Maxime Gorki, écrivain.

Maxime Gorki, parfois orthographié Gorky (en russe : Максим Горький, Maksim Gor’kij), nom de plume d’Alexis Pechkov (en russe : Алексей Максимович Пешков, Alekseï Maksimovitch Pechkov), est un écrivain russe né le 16 mars 1868 (28 mars 1868 dans le calendrier grégorien) à Nijni Novgorod et mort le 18 juin 1936 à Moscou. Il est considéré comme un des fondateurs du réalisme socialiste en littérature et fut un homme engagé politiquement et intellectuellement aux côtés des révolutionnaires bolcheviques.

Enfant pauvre, autodidacte, formé par les difficultés et les errances de sa jeunesse, passé par le journalisme, il devient un écrivain célèbre dès ses débuts littéraires. Auteur de nouvelles pittoresques mettant en scène les misérables de Russie profonde (Essais et Histoires, 1898), de pièces de théâtre dénonciatrices comme Les Bas-fonds en 1902 ou de romans socialement engagés comme La Mère, publié en 1907, il racontera aussi sa vie dans une trilogie autobiographique : Enfance/ Ma vie d’enfant (1914), En gagnant mon pain (1915-1916), Mes universités (1923).

Gorki, carte maximum, Russie.

Dès ses débuts littéraires, Gorki partage l’idéal des partis progressistes et se lie avec les bolcheviques et avec Lénine. Plusieurs fois emprisonné pour ses prises de position, en particulier lors de la révolution de 1905, il quitte la Russie et voyage aux États-Unis pour collecter des fonds pour le mouvement bolchevique. À son retour en 1906, il doit s’exiler à Capri pour des raisons à la fois médicales et policières.

Rentré en Russie à la suite d’une amnistie en 1913, Maxime Gorki est proche de Lénine et des révolutionnaires, mais formule des critiques dès novembre 1917 qui lui valent les menaces du pouvoir : inquiet et malade de la tuberculose, il quitte la Russie en octobre 1921 et se fixe de nouveau dans le sud de l’Italie en 1924.

Encouragé par Staline, il revient plusieurs fois en URSS après 1929 et s’y réinstalle définitivement en 1932 : il devient un membre éminent de la nomenklatura soviétique et participe à la propagande du régime qui l’honore mais le surveille en même temps. Il meurt en juin 1936 dans des circonstances qui ont prêté au soupçon. Le régime lui organise des funérailles nationales et en fera l’écrivain soviétique par excellence.


Le premier ouvrage de Gorki Esquisses et récits (en russe : Очерки и рассказы) parut en 1898 et connut un succès extraordinaire, en Russie et à l’étranger, qui lança sa carrière d’écrivain pittoresque et social. Il y décrivait la vie des petites gens en marge de la société (les « bossiaks », les va-nu-pieds), révélant leurs difficultés, les humiliations et les brutalités dont ils étaient victimes mais aussi leur profonde humanité. Gorki acquit ainsi la réputation d’être une voix unique issue des couches populaires et l’avocat d’une transformation sociale, politique et culturelle de la Russie, ce qui lui valut d’être apprécié à la fois de l’intelligentsia – il entretiendra des liens de sympathie avec Anton Tchekhov et Léon Tolstoï -, et des travailleurs les plus « conscientisés ». Une des nouvelles s’intitule Les Époux Orlov.

En 1895, il rencontra à Samara Ekaterina Voljina (1876–1965), correctrice à la rédaction du journal local, qui appartenait à la franc-maçonnerie et était acquise à ses idées révolutionnaires. Il l’épousa le 11 septembre 1896, le couple ayant deux enfants, Maxime (né en 1897) et une fille nommée Ekaterina (1898, morte à l’âge de cinq ans d’une méningite).

Dans le même temps, à partir de 1899, il s’affichait proche du mouvement social-démocrate marxiste naissant et s’opposait publiquement au régime tsariste, ce qui lui valut de nombreuses arrestations : il sympathisa avec de nombreux révolutionnaires, devenant même l’ami personnel de Lénine après leur rencontre en 1902. Il gagna encore en célébrité quand il démontra la manipulation de la presse par le gouvernement lors de l’affaire Matvei Golovinski, qui fut contraint à l’exil après la dénonciation de Gorki prouvant l’implication de la police secrète, l’Okhrana, dans la rédaction et la publication du Protocole des sages de Sion. Son élection en 1902 à l’Académie impériale fut annulée par l’empereur Nicolas II, ce qui entraîna par solidarité la démission des académiciens Anton Tchekhov et Vladimir Korolenko.

Les années 1900-1905 montrent un optimisme grandissant dans les écrits de Gorki et ses œuvres les plus déterminantes dans cette période sont une série de pièces de théâtre à thèmes politiques dont la plus célèbre est Les Bas-fonds, représentée après des difficultés avec la censure en 1902 à Moscou avec un grand succès et montée ensuite dans toute l’Europe et aux États-Unis. Maxime Gorki s’engagea alors davantage dans l’opposition politique et fut même emprisonné brièvement pour cet engagement en 1901. En 1904, chez le célèbre critique Vladimir Stassov, il fit la connaissance du poète Samuel Marchak et l’invita chez lui en Crimée. Il fut de nouveau incarcéré à la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg durant la révolution avortée de 1905 : il y écrivit sa pièce Les Enfants du soleil, formellement située durant l’épidémie de choléra de 1862, mais clairement comprise comme représentant les événements de l’actualité. Sa maîtresse officielle de 1904 à 1921 est l’ancienne actrice Maria Andreïeva, bolchévique de la première heure et future directrice des théâtres après la Révolution d’Octobre.

Devenu riche par ces activités de romancier, de dramaturge et d’éditeur, il apporta son aide financière au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) en même temps qu’il soutenait les appels des libéraux pour une réforme des droits civiques et sociaux. La brutale répression de la manifestation des travailleurs demandant une réforme sociale le 9 janvier 1905, événement connu sous le nom de « Dimanche rouge » qui marqua le début de la Révolution de 1905, semble avoir joué un rôle décisif dans la radicalisation de Gorki. Il devint alors très proche du courant bolchevique de Lénine sans qu’il soit assuré qu’il adhéra à ce mouvement : ses relations avec les Bolcheviques et Lénine demeureront d’ailleurs difficiles et conflictuelles.

En 1906, les Bolcheviques l’envoyèrent aux États-Unis pour lever des fonds de soutien et c’est pendant ce voyage que Gorki commença son célèbre roman La Mère (Мать ; qui paraît d’abord en anglais à Londres, puis en russe en 1907) sur la conversion à l’action révolutionnaire d’une femme du peuple à la suite de l’emprisonnement de son fils. Il rencontra Theodore Roosevelt et Mark Twain, mais dut aussi subir les critiques d’une presse qui se scandalisait de la présence à ses côtés de sa maîtresse Maria Andreïeva et non de sa femme Yekaterina Pechkova. Cette expérience de l’Amérique l’amena à approfondir sa condamnation de « l’esprit bourgeois » et le confirma dans son admiration pour la vitalité du peuple américain.

De 1906 à 1913, Gorki vécut à Capri à la fois pour des raisons de santé et pour échapper à la répression croissante en Russie. Il continua cependant à soutenir les progressistes russes, particulièrement les Bolcheviques, et à écrire des romans et des essais. Il bâtit aussi avec d’autres émigrés bolcheviques comme Alexandre Bogdanov ou Anatoli Lounatcharski, un système philosophique controversé intitulé « Construction de Dieu » qui cherchait, en prenant appui sur le mythe de la révolution, à définir une spiritualité socialiste où, riche de ses passions et de ses certitudes morales, l’humanité accéderait à la délivrance du mal et de la souffrance, et même de la mort. Bien que cette recherche philosophique ait été rejetée par Lénine, Gorki continua à croire que la « culture », c’est-à-dire les préoccupations morales et spirituelles, étaient plus fondamentales pour la réussite de la révolution que les solutions politiques ou économiques. C’est le thème du roman Une confession, paru en 1908.

Profitant de l’amnistie décrétée pour le 300e anniversaire de la dynastie des Romanov, Gorki revint en Russie en 1913 et poursuivit sa critique sociale en guidant de jeunes écrivains issus du peuple et en écrivant les premières parties de son autobiographie, Ma vie d’enfant (1914) et En gagnant mon pain (1915-1916).

Durant la Première Guerre mondiale, son appartement de Petrograd fut transformé en salle de réunion bolchevique mais ses relations avec les communistes se dégradèrent. Il écrivit ainsi le 7 décembre 1917 : « Les bolcheviques ont placé le Congrès des soviets devant le fait accompli de la prise du pouvoir par eux-mêmes, non par les soviets. […] Il s’agit d’une république oligarchique, la république de quelques commissaires du peuple. » Puis deux semaines après la Révolution d’octobre : « Lénine et Trotsky n’ont aucune idée de la liberté et des droits de l’homme. Ils sont déjà corrompus par le sale poison du pouvoir ». Son journal Novaïa Jizn (Новая Жизнь ou « Nouvelle vie ») fut censuré par les bolcheviques. En 1918, il écrivit une série de critiques du bolchevisme: ces Pensées intempestives furent publiées posthumes, après la chute de l’URSS. Il y compare Lénine à la fois au tsar (pour sa tyrannie inhumaine : arrestations et répression de la liberté de penser) et à l’anarchiste Serge Netchaïev (pour ses pratiques de comploteur). En 1919, une lettre de Lénine le menaça clairement de mort s’il ne changeait pas ses prises de position.

En août 1921, il ne put sauver son ami Nikolaï Goumiliov, fusillé par la Tchéka malgré son intervention auprès de Lénine. En octobre de la même année, Gorki quitta la Russie et séjourna dans différentes villes d’eau en Allemagne. Puis, ayant achevé le troisième volet de son  autobiographie, Mes universités (publié en 1923), il retourna en Italie pour soigner sa tuberculose, et s’installe à Sorrente en 1924. Il resta en contact avec son pays et revint plusieurs fois en Union soviétique après 1929, occasions que Staline mit à profit pour lui faire une cour assidue et devenir son ami. Gorki finit par accepter la proposition d’un retour définitif que lui fit Staline en 1932 : on discute les raisons de ce retour, motivé par des difficultés financières selon les uns (comme Alexandre Soljenitsyne), ou par ses convictions politiques selon les autres.

En raison de sa stature littéraire, Gorki échappe aux purges. La propagande tire parti de son départ de l’Italie fasciste pour retrouver sa patrie : il reçut la médaille de l’ordre de Lénine en 1933 et fut élu président de l’Union des écrivains soviétiques en 1934. Il devient ainsi la caution de la nouvelle doctrine du « réalisme socialiste ». Cela lui vaut d’être installé, à Moscou, dans un hôtel particulier ayant appartenu au richissime Nikolaï Riabouchinski (aujourd’hui le Musée Gorki) ; on lui accorde également une datcha à la campagne, une villa en Crimée et un important personnel issu de la Guépéou. Staline, voulant « arrimer au Parti avec des câbles solides » ce « vaniteux », son nom fut donné à l’une des artères principales de la capitale (rue Tverskaïa), mais aussi à sa ville natale — qui ne retrouvera son nom primitif de Nijni Novgorod qu’en 1991, à la dislocation de l’Union soviétique. Le plus gros avion du monde construit au milieu des années 1930, le Tupolev ANT-20, fut baptisé lui aussi baptisé « Maxime Gorki ». Cette consécration soviétique est illustrée par de nombreuses photographies où il apparaît aux côtés de Staline et d’autres responsables de premier plan qui passaient beaucoup de temps chez lui, comme Vorochilov, Guenrikh Iagoda et Molotov,

Sa visite du camp de travail soviétique des îles Solovetski (ou Solovki), maquillé à cette occasion, le conduisit à écrire un article positif sur le Goulag en 1929, ce qui déclencha des polémiques en Europe : Gorki dira plus tard l’avoir écrit sous la contrainte des censeurs soviétiques. Par ailleurs, Gorki participa activement à la propagande stalinienne, déclarant notamment dans la Pravda à propos des koulaks : « Si l’ennemi ne se rend pas, il faut l’exterminer ».

Évoquant les bagnards du Goulag chargés des travaux sur le canal de la mer Blanche, il parle ainsi d’une « réhabilitation réussie des anciens ennemis du prolétariat ». À son initiative, trente-six écrivains participent en 1934 à l’ouvrage collectif Le canal Staline, histoire de la construction de la voie d’eau Baltique-mer Blanche, parmi lesquels on peut citer notamment M. Zochtchenko, B. Jasieński, E. Gabrilovitch. En 1937, tous les exemplaires sont retirés de la vente et les principaux protagonistes exterminés lors des grandes purges, parmi lesquels Leopold Awerbach (1903-1937) et Semion Firine (1898-1937), le directeur du canal.

Cependant, Gorki semble avoir été tiraillé entre sa fidélité au bolchevisme et ses idées sur la liberté indispensable aux artistes. Son statut lui permet de protéger d’autres écrivains; certains, proches du mouvement eurasiste (D. S. Mirsky, A. Durnyj), n’échapperont plus aux purges après son décès.

Il était d’ailleurs suspect aux yeux du régime et après l’assassinat de Sergueï Kirov en décembre 1934, le célèbre écrivain fut assigné à résidence à son domicile. La mort soudaine de son fils Maxim Pechkov en mai 1935 et la mort rapide, attribuée à une pneumonie, de Maxime Gorki lui-même le 18 juin 1936 ont fait naître le soupçon d’un empoisonnement, mais rien n’a jamais pu être prouvé. Staline et Molotov furent deux des porteurs du cercueil de Gorki lors de ses funérailles qui furent mises en scène comme un événement national et international le 20 juin 1936 sur la place Rouge à Moscou.

Maxime Gorki est inhumé dans la nécropole du mur du Kremlin derrière le mausolée de Lénine.

À l’époque soviétique, avant et après sa mort, la complexité de la vie et des positions de Maxime Gorki a été gommée par l’image officielle répandue par des textes et des statues dans tout le pays. Il était présenté comme un grand écrivain russe sorti du peuple, loyal ami des bolcheviks et un des pères du « réalisme socialiste ». En revanche, il a été dénoncé par les intellectuels russes dissidents comme un écrivain compromis idéologiquement alors que des écrivains occidentaux soulignaient ses doutes et ses critiques du système. Aujourd’hui, ses œuvres jouissent d’une appréciation plus équilibrée.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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