Mouammar Kadhafi, homme d’état.

Mouammar Kadhafi (en arabe : معمر القذافي, Muʿammar al-Qaḏāfyou Abū Minyar Muʿammar ʿAbd al-Salām al-Qaḏhdhafî), né vers 1942 à Qasr Abou Hadi (Libye italienne) et mort le 20 octobre 2011 dans les environs de Syrte (Libye), est un militaire et homme d’État libyen.

Officier des forces armées libyennes, Kadhafi arrive au pouvoir lors du coup d’État de 1969, qui renverse la monarchie. Il se distingue d’emblée par une politique volontariste visant à concrétiser les objectifs du panarabisme social. En 1977, il réorganise les institutions de la Libye en faisant du pays une Jamahiriya (littéralement un « État des masses »), gouvernée par le peuple lui-même selon un système de démocratie directe. En 1979, il renonce au poste officiel de chef de l’État, mais demeure de facto aux commandes de la Libye avec le titre de « guide de la Révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste » (ou plus simplement « guide de la Révolution » ou « frère guide »), exerçant un pouvoir absolu en dehors de tout cadre temporel ou constitutionnel.

Sur le plan intérieur, son régime utilise les ressources financières de la Libye pour en développer les infrastructures, l’éducation et le système de santé ; les libertés politiques sont par contre quasi nulles et le pouvoir s’appuie sur un système de terreur et de surveillance constante de la population. Sur la scène internationale, Kadhafi milite pour le panarabisme et le panafricanisme ; il utilise en outre la manne pétrolière pour financer des organisations terroristes et autres mouvements de rébellion à travers la planète. Il est notamment accusé d’être le responsable de l’attentat de Lockerbie en 1988 et de l’attentat contre le vol 772 UTA en 1989, qui ont coûté la vie à 440 personnes. Sa politique vaut un temps à la Libye d’être isolée sur le plan international. Par la suite, au début des années 2000, il opère un changement d’attitude diplomatique et parvient à revenir en grâce en se positionnant en allié de l’Occident dans la « guerre contre le terrorisme ».

À partir de février 2011, son pouvoir, en place depuis plus de 41 ans, est menacé par une contestation populaire que la répression transforme rapidement en insurrection armée, puis en guerre civile. Lors de la prise de Tripoli par les rebelles en août 2011, Mouammar Kadhafi fuit la capitale. Il est peu après capturé, lynché et tué dans les environs de Syrte.


Au cours des années 1960, le mécontentement populaire va croissant à l’égard du régime monarchique, qui échoue à sortir de sa sclérose politique comme à lutter efficacement contre les problèmes sociaux, malgré des réformes dont les effets tardent par ailleurs à se faire sentir. À cela s’ajoute sur le plan international l’alliance étroite avec les États-Unis et le  Royaume-Uni, perçue par une partie de l’opinion comme un alignement sur l’Occident et d’autant plus mal vécue, du fait de la présence de troupes étrangères sur le sol libyen et de la part des compagnies internationales dans l’exploitation des recettes pétrolières du pays. L’humiliation de la guerre des Six Jours achève d’exacerber le mécontentement en Libye.

Ayant constaté l’impossibilité d’organiser une révolution populaire pour renverser la monarchie, les officiers font le choix de la méthode du coup d’État, longuement préparé par une méthode de noyautage de l’armée et par le recrutement de nouveaux membres. Kadhafi impose aux conjurés une discipline stricte, et des règles draconiennes d’hygiène de vie. Une première date prévue pour le coup d’État, le 12 mars 1969, est abandonnée, car la présence d’une partie des officiers supérieurs à un récital de Oum Kalthoum rend leur arrestation impossible. La date du coup d’État est  finalement fixée au 1er septembre, veille du départ prévu d’une partie des jeunes officiers pour un stage au Royaume-Uni. Les conjurés, en contact avec les services secrets égyptiens, sont également informés par ces derniers que la date du 2 septembre était prévue par le roi pour annoncer son abdication en faveur du prince héritier Hassan Reda.

Dans la nuit du 31 août au 1er septembre, alors que le roi se trouve à l’étranger pour suivre sa cure annuelle, les officiers investissent, à Tripoli et Benghazi, les différents lieux stratégiques. Vers deux heures du matin, le prince héritier, ainsi que les principaux dirigeants gouvernementaux et officiers supérieurs, sont arrêtés sans difficulté. Quelques échanges de coup de feu ont lieu, mais la prise de pouvoir est réalisée avec un minimum d’effusion de sang. À l’aube, Mouammar Kadhafi se rend à bord d’une jeep chargée d’armes et d’explosifs dans la station de radio de Benghazi et lit le « communiqué n°1 » de la révolution, partiellement improvisé : le chef des conjurés annonce que l’armée, répondant aux « appels incessants au changement et à l’épuration » du peuple de Libye, a renversé le régime monarchique « réactionnaire et corrompu », et proclame l’avènement de la République arabe libyenne. Certains anciens membres de la conjuration passés ensuite à la dissidence affirmeront cependant par la suite que Kadhafi est en réalité resté à l’écart des opérations jusqu’au dernier moment, et qu’il n’aurait agi qu’après avoir acquis la certitude que le complot avait réussi.

En l’espace de trois jours, les résistances cessent en Libye. Le roi Idris, surpris par la nouvelle durant son déplacement à l’étranger, tente vainement d’obtenir l’aide du Royaume-Uni. Les chefs de la conjuration demeurent anonymes dans un premier temps. Ce n’est que le 8 septembre que le nom de Kadhafi est publiquement révélé, lorsqu’il est nommé au grade de colonel (Par la suite, il ne prétend officiellement pas à un grade plus élevé, par conformité à sa rhétorique populiste) et au poste de commandant des forces armées, ce qui l’identifie clairement comme la tête pensante du complot. L’identité de tous les membres du Conseil de commandement de la révolution, organe constitué par les officiers unionistes libres et faisant office de plus haute instance du pouvoir exécutif, n’est divulguée que quatre mois plus tard.

En 1969, Mouammar Kadhafi, âgé de 27 ans, est désormais chef de l’État en qualité de président du Conseil de commandement de la révolution (CCR), qui constitue la plus haute autorité du pouvoir exécutif mais dont le fonctionnement régulier ne sera jamais établi au cours de son existence. Le Conseil des ministres ne fait office que d’instance d’exécution des décisions du CCR. Si le CCR est exclusivement composé de militaires, le premier gouvernement est dirigé par un civil, l’expert pétrolier et syndicaliste Mahmoud Soleiman al-Maghrebi, considéré comme proche des thèses marxistes. Les militaires du CCR s’opposent bientôt à la présence au gouvernement de ministres venus de divers horizons idéologiques et le Premier ministre doit présenter sa démission dès le mois de novembre. Le 16 janvier 1970, Kadhafi devient lui-même Premier ministre, cumulant les postes de chef de l’État et de chef du gouvernement.

A partir du 6 mai 1970, Kadhafi organise un « Congrès de la Pensée  révolutionnaire », consacré à la classification des « forces laborieuses » de la Libye et de l’organisation du pays en structures inspirées du nassérisme et du panarabisme. Si les intellectuels et les notables libyens sont invités à y participer, les militants politiques dotés d’une expérience partisane (communiste ou baassiste) en sont écartés : Kadhafi canalise et contrôle tous les débats du Congrès et en retire un surcroît de légitimité politique. Dès lors, le colonel s’impose définitivement non seulement comme le principal dirigeant politique du CCR, mais aussi comme le garant de la ligne idéologique du régime. Il parvient de plus à rassurer la bourgeoisie libyenne un temps inquiétée par les discours révolutionnaires. Un nouveau  gouvernement, fondé le 8 septembre 1970, consacre l’élimination des intellectuels du pouvoir en Libye au profit des fidèles nommés par les militaires du CCR. Le Conseil de commandement de la révolution présidé par Kadhafi cumule dès lors les pouvoirs exécutif et législatif, celui de nomination des ministres, ainsi que le contrôle de l’orientation idéologique des rouages de l’État.

Dès son arrivée au pouvoir, Kadhafi se distingue par un projet volontariste de concrétisation du panarabisme via l’union de la « nation arabe », avec pour finalité d’effacer les traces de la domination occidentale, persistantes même après la décolonisation. Son panarabisme se mêle d’emblée de panafricanisme et le 27 décembre 1969, la République arabe libyenne signe avec l’Égypte de Nasser et le Soudan de Gaafar Nimeiry une « charte révolutionnaire », dite aussi « Pacte de Tripoli », qui lance le projet d’une fédération, définie comme une « alliance révolutionnaire dont le but est de déjouer les intrigues impérialistes et sionistes ». Lors d’une visite à Benghazi en juin 1970, Nasser apporte à Kadhafi une importante caution idéologique en le présentant comme « le dépositaire du nationalisme arabe, de la révolution arabe et de l’unité arabe ».

Dès ses premiers mois de pouvoir, Mouammar Kadhafi procède à la nationalisation de certaines entreprises, notamment celles détenues par des ressortissants italiens et les banques étrangères. L’État s’arroge le monopole du commerce extérieur. Il demande à l’armée britannique de quitter la Libye, après treize ans de présence militaire. Il ordonne ensuite aux États-Unis d’évacuer leurs bases militaires, dont Wheelus Air Base. En septembre 1970, avec l’aide de son ami et conseiller Abdessalam Jalloud, il réussit à imposer pour la première fois une augmentation du prix du baril de pétrole, ouvrant la voie aux autres pays producteurs, ce qui amène à terme un déséquilibre de la géopolitique du pétrole. Cependant, l’impression des observateurs étrangers est tout d’abord positive, Kadhafi introduisant sur le plan de la politique intérieure de nombreuses mesures populaires, tels le doublement du salaire minimum ou le gel des loyers. Les palais royaux deviennent des bâtiments publics et l’enseignement est arabisé. Les États-Unis, constatant que le nouveau dirigeant libyen, très religieux, n’est en conséquence pas communiste, sont tout d’abord rassurés : ils acceptent le non-renouvellement de leurs bases militaires et ne se formalisent pas du relèvement des royalties et de la fiscalité en matière pétrolière, qui leur apparaissent comme plutôt justifiées.

Kadhafi s’emploie rapidement à récupérer les terres fertiles du pays, dont une partie demeure entre les mains d’anciens colons italiens : en octobre 1970, son gouvernement procède à l’expropriation et à l’expulsion  d’environ 13 000 propriétaires agricoles italiens, dont les biens — environ 3 000 fermes — sont nationalisés. Kadhafi se distingue aussi par des mesures inspirées tout à la fois par sa stricte observance musulmane et par son attachement à un nationalisme arabe radical : la consommation d’alcool est interdite, les églises et les boîtes de nuit sont fermées et l’arabe proclamé comme seule langue autorisée pour les communications officielles. À l’occasion du premier choc pétrolier, le gouvernement prend le contrôle des compagnies pétrolières ; les majors sont prises sous contrôle à concurrence de 51 % en novembre 1973 contre de solides concessions financières. L’envolée du prix du pétrole provoque une montée en flèche des rentrées de la rente pétrolière.

En 1970, deux raids consécutifs organisés par des mercenaires français visent Tripoli, mais échouent tous deux. Le premier est commandité par le monarque déchu Idris Ier et est dirigé par Roger Bruni et Daniel Larapidie (ancien de l’OAS) avec le soutien logistique du Royaume-Uni. Le second, commandité par le roi du Maroc, Hassan II, est mené par Bob Denard avec 200 hommes.

Kadhafi fait vite l’objet de contestations internes au régime : les autres acteurs de la révolution lui reprochent de prendre ses décisions sans concertation aucune et de se comporter avec brutalité ; ils réclament aussi l’établissement d’une constitution permanente et la tenue d’élections libres. Plusieurs tentatives de coup d’État, menées par des ministres, des militaires ou des partisans de la monarchie ont lieu entre décembre 1969 et 1971.

Après la mort de son modèle Nasser en septembre 1970, Kadhafi se présente comme l’authentique représentant du nassérisme : son discours officiel amalgame alors sur le plan idéologique le socialisme arabe et le socialisme islamique, commettant d’ailleurs à ce sujet un contresens, car le socialisme arabe était conçu par Nasser comme opposé au socialisme islamique des Frères musulmans. Il se distingue cependant de Nasser par un univers référentiel nettement plus religieux, proche de celui des islamistes bien qu’il s’oppose par ailleurs à ces derniers. Kadhafi est l’un des premiers chefs d’État arabes à s’engager dans la voie d’une réislamisation partielle du droit positif. En 1970, une commission est chargée d’« éliminer les règles établies en violation de la charia et de proposer un projet de réhabilitation de ses principes fondamentaux ».

La mort du président égyptien ne ralentit pas le projet d’union avec l’Égypte et l’arrivée au pouvoir de Hafez el-Assad en Syrie amène l’adhésion de ce dernier pays au projet. Le 17 avril 1971 est proclamée l’Union des  Républiques arabes, fédération regroupant l’Égypte, la Libye et la Syrie, approuvée ensuite par référendum dans les trois pays le 1er septembre de la même année en hommage à la date anniversaire du coup d’État libyen.

Kadhafi continue de suivre le modèle nassériste en créant, le 11 juin 1971, un parti unique, l’Union socialiste arabe, calqué sur le parti égyptien du même nom, pour canaliser la « mobilisation révolutionnaire » souhaitée par le régime. Le mouvement est conçu moins comme un parti politique que comme un instrument de contrôle social : tout libyen est tenu d’en être membre, à travers un comité local ou provincial.

Sur le plan intérieur, Kadhafi parvient à susciter un consensus autour de son régime en finançant, grâce aux revenus de la manne pétrolière,  d’importants plans d’équipement et des politiques sociales généreuses, additionnées de mesures très populaires comme le doublement du salaire minimum. Un effort notable est fourni pour développer le système éducatif et de santé en Libye.

Le 2 août 1972, l’union totale entre l’Égypte et la Libye au sein de l’Union des Républiques arabes est proclamée : la Syrie n’est plus mentionnée dans cet aspect de l’accord. Mais rapidement, le président égyptien Anouar el-Sadate, inquiet devant les surenchères et la personnalité de Kadhafi qu’il commence à considérer comme un « déséquilibré », choisit de s’éloigner de la fédération. La fusion, prévue pour être concrétisée en 1973, n’a finalement pas lieu. Kadhafi tente de forcer le mouvement en lançant, le 18 juillet 1973, une « marche de l’unité », à laquelle participent environ 50 000 Libyens, qui partent de la frontière entre la Libye et la Tunisie et doivent aller jusqu’au Caire : la marche est finalement bloquée à la frontière égyptienne, en n’ayant foulé que quelques kilomètres du sol égyptien.

Kadhafi tente ensuite sans grand succès de poser des jalons unitaires avec l’Algérie de Houari Boumédiène, puis entame une autre tentative de fusion, cette fois avec la Tunisie : mais le 12 janvier 1974, Habib Bourguiba, après avoir signé au pied levé avec Kadhafi un traité d’union entre la Tunisie et la Libye au sein d’une « République arabe et islamique », se retire brutalement du projet de fusion. Les affronts subis de la part de Bourguiba et Sadate contribuent à convaincre Kadhafi que rien de sérieux ne peut être tenté avec l’ancienne génération des dirigeants arabes51. L’Union des Républiques arabes continue d’exister sur le papier jusqu’en 1984, sans être dotée de la moindre substance. En 1977, un bref conflit militaire oppose la Libye et l’Égypte.

Au début de 1973, Mouammar Kadhafi est confronté à une situation d’échec sur les plans de la politique extérieure et intérieure. Ses ambitions panarabistes ont échoué, et l’appareil administratif se montre rétif à ses consignes. À l’issue d’une séance orageuse du CCR durant laquelle ses options en matière d’armement sont désavouées, Kadhafi fait part aux autres membres du Conseil de sa volonté de démissionner, mais en révélant « personnellement la nouvelle au peuple ». Quelques jours plus tard, le 15 avril 1973, Kadhafi prononce à Zouara un discours dans lequel, à la surprise générale, il passe à la contre-offensive, rejette la légitimité institutionnelle de l’appareil révolutionnaire et appelant les « masses populaires » à « monter à l’assaut de l’appareil administratif ». Kadhafi annonce le début d’une « révolution culturelle » dans les écoles, les entreprises, les industries et les administrations. Il court-circuite ainsi l’opposition interne en rejetant la légitimité des institutions révolutionnaires au profit d’un pouvoir censé être directement exercé par le peuple. Dès lors, Kadhafi use de manière stratégique du vide constitutionnel, instaurant une sorte de « désordre légal » (chari’at al-fawda) qui lui permet de contourner toute notion d’État de droit et de contrôler les affaires publiques dans le plus grand arbitraire. La « subversion » interne et externe devient  progressivement le mode d’action privilégié de Kadhafi, qui pense avoir trouvé la solution à l’immobilisme ambiant qui frustrait ses ambitions révolutionnaires. Au cours des années 1970, il lance un long processus d’« assaut » (zahf) des institutions, que les citoyens sont invités à contrôler, sans autres intermédiaires que des congrès et des comités théoriquement censés les représenter. Des assemblées censées faire office d’expression directe de la volonté du peuple libyen, les Congrès populaires de base et les Comités populaires, sont progressivement mis en place. Dans les faits, les Comités populaires fonctionnent bien souvent comme des auxiliaires des services secrets, et ce dès leur entrée en fonction.

Kadhafi entreprend ensuite de fournir un corpus doctrinal de son cru au régime politique d’un type nouveau qu’il entend bâtir. Dès 1973, il commence à ébaucher sa doctrine en proclamant que « religion et nationalisme sont les deux facteurs qui font l’Histoire ». À partir d’avril 1974, le dirigeant libyen, qui consacre une part croissante de son temps à concevoir le corpus idéologique du régime, délègue une partie de ses fonctions au sein du CCR à Abdessalam Jalloud, à qui il avait déjà laissé le poste de Premier ministre en 1972. Si Kadhafi s’éloigne de la gestion au quotidien, son autorité sur le CCR ne diminue cependant en rien. En août 1975, une tentative de coup d’État contre Kadhafi, menée par deux des membres du CCR, Bachir Saghîr Hawdi et Omar al-Meheichin, est déjouée ; le CCR est ensuite purgé, seuls cinq de ses douze membres d’origine (dont Kadhafi lui-même, Abou Bakr Younès Jaber et Abdessalam Jalloud) demeurent en place. S’il continue officiellement d’exister, le Conseil de commandement de la révolution cesse dès lors de fonctionner comme un organe collégial de prise de décision et la Libye tend de plus en plus vers l’instauration d’un pouvoir personnel.

La même année, Kadhafi publie la première partie de son Livre vert (dont le titre fait référence au Petit Livre rouge écrit par Mao Zedong), bref ouvrage doctrinal dans lequel il expose son idéologie personnelle, la « troisième théorie universelle » (censée représenter la « troisième voie », soit l’alternative au capitalisme exploiteur et au communisme totalitaire). Il y prône le gouvernement de la société par le biais de la démocratie directe, en lieu et place de la démocratie parlementaire, dénoncée comme une imposture.

Malgré ses prétentions à la démocratie directe, la Jamahiriya arabe libyenne est un régime très personnalisé, où l’image de Kadhafi est omniprésente, et où le dirigeant fait l’objet d’un culte de la personnalité très prononcé. Omniprésent dans la propagande du régime, Kadhafi est présenté comme le héros de l’unité arabe et du tiers-monde face à l’impérialisme  occidental. Le Livre vert est imprimé à des millions d’exemplaires et diffusé dans de multiples langues pour diffuser l’idéologie jamahiriyenne, et des colloques sont organisés pour louer l’ouvrage et le « génie » de son auteur. Kadhafi rappelle par ailleurs régulièrement ses racines bédouines, affectant une simplicité de vie et des habitudes parfois excentriques. Buvant chaque matin du lait de chamelle, il reçoit ses invités sous une tente bédouine installée dans sa résidence-bunker de Bab al-Azizia. Lors de ses déplacements internationaux, il emporte avec lui sa tente dont il use comme d’un lieu de résidence itinérant, à la fois par habitude et pour se démarquer des autres dirigeants.

Lors de la plupart de ses interventions et de ses déplacements  internationaux, Kadhafi se distingue par une personnalité flamboyante et singulière, et des déclarations souvent tonitruantes. Au fil des années, abandonnant l’uniforme sobre de ses débuts, il apparait fréquemment dans des tenues voyantes, voire extravagantes (uniformes chamarrés d’or et poitrine couverte de médailles, larges capes, costumes aux couleurs éclatantes ou au contraire d’un blanc immaculé, burnous et gandourahs multicolores, chapkas…) et se déplace accompagné de sa garde d’« amazones » en uniforme. Il multiplie les propos à l’emporte-pièce et parfois incongrus, insulte volontiers les autres dirigeants arabes et les religions non musulmanes (attribuant tous les mérites de la civilisation à l’islam, « religion parfaite », ainsi qu’aux peuples arabes), invente un nouveau calendrier qui commencerait à la mort de Mahomet, propose en 1995 à Bill Clinton de marier sa fille Chelsea à l’un de ses fils pour resserrer les liens entre la Libye et les États-Unis, et préconise de régler le conflit israélo-palestinien en fusionnant Israël et la Palestine au sein d’un nouveau pays qui s’appellerait « Isratine ». Le dirigeant libyen se livre parfois à des excentricités durant ses interviews. Les manifestations du caractère particulier de Kadhafi ont fréquemment suscité des interrogations : certains dirigeants qui l’ont côtoyé, comme Anouar el-Sadate ou Gaafar Nimeiry, ont été jusqu’à le qualifier de fou ; d’autres observateurs et témoins décrivent au contraire un personnage capable de rationalité et dont les « lubies » proviendraient plutôt d’un narcissisme exacerbé, agrémenté d’une certaine mégalomanie. Le journaliste français Christian Malard, qui l’a interviewé plusieurs fois, le décrit comme un « illuminé » et rapporte des rumeurs selon lesquelles le dirigeant libyen aurait été régulièrement sous l’influence de stupéfiants, y compris lors de certaines apparitions publiques. Le dictateur refuse de paraître vieillissant, si bien qu’en 1995, il subit une intervention de chirurgie plastique à base d’injection de graisse abdominale et se fait greffer des implants capillaires.

Si la personnalité de Kadhafi attire la curiosité, son régime ne cesse jamais, au fil des années, d’utiliser les méthodes de répression les plus brutales : des dizaines de pendaisons et de mutilations d’opposants, souvent retransmises à la télévision d’État, ont lieu. Kadhafi réprime également ceux qu’il estime être des « ennemis de la révolution » (universitaires, étudiants, Frères musulmans, journalistes). Dans les années 1980 et 1990, le régime de Kadhafi se durcit encore. Un coup d’État manqué entraîne, en 1984, l’emprisonnement de milliers de personnes. La répression est sanglante et, durant plusieurs semaines, des exécutions publiques sont retransmises à la télévision d’État libyenne, en guise d’avertissement. L’organisation Human Rights Watch estime en 2007 que « des dizaines de personnes se trouvent en prison pour s’être livrées à une activité politique pacifique, et certaines ont « disparu ». La loi 71 interdit toute activité politique indépendante, et les contrevenants sont passibles de la peine de mort […] Au fil des ans, les autorités libyennes ont emprisonné des centaines de personnes pour violation de cette loi, et certaines ont été condamnées à mort ». Sous le régime de Kadhafi, la liberté d’expression est sévèrement limitée, toute critique du Guide de la révolution étant impensable. Outre les partis politiques, les syndicats et les associations de travailleurs sont interdits car constituant des « intermédiaires » inacceptables dans l’idéologie jamahiriyenne. Le régime dispose en outre d’un réseau très étendu d’informateurs, chargés de surveiller la population.

Sur le plan religieux, Mouammar Kadhafi affiche une foi musulmane ardente qui le pousse à financer des opérations de prosélytisme islamique à l’échelle internationale ; il se livre cependant par ailleurs à des interprétations réformistes et parfois singulières de l’islam. Il refuse ainsi toute légitimité aux autorités religieuses et prône l’exclusion de l’usage des hadiths et de la sunna pour le droit musulman, consacrant ainsi le Coran comme son unique source. Provoquant un conflit entre lui et les milieux traditionalistes libyens, ses interprétations de l’islam lui ont en outre valu d’être déclaré « hérétique » (kafir) par les oulémas d’al-Azhar et d’Arabie saoudite.

Kadhafi se distingue également sur le plan social en prônant une certaine égalité des sexes, tout en maintenant sur le plan idéologique une conception essentialiste de la femme. Son interprétation personnelle de l’islam, contraire à la vision traditionnelle, le pousse à limiter la pratique de la polygamie et à permettre la création d’une académie militaire pour femmes, dont la première classe est promue en 1983. Il entretient une garde personnelle constituée exclusivement de femmes, les « amazones ». Certaines avancées sociales sont réalisées sous son régime, telles la condamnation des mariages arrangés et la possibilité pour les femmes d’accéder à l’éducation. Selon divers témoignages, la vie privée de Kadhafi aurait cependant été en contradiction avec son respect affiché des femmes. Lors de sa chute, en 2011, il est accusé d’avoir disposé d’un grand nombre d’esclaves sexuelles enlevées à leur famille, dont une partie au moins des « amazones ».

Régulièrement, Kadhafi opère des remaniements du gouvernement et des bouleversements des structures administratives afin d’empêcher tout contre-pouvoir de se constituer et d’entretenir un désordre délibéré, envisagé comme mode contrôle de la population. Le chercheur Antoine Basbous explique la stratégie de politique intérieure suivie par Kadhafi par une volonté d’« instaurer un maquis institutionnel indéchiffrable pour l’étranger et lui permettant de verrouiller le système et de privatiser pour l’éternité la Libye à son seul profit ».

Mouammar Kadhafi bénéficie en outre d’un accès illimité aux fonds de l’État, dont lui-même et sa famille profitent largement. Il accumule avec le temps une fortune personnelle colossale, provenant de l’extraction du pétrole et du gaz. Il investit dans des entreprises comme Total, Alsthom, Fiat, dans les secteurs des médias (Financial Times) ou du sport (Juventus).

Dans les années 1980, les rapports, déjà difficiles, de la Jamahiriya arabe libyenne avec les États-Unis se détériorent de plus en plus, l’administration Reagan se montrant de moins en moins tolérante envers  l’interventionnisme de Kadhafi en Afrique. Les navires américains, au début des années 1980, sillonnent régulièrement le golfe de Syrte décrété « mer intérieure libyenne » par Kadhafi : en août 1981, les manœuvres  américaines conduisent à un incident, au cours duquel deux avions de chasse libyens sont détruits en vol. En 1982, les États-Unis décrètent un boycott de la Libye, accusée de soutenir le terrorisme international. La tension atteint son apogée durant l’année 1986 : le 19 janvier, les navires de l’US Navy pénètrent à nouveau dans le golfe de Syrte, et essuient des tirs de missile. Leur riposte coule cinq vedettes et détruit un poste de défense aérienne.

Le colonel échappe à la même époque à plusieurs tentatives d’assassinat (dont une, le 8 mai 1984, est tout près de réussir). La répression est sanglante et, durant plusieurs semaines, des exécutions publiques sont retransmises à la télévision libyenne, en guise d’avertissement.

Le 15 avril 1986, à la suite de l’interception d’un message de l’ambassade libyenne à Berlin-Est suggérant l’implication du gouvernement libyen dans l’attentat à la bombe d’une discothèque fréquentée par des militaires américains à Berlin-Ouest, Ronald Reagan ordonne un raid de  bombardement (opération El Dorado Canyon) contre Tripoli et Benghazi. Quarante-cinq militaires et fonctionnaires sont tués, ainsi que quinze civils. Le régime annonce à l’époque que la fille adoptive du Guide, Hana Kadhafi, âgée de deux ans, a été tuée. Le colonel Kadhafi est blessé lors du bombardement de sa résidence, bien que le président du Conseil des ministres italien, Bettino Craxi, l’ait prévenu du raid. Manifestement éprouvé par cet épisode, Kadhafi est également déçu par la médiocre mobilisation des Libyens autour de sa personne. Il n’en conserve pas moins une attitude de défi, et proclame qu’il a remporté une « grande » victoire sur les Américains, qui ont échoué à le tuer : l’adjectif « Grande » est rajoutée au nom officiel du pays, qui devient la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. La partie bombardée de sa résidence de Bab al-Azizia est laissée en l’état en souvenir du raid américain.

Malmené et isolé au niveau international après le raid américain et la déroute de son aventure tchadienne, confronté sur le plan intérieur à une montée de la contestation, notamment islamiste, Kadhafi lance entre 1987 et 1989 une politique d’ouverture politique et de détente. Des contacts sont pris avec l’opposition en exil ; l’économie de la Libye, totalement étatisée lors du passage à l’« ère jamahiriyenne », est partiellement libéralisée ; des centaines de prisonniers sont amnistiés. Kadhafi se fait désormais le chantre des droits de l’homme : une « Grande charte verte des droits de l’homme de l’ère jamahiriyenne » est proclamée, et un prix Kadhafi des droits de l’homme est créé pour souligner la nouvelle orientation du régime. La politique d’ouverture tourne cependant court et les prisons sont vite regarnies par de nouveaux prisonniers politiques. En 1989, un an après l’amnistie, une nouvelle vague de répression a lieu. Amnesty  International dénonce « des arrestations de masse, des disparitions et la torture systématique » pratiquées par la Jamahiriya. Kadhafi continue de tenter de contenir l’opposition islamiste en faisant des concessions aux musulmans radicaux : après avoir introduit dans le code pénal des peines liées à la charia, il proclame en 1994 l’application de celle-ci en Libye. Des soulèvements sporadiques de militaires ou d’islamistes continuent d’avoir lieu durant les années 1990.

Sur le plan extérieur, Kadhafi tente de sortir de son isolement diplomatique en normalisant les relations de son pays avec la Tunisie, puis avec l’Égypte et le Tchad. Le 17 février 1989, la Jamahiriya arabe libyenne signe le traité de l’Union du Maghreb arabe. Mais cette politique de détente est vite compromise par l’implication des services secrets libyens dans des actes de terrorisme international : l’attentat du Vol 103 Pan Am (dit « attentat de Lockerbie ») en 1988, puis celui du Vol 772 d’UTA en 1989 valent à la Libye d’être mise en accusation. Le 23 février 2011, l’ancien ministre libyen de la Justice Moustafa Abdel Jalil, qui a démissionné de son poste, deux jours plus tôt, affirme, concernant l’attentat de Lockerbie : « Kadhafi a donné personnellement ses instructions au Libyen Abdelbaset Ali Mohmed Al Megrahi », condamné par la justice écossaise pour sa participation à l’attentat de Lockerbie. En 1992, le Conseil de sécurité des Nations unies, via sa résolution 748, met en place des sanctions à l’égard de la Libye afin d’obtenir que celle-ci livre les deux agents secrets suspectés de l’attentat de Lockerbie.

Les 28 et 29 juin 1996, 1 270 détenus sont tués dans la prison d’Abou Salim par les forces du régime ; ce massacre est reconnu par Mouammar Kadhafi en 2004. Dans le même temps, l’embargo international et la chute du prix du baril de pétrole ont de lourdes conséquences économiques sur la Libye, qui subit une hausse du chômage, une baisse du pouvoir d’achat et une dégradation de ses infrastructures. En 1998, le Congrès général du peuple évalue le coût de l’embargo à 28 milliards de dollars.

En février 2011, Mouammar Kadhafi est alors le chef d’État ou de gouvernement le plus ancien du monde arabe. La Libye est à son tour touchée par le Printemps arabe, et Kadhafi doit faire face à une révolte populaire, qui démarre en Cyrénaïque, région historiquement rétive à son autorité. Un sit-in, dispersé par la police le 15 février, est suivi le 17 février par un « jour de colère » dans plusieurs villes de l’Est du pays. Le pouvoir répond aux manifestations par des tirs à balles réelles et des frappes aériennes sur la population. Un véritable soulèvement éclate à Benghazi et la ville passe aux mains des rebelles.

Le 22 février, alors que l’Est de la Libye semble échapper à son contrôle, Mouammar Kadhafi intervient sur Aljamahiriya TV, parlant depuis l’aile de Bab al-Azizia endommagée par le raid américain de 1986 et laissée en l’état. Sur un ton véhément, parfois colérique, il promet de réprimer la contestation, qu’il attribue à des « mercenaires », des « rats », des « bandes criminelles » et des « drogués » manipulés par Al-Qaïda et les Américains, et se dit prêt à mourir en « martyr » ; il promet de « nettoyer la Libye maison par maison », appelle ses « millions » de partisans à le soutenir et déclare : « Mouammar est le chef de la révolution jusqu’à la fin des temps ». Entretemps, les rebelles continuent de gagner du terrain ; Kadhafi est lâché par une partie des forces armées libyennes, par plusieurs membres de son gouvernement et par des diplomates en poste à l’étranger, qui demandent sa condamnation par la Cour pénale internationale en raison de la  répression sanglante. Son pouvoir s’effrite de jour en jour, au point de ne plus guère s’étendre, le 26 février, que sur Tripoli, la capitale libyenne, Syrte, sa ville natale, et Sebha, capitale du Fezzan, fief de la tribu Kadhafa dont il est issu. Alors que la capitale libyenne elle-même est touchée par la contestation, Mouammar Kadhafi déclare, lors d’une interview accordée à la chaîne américaine ABC le 28 février 2011 : « Mon peuple m’adore. Il mourrait pour me protéger ».

Le 3 mars 2011, la Cour pénale internationale annonce l’ouverture d’une enquête visant Mouammar Kadhafi et son entourage : « Il s’agit de Mouammar Kadhafi, de son cercle rapproché y compris ses fils, qui avaient un pouvoir de facto […] Mais nous avons également identifié des individus qui jouissent d’une autorité formelle ». Interpol, le même jour, diffuse une alerte orange à l’encontre de Mouammar Kadhafi et quinze membres de son entourage156. Mansour Daou, ancien chef des services de sécurité intérieure de la Jamahiriya, assure en novembre 2011, après la fin du conflit, que Mouammar Kadhafi avait failli accepter d’abandonner le pouvoir en mars, avant d’en être dissuadé par son fils Saïf al-Islam, qui souhaitait « hériter du pouvoir » ; ce dernier aurait alors fait figure de « tête politique » du régime durant la guerre civile.

Au mois de mars, les troupes fidèles à Kadhafi, unités spéciales nettement mieux armées et équipées que les rebelles, réalisent une contre-offensive, et reprennent une grande partie des territoires conquis par l’insurrection. Le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1973 autorisant le recours à la force contre les troupes gouvernementales libyennes pour protéger les populations. Kadhafi annonce alors un cessez-le-feu, mais celui-ci n’est pas respecté. Le 19 mars, les opérations militaires devant créer une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen débutent, et amènent à une internationalisation du conflit. L’intervention internationale empêche les forces de Kadhafi de reprendre Benghazi et se poursuit durant les mois suivants par des raids aériens de l’OTAN en soutien aux rebelles.

Le 16 mai 2011, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) demande un mandat d’arrêt contre Mouammar Kadhafi, son fils et « Premier ministre de facto » Saïf al-Islam Kadhafi et son chef des services secrets Abdallah Senoussi, pour crime contre l’humanité. Ce mandat est accepté par les juges, et lancé le 27 juin 2011.

Alors que se poursuivent les combats contre les rebelles, Mouammar Kadhafi assure, à plusieurs reprises, qu’il ne quittera jamais son pays. Des pourparlers secrets entre les rebelles et les représentants du régime auraient eu lieu, notamment à Djerba (en Tunisie) en août 2011. Le 14 août 2011, les rebelles réalisent une grande avancée dans l’Ouest. Alors que Mouammar Kadhafi exhorte ses partisans à « marcher par millions » pour « libérer les villes détruites », les rebelles encerclent la capitale, Tripoli, dans laquelle ils pénètrent le 21 août. Introuvable, Kadhafi déclare dans un message sonore avoir effectué un retrait « tactique » de sa résidence de Bab al-Azizia, et appelle ses partisans à poursuivre le combat. Le Conseil national de transition (CNT), présidé par Moustafa Abdel Jalil, prend de facto les rênes du pouvoir en Libye et est reconnu par la communauté internationale comme le gouvernement légitime de la Libye, tandis que des combats contre les partisans de Kadhafi se poursuivent dans les régions de Syrte et Bani Walid.

Le 24 août 2011, le CNT annonce que des hommes d’affaires offrent deux millions de dinars libyens (soit 1,2 million d’euros) à qui ramènera le colonel Kadhafi mort ou vif. La prime est assortie d’une amnistie et d’un pardon général, quels que soient les crimes commis, si le colonel Kadhafi est arrêté ou tué par l’un de ses proches. Le 9 septembre, à la demande de la CPI, Interpol émet un mandat d’arrêt contre Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam Kadhafi, et Abdallah Senoussi.

Le 20 octobre 2011, alors que Mouammar Kadhafi quitte Syrte, dernier bastion tenu par ses partisans, son convoi est obligé de changer de route par un tir des avions de l’OTAN, puis se retrouve piégé dans une embuscade orchestrée par la rébellion. Il est capturé vivant, mais sa mort est  finalement annoncée par un haut responsable militaire du CNT un peu plus tard dans la journée. Des images de la capture de Kadhafi montrent ce dernier, visiblement hagard et le visage ensanglanté, en train d’être malmené et frappé par les combattants rebelles ; l’un d’eux semble essayer de le sodomiser avec un bâton ou une baïonnette tout en le faisant avancer. Mahmoud Jibril, numéro deux du CNT, explique que Mouammar Kadhafi a été mortellement blessé lors d’échanges de tirs, mais dit ignorer qui a tiré le coup mortel.

Les corps de Mouammar Kadhafi et de son fils Moatassem, tué lui aussi le 20 octobre à Syrte, sont exposés le 21 octobre à Misrata.

Dans son ensemble, la communauté internationale salue la mort de Kadhafi. Mais le déroulement exact des circonstances de son décès, qui restent confuses, donne lieu à une polémique, ce qui conduit le président du CNT, Moustafa Abdel Jalil, à annoncer le 24 octobre l’ouverture d’une enquête sur sa mort. Human Rights Watch publie en octobre 2012 un rapport estimant que Kadhafi a été exécuté après sa capture, et non tué dans un échange de tirs ; l’ONG accorde foi aussi à la version selon laquelle l’ancien dirigeant aurait eu l’anus poignardé avec une baïonnette après sa capture.

Le 25 octobre 2011, à l’aube, Mouammar Kadhafi et son fils Moatassem sont inhumés dans le désert libyen, dans un lieu tenu secret.

En septembre 2012, Mahmoud Jibril donne une autre version de la mort de Kadhafi en affirmant que c’est un agent étranger, probablement français, qui l’aurait tué : cette version est reprise par Rami El Obeidi (ex-responsable des relations avec les agences de renseignements étrangères du CNT) et certains diplomates européens en Libye. Des rumeurs en  provenance de Libye affirment que l’opération aurait été menée pour éviter tout interrogatoire de Kadhafi au sujet de ses liens avec Nicolas Sarkozy, voire que Bachar el-Assad aurait prêté main-forte aux Français pour localiser Kadhafi. Gérard Longuet, ministre de la Défense français à l’époque des faits, dément catégoriquement que Kadhafi ait pu être tué par un agent français, et souligne que « La Libye est un pays où courent toutes sortes de rumeurs et de supputations sans fondement ». L’analyste français Éric Denécé considère cette thèse comme absurde et met en doute la crédibilité de Jibril et El Obeidi, dont il juge que l’un et l’autre tentent d’attirer l’attention pour revenir dans le jeu politique.

En novembre 2019, le journaliste Alfred de Montesquiou réalise un reportage dans lequel il indique que c’est Sana al-Sadek, un rebelle de 19 ans présent dans l’ambulance, qui l’a exécuté de deux balles tirées à bout portant. Sana al-Sadek publie ensuite une vidéo dans laquelle il déclare : « c’est moi, j’ai tué Kadhafi ! ». Pour preuve de son acte, il exhibe une énorme bague en or qu’il présente comme étant le sceau de commandement de Kadhafi.

Source : Wikipédia.

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