Marcus Garvey, militant.

Marcus Mosiah Garvey, né le 17 août 1887 à Saint Ann’s Bay, Jamaïque, et mort le 10 juin 1940 à Hammersmith, Londres, est un militant noir du XXe siècle, considéré comme un prophète par les adeptes du mouvement rastafari, d’où son surnom « Moses » (« Moïse » en français) ou « The Black Moses » (« Le Moïse noir »).

Précurseur du panafricanisme, il se fait le chantre de l’union des Noirs du monde entier à travers son journal The Negro World et le promoteur obstiné du retour des descendants des esclaves noirs vers l’Afrique (ce qu’on appelle le « Back to Africa » ou le « Repatriation » notamment dans la culture rasta).


Marcus Garvey naît en Jamaïque en 1887, un an après l’abolition de l’esclavage à Cuba, dans une île opprimée où règne la ségrégation raciale (apartheid) ; les conditions de travail n’y ont pas vraiment changé depuis l’abolition de l’esclavage. Beaucoup de Jamaïcains ont ainsi émigré à Panama pour travailler sur le chantier du célèbre canal. À cette époque, l’Afrique est en proie à la colonisation européenne mais certains Afro-Caribéens parviennent tant bien que mal à y partir, notamment au Liberia.

Marcus Garvey est d’abord un musicien qui joue de l’orgue à l’église, et bien qu’entouré d’analphabètes, il est passionné de lecture. Ce chrétien descendant des Marrons est employé chez un imprimeur et participe à un syndicat qui l’élit meneur lors d’une grève ; il est alors renvoyé de son travail. Il devient vite un orateur de premier plan, un journaliste (il fondera bientôt le journal Garvey’s Watchman) et un militant politique.

De 1910 à 1914, il voyage en Amérique latine (Venezuela, Colombie, Équateur et Amérique centrale) pour y constater la condition dans laquelle évoluent ses « frères noirs ». Il fonde au cours de ses voyages les journaux La Prensa au Panama et La Nacionale au Costa Rica. En 1912, il effectue un voyage en Europe (Londres, Paris, Madrid, etc) où il est souvent pris pour un roi africain1. À Londres, il intègre la rédaction de The African Times, fondé par le journaliste égyptien Dusé Mohamed Ali. Il y partage l’enthousiasme pour le Wafd, le parti indépendantiste égyptien, et s’intéresse au nationalisme irlandais. De retour en Jamaïque en 1914, il y fonde l’organisation qui deviendra l’UNIA en 1917.

En 1916, il arrive aux États-Unis où il rencontre les mouvements visant à l’émancipation des Afro-Américains. Il parcourt les États du Sud pendant six mois, parfois au péril de sa vie.

L’année suivante, en 1917, il fonde l’Association universelle pour l’amélioration de la condition noire (United Negro Improvement Association, UNIA, toujours en activité). La devise de cette association était « Un Dieu ! Un But ! Une Destinée ! » (« One God! One aim! One destiny! »). Il devient un des premiers meneurs importants de la cause noire. Elle nait dans un contexte particulier : dans les années 1910, la détérioration de la situation économique et raciale dans le sud des États-Unis conduit à une migration des travailleurs noirs vers le Nord, où les industries recherchent de la main d’œuvre. Cet afflux de main d’œuvre permet au patronat de baisser les salaires et de briser les grèves, entrainant des tensions entre ouvriers noirs et ouvriers blancs.

Installé à Harlem au lendemain de la Première Guerre mondiale, de 1918 à 1922, Marcus Garvey est mondialement connu. Il tente de profiter de l’importance de son organisation, au moment où se pose la question du partage des ex-colonies africaines de l’Allemagne vaincue, pour conforter son plan d’une réhabilitation des Afro-Américains sur des territoires qui constitueraient une nouvelle « Terre Promise ». Ne croyant pas que les Afro-Américains pourraient vivre libres et respectés hors d’Afrique, il veut unifier les Noirs internationalement, et réclame le droit au « rapatriement » en Afrique (au Liberia le plus souvent) des « gens de couleur » de tous pays. Il lance en 1918 une pétition adressée à la future Société des Nations pour convertir les anciennes colonies allemandes en un État indépendant. La pétition est rejetée et les puissances européennes se partagent les colonies.

Malgré son opposition politique aux Afro-Américains partisans de l’intégration (menés par Du Bois), la stature de Garvey n’aura sans doute pas d’équivalent au XXe siècle dans la lutte pour la liberté de « son peuple »[réf. nécessaire]. Il est à l’origine de la célèbre formule « La peau noire n’est pas un insigne de la honte, mais plutôt un symbole de grandeur nationale ».

Tandis que la révolution russe bat son plein, il se rallie à sa manière à la lutte des classes. Il soutient Ho Chi Minh (qui avait d’ailleurs assisté à l’une de ses conférences), Gandhi, et salue avec respect l’œuvre de Lénine et Trotsky. Mais tandis que Trotsky considère comme essentielle l’unification de tous les hommes opprimés, et ce sans les diviser par la couleur de leur peau, la vision de Garvey passe par la race d’abord ; une doctrine « nationaliste noire » radicale qui l’oppose aux mouvements intégrationnistes de gauche.

Des réseaux de garveyites s’organisent dans le monde entier, avec des antennes dans chaque grande ville, usant de cérémoniaux et d’uniformes militaires et quasi religieux (comme à l’époque des spirituals – un moyen de se protéger d’une répression pour sédition).

Le père de Malcolm X, un pasteur qui d’après ses proches aurait été assassiné en 1931 par la Black Legion, une organisation proche du Ku Klux Klan, est un de ses adeptes les plus convaincus. À ce propos, un rapprochement a été évoqué entre l’organisation raciste et Garvey, qui aurait même participé à des rassemblements du KKK au péril de sa vie (en réussissant donc à ne pas se faire pendre). Cette rumeur d’une convergence idéologique « contre nature » aussi dangereuse demeure de nos jours via certains médias, même si on sait seulement que le 25 juin 1922 à Atlanta un tête-à-tête diplomatique de deux heures réussit à avoir lieu entre Marcus Garvey et Edward Clarke, numéro 2 du Klan. Une « avancée » dénoncée simultanément par la plupart des membres de l’UNIA et les autres organisations en faveur de la cause noire, et sans doute considérées comme abhorrées par les klanistes (qui ne tarderont pas à exclure Clarke)3. Garvey avait déjà défié le KKK en les invitant à venir à Harlem où il pourrait « se mesurer aux 15e et 18e régiments noirs » (qui combattirent pendant la Première Guerre mondiale). La motivation était alors de cimenter l’unité des Noirs tout en voulant œuvrer, de fait, d’égal à égal avec les « rednecks » et les autres Blancs.

Au-delà des péripéties supposées ou avérées, il crée en 1919 la Black Star Line, une compagnie maritime censée servir le projet de rapatriement vers l’Afrique (clin d’œil à la White Star Line, l’armateur du Titanic qui a sombré quelques années plus tôt). Pour financer l’investissement dans sa flotte, Garvey fait appel à une large souscription auprès des Afro-Américains. Ainsi, ces derniers deviennent actionnaires de la compagnie. La Black Star Line desservait les Antilles, les États-Unis, et avait pour but de relier l’Amérique à « la terre mère africaine ».

Considérant que le chômage fait au moins autant de dommages que l’esclavage révolu, il fait la tournée du pays pour promouvoir son initiative et recueillir des investissements dans le but de créer une véritable économie parallèle et souterraine. Il est suivi par 250 000, voire 300 000 sympathisants. Les autorités fédérales commencent alors à s’intéresser à lui.

Garvey fonde des usines, des réseaux de distribution ainsi que deux journaux. Le plus important est Negro World qui donne des nouvelles de l’UNIA partout où elle se trouve, publie des discours de Garvey et des nouvelles qui ne sont pas rapportées dans les autres journaux. Tous les gouvernements coloniaux s’opposent au Negro World, pensant qu’il incite les gens à se rebeller contre eux. Le journal est ainsi interdit dans plusieurs pays africains, caribéens, ainsi qu’au Royaume Uni et en France.

Le FBI suit chacun de ses mouvements et tente d’établir une liste de ses contacts. L’objectif est de compromettre la réputation de Garvey et la réputation de l’UNIA. En passant au crible les opérations de la Black Star Line — compagnie maritime liée financièrement à l’UNIA — les services fiscaux concluent à des fraudes. Accusé d’escroquerie, Garvey est poursuivi en 1922 avec trois de ses associés par les tribunaux. Emprisonné, il est ensuite laissé en liberté surveillée. En 1925, sa condamnation est confirmée et il est incarcéré au pénitencier fédéral d’Atlanta.

Il perd alors de son influence. D’une part il n’a pas une connaissance aussi approfondie que Du Bois des nations et des sociétés africaines. Ensuite ses propos hostiles au métissage, auquel il reproche de favoriser l’assimilation culturelle des peuples noirs, ne sont pas compris par beaucoup de sympathisants de l’UNIA.

Craignant d’en faire un martyr (les pétitions et rassemblements de soutien se succédaient), le président Calvin Coolidge commue sa sentence en 1927. Garvey est envoyé en exil en Jamaïque et interdit de séjour aux États-Unis.

Bien que d’abord rejeté dans son propre pays, il devient un héros national jamaïcain et un exemple retentissant dans toute l’île. De nombreux Jamaïcains écoutent avec beaucoup d’enthousiasme les allocutions de Garvey organisées dans les mois qui suivent son retour. La vie politique de l’île s’en trouve bouleversée.

En dépit de cette ambiance sympathique et animée, Garvey se trouve à l’étroit et, en 1935, il part pour l’Angleterre. De là, il surveille la régression internationale de son mouvement. Il meurt d’une crise cardiaque le 10 juin 1940 à Londres sans jamais atteindre l’Afrique.

La maison où il est mort, au no 53 Talgarth Road dans le quartier londonien d’Hammersmith (actuellement sur la route nationale A4) est signalée par une plaque depuis 2005.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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