Mikhaïl Efimovich Koltsov (en russe : Михаил Ефимович Кольцов, de son vrai nom Мойсей Хаимович Фридлянд, Moïssei Haimovich Friedland), né à Kiev le 31 mai 1898 (12 juin dans le calendrier grégorien) et mort le 2 février 1940 probablement à Moscou, est un journaliste et agitateur soviétique.
Il a été l’envoyé personnel de Joseph Staline en Espagne au début de la guerre civile espagnole. Il est considéré par la plupart des historiens comme l’un des responsables des massacres de Paracuellos qui voient l’assassinat de plusieurs milliers de prisonniers politiques par des membres du camp républicain. Bien qu’il ait déployé une activité notoire dans le camp des républicains, il est rappelé à Moscou en 1937, arrêté en 1940 et exécuté. Il est réhabilité en 1953, après la mort de Staline.
Koltsov, fils d’un cordonnier juif et frère aîné du fameux dessinateur et caricaturiste russe Boris Efimov, participe à la révolution russe de 1917, devient membre du parti bolchevique en 1918, et combat pendant la guerre civile.
Communiste convaincu, il devient une figure connue de l’intelligentzia soviétique. Journaliste à la plume élégante et acerbe, il critique dans ses essais et satires la bureaucratie et les aspects négatifs de la société soviétique.
Koltsov comprend très tôt l’importance de la photographie et du cinéma en politique : il écrit dans Kinogazeta, dirige en 1918 le département “Actualités filmées” du commissariat du peuple à l’Éducation, il fonde avec le photographe Arkadi Chaïkhet le magazine Sovetskoïe foto en 1926, il écrit pour le cinéma.
Koltsov a écrit une multitude d’articles, en commençant par le journal de son école, en passant par les bulletins de divers corps de l’Armée rouge pendant la guerre civile, jusqu’à la Pravda : il commence à collaborer avec l’organe du Parti communiste en 1920, et devient membre du bureau éditorial du journal.
Il crée les revues populaires et satiriques Krokodil et Tchoudak (ru), et fait reparaître le journal comico-satirique Ogoniok (Étincelle) fondé en 1899. En 1927, Koltsov a l’idée de publier dans Ogoniok un roman-feuilleton intitulé Brasiers, écrit en collaboration avec 24 autres écrivains. Mais ses collaborateurs sont peu à peu arrêtés, et la publication du roman s’interrompt après la disparition de 6 des 24 auteurs. Pour Ilya Ehrenbourg, « son nom est le plus grand de l’histoire du journalisme soviétique, et sa réputation était bien méritée. »
Très connu en Occident, il joua un rôle important dans l’accueil des intellectuels occidentaux (écrivains, savants artistes…), notamment lors du Premier Congrès des écrivains soviétiques durant l’été 1934 (création officielle de l’Union des écrivains soviétiques). Il fut en effet le premier secrétaire de la Commission étrangère de l’Union des écrivains6. À ce titre, il dirige la délégation soviétique au Congrès international des écrivains pour la défense de la culture qui a lieu à Paris en 1935 et à Barcelone en 1937.
Comme membre du comité de rédaction de la Pravda, il est autorisé à voyager à l’étranger (Asie, Hongrie, Allemagne, Yougoslavie) et à décrire ses expériences de voyage.
En octobre 1936, Koltsov part en avion de Madrid, et, après avoir survolé les lignes nationalistes, atterrit à Gijón en Asturies. Il est là pour une visite d’inspection et pour montrer aussi au peuple de la province assiégée que la République ne l’oublie pas; il visite des mines et constate que seuls des enfants et des vieux travaillent : les adultes sont au front. Il juge les Asturiens sérieux et solides, mais mal nourris et très mal équipés. Il assiste à une offensive républicaine sur un quartier d’Oviedo. Les républicains sont écrasés par une contre-attaque venue du ciel, et les bombardiers Junker des nationalistes font la noria sans être inquiétés : aucun avion républicain ne se voit dans le ciel.
Après un crochet par le Pays basque, Koltsov retourne à Madrid où l’attend un travail considérable : la pression des nationalistes s’accentue sur la capitale.
Le 29 octobre 1936, Koltsov assiste à la bataille de Seseña : les tanks soviétiques T-26 récemment arrivés font leur première apparition dans la guerre. Le commandant Lister et Koltsov déplorent que les hommes des Brigades internationales qui courent après les tanks s’arrêtent après 1,5 km de progression seulement. Il faut dire que, vu l’urgence et le manque de moyens du côté républicain, aucune préparation d’action coordonnée entre les tanks et les unités d’infanterie n’a eu lieu. Mais, bien que 3 T-26 aient été détruits par des cocktail Molotov lancés par des nationalistes, le raid des tanks soviétiques est un grand succès sur le plan psychologique pour les Républicains, d’autant que le même jour Séville est bombardée par des avions Katyouska (Tupolev SB) soviétiques.
Sa responsabilité dans les massacres de Paracuellos est évoquée par plusieurs historiens :
Hugh Thomas, (cité par Ian Gibson dans son livre Paracuellos: cómo fue) décrit Koltsov comme l’agent personnel de Staline en Espagne et affirme qu’il avait une ligne téléphonique directe avec le Kremlin. Ian Gibson le considère comme le responsable de la série de massacres de Paracuellos (2 000 à 4 000 exécutions sommaires de sympathisants supposés de la droite, en novembre et décembre 1936, près de Madrid, alors que les troupes nationalistes approchaient de la capitale).
L’historien Miguel Vázquez Liñán pense que Koltsov a été directement responsable de l’extermination des prisonniers enfermés dans les prisons de Madrid quand, sous prétexte d’un transfert, ils furent extraits (« sacas de presos ») des cellules puis emmenés et assassinés dans les villages de Paracuellos de Jarama et de Morata de Tajuña.
Selon l’historien Antony Beevor la responsabilité des massacres de Paracuellos incombe au communiste espagnol José Cazorla Maure et au conseiller soviétique Mikhaïl Koltsov. De nombreux auteurs ont par ailleurs souligné la participation de Santiago Carrillo à l’organisation des massacres.
En ce qui concerne le révolutionnaire espagnol Andrès Nin, Koltsov ne semble pas avoir participé à son enlèvement par le NKVD (dans l’été 1937) et à l’exécution (après d’abominables tortures) du leader du POUM, suivis d’une campagne de désinformation l’accusant d’être un agent des fascistes et de les avoir rejoints à Salamanque ou à Berlin.
La responsabilité personnelle de Koltsov dans la liquidation début 1937 de José Robles Pazos, intellectuel ami de John Dos Passos, n’est pas non plus prouvée.
En novembre 1937 Koltsov est rappelé en URSS. Bien que son activité en Espagne ait été consacrée à la lutte dans la droite ligne des idées de Staline et que son livre ait eu du succès en Russie (Staline lui-même a dit le 12 décembre 1937 qu’il l’avait apprécié), il est arrêté et exécuté en 1940 ou 1942 par Vassili Blokhine, un des bourreaux de Lavrenti Beria, comme d’innombrables victimes des Grandes Purges.
Son frère Boris Efimov a pu obtenir (à titre exceptionnel) un rendez-vous avec Vassili Oulrikh ; le juge-en-chef de Staline lui apprend que Koltsov « a été condamné à 10 ans de prison, sans droit au courrier » (en fait à être liquidé).
Les connexions de Koltsov avec des étrangers (en particulier pendant la guerre civile espagnole avec des écrivains comme André Malraux, Ernest Hemingway, Claud Cockburn20) et la propre compagne de Koltsov, l’Allemande Maria Osten, ont certainement pesé lourd dans la balance des juges staliniens.
L’ouverture des archives du Kremlin après la perestroïka a permis de savoir ce qui était arrivé à Koltsov.
Selon Miguel Vázquez Liñán, Koltsov avait été reçu dès son retour par Staline, qui était entouré de 4 de ses familiers, et l’entrevue avait vite pris le ton d’un interrogatoire. Après 3 heures de questions, Staline s’était levé, avait autorisé Koltsov à se retirer, et, la main sur le cœur, goguenard, s’était incliné devant « Don Miguel Martinez », en l’assurant de « la reconnaissance des nobles espagnols » ; puis, comme Koltsov, interloqué, prenait la porte, Staline lui avait demandé s’il avait un revolver. Koltsov, cachant son trouble, lui avait répondu par l’affirmative ; et Staline avait répondu « qu’il espérait qu’il ne lui servirait pas pour se suicider ».
Selon Miguel Vázquez Liñán les archives de Staline ont révélé que Koltsov avait été accusé d’anti-soviétisme par André Marty, commissaire politique et autorité supérieure des Brigades internationales en Espagne. Marty énumérait les « preuves de la traîtrise de Koltsov » dans sa lettre de dénonciation : « 1° : Koltsov, avec son perpétuel compagnon de voyage André Malraux, est entré en contact avec l’organisation trotskyste POUM. Si l’on tient compte de la sympathie ancienne de Koltsov pour Trotsky, ces contacts ne sont pas dus au hasard. – 2° : La prétendue épouse civile de Koltsov, Maria Osten (Gressneger) est (je n’en ai pas le moindre doute) agent secret de l’espionnage allemand. Je suis convaincu que nombre de nos pertes au combat sont le résultat de son travail d’espionne. ».
Par ailleurs, Koltsov aurait été accusé par Nikolaï Iejov, chef du NKVD et exécuteur des basses œuvres de Staline, d’avoir aidé André Malraux (on les voyait souvent ensemble en Espagne) à « espionner l’aviation russe » ; de plus Koltsov était un intellectuel juif, comme Isaac Babel, et avait été reçu par Iejov dans sa datcha… Nikolaï Iejov et Koltsov se seraient accusés mutuellement, sous la torture, d’appartenir à un réseau d’espionnage au profit de la Grande-Bretagne, et auraient révélé les noms de plusieurs dizaines de leurs complices. Un ami de Koltsov, Alexandre Fadeïev, aurait eu le courage d’aller démontrer à Staline lui-même que Koltsov ne pouvait en aucun cas être un traître. Staline ordonne alors à son secrétaire particulier Alexandre Nikolaïevitch Poskrebytchev de faire voir à Fadeïev le procès-verbal de l’interrogatoire de Koltsov, et ses aveux signés, et il assure que lui-même a eu de la peine à admettre la culpabilité de Koltsov, mais qu’il devait bien se rendre à l’évidence. « Et dis ce que tu as lu à ceux qui te parlent de Koltsov », conclut Staline.
Selon Alexandre Orlov Koltsov fut accusé par le NKVD d’avoir transmis des renseignements à Lord Beaverbrook, et d’avoir répandu la rumeur que Sergo Ordjonikidze, Commissaire à l’Industrie Lourde, avait été liquidé, alors que selon la version officielle il était mort de maladie.
Peter I. Barta pense que Koltsov a connu en Espagne un divorce intellectuel avec le stalinisme, et a payé de sa vie ce déviationnisme.
Source : Wikipédia.