Marcellin Berthelot, chimiste, biologiste et homme politique.

Pierre Eugène Marcellin Berthelot (parfois orthographié Marcelin), né le 25 octobre 1827 à Paris où il mourut le 18 mars 1907, est un chimiste, physico-chimiste, biologiste, épistémologue et homme politique français. À la suite de sa participation à l’effort de guerre de 1870 contre l’Allemagne, il est élu sénateur, puis nommé ministre des Affaires étrangères et ministre de l’Instruction publique. En politique, il est connu pour avoir soutenu l’effort pour l’investissement dans les nouvelles technologies et l’aide aux  populations paysannes et ouvrières. Il s’est également intéressé à la philosophie et à l’histoire des sciences en Orient.


Pierre Eugène Marcellin Berthelot naît à Paris dans une maison située au coin de la rue du Mouton (absorbée dans l’actuelle place de l’Hôtel-de-Ville) et de l’ancienne place de Grève. Son père, Jacques-Martin Berthelot, est médecin et un républicain convaincu, qui se dévoue sans compter lors de l’épidémie de choléra de 1832 et pour aider les blessés sur les barricades. Berthelot fait de brillantes études en pension au lycée Henri-IV et intègre la 6e à dix ans seulement. Il excelle entre autres en histoire et en philosophie (prix d’honneur de philosophie au concours général). Il étudiera longtemps la philologie et la philosophie orientale au Collège de France en compagnie de Renan notamment.

Berthelot fait la connaissance de Renan au lycée Henri-IV ; celui-ci avait quitté le séminaire et travaillait dans cet établissement comme maître d’études ; ils nouèrent une amitié qui devait durer jusqu’à la mort. Leurs correspondances publiées après la mort de Berthelot évoquent les nombreuses oppositions de religieux, mais également des ligues d’extrême-droite auxquels ils durent faire face. Marcellin Berthelot et Renan s’étaient engagés l’un vis-à-vis de l’autre de ne pas faire de grande école à l’inverse des intellectuels de l’époque, ils effectuent donc des études l’un à la Sorbonne (Renan), l’autre à la Faculté des sciences de Paris et à la Faculté de pharmacie (Berthelot). Ce choix correspond pour Berthelot à la nécessité de ne pas être contraint par des manières formatées de pensée, problème de ses contemporains qu’il développe longuement dans son ouvrage Sciences et morales. Dans la même logique, au moment où il fut reçu à l’Académie, il refusa de porter l’habit d’académicien. Sa volonté de donner tous ses brevets non seulement à l’État mais à l’humanité répond à cette logique. On peut remarquer qu’aucun de ses fils ne décida de présenter le concours d’une grande école.

Berthelot, carte maximum, France.

Il se marie avec Sophie Niaudet, nièce de Louis Breguet, qui avait été éduquée par sa mère de manière extrêmement stricte en suivant des principes issus du calvinisme. La famille Breguet, suisse d’origine, était en effet calviniste depuis le XVIe siècle. Sophie inculqua les valeurs de la pensée calviniste à ses enfants et ses idées eurent une influence importante sur son mari.

Il étudie ensuite à la faculté des sciences de Paris. Très jeune, il devient l’ami de Joseph Bertrand, de Victor Hugo et de la famille Clemenceau.

Marcellin Berthelot commence vraiment ses recherches dans le laboratoire privé de Théophile-Jules Pelouze, où il peut expérimenter à sa guise. Il entre au Collège de France en 1851, comme préparateur d’Antoine-Jérôme Balard. Comme plusieurs autres chimistes de son temps, il étudie les composés organiques de nature complexe. Il obtient son doctorat en 1854, à l’âge de 27 ans, avec une thèse sur la structure et la synthèse des graisses et sur les combinaisons du glycérol avec les acides.

Berthelot, épreuve d’artiste.

Il continue ses fructueuses recherches sur les synthèses organiques. À la suite d’une série d’articles sur le glucose, parus en 1859 et remarqués par Jean-Baptiste Dumas, il est nommé la même année professeur à l’École supérieure de pharmacie. Six ans plus tard, en 1865, sur  recommandation de Balard, il devient professeur de chimie organique au Collège de France, avec une chaire spécialement créée à son intention. Il enseigne également à l’École pratique des hautes études, établissement dont il avait soutenu la création avec Renan (son fils André Berthelot en sera plus tard le directeur adjoint, dans un tout autre registre puisqu’il sera professeur d’histoire et philosophie anciennes). Outre la chimie, le domaine de ses intérêts était extrêmement large, englobant les médicaments, les explosifs (travaux qui l’ont conduit à devenir président de la Société des explosifs) et la physiologie végétale.

Le 2 septembre 1870, lors du déclenchement de la guerre franco-allemande, profondément patriote, Berthelot demande à participer à l’effort de guerre et est nommé au Comité scientifique de défense. Il est alors membre puis président du comité consultatif du Service des poudres et salpêtres de France, puis président de la Commission des substances explosives. Il encadre la fabrication des canons et expérimente de nouvelles formules de poudre. Il est également chargé d’établir les correspondances entre Paris investi et la province.

En 1871, les listes de candidats aux élections législatives sont établies par les journaux ou par des comités restreints ; aussi bien les journaux que les comités agissent de leur propre initiative, sans mandats. Les personnes portées sur ces listes sans leur accord ont la possibilité de se retirer par voie de presse. Berthelot figure sur les listes proposées par quatre journaux alors que, comme le rappelle Alain Corbin, il ne s’est pas présenté. Il arrive en 109e position, avec 30 913 voix et n’est donc pas élu. Il accepte de maintenir sa candidature afin de continuer son travail avec les comités auprès desquels il s’était engagé. Il est nommé inspecteur général de l’instruction publique en 1876. En juillet 1881, il devient sénateur inamovible.

En 1883, il fait connaître[réf. nécessaire] au grand public le rapport sur une mission confiée à Joseph-Charles d’Almeida par le Gouvernement de la Défense dont l’objet était d’établir des communications entre la province et Paris.

Dès son élection au Sénat, il prononce plusieurs discours contre les coupes dans le domaine de la santé publique. Il prône une politique  interventionniste afin d’aider les paysans et les ouvriers vivant dans des situations difficiles. Il combat pour la laïcisation des enseignements et la réforme de l’enseignement (il sera notamment favorable à l’École pratique des hautes études aux côtés de Renan et de Pasteur). Il occupera deux fonctions ministérielles importantes :

  • ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts, du 11 décembre 1886 au 17 mai 1887, dans le gouvernement René Goblet ;
  • ministre des Affaires étrangères, du 1er novembre 1895 au 23 avril 1896, dans le gouvernement Léon Bourgeois.

Il entre dans le comité de direction de La Grande Encyclopédie, où il prend la relève de Ferdinand-Camille Dreyfus pour les treize derniers volumes.

Berthelot, carte maximum, France.

Il a souvent été considéré comme l’un des grands « scientistes » et des « anti-atomistes », alors qu’il a expliqué dans de nombreux articles l’intérêt de l’atome et ses limites et il a défendu — malgré de très vives critiques à l’époque — l’importance d’investissements scientifiques dans les domaines de la santé publique, ce qui fut au centre de son engagement politique axé notamment sur l’aide aux populations les plus démunies (son grand-père était maréchal-ferrant et son père, médecin, soignait gratuitement sur les barricades lors des événements de 1848). Dès 1913, la communauté scientifique, prenant en compte les apports de John Dalton et les critiques de Berthelot et de William Hyde Wollaston, effectua une synthèse notamment avec le célèbre ouvrage de Jean Perrin, Les Atomes.

Étant, à la suite de Jean-Baptiste Dumas, un des membres les plus influents de l’École équivalentiste, selon laquelle « la chimie devait être une science strictement positive, c’est-à-dire une pratique expérimentale, libre de toute hypothèse superflue sur la structure exacte de la matière », il combat le vitalisme ainsi que l’atomisme scientifique tel que proposé par John Dalton, mais défend la spectroscopie. Comme le montre l’historienne des sciences Mary Jo Nye, il est l’un des premiers à montrer les limites des travaux de Gay-Lussac et d’Avogadro. Rare chercheur en sciences à être entré dans un gouvernement, il use de son prestige de ministre pour imposer jusque vers 1900 son école de pensée, c’est-à-dire le maintien de la science comme expérimentation et sans l’influence directe d’idéologie ou de postulats religieux25. En tant qu’adversaire des calculs de la masse atomique effectués dans la lignée de Dalton, il refusait les travaux portant sur ce sujet qui lui étaient adressés mais défendait la théorie atomiste pour la spectroscopie.

Marcellin Berthelot était un espérantophone et espérantiste distingué, dont le souvenir fut salué par Zamenhof lors du 3e congrès mondial d’espéranto de Cambridge le 12 août 1907. Il était membre du comité de patronage de l’ISAE, Association scientifique internationale espérantiste.

Après avoir étudié les explosifs et les moyens de les améliorer, Marcellin Berthelot est nommé président de la Société des explosifs. Dans ce domaine, il a notamment travaillé sur « le rôle des détonants par rapport à la force des explosions, et put ainsi déterminer de façon précise quel sera l’effet produit par une quantité donnée d’un explosif, comment et pourquoi cet effet se produira ». Il a contribué à la mise au point et à la production d’explosifs sans fumée, qui seront très utilisés durant la Première Guerre mondiale et par la suite.

En fin de carrière, il s’est aussi beaucoup intéressé à la physiologie végétale. À partir de 1882, il est alors âgé de 55 ans, il s’installe à Meudon et y cultive des champs expérimentaux dans les potagers de l’ancien château pour étudier les liens entre croissance végétale et électricité. C’est dans une tour de 28 mètres, installée dans les potagers de l’ancien château et qui existe toujours, qu’il étudie l’effet de l’altitude sur le potentiel électrique des plantes soumises à différentes hauteurs et d’éventuels effets sur certaines fonctions végétales. En exposant des plantes à de l’électricité à basse tension, il cherche à comprendre comment les végétaux synthétisent les « principes organiques », comment ils fixent l’azote libre de l’air dans la terre à l’aide de l’action microbienne, qui permet de conserver la « fertilité indéfinie » des sols naturels. Ces expériences l’amènent à prouver la fixation de l’azote par les microbes. Il produit l’électricité nécessaire à son laboratoire au moyen d’un moteur et d’une batterie d’accumulateurs.

Berthelot développe dans l’ouvrage Science et Morale une conception de l’humanisme visant à développer chez les individus des connaissances utiles à la société dans les domaines des sciences, des humanités, des sciences sociales, politiques et juridiques ainsi que dans le domaine de l’art (il est très proche de Victor Hugo), il défend la nécessité d’une  interdisciplinarité fondée sur une connaissance approfondie de chacun de ces domaines.

Comme le développe l’article « Berthelot » dans le Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson (philosophe et prix Nobel de la paix): « Pour Berthelot […], en dehors de la science, il n’y a pas de vraie philosophie. Ce point est d’une importance capitale et il y faut insister. On trouvera, dans la célèbre lettre à Renan, écrite en 1863, l’exposé de cette doctrine centrale sur laquelle Berthelot n’a jamais varié et dont les idées maîtresses reparaîtront, aussi fermes, aussi rigoureuses, dans des écrits publiés quelque trente ans plus tard. Elle est dominée toute par la distinction entre la science positive et la science idéale. La première se propose pour but d’établir les faits ainsi que les relations immédiates qui les unissent, et cela en s’aidant de l’observation et de l’expérimentation seules (les mathématiques elles-mêmes, ces merveilleux ouvrages de la pensée pure, ne donnent des conclusions pratiquement valables que si valables ont été les données initiales de leurs raisonnements). Ces relations deviennent à leur tour des termes que peuvent unir, toujours sous le contrôle de l’expérience, des relations plus générales, comme autant de chaînes que d’autres chaînes relient. Et ainsi la science positive a beau étendre, multiplier les relations ou lois qu’elle embrasse, elle ne perd jamais pied avec le réel, mais bien au contraire demeure en immuable conformité avec lui. »

Comme le rappelle le Professeur Boutaric (Faculté des Sciences de Dijon)28 : Berthelot développe une philosophie « moins dogmatique que celle d’Auguste Comte ». Il défend une philosophie « qui n’assigne aucune borne au champ de l’investigation scientifique ». Il rappelle que « Nos théorie présentes (…) paraitront probablement aussi chimériques aux hommes de l’avenir que l’est aux yeux des savants d’aujourd’hui la théorie du mercure des vieux philosophes. »

Berthelot avait maintes fois répété à ses enfants : « Je sens que je ne pourrai survivre à votre mère » (son épouse Sophie Berthelot, née Niaudet, qui était malade). Il meurt quelques minutes après la disparition de celle-ci, le 18 mars 1907. Les causes de sa mort n’ont pas été élucidées. Certains l’ont attribuée à l’angine de poitrine dont il souffrait depuis longtemps, mais pour Jean Jacques, les circonstances font penser au suicide. Georges Lyon, son gendre (mari de sa fille, Marie-Hélène Berthelot) écrit à Louis Breguet (oncle de Sophie Niaudet, épouse Berthelot) qu’il était très faible depuis longtemps et que la douleur l’emporta.

Source : Wikipédia.

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