuvent plus le considérer comme un primus inter pares car il se situe dans la sphère du sacré.

Le 13 février 962, il promulgue le Privilegium Ottonianum qui accorde au souverain pontife les mêmes privilèges que ceux que les Carolingiens avaient reconnus à la papauté, à savoir les donations faites par Pépin le Bref et Charlemagne. Mais le Privilegium Ottonianum, reprenant un diplôme de Lothaire Ier, oblige tout nouveau pape à prêter serment auprès de l’empereur ou de son envoyé avant de recevoir la consécration pontificale. Tout en donnant des privilèges au Saint-Siège, le Privilegium Ottonianum place la papauté sous tutelle impériale. Otton se souvient de ses premiers échecs politiques et religieux lors de sa première intervention en Italie.

La mainmise d’Otton gêne cependant Jean XII qui noue des contacts avec Aubert, fils de Bérenger II, ainsi qu’avec Byzance. Il va même jusqu’à reprendre la tradition, abandonnée depuis Adrien Ier (772–795), de dater ses actes à partir des années de règne des empereurs byzantins. Otton revient à Rome et Jean doit s’enfuir. L’empereur convoque un synode qui juge le pape coupable d’apostasie, d’homicide, de parjure et d’inceste. Il le fait déposer le 4 décembre 963. Jean XII est remplacé par un laïc, qui prend le nom de Léon VIII. Otton Ier exige ensuite des Romains un serment. Ils jurent « qu’ils n’éliraient ni n’ordonneraient aucun pape en dehors du consentement du seigneur Otton ou de son fils. »

L’empereur contrôle alors totalement l’élection du pape, et pouvoir compter sur la collaboration du pontife garantit l’autorité impériale sur les Églises locales du Saint-Empire. Comme Charlemagne, Otton reçoit de Rome la mission de défendre l’ordre et la paix de la chrétienté. Cependant, l’empereur est conscient que son emprise réelle sur les Romains est faible : elle n’est réelle que quand il séjourne à Rome avec son armée. Il accepte donc à la mort de Léon VIII en 965 qu’un représentant de la noblesse romaine soit élu sous le nom de Jean XIII. Cependant en 966, Otton Ier doit faire un exemple du préfet Pierre qui s’est rebellé contre le pape Jean XIII : il est pendu par les cheveux à la statue de bronze de Constantin. Cette attitude est payante : Jean XIII est ensuite respecté.

En 968, il fonde l’archevêché de Magdebourg avec des évêques suffrageants à Meissen, Mersebourg, et Zeitz dans le but de convertir les peuples slaves de l’Elbe. Mieszko Ier, premier souverain historique de la Pologne, lui rend hommage en 966. En Germanie, il rend la Bohême tributaire et vainc une ultime révolte des ducs de Franconie et de Lotharingie qui veulent défendre leurs prérogatives en face des évêchés conquérants.

Soucieux d’établir des relations avec les grandes puissances de son temps, Otton Ier envoie un ambassadeur à Cordoue dans l’Espagne arabo-musulmane. Celui-ci en revient avec Recemund (Rabi Ibn Zyad al-Usquf), représentant du calife Abd al-Rahman III, et évêque mozarabe de Grenade. Sept ou huit ambassades se succèdent jusqu’en 976.

Otton ne prend que rarement le titre d’Imperator Romanorum et  Francorum que lui confère son couronnement impérial à Rome. Il préfère celui d’Imperator Augustus. Cependant il rencontre l’hostilité de l’empereur byzantin Nicéphore Phocas, qui défend le principe d’un seul Empire romain avec Constantinople comme capitale. Pour lui les autres princes ne sont que de simples rois. En 968, Otton Ier envoie Liutprand de Crémone en ambassade à Constantinople dans le but de demander à l’empereur Nicéphore II Phocas la main d’une princesse royale pour son fils. Par ce mariage, Otton Ier espère obtenir la reconnaissance par l’empereur byzantin du titre d’« Empereur et Auguste » que le pape lui a conféré. Mais à la cour byzantine, Otton est simplement appelé « Rex » et sa demande est refusée sans examen. L’empire ottonien, trop septentrional, ne peut incarner un renouveau romain. Tant que Nicéphore Phocas règne, la situation reste tendue.

Le jeune fils d’Otton, conscient d’avoir été méprisé, lâche ses troupes sur la Lucanie grecque qui est pillée et dévastée. Aussi le successeur de Nicéphore Phocas, Jean Ier Tzimiskès en difficulté sur l’ensemble des frontières accepte un compromis pour l’Italie. L’empereur byzantin garde la Calabre et les Pouilles et accepte que les principautés lombardes deviennent vassales d’Otton. Son fils Otton II épouse en 972 une parente de l’empereur, Théophano.

À l’automne 972, après six années continûment en Italie, son autorité en Germanie est légèrement amoindrie : quelques conflits locaux renaissent malgré la gestion de sa fille Mathilde de Quedlinbourg, abbesse de Quedlinbourg responsable de la Germanie depuis 967. Tous les empereurs du Saint Empire connaissent ce problème durant leur longue absence : comment maintenir leur autorité des deux côtés des Alpes auprès des dignitaires en rivalité constante pour accaparer pouvoir et place ? Pour restaurer son autorité surtout auprès des peuples qui ne comprennent pas son absence, Otton malade revient participer à des cérémonies publiques. Les dignitaires pressentent sa fin. L’empereur réunit tous les évêques dans un synode à Ingelheim et répartit les diocèses vacants, objets de convoitise. Il réunit pour la fête de Pâques tous les grands laïcs du royaume dans une diète à Quedlinburg, abbaye où sont enterrés ses parents. Il meurt quelques semaines plus tard dans son palais de Memleben. Son corps est placé dans un mausolée à l’ensemble cathédral archiépiscopale de Magdebourg.

Source : Wikipédia.

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