Manon Roland, salonnière et femme politique.

Manon Roland, née Jeanne Marie Phlipon le 17 mars 1754 à Paris, et guillotinée dans la même ville le 8 novembre 1793, est une salonnière et personnalité politique française.

Égérie des Girondins puis, plus tard, des Romantiques ; elle fut une des figures de la Révolution française et joua un rôle majeur au sein du parti girondin. Elle poussa son mari, Jean-Marie Roland de La Platière, au premier plan de la vie politique de 1791 à 1793.

Jeanne Marie Phlipon est la fille de Marguerite Bimont et de Gatien Phlipon – ou Phlippon – maître graveur à Paris au no 41 quai de l’Horloge, homme aisé mais joueur et coureur de jupons. Placée en nourrice jusque l’âge de deux ans elle est la seule survivante des sept enfants du couple et concentra toute l’affection de ses parents. Enfant pieuse et très intelligente, au caractère ferme et résolu, Manon montra de grandes aptitudes pour les études, un esprit vif et enthousiaste. À quatre ans, elle savait déjà lire. Un frère de sa mère, l’abbé Bimont, lui apprit le latin. À huit ans, elle se passionna pour la lecture de la Vie des hommes illustres de Plutarque qui resta un de ses auteurs favoris et elle avait lu la Bible, le Roman Comique de Scarron, un traité des Guerres civiles d’Appien, les Mémoires de Pontis et de mademoiselle de Montpensier, un traité sur l’Art héraldique. Elle lit ensuite Fénelon, Le Tasse et Locke. Bossuet, Massillon, et d’autres philosophes tels Montesquieu ou Voltaire.

À sa demande, elle est placée, en mai 1765, au couvent des Augustines de la Congrégation de Notre-Dame, rue Neuve-Saint-Étienne, à 11 ans, où elle se lie d’amitié avec Sophie et Henriette Cannet originaires d’Amiens. Manon entretient avec ses deux amies une correspondance suivie après leur sortie du couvent.

Avec la maturation de son esprit, elle abandonne l’idée de rester au couvent. Lorsque sa mère meurt, alors qu’elle a une vingtaine d’années, la jeune fille se consacre à l’étude, et à la tenue du ménage de son père. La lecture de la Nouvelle Héloïse parvient à la consoler du profond chagrin qu’elle éprouve et Jean-Jacques Rousseau reste son maître.

En 1774, elle séjourne quelque temps au château de Versailles, ressentant comme une insulte le mépris dans lequel la noblesse tient les bourgeois. Manon n’oublie jamais la haine qu’elle ressent alors.

Belle, l’attitude ferme et gracieuse, le sourire tendre et séducteur, la fille du graveur a de nombreux soupirants, mais refuse toutes les propositions de mariage, dictant à son père les lettres de refus.

En 1776, par l’intermédiaire de ses deux amies amiénoises (notamment de Sophie, devenue Mme de Gomicourt en épousant Pierre Dragon Gomicourt, seigneur de Sailly-le-Sec), elle fait la connaissance de Jean-Marie Roland de La Platière, économiste réputé, d’une grande intelligence, inspecteur du commerce et des manufactures de Picardie, lié à Amiens avec la famille Cannet4. Le vertueux et sévère Roland, de vingt ans son aîné, s’éprend de Manon et demande sa main. Le père de Manon, auquel sa fille demandait des comptes de tutelle, commença par opposer un refus à la demande de Roland. Celui-ci, avant de connaître Manon, avait aimé Henriette Cannet, qu’il avait même envisagé d’épouser. Âgée de 26 ans, n’ayant pas besoin de l’accord paternel pour se marier, Manon se retira dans un couvent, où elle s’exerça à vivre avec les 530 livres de rente qui formaient toute sa fortune ; cinq mois plus tard, les difficultés s’aplanirent, et le mariage fut célébré le 4 février 1780.

Manon Roland, carte maximum, Paris, 24/06/1989.

Toute sa vie, elle coopérera au travail de son mari, co-rédigeant avec lui ses discours académiques, ses traités techniques, ses rapports d’inspecteur des manufactures, ses articles pour l’Encyclopédie méthodique et, pendant la Révolution, ses textes ministériels. La vie conjugale n’enchante guère Manon Roland mariée, non par amour, mais plutôt pour échapper à la tutelle de son père. Elle n’éprouve guère que de l’affection pour son mari. La vie quotidienne menée aux côtés de l’inspecteur des manufactures, avec qui elle collabore sur le plan professionnel, sans se préoccuper de ses aspirations propres, ne l’épanouit pas : Mariée dans tout le sérieux de la raison, avoua-t-elle dans ses Mémoires, je ne trouvais rien qui m’en tirât ; je me dévouais avec une plénitude plus enthousiaste que calculée. À force de ne considérer que la félicité de mon partenaire, je m’aperçus qu’il manquait quelque chose à la mienne.

La première année de leur mariage, ils vivent un an à Paris, où son mari a été appelé par les intendants du commerce qui voulaient faire de nouveaux règlements. En février 1781, le couple Roland s’installe à Amiens, où ils restent quatre ans, pour le travail dont Roland s’était chargé, d’une partie considérable de l’Encyclopédie méthodique. Elle donne naissance à leur fille : Eudora Roland (1781-1858). Passionnée de botanique, Manon, qui a suivi, en 1780, les cours d’histoire naturelle du Jardin du roi, herborise le long des canaux aux abords de la ville et constitue un herbier aquatique utile à son mari, qui publie l’ouvrage, l’Art du tourbier, en 1782.

Apprenant que la place d’inspecteur des manufactures à Lyon est vacante, elle postule pour son mari ; c’est ainsi que le couple, en août 1784, quitte Amiens et s’installe à Villefranche-sur-Saône dans la maison paternelle de Roland où vivait encore sa mère. Acquise aux idées des Lumières, Manon Roland écrit des articles politiques pour le Courrier de Lyon.

La Révolution, qui l’enflamme d’un ardent patriotisme, lui donne l’occasion de mettre un terme à sa vie terne et monotone. En raison de l’ascension politique du mari, le couple s’installe à Paris en décembre 1791 à l’hôtel Britannique, rue Guénégaud, les époux dormant désormais dans une chambre à deux lits. Enthousiasmée par le mouvement qui se développe, elle se jette avec passion dans l’arène politique.

Manon Roland décide d’accueillir dans son salon de nombreux hommes politiques influents, dont Brissot, Pétion, Robespierre et d’autres élites du mouvement populaire dont notamment Buzot. Il est presque inévitable qu’elle-même se retrouve au centre des inspirations politiques et préside un groupe des plus talentueux hommes de progrès.

Grâce à ses relations au sein de la Gironde, Roland devient ministre de l’Intérieur le 23 mars 1792. Dès lors, dans l’hôtel ministériel de la rue Neuve-des-Petits-Champs (l’hôtel de Calonne construit par Le Vau), Manon Roland devint l’égérie du parti girondin. Barbaroux, Brissot, Louvet, Pétion, et aussi Buzot auquel la lie une passion partagée, assistent aux dîners qu’elle offre deux fois par semaine. Manon Roland, cependant, reste fidèle à son mari, ce vénérable vieillard qu’elle chérit comme un père.

À ses côtés, elle joue, au ministère de l’Intérieur, un rôle essentiel, rédigeant notamment la lettre dans laquelle Roland demande au roi de revenir sur son veto, lettre qui provoque son renvoi le 13 juin 1792. Lorsque son mari retrouve son portefeuille après la prise des Tuileries, le 10 août 1792, Manon Roland dirige plus que jamais ses bureaux.

Après les massacres de Septembre, qui la révoltent mais contre lesquels elle n’agit pas, elle voue à Danton une haine féroce. Dans une lettre en date du 9 septembre, elle écrit sans illusions : […] Danton conduit tout ; Robespierre est son mannequin, Marat tient sa torche et son poignard ; ce farouche tribun règne et nous ne sommes que des opprimés, en attendant que nous tombions ses victimes. Aussi entière et acharnée dans ses haines que dans ses affections, l’égérie des Girondins attaque Danton de plus en plus violemment par la voix de Buzot. Sachant d’où viennent ces attaques, le tribun s’écrie : Nous avons besoin de ministres qui voient par d’autres yeux que ceux de leur femme. Manon Roland, dès lors, devient furieuse. Cependant, les Montagnards multiplient les attaques contre les Girondins, en particulier contre Roland surnommé dans le Père Duchesne « Coco Roland », Manon Roland devenant « Madame Coco » ou « la reine Coco ».

Lassé des attaques, le ministre de l’Intérieur démissionne le 23 janvier 1793. Son épouse et lui s’éloignèrent du pouvoir, sans renoncer à jouer dans l’ombre, un rôle politique.

Le 31 mai 1793, lors de la proscription des Girondins, elle ne fuit pas, comme elle aurait pu le faire et comme le font, entre autres, son mari et Buzot. Son époux s’échappe vers Rouen, mais Manon Roland se laisse arrêter le 1er juin 1793 à son domicile situé au second étage du no 51 rue de la Vieille Bouclerie ; elle est incarcérée dans la prison de l’Abbaye. Détachée de la vie, libérée de la présence de son mari, elle ressent son arrestation comme un soulagement qu’elle décrit à Buzot dans une de ces pages de la correspondance passionnée et déchirante qu’ils échangent alors : Je chéris ces fers où il m’est libre de t’aimer sans partage. Le 22, elle écrit au même, avec une farouche détermination : Les tyrans peuvent m’opprimer, mais m’avilir ? jamais, jamais ! Relâchée le 24 juin, pendant une heure, elle est à nouveau arrêtée et placée à Sainte-Pélagie puis transférée à la Conciergerie où elle reste cinq mois.

En prison, elle est respectée par tous les gardiens et certains privilèges lui sont accordés. Elle peut ainsi avoir de quoi écrire et recevoir des visites occasionnelles de ses amis dévoués. Elle y reçoit la visite de son amie Henriette Cannet qui lui propose d’échanger leurs vêtements pour qu’elle puisse s’échapper, ce qu’elle refuse. C’est à la Conciergerie qu’elle écrit son Appel à l’impartiale postérité, mémoires destinés à sa fille Eudora où elle montre une étrange alternance entre louanges personnelles et patriotisme, entre l’insignifiant et le sublime.

Elle est jugée le 8 novembre 1793. Tout de blanc vêtue, elle se présente devant le Tribunal révolutionnaire. Le procès se déroule entre 9 h et 14 h 30, et la sentence est mise à exécution le soir même, en même temps qu’un autre condamné, Simon-François Lamarche, ancien directeur de la fabrication des assignats, accusé de s’être rendu aux Tuileries, auprès du roi, le 9 août (“la journée finissait et déjà la brume légère et la cendre grise du crépuscule enveloppaient les rues de Paris”). Quand la charrette arriva devant Saint-Roch, des forcenés les accablèrent d’injures, leur montrant le poing et criant : « À la guillotine ! à la guillotine ! » sans paraître la troubler. Se penchant vers Lamarche, de plus en plus accablé, elle tâcha de lui rendre un peu de courage et parut y parvenir. La charrette s’arrêta au pied de l’échafaud à 5 heures et quart. Elle aurait dû être exécutée avant Lamarche, mais c’est le contraire qui eut lieu. Elle aurait proposé à ce dernier de passer le premier, mais cela paraît aussi apocryphe que la fameuse exclamation qu’elle aurait prononcée en montrant à l’échafaud : « Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! », qui est une invention du poète romantique Lamartine.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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