Nikolaus Lenau, écrivain.

Nicolas Lenau (1802 – 1850), nom de plume de Nikolaus Franz Niembsch, Edler (noble) von Strehlenau à partir de 1820 (il signait ses textes de ces deux dernières syllabes), est un écrivain autrichien du Biedermeier. Il est né en 1802 à Csatád, actuel ville de Lenauheim en Roumanie, au sein du royaume de Hongrie, et mort en 1850 à Oberdöbling, aujourd’hui un quartier de Vienne. Poète du mal du siècle, il est proche de Jean Paul dans la veine du Weltschmerz, et souvent comparé à Byron. Pathologiquement instable, il s’est complu dans ce rôle de « beau ténébreux » avant de sombrer dans la folie.


Son père, fonctionnaire de la monarchie habsbourgeoise, meurt tôt, du fait de sa vie dissipée, en 1807, laissant derrière lui ses enfants à la garde de leur mère, qui se remarie en 1811. Ce deuxième mariage rend la vie de cette famille plus aisée, et permet à la mère de donner une éducation digne à ses enfants. Lenau entre à neuf ans, en 1811, dans un collège de Piaristes pour apprendre le latin et la foi chrétienne, et commence à apprendre le violon et la guitare. Il lui en restera toujours une passion pour le violon et une grande sensibilité pour les jeux de sonorité poétiques (il est un des seuls poètes de langue allemande à utiliser le vers rimé). Son grand-père, le colonel Joseph Maria Niembsch (1752-1822), anobli en 1820 sous le nom de “Edler von Strehlenau”, finit par faire venir ses petits-enfants de Hongrie et finance les études de Nicolas. Ce dernier passe ses vacances chez ses grands-parents en Hongrie, « à courir par les bois et les prés, à dénicher les oiseaux et à observer la vie villageoise ». On raconte que, revenant d’une promenade les souliers pleins de boue et se faisant traiter de paysan par sa grand-mère, il lança : « Mieux vaut vivre pauvre et libre que servile dans ce décor doré ». Voilà qui laisse assez présager de son caractère.

Lenau, entier postal (carte), Roumanie.

En 1819 il entra à l’université de Vienne, où il étudia la philosophie et l’agronomie. Il étudia par le suite le droit hongrois à Pozsony, puis se tourna pendant quatre ans vers la médecine. Comme Faust il voulait tout savoir, tout essayer, et il fut insatisfait, il hésita. Il ne put se décider pour un métier et ne termina pas ses études. Il s’essaya cependant à l’écriture, avec quelques vers de jeunesse. Il savait qu’il voulait être poète. La mort de son père l’affecta moins que celle de sa mère en 1829, tendre avec ses enfants et aimante envers Dieu. Cette mort fut pour lui comme le signe d’une Providence injuste, et contribua à lui faire perdre les croyances de son enfance. Sa tendance à la mélancolie fut terriblement confirmée par cet événement. Il écrivit peu après le poème Der Seelenkranke (Le malade de l’âme), qui commence ainsi : « Je porte dans mon cœur une blessure vive et la porterai en silence, toujours ». Il aura en lui jusqu’à la fin de sa vie ce sentiment d’une perte originelle, d’un paradis à retrouver. Est-ce malgré cela, ou grâce à cela que, de 1832 à 1844, il entra dans une période féconde de création ? Toujours est-il qu’il laissa alors une œuvre importante. Un héritage, qu’il reçut de sa grand-mère, lui permit de se consacrer entièrement à la poésie. D’ailleurs il connaît sa première publication : ses premiers poèmes dans le journal Aurora, édité par le jeune Johann Gabriel Seidl.

En 1830, il se prend de passion pour le mouvement polonais de libération de l’empire russe. Il écrit en signe de soutien ses Polenlieder (Chants polonais, qui paraissent en 1835), dont fait partie le remarquable A l’auberge. Ce poème nous plonge dans l’ambiance de ces temps et lieux d’enthousiasme : enfin un peuple a réussi à se révolter dans la région ! Cela le fait espérer une société plus libre. Malheureusement la révolte est réprimée, et le poème censuré.

Ses trajets sont difficiles à suivre en détail car il voyage beaucoup. Des amis, l’ayant remarqué, comptèrent que pour les seuls deux mois de l’été 1844 il passa 644 heures en diligence. Au début du mois de novembre 1831, Lenau partit à Heidelberg avec l’idée de passer un examen pour devenir médecin. Il logea au « Roi du Portugal » (n° 146 de la rue principale). Il y fit la connaissance du poète et professeur Gustav Schwab, qui permit la publication de ses poèmes chez l’éditeur Cotta. En 1832 il lui dédia un recueil de poèmes. Il participa à la création d’une association d’étudiants, « Frankonia », qui fut autorisée par le sénat, après de nombreux efforts infructueux. Il avait déjà un contact avec des étudiants à Vienne depuis 1820, le reprit après son arrivée à Heidelberg et continua à l’entretenir. Une association interdite, qui portait le nom de « Jacquouilles des tonneaux » (traduction non littérale) d’après le nom de leur lieu de rendez-vous, le « petit tonneau doré », ce dont témoigne une lettre du 1er décembre 1831 à Karl Mayer, le prit dans ses rangs. Il va aussi à Stuttgart, dans le Wurtemberg, l’État le plus libéral à l’époque, pour fuir la censure et publier ses œuvres. Il y parfait ses talents littéraires auprès de Gustav Schwab.

Mais, lassé par son entourage, dégoûté par l’Europe, europamüde (“fatigué de l’Europe”) selon l’expression de l’époque, et ayant envie de voir du pays, il s’intéresse de plus en plus à l’Amérique. Il veut y voir la nature vierge et grandiose, écouter le grondement des chutes du Niagara, rencontrer son peuple fougueux et neuf. Cette pensée l’obsède et il décide rapidement de partir. En octobre 1832 après une longue traversée, il débarque à Baltimore. Il vit dans une colonie de l’Ohio, puis rejoint pendant six mois la communauté utopiste de New Harmony, fondée par Robert Owen. La réalité de la vie dans la forêt, la rigueur de l’hiver, le matérialisme de ces gens, tout cela le déçoit terriblement. Il se met à détester les Américains, qui sacrifieraient Dieu pour 3 dollars – mais il ne les déteste sans doute pas plus que le reste de l’humanité. Pour être plus précis, on s’aperçoit à la lecture de ses lettres de son hostilité à l’égard des Viennois, des Autrichiens, des Souabes, des Américains, etc., c’est-à-dire des peuples. Au contraire pour certains individus son amour est sans nuances. Il déteste les peuples, mais il aime les personnes. Il est misanthrope, mais il est homme et d’une politesse sans égal pour son prochain. Ce phénomène n’est pas aussi rare qu’on le pense. Il retourne alors en Europe en 1833.

Son désespoir est cependant atténué par le succès que son premier recueil a obtenu durant son absence. Moqueur, il écrit à Mayer :

«  Il en est des poètes en Autriche comme des cigares à Brême. On les expédie en Amérique, là ils reçoivent l’estampille étrangère et au retour dans la patrie chacun s’extasie sur leur délicieux parfum, alors qu’auparavant même le diable n’aurait pas voulu y toucher. »

Il partage alors sa vie entre Stuttgart et Vienne (six jours de voyage). À Stuttgart il écrit, à Vienne il aime. En 1836 parut sa réécriture de Faust ; l’année suivante Savonarole, une œuvre épique qui montre la lutte contre l’utilisation politique et intellectuelle du christianisme à des fins d’oppression. Ses poèmes suivants, qui parurent en 1838, sont en grande partie influencés par sa passion malheureuse pour Sophie de Löwenthal (née de Kleyle, 1810 – 1889), la femme d’un de ses amis. Cette liaison avec une femme coquette et dominatrice, Viennoise faussement prude, accélère son effondrement moral, après une phase de folle passion. En 1842 parurent les Albigeois, et en 1844 il entreprend la rédaction d’un Dom Juan, dont les fragments parurent après sa mort. La même année, après une attaque, sa folie grandissante ne lui permet plus de vivre normalement : de la fenêtre d’un rez-de-chaussée qui appartenait à ses amis de Stuttgart, il avait sauté en chemise et chaussettes et crié : « Je veux aller là où se trouve la liberté ! ». Il est interné en octobre (toujours 1844) dans la « maison de santé » (c’est-à-dire un hôpital psychiatrique) de Winnenthal près de Stuttgart, puis transporté en mai 1847 dans le « centre de soin » du Dr. Görgen à Oberdöbling près de Vienne, où il passe trois ans encore avant de mourir. Il semble que sa folie soit aussi due à une syphilis qui a dégénéré.

Lenau, entier postal, Roumanie.

On voit par ces différentes réécritures, Faust, Savonarole, Les Albigeois, Dom Juan, que Lenau est plus un adaptateur pour la prose qu’un créateur. S’il s’intéresse à tant de personnages, comme Faust, Dom Juan, les tziganes, les brigands, Zizka, c’est parce qu’ils ont un point en commun entre eux – et avec lui : ce sont des hommes en marge de la société, exclus, insoumis ou insatisfaits, cherchant toujours leur bonheur en un autre lieu. La poésie lui apporte une voie d’expression personnelle et originale où il peut exprimer son sens musical des choses. Il puise son inspiration en partie dans la nature, la steppe hongroise de son enfance, les montagnes autrichiennes et la mer, en partie dans son expérience de la vie et son désespoir du monde.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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