Marien Ngouabi, homme d’état.

Marien Ngouabi est un officier et homme d’État congolais né le 31 décembre 1938 à Ombele et mort le 18 mars 1977 à Brazzaville.

Il a été président de la République du Congo (puis de la République populaire du Congo) du 31 décembre 1968 à sa mort.


De 1947 à 1953, il fait ses études primaires à Fort-Rousset. En 1953, il entre à l’École militaire préparatoire Général Leclerc de Brazzaville. Il en sort en 1957 et est affecté à Bouar, en Oubangui-Chari (future République centrafricaine).

De 1958 à 1960, il fait partie du deuxième bataillon des tirailleurs du Cameroun, avec le grade de sergent. En 1960, à la faveur de l’indépendance du Congo, il est admis à suivre une formation d’officier en France, d’abord à l’École militaire préparatoire de Strasbourg, puis à l’École militaire interarmes de Coëtquidan. Il a pour camarades de promotion ses compatriotes Joachim Yhombi-Opango, Louis Sylvain-Goma et Luc Kimbouala-NKaya. En 1962, il revient au Congo avec le grade de sous-lieutenant. Il est affecté à la garnison de Pointe-Noire en qualité d’adjoint au Commandant du bataillon d’infanterie. L’année suivante, il est promu au grade de lieutenant. En 1965, de retour à Brazzaville, il devient capitaine et commande le tout nouveau bataillon parachutiste des Forces armées congolaises. En 1er octobre 1968, il devient commandant. Au début des années soixante-dix, il entreprend des études de physique à l’École supérieure des sciences de Brazzaville. Il obtient un diplôme d’études approfondies.

En 1966, Ngouabi est membre du Comité central du Mouvement National de la Révolution (MNR), le parti unique. Il y représente l’armée. Comme plusieurs officiers, il vit mal les changements opérés dans l’armée par le pouvoir politique. L’année précédente, à la suite de l’évasion de l’ancien président Fulbert Youlou, la Jeunesse du Mouvement National de la Révolution (JMNR) avait été pourvue d’une branche armée, dénommée Défense civile. Puissamment équipée, son rôle est de défendre la Révolution et la Nation.

Le 22 juin 1966, l’Assemblée nationale vote une loi transformant les Forces armées congolaises (FAC) en Armée populaire nationale (APN). Une direction politique à l’armée et un haut-commandement collégial sont créés. Les deux sont dirigés par une commission civile coiffée par un officier membre du parti, qui a rang de commandant en chef de l’APN. Le capitaine Ngouabi s’insurge contre cette inféodation de l’armée au politique et émet de vives critiques à l’endroit du président Massamba-Débat. En guise de punition, il est muté à Pointe-Noire. Ayant refusé cette affectation, il est mis aux arrêts et rétrogradé au rang de soldat de première classe par Massamba-Débat. Des membres de son ethnie manifestent dans Brazzaville pendant deux jours (les 27 et 28 juin) pour réclamer sa libération. Les militaires de son bataillon, le groupement aéroporté, se mutinent. Ils occupent des bâtiments gouvernementaux et mettent à sac la permanence du parti. Le chef d’État-major, le commandant Mountsaka, accouru à la base militaire de Maya-Maya pour les faire rentrer dans le rang, est fait prisonnier et mis au cachot. Finalement, la Défense civile parvient à rétablir l’ordre. Ngouabi est remis en liberté et rétabli dans son grade.

L’épreuve de force lui a valu une certaine stature dans l’armée et il s’impose comme le chef de file des officiers progressistes qui souhaitent une politique plus à gauche de la part du gouvernement. Affecté au bureau d’études de l’État-major, il publie un ouvrage intitulé « Soldat du peuple ».

Au début de l’année 1968, le climat politique se dégrade. Massamba-Débat démet Ambroise Noumazalaye et décide d’assumer lui-même la fonction de premier ministre. Durant le mois de juillet, la tension est à son paroxysme. De plus en plus contesté par la classe politique, Massamba-Débat fait arrêter Ngouabi et le lieutenant Eyabo, le 29 juillet, pour activisme politique trop prononcé. Le groupement aéroporté se mutine de nouveau. Un détachement de para-commandos, conduit par l’adjudant Akouala, libère les deux prisonniers le 31. Habilement, Ngouabi et ses troupes investissent la maison d’arrêt de Brazzaville et sortent de prison le commandant Mouzabakani et le lieutenant Kinganga, emprisonnés depuis plusieurs mois pour tentative de déstabilisation du régime. Ils enfoncent ainsi un coin au sein des populations du Pool et s’attirent la sympathie d’une certaine fraction de cette communauté. Au sein des populations originaires de la région natale de Massamba-Débat, la division est réelle entre les Bakongos, solidaires du président, et les autres ethnies, nostalgiques de Fulbert Youlou.

Alors que les positions se durcissent et que le pays est au bord de la guerre civile, Massamba-Débat, affaibli par la défection du commandant de la défense civile, Ange Diawara, se voit contraint de prononcer l’amnistie de tous les prisonniers politiques. Ngouabi devient le point de convergence des nombreuses oppositions au chef de l’état : officiers progressistes, officiers de droite dont Mouzabakani est la figure de proue, faction Noumazalaye et faction Lissouba.

Le 3 août, alors que Massamba-Débat a quitté le palais pour son village natal, laissant le pouvoir vacant, l’armée publie un communiqué invitant le Président de la République à reprendre ses fonctions. le communiqué précise que le lieutenant Poignet, Secrétaire d’État à la Défense Nationale, assure l’intérim. D’autorité, les responsables militaires annoncent aussi la nomination de Ngouabi comme Commandant en chef de l’APN, en remplacement du capitaine Ebadep, et celle du capitaine Sylvain-Goma comme Chef d’État-major, en remplacement du capitaine Kimboula-Nkaya.

La négociation entre les nouveaux hommes forts de l’armée et Massamba-Débat, revenu à Brazzaville, s’ouvre le 4 août. Elle aboutit le 5 août, à la formation d’un nouveau gouvernement et à la constitution d’un Conseil National de la Révolution (CNR), de 39 membres. Douze officiers font partie du CNR, dont Ngouabi, Alfred Raoul, Kimbouala-Nkaya et Sassou N’Guesso. Massamba-Débat a aussi accepté de former un nouveau gouvernement. La nouvelle équipe reflète l’improbable équilibre établi après l’épreuve de force (Lissouba au Plan, Mouzabakani à l’Intérieur, Matoumpa-Mpolo à l’Information, etc).

Le 16 août, un Acte fondamental abroge la constitution de 1963 et institue légalement le CNR, organe législatif provisoire. C’est le véritable lieu du pouvoir. Il est présidé par Marien Ngouabi, alors que Massamba-Débat n’en est que simple membre. Le fonctionnement du CNR dépouille de fait le Président de la République du pouvoir réel. Le 20 août, le commandant Alfred Raoul est nommé Premier ministre, par décision du CNR.

Fin août, après la décision du CNR d’incorporer la Défense Civile dans l’APN, la tension monte de nouveau. Les derniers partisans de Massamba-Débat au sein de la Défense Civile se retranchent au camp de la météorologie de Bacongo. Le 29 août l’armée donne l’assaut. Au bout de 3 jours d’affrontement, c’est la reddition des partisans du Président. Le 4 septembre, devant l’érosion de son pouvoir, Alphonse Massamba-Débat démissionne de sa fonction de Président de la République. Il est aussitôt emprisonné.

Le 7 septembre, le CNR aménage l’Acte fondamental et supprime la fonction de Président de la république. Le Premier ministre Raoul est chargé d’assurer l’intérim à la tête de l’État jusqu’à la mise en place d’institutions définitives. En réalité, depuis la mise en place du CNR, Marien Ngouabi est le véritable homme fort du pays.

Le 31 décembre 1968, l’Acte fondamental est de nouveau modifié. Le CNR, remanié et réduit à 28 membres avec la mise à l’écart des proches de Massamba-Débat, devient l’organe suprême de l’État. Le chef du Conseil est de droit Président de la République. Marien Ngouabi devient ainsi le troisième Président du Congo, à l’âge de 30 ans.

Il prend la tête d’un pays d’un million d’habitants, dont l’économie repose sur l’agriculture (vivrière et d’exportation, notamment café et cacao), l’exportation du bois, l’exploitation minière et le transport. Dans ce dernier domaine, ses infrastructures (CFCO, Voie Comilog, Voie fluviale et Port de Pointe-Noire) et sa situation géographique lui permettent de jouer un rôle de transit pour d’autres pays de la sous région (Gabon, Cameroun, Centrafrique, voire Tchad). Le Congo dispose également d’une industrie agro-alimentaire et textile naissante, pour partie privée et pour partie étatique. Les services publics, quoique modestes, fonctionnent correctement. La corruption a été presque totalement éradiquée par le régime de Massamba-Débat. La situation financière de l’État est saine. Le grand handicap du pays consiste en sa faiblesse en ressources humaines de haut niveau. Le Congo ne dispose que d’une poignée d’universitaires, ingénieurs, juristes ou expert-comptables et de moins d’une centaine de médecins. Cependant, avec un taux de scolarisation de 95 % au primaire, tous les espoirs semblent permis.

Dès sa prise de fonction, Ngouabi confirme Alfred Raoul au poste de Premier ministre. Celui-ci constitue un nouveau gouvernement dans lequel Mouzabakani ne figure pas.

À l’opposé de ses prédécesseurs, Ngouabi n’occupe pas le Palais du Peuple, résidence du Président de la République depuis l’indépendance. Il préfère demeurer au Grand Quartier Général de l’APN où une résidence est aménagée.

Au cours des premières années de pouvoir, Marien Ngouabi entreprend la reconstruction politique de la société congolaise sur le modèle soviétique. En cela, la rupture est nette avec les années Massamba-Débat, dont la référence était la Chine communiste. Les institutions politiques sont remodelées sur le canevas des pays d’Europe de l’Est. La coopération avec, l’URSS, la RDA, la Tchécoslovaquie, la Roumanie et Cuba est renforcée.

Sur le plan économique, cependant, il n’y aucun bouleversement. Le ton est certes moins convivial vis-à-vis des pays occidentaux, mais leurs intérêts économiques dans l’industrie, le commerce et les services ne sont guère remis en question. Les nationalisations restent limitées et le Congo est toujours demandeur de la coopération technique et des capitaux occidentaux, français notamment. Les sociétés Elf-Congo et Agip recherche Congo sont même créées dès 1969, par association de l’État congolais, minoritaire, avec respectivement la société française ERAP et italienne Agip dans le domaine de la prospection et l’exploitation pétrolière.

La consolidation du pouvoir de Ngouabi se heurte à des tentatives multiples de déstabilisation. En février 1969, il réorganise l’Armée et crée une Cour révolutionnaire de Justice, chargée de juger ceux qui ont mené des activités néfastes au bon fonctionnement du MNR depuis 1963. Quelques jours plus tard, Mouzabakani, soupçonné de préparer un coup d’état, est arrêté en compagnie d’autres officiers. Kinganga également impliqué, s’enfuit à Kinshasa. La cour révolutionnaire, présidée par Simon-Pierre Ngouoniba-Nsari qui est secondé par Christophe Moukouéké, condamne Mouzabakani aux travaux forcés à perpétuité en juillet. Ses complices (André Loufoua, Firmin Mouzabkani, Joseph Senso, …) écopent de peines diverses.

Le 19 juin, le capitaine Kikadidi, Foueti et 17 autres personnes sont arrêtés pour tentative de coup d’état en faveur de l’ex-président Massamba-Débat. Ils sont condamnés à des peines d’emprisonnement diverses et Kikadidi est radié de l’armée. En août 1969, la JMNR se transforme en Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise (UJSC).

Le 16 octobre 1969, l’ancien président Massamba-Débat, remis en liberté quelques mois plus tôt, est de nouveau arrêté pour les événements de juillet-août 1968 et pour les assassinats perpétrés durant son mandat. Plusieurs de ses anciens collaborateurs sont emprisonnés avec lui. La Cour révolutionnaire ne parviendra pas à mettre en évidence l’implication de l’ancien président dans les assassinats perpétrés sous son mandat et l’acquittera un mois plus tard. Ses anciens collaborateurs (Lissouba, Noumazalaye, Lounda, Claude-Ernest Ndalla, sont également acquittés. Cependant ils sont tous interdits de toute activité politique et sortie du territoire pour deux ans.

Le 7 novembre 1969, Bernard Kolelas est arrêté pour tentative de coup d’état. Déjà condamné à mort par contumace en 1965 pour actes de terrorisme, il est revenu d’exil un an plus tôt après son amnistie par Ngouabi et a réintégré la fonction publique. Le 14 novembre, une cour martiale le condamne à la peine de mort, ainsi que 3 de ses complices. La peine est confirmée par la Cour révolutionnaire deux semaines plus tard. Cependant, la sentence ne sera pas exécutée.

Du 29 au 31 décembre 1969 a lieu le congrès constitutif du Parti Congolais du Travail (PCT), parti unique d’avant-garde, d’idéologie marxiste-lenniste. Claude-Ernest Ndalla et Moungounga Nkombo Nguila ont en rédigé les statuts. La nouvelle constitution est promulguée à cette occasion, La dénomination officielle du pays devient République populaire du Congo. Les symboles de la république sont changés. Le drapeau tricolore (vert-jaune-rouge) est remplacé par un drapeau rouge avec une houe et un marteau jaunes entrecroisés, entourés de 2 palmes vertes. Les Trois glorieuses remplace La congolaise comme hymne national. Le parlement est supprimé.

Le PCT, parti unique, est dirigé par un Comité central de 30 membres, élus par le Congrès du parti pour 5 ans. Un Bureau politique de 8 membres est chargé de veiller à la mise en œuvre des décisions du Congrès et du Comité central. C’est le cœur du pouvoir politique au sein du régime. Le Président du Comité central, élu par le Congrès, est Président de la république. La nouvelle constitution consacre véritable confiscation du pouvoir par une faction politique. Il n’y a pas de représentation nationale et les membres du parti sont recrutés par cooptation. Le Chef du PCT, désigné par ses pairs, est intronisé d’office Chef de l’État sans être soumis au suffrage du peuple, contrairement au régime précédent. L’organe exécutif de la république est dénommé Conseil d’État, et il est présidé par le Chef de l’État, qui est secondé par un Vice-président du Conseil d’État. Le poste de Premier ministre est supprimé.

Trois organisations de masse sont chargées d’encadrer les différentes composantes de la population : la Confédération Syndicale Congolaise (CSC), l’Union Révolutionnaire des Femmes Congolaises (URFC) et l’Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise (UJSC). L’Union Nationale des Écrivains et Artistes Congolais (UNEAC) sera créée quelques années plus tard.

Le 7 janvier 1970, Marien Ngouabi est investi à la tête du parti et de l’État pour 5 ans. Il nomme Alfred Raoul Vice-président du Conseil d’État.

Dans le cadre de la mise en place d’une économie socialiste, l’Agence Trans-Equatorial de Communication (ATEC) qui gère le transport ferroviaire et fluvial est nationalisée en mars 1970 et devient l’Agence Transcongolaise de Communication (ATC). La Société Industrielle et Agricole du Niari, filiale des Grands Moulins de Paris, est nationalisée en novembre de la même année.

Le 23 mars, le lieutenant Kinganga, en exil à Kinshasa depuis sa tentative présumée de juin 1969, débarque à Brazzaville à la tête d’un commando, et tente de renverser le régime de Ngouabi. Sa tentative échoue et il est abattu aux abords de la radio nationale qu’il venait d’investir. Son cadavre et celui des membres de son commando tombés avec lui restent longtemps exposés devant l’immeuble de la radio. Plusieurs jeunes partisans enthousiastes qui s’étaient joints à la colonne de Kinganga ont également été passés par les armes. Le capitaine Augustin Poignet, lui aussi impliqué parvient à se sauver vers Kinshasa. Une semaine plus tard, 3 complices (Miawouama, Nkoutou et Mengo), condamnés par une cour martiale, sont exécutés. Des membres du commando et des complices dans l’armée et la gendarmerie sont condamnés par la cour révolutionnaire. Après les événements, Marien Ngouabi, dénonce l’implication de la CIA et du président Mobutu Sese Seko du Congo-démocratique voisin dans le putsch.

À la suite de cette tentative, le PCT se réunit en congrès extraordinaire du 30 mars au 2 avril 1970. Le Bureau politique est élargi à 10 membres, au profit d’Ambroise Noumazalaye et du capitaine Sassou N’Guesso. La Gendarmerie dont la loyauté n’a pas été totale durant les événements est dissoute et ses membres incorporés dans l’armée. Le Conseil d’État est remanié.

Le 29 août 1970, l’ancien ministre Stephane-Maurice Bongo-Nouarra est arrêté pour complot contre-révolutionnaire. Il est condamné à 10 ans de travaux forcés.

Au cours de cette année 1970, des comités révolutionnaires sont créés dans toutes les entreprises et administrations et une attestation de militantisme devient nécessaire pour postuler à une fonction dans l’administration publique.

Le 4 décembre 1971, Marien Ngouabi crée par ordonnance l’Université de Brazzaville. Elle intègre tous les établissements d’enseignement supérieur qui existaient à Brazzaville.

Le système mis en place par Marien Ngouabi montre de plus en plus ses limites. Bien que son marxisme soit “bien tempéré”, même aux yeux de l’ambassade de France à Brazzaville3, l’édification d’une société socialiste au cœur de l’Afrique ne se révèle pas une franche réussite. Au Congo où chacun a une conscience exacerbée de son identité ethnique, Ngouabi bénéficie du soutien appuyé des populations et des élites du Nord du pays, dont il est originaire, et doit composer avec l’hostilité plus ou moins larvée d’une bonne partie des populations et des cadres originaires du Sud. Dans ce contexte, le PCT apparaît à beaucoup comme un instrument de domination de l’élite nordiste. Les règles de fonctionnement du parti favorisent d’ailleurs cette perception. L’adhésion au PCT est assujettie au parrainage d’un membre du Comité central. Par calcul politique, les dirigeants favorisent généralement l’incorporation de citoyens qui, par affinité ethnique ou autre, leur sont proches, afin de se constituer une clientèle. Le niveau intellectuel et moral du PCT s’en ressent. De plus en plus, l’adhésion au PCT n’est plus qu’une affaire d’opportunisme, car le parti unique est devenu la voie obligée pour progresser. De la théorie marxiste les militants n’ont souvent qu’une idée vague ou confuse. L’élimination du M22 (exclusion, emprisonnement ou exécution) a privé le PCT de ses membres les plus sincères et les plus acquis à l’idéologie communiste. Le comportement des dirigeants du parti et donc de l’État ne cadre pas toujours avec l’orthodoxie marxiste-léniniste (arrogance, enrichissement) et des présomptions de détournement pèsent sur plusieurs d’entre eux dans l’opinion.

Flamme spécimen Secap, du 18/04/1978

L’organisation de la société suivant les dogmes du socialisme scientifique a eu des conséquences désastreuses sur le fonctionnement de l’État. Les administrations publiques et les services sociaux ont grandement pâti de la préférence partisane qui a promu les membres du PCT à la tête de toutes les structures publiques, sans considération des compétences. Les détournements de fonds deviennent courants dans les services et entreprises publics et sont, dans la plupart des cas, le fait de cadres du PCT.

Le principe de la trilogie déterminante qui associe le Parti, le Syndicat et la Direction dans la gestion, a considérablement nui au rendement des entreprises d’État. Par système, l’accession aux responsabilités dans le monde de l’entreprise a été déterminée par le militantisme plutôt que par la capacité. Il en a résulté une baisse de la productivité.

Confiant dans les prévisions de recettes de l’exploitation pétrolière, Ngouabi a lancé le programme triennal 1975-77 de développement économique, social et culturel, en janvier 1975. Le plan, d’un coût de 75 milliards de francs CFA a pour objectifs l’édification d’une économie indépendante, le désenclavement de l’arrière-pays et la réduction des inégalités sociales. La relance des entreprises publiques défaillantes, la création de nouvelles entreprises d’état (Plasco, Impreco, etc) et de nombreux travaux publics (construction d’un nouveau tronçon du CFCO entre Dolisie et Bilinga, de plusieurs centaines de kilomètres de route et d’aéroports dans quelques centres urbains du pays) sont inscrits dans le programme triennal.

Malheureusement, les difficultés économiques, estompées pendant quelque temps par les revenus du pétrole resurgissent. Le gisement d’Émeraude n’a pas la productivité escomptée et décline plus vite que prévu. L’impéritie des offices étatiques de commercialisation provoque la baisse de la production du cacao et du café. Les fermes d’État, conçues sur le mode des kolkhozes soviétiques sont improductives. Les usines sont au bord de la faillite. L’entrée en production de la raffinerie de Pointe-Noire, prévue en 1975, a pris du retard. Les travaux entamés en 1972 avec l’objectif d’une indépendance en matière d’approvisionnement en produits hydrocarbures et d’un allègement de la facture énergétique, ne sont pas achevés. Malheureusement pour le président Ngouabi, les slogans patriotiques et les diatribes quotidiennes contre l’impérialiste sont insuffisants contre le marasme économique ou les difficultés budgétaires. La classe politique ne croit plus en sa capacité à redresser le pays et l’opinion est perplexe.

Pour relancer la machine, Ngouabi réunit le Comité central en session extraordinaire du 5 au 12 décembre 1975. La direction du PCT fait le constat du « manque de cohésion et dynamisme de la direction politique », du « manque de combativité des organisations de masse » et des mauvaises performances des entreprises d’État, dues à l’incompétence et l’inconscience des cadres, à la pléthore des effectifs et à la course effrénée aux avantages matériels. Une « radicalisation de la révolution » est entreprise pour « éviter sa récupération par les forces réactionnaires de l’intérieur et de l’extérieur ». Concrétement, certains membres du Comité central sont exclus (Yhombi-Opango, Martin Mberi, Pierre Nze, Anatole Kondho, Jean-Jules Okabando) et le Bureau politique est dissous. Un État Major Spécial Révolutionnaire est institué à la place. Un nouveau gouvernement est formé. Pour les entreprises publiques, le Comité central recommande un « inventaire systématique de tous les cadres de la Nation afin de mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ».

L’État Major Spécial Révolutionnaire est composé de Marien Ngouabi, Jean-Pierre Thystère-Tchicaya, Louis-Sylvain-Goma, Denis Sassou N’Guesso et Jean-Pierre Gombe. Sylvain-Goma nommé Premier ministre le 18 décembre, compose un gouvernement de 15 ministres. Le 28 décembre, Sassou N’Guesso est nommé Délégué du Conseil d’État chargé de la Défense et de la Sécurité, par décret présidentiel. Courant Janvier 1976, Ngouabi promulgue un Acte fondamental qui transfère les pouvoirs du Comité Central à l’État Major Spécial Révolutionnaire.

Le 19 mars 1976, quelques semaines seulement après ces changements, l’hélicoptère du Président s’écrase dans la forêt du Nord, avec à son bord, outre Ngouabi lui-même, le commandant Kakou, le Professeur Diamond, et l’homme d’affaires Nicoloso. Durant 5 jours, la Nation est sans nouvelle de Ngouabi et de ses compagnons. Les épurés, c’est-à-dire les victimes de la radicalisation, tentent de reprendre la main. La CSC, Syndicat unique affilié au PCT, appuyé par une partie de l’UJSC, déclenche une grève générale de l’ensemble des travailleurs pour réclamer la réhabilitation du Comité Central. Thystère-Tchicaya, numéro deux du régime, parvient à faire échec au mouvement. Pendant ce temps, après avoir traversé la forêt à pied plusieurs jours durant, Ngouabi atteint enfin Owando. Il est le seul survivant du crash avec Kakou. De retour à Brazzaville, il fait le ménage à la tête de la CSC, où Jean-Michel Bokamba-Yangouma remplace Anatole Kondho, et à l’UJSC où Jean-Pierre Gombe prend la place de Jean-Jules Okabando.

En novembre 1976, se tient une conférence du parti pour analyser le processus historique de la révolution et ses perspectives. Les préparatifs du troisième Congrès extraordinaire du PCT y sont entamés.

Les mines de potasse de Holle s’ennoient. Accident ou sabotage ? Pour Ngouabi, le doute n’est pas permis, il s’agit d’un sabotage délibéré de l’impérialisme français. Les potasses d’Alsace qui les exploitent, voulaient les fermer depuis plusieurs années parce quelles les jugent non rentables. Par ailleurs, les incursions des indépendantistes cabindais du FLEC sur le territoire congolais pour saboter la voie de réalignement du CFCO en construction, alourdissent le climat politique.

Début mars 1977, Ngouabi reçoit une lettre de son prédécesseur Massamba-Débat. Dans sa missive, celui-ci lui recommande de démissionner, car la gravité de la situation du pays l’impose. Le 3 mars, il reçoit en audience l’ancien président et son épouse. Quelques jours plus tard, lors d’un meeting populaire organisé par l’URFC, il s’en prend violemment à l’impérialisme français qu’il tient pour responsable des difficultés économiques du Congo. Il y prononce également cette phrase curieuse :

« Lorsque ton pays est sale et manque de paix durable, tu ne peux lui rendre sa propreté et son unité qu’en le lavant avec ton sang».

Le 18 mars, il commence sa journée par la Faculté des Sciences de l’Université de Brazzaville, où il est chargé de cours en première année. De retour à l’État Major, il reçoit successivement en audience Alphonse Mouissou-Poaty, le Président de l’Assemblée nationale et le cardinal Emile Biayenda. À 14 h 30, un commando armé entame une fusillade dans l’enceinte de sa résidence. Quelques minutes plus tard, il est conduit en urgence à l’hôpital militaire de Brazzaville. Peu de temps après le médecin légiste le déclare mort, constate que le corps du président est criblé de balles mais porte des vêtements neufs.

Les commanditaires de cet assassinat ne sont pas identifiés.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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