Merlin l’enchanteur.

Merlin (en gallois Myrddin, en breton Merzhin), communément appelé Merlin l’Enchanteur, est un personnage légendaire, prophète magicien doué de métamorphose, commandant aux éléments naturels et aux animaux dans la littérature médiévale. Sa légende provient à l’origine de la mythologie celtique galloise, et s’inspire certainement d’un druide divin, mêlé à un ou plusieurs personnages historiques. Son image première est assez sombre. Les plus anciens textes concernant Myrddin Wyllt, Lailoken et Suibhne le présentent en « homme des bois » torturé et atteint de folie, mais doué d’un immense savoir, acquis au contact de la nature et par l’observation des astres. Après son introduction dans la légende arthurienne grâce à Geoffroy de Monmouth et Robert de Boron, Merlin devient l’un des personnages les plus importants dans l’imaginaire et la littérature du Moyen Âge.

Dans le cycle arthurien, dont il est désormais indissociable, Merlin naît d’une mère humaine et d’un père diabolique. Bâtisseur de Stonehenge, il emploie ses sortilèges pour permettre la naissance du Roi Arthur et son accession au pouvoir, grâce à l’épreuve de l’épée Excalibur et à la formation de la Table ronde. Conseiller du roi et de ses chevaliers, il prédit le cours des batailles, influe sur leur déroulement et entraîne la quête du Graal. Homme sauvage proche du monde animal, Merlin se retire régulièrement en forêt pour y rencontrer son scribe et confident Blaise. Son histoire connaît différentes fins selon les auteurs, la plus connue étant celle où il tombe éperdument amoureux de la fée Viviane, à laquelle il enseigne ses secrets de magicien. Elle finit par l’enfermer à jamais dans une grotte ou une prison d’air, en usant de l’un de ses propres sortilèges.

Merlin est mentionné très régulièrement dans la littérature depuis le Moyen Âge, qui a construit son image par inspiration successive entre différents auteurs. Archétype du sorcier ou du magicien, son nom est fréquemment associé à la fonction d’« enchanteur », notamment depuis que ce terme a servi de titre à la version française du célèbre dessin animé de Walt Disney dans les années 1960, Merlin l’Enchanteur. Il reste une source d’inspiration pour de nombreux auteurs et artistes, comme Guillaume Apollinaire (L’Enchanteur pourrissant), René Barjavel (L’Enchanteur), Stephen R. Lawhead (Cycle de Pendragon) et T. A. Barron (Merlin). Son mythe est enfin, de nos jours, le sujet de romans, de poèmes, d’opéras, de pièces de théâtres, de bandes dessinées, de films, de téléfilms, de séries télévisées, et de jeux.


Le Merlin connu actuellement à travers les contes et les dessins animés, enchanteur, prophète, homme des bois, maître des animaux et des métamorphoses, sage et magicien proche de la nature, a connu une longue évolution. Merlin n’est pas une création des auteurs du cycle arthurien, son origine est bien plus ancienne. Il est en quelque sorte redécouvert, christianisé et réinventé par différents auteurs pour y figurer. À l’origine, les textes gallois le voient comme un bardeVa 2. « Personnage capital du Moyen Âge », Merlin devient un véritable mythe littéraire grâce à sa popularité.

Bien avant d’être un personnage littéraire, Merlin appartient à une tradition orale galloise : selon les poèmes locaux, il se nomme Myrddin et vit en Cumbria2. Un débat ancien oppose les partisans d’une origine historique à ceux d’une origine mythologique. Il est peu vraisemblable qu’il soit une création littéraire du Moyen Âge. Pour Claude Lecouteux, il provient « de la littérarisation et de la christianisation d’un individu venu d’ailleurs, d’un lointain autrefois que même les auteurs du XIIe siècle ne comprenaient sans doute plus ». Par ses pouvoirs, Merlin s’apparente davantage à une créature de légende qu’à un être humain. La théorie la plus probable, soutenue par Philippe Walter et différents universitaires, serait qu’il soit né d’une fusion entre un personnage légendaire celte et un personnage historique, un chef de clan supposé et nommé Myrddin, confondu avec l’Ambrosius dont parle saint Gildas.

Les récits légendaires autour de Merlin prennent certainement leurs sources dans un fonds celtique ou pré-celtique antérieur aux influences chrétiennes. Quelques croyances « folkloriques et édulcorées » autour des rituels druidiques ont pu survivre par l’oralité jusqu’au XIIe siècle, quand les clercs couchent cette matière orale à l’écrit. Le Merlin primitif commet les « trois péchés du Druide » et se retrouve déchu de ses anciennes fonctions, sous l’influence du christianisme qui diabolise la « magie druidique ». Myrddin Wyllt, Lailoken et Suibhne se convertissent tous trois à la foi chrétienne à la fin de leurs récits respectifs. Philippe Walter voit dans la légende celtique originelle de Merlin celle d’un druide divin lié à des rituels saisonniers calendaires, d’où son image d’homme des bois, d’astrologue, de devin et de magicien. Merlin pourrait être un ancien druide divin ou un dieu-druide, mais l’absence de sources d’époque rend impossible tout lien certain vers un fonds mythologique exclusivement celte. L’existence d’un mythe fondateur autour de Merlin dans la mythologie celtique semble peu probable. Cette théorie ne peut toutefois pas être totalement écartée, les premiers auteurs des écrits mentionnant Merlin s’appuyant sur le folklore populaire oral de leur époque. Lors de sa christianisation, il perd certaines de ses anciennes caractéristiques comme sa maîtrise du temps, un attribut divin.

Les pratiques chamaniques montrent beaucoup de points communs avec les pouvoirs attribués à Merlin, laissant à penser qu’il trouverait son origine dans un chamanisme eurasiatique primitif : ensauvagement, prophétisme et transformation en oiseau. A. Mac-Culloch trouve des analogies entre le chamanisme pratiqué dans l’Altaï et les pratiques des Celtes, mais le celtisant Christian-Joseph Guyonvarc’h réfute l’idée d’un « chamanisme celtique ». Il est tout aussi délicat de lier Merlin à un personnage pré-indo-européen, il ne représente clairement aucune des trois grandes fonctions des Indo-européens (guerre, fécondité et sacerdoce). Il a pu évoluer de roi guerrier vers une fonction plus spirituelle, ce qui l’assimilerait aux dieux « protéens » des Celtes et des Indo-européens, dont parle Claude Sterckx.

Nikolaï Tolstoï et Jean Markale ont suggéré qu’il était un avatar de Cernunnos, divinité celte de la nature. Il rappelle la tradition des divinités et créatures païennes de la nature et des forêts, comme le Sylvain, Sylvanus, le Faune et l’Homme sauvage. Cette filiation est d’autant plus probable que Merlin raconte lui-même la légende de Faunus et de Diane dans le cycle Post-Vulgate. Le Sylvain peut se présenter comme un vieillard et posséder la force d’un jeune homme, comme Merlin.

Dès 1868, Henri d’Arbois de Jubainville se pose la question de l’historicité de Merlin, et en conclut que sa légende a été fabriquée de toutes pièces pour expliquer le nom de Carmarthen (en gallois Caerfyrddin). Par la suite, certains chercheurs comme J. Douglas Bruce soutiennent que Merlin est une invention littéraire de clercs inspirés par les légendes celtiques.

L’existence d’un ou de plusieurs « Merlins historiques » est toutefois défendue par de nombreuses personnes, dont la professeure émérite Dr Norma Lorre Goodrich et le doctorant québécois Guy D’Amours. Selon eux, ce Merlin historique a inspiré différents auteurs depuis le VIe siècle, à travers des manuscrits disparus désormais. Deux personnages historiques gallois seraient à l’origine du Merlin littéraire : un chef de clan nommé Ambrosius Aurelianus (cité dans le sermon de saint Gildas pour ses prophéties et sa bravoure au combat) et le barde gallois Myrddin Wyllt. Pour Philippe Walter, même si Myrddin est présenté comme un personnage historique dans certaines sources d’époque, cela ne signifie pas qu’il ait réellement existé. Les chroniqueurs médiévaux utilisent beaucoup d’éléments légendaires dans leurs écrits.

Norma Lorre Goodrich et l’occultiste Laurence Gardner défendent une théorie qui rejoint une certaine historicité. Pour Goodrich, « Merlin » est un titre porté originellement par l’évêque qui a couronné le roi Arthur historique. Pour Gardner, Myrddin était à l’origine le titre du devin du roi (« Seer to the king »), Taliesin étant le premier d’entre eux. Certaines personnes portant ces titres auraient inspiré la légende de Merlin.

L’une des caractéristiques les plus évidentes chez Merlin, comme l’évoque bien son surnom d’« Enchanteur », est sa capacité à pratiquer la magie, à prophétiser, se métamorphoser et transformer l’apparence d’autrui. Il est aussi un bâtisseur fabuleux grâce à sa connaissance des secrets des pierres, doté d’une science et d’un savoir sans limites. Insoumis aux lois du temps, Merlin peut se présenter alternativement comme un enfant ou un vieillard. Ses traits de personnalité rappellent autant l’enfant « par son goût du jeu, du déguisement et du canular », que le vieillard par « son détachement, sa sagesse et son expérience ». Pour prédire les événements, Merlin voyage à volonté dans le passé ou le futur. Par son talent, il est aussi un maître ou une divinité de la parole qui représente la « véritable essence de son être ». Comme dans la tradition druidique où elle est langue sacrée des dieux, magie, prophéties et poésie découlent de ses paroles. Bien qu’il possède d’immenses pouvoirs et sache tout du passé comme de l’avenir, Merlin est rempli de contradictions. Dans les romans français, il est trahi par ses élèves en magie, Viviane et Morgane. Dans les récits britanniques, il connaît des périodes de folie et d’immense tristesse dans la forêt.

Robert de Boron insiste sur sa position « au cœur de la lutte entre le bien et le mal », par sa naissance (il est le fils du Diable) et la rédemption de sa mère. Merlin utilise ses pouvoirs pour servir les desseins divins (aider à l’avènement d’Arthur, la création de la Table ronde et la quête du Graal, notamment par Perceval) ou des objectifs plus troubles. Au service des rois, il lutte contre les envahisseurs de la Bretagne mais son apparence effrayante et ses métamorphoses suscitent peur et méfiance.

Merlin peut revêtir beaucoup de formes : enfant, vieillard, bûcheron, homme sauvage, génie sylvestre… Dans le Roman de Merlin, il apparaît au roi Arthur sous la forme d’un enfant de quatre ans pour lui reprocher d’avoir péché en faisant l’amour avec sa sœur Morgane, puis sous celle d’un vieillard où il annonce qu’un chevalier à naître (Mordred) causera la perte du royaume.

Merlin peut aussi se changer en animaux. Les pouvoirs du Suibhne irlandais s’apparentent à ceux d’un chaman tels que les décrit Mircea Eliade, par sa capacité à voler et à se métamorphoser, notamment en oiseau. Une autre métamorphose habituelle chez Merlin est celle du cerf, notamment dans les romans en prose.

Source : Wikipédia.

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