Lycée Louis-le-Grand (Paris).

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Le lycée Louis-le-Grand est un établissement d’enseignement secondaire et supérieur public français. Il est situé le long de l’ancien cardo de Lutèce, au 123 de la rue Saint-Jacques, dans le 5e arrondissement de Paris, en plein cœur du Quartier latin. Son origine remonte au XVIe siècle, puisqu’il fut fondé en 1550 comme collège jésuite dans l’hôtel parisien de Guillaume du Prat, évêque de Clermont (d’où son nom d’origine : Collège de Clermont).

Il a vu passer sur ses bancs trois présidents et neuf Premiers ministres de la Ve République.

Les élèves du lycée Louis-le-Grand sont souvent appelés des « magnoludoviciens », et l’établissement est couramment désigné sous le sigle LLG.

Depuis plus de quatre siècles, le destin tumultueux et brillant de Louis-le-Grand s’est trouvé étroitement mêlé à l’histoire de France.
Alors qu’il faisait l’objet d’attaques incessantes, et qu’il mena pendant plus de deux siècles une lutte ouverte contre l’Université de Paris, il a été régulièrement salué sous tous les régimes comme une référence exemplaire en matière d’éducation, de pédagogie et d’innovation.
On disait de lui en 1711, « Quelle province dans le royaume, quel royaume même dans l’Europe, qui n’admire l’éducation si cultivée et si chrétienne que tant de jeunes seigneurs ont reçue à Paris dans le collège de Louis-le-Grand ? ».

En pleine ère révolutionnaire, alors qu’il était devenu le “Prytanée français”, l’établissement devait, selon le ministre, apparaître « comme le modèle et comme le type qu’on pourrait proposer à tous les collèges ».
Et Chaptal disait à son tour de l’illustre maison de la rue Saint-Jacques qu’elle devait devenir « le premier lycée de France ».

En 1560, Guillaume du Prat, évêque de Clermont, lègue aux jésuites une somme de 6000 livres destinée à l’acquisition d’une habitation définitive, et une rente en vue d’assurer la subsistance de six pauvres escholiers.
Les jésuites achètent donc en 1563 la Cour de Langres, hôtel important situé rue Saint-Jacques. Cet ancien hôtel sera la cellule initiale du Collège de la Société de Jésus : toléré par l’Université, mais sans autorisation officielle, l’établissement ouvre ses portes le 1er octobre 1563.
Immédiatement, le succès dépasse toutes les espérances : les élèves se présentent en nombre important. Il faut agrandir le collège, en achetant et annexant les maisons mitoyennes de la rue Saint-Jacques.

Lycée Louis-leGrand, carte maximum, Paris, 18/05/1963.

Notre maison, c’est entendu, a été et reste un grand Lycée littéraire; chacun se réjouit de la renaissance de ses Terminales de “Philo”. Cela dit, son bilan scientifique a également su rester constamment à bonne hauteur (les Présidents de la République ayant choisi de venir y préparer nos écoles d’Etat ne sont pas tous passés par la Khâgne…) Gardons-nous d’ailleurs de tout simplisme; notre plus célèbre “ancien”, ayant fait plus que tenir la main potelée de la Marquise du Châtelet traduisant les Principiaen 1742 en son hôtel Lambert, c’est Voltaire qui est connu aujourd’hui comme principal vulgarisateur de Newton. N’est-ce-pas là une élégante preuve de ce que, dans un lycée qui s’honora du patronage de Descartes, la culture y est toujours en équilibre entre les fleurs de la rhétorique et les pointes de la science du temps ?

Cette haute qualité a été importante pour l’histoire de la mathématique, contribuant depuis toujours à une image positive de notre pays en sachant fournir le terreau nécessaire à l’éclosion de certains de nos meilleurs spécialistes.

Si ces derniers ne firent, pour la plupart, que recueillir dans nos classes l’impetus permettant d’aller coloniser Sorbonne et/ou Institut, d’autres mathématiciens associèrent autrement leur nom à Louis-le-Grand; par leur influence d’enseignants, ils surent perpétuer la vitalité de notre école mathématique.

Lycée Louis-le-Grand, essais de couleurs.

Rappeler quelques noms de ces professeurs rend justice à la qualité de leur travail. La place manque ici, et une liste trop longue lasserait mais qu’on nous permette de citer quelques “incontournables”: Louis-Paul-Emile Richard (1827/1847), père de Galois, Le Verrier et Hermite (excusez du peu), Jean-Claude Bouquet (1858/1867), (ENS 1839), docteur en 1843, professeur à l’Ecole Normale en 1868 et à la Sorbonne en 1873, académicien en 1875, et surtout le célèbre Jean-Gaston Darboux (1867/1872), (ENS 1861), Grand Maître de la Théorie des Surfaces, professeur à l’Ecole Normale en 1872 et à la Sorbonne en 1873, académicien en 1884, à qui l’on doit notamment une présentation de la notion d’intégrale encore en usage.
Leurs illustres élèves furent évidemment trop nombreux pour pouvoir être tous cités. N’évoquons qu’Evariste Galois (1881-1832),  Urbain Le Verrier (1811 – 1887), irascible calculateur et découvreur de planètes, et bien entendu Charles Hermite (1822-1902), sorte de Hugo dominant les mathématiques françaises entre Cauchy et Poincaré, algébriste et analyste dont on peut citer ici un article capital sur l’équation du cinquième degré (écrit à Louis-le-Grand), et la méthode conduisant à la transcendance de Pi.

On doit également au moins citer, fut-ce en passant, trois hommes encore vivants en 1940 : Jacques Hadamard (1865 -1963, ENS 1884), Emile Borel (1871-1956, ENS 1889) et Henri Lebesgue(1875 – 1941, ENS 1894) académiciens en 1912, 1921 et 1922, liés aux tempêtes sur les fondements des mathématiques du début du siècle.
L’aîné est surtout connu du public pour sa répartition des nombres premiers, aussi difficile et fameuse en son temps (1896), que le théorème de Fermat.

Lycée Louis-le-Grand, épreuve de luxe.

Les deux autres, dont l’histoire serait bien amusante à écrire, vécurent une amitié orageuse sur fond de rivalité scientifique et de goûts et de talents trop proches, qui finira par voler en éclats. Le premier enrageait de ce que son cadet ait su lui emprunter de quoi construire l’intégrale de Lebesgue (arme absolue de l’analyste). Le second jalousait le carnet d’adresses de l’autre, son habile union avec la fille d’un recteur  et son talent à manipuler clans et tribus pour en tirer un fauteuil de ministre; sans doute aujourd’hui peste-t-il encore de n’avoir même pas son bout de rue à Paris, contrairement à Darboux, Hermite, Galois, LeVerrier et – bien entendu – Borel. Cela dit, en leur domaine les deux hommes ne furent pas inférieurs à un Braque ou un Matisse.

Peut-être honorerait-on la continuité de l’histoire en ornant, par exemple, le fronton des classes contiguës, (heureusement aujourd’hui encore en usage), où Borel et Lebesgue s’aiguisèrent l’esprit, de cette forte maxime tirée du “testament pédagogique” de Charles Hermite :

“L’admiration, a-t-on dit, est le principe du savoir; je m’autoriserai cette pensée pour exprimer le désir qu’on fasse la part la plus large, pour les étudiants, aux choses simples et belles.”

La chronique de notre ami André Warusfel concernant les mathématiciens célèbres, anciens élèves de Louis le Grand, s’est enrichie récemment de quatre nouveaux noms : Pierre Louis Lions et Jean Christophe Yoccoz ont en effet reçu en août 1994, la médaille Fields, la plus grande distinction mondiale des mathématiques; suite logique, ils ont été élus membres de l’Académie des Sciences. En 2002, c’était le tour de Laurent Lafforgue, puis en 2010 de Cédric Villani de recevoir cette prestigieuse distinction.

Rappelons, qu’en Mathématiques, Pierre Louis et Jean Christophe furent successivement élèves de Denis Gerl, en classe de Terminale, puis de Jacques Chevallet et de Maurice Crestey, en classes préparatoires; l’un comme l’autre déclarent garder un très bon souvenir de leurs études à Louis le Grand. Laurent Lafforgue fut l’élève de Claude Deschamps en classe de XM’3 et Cédric Villani fut l’élève de Sylvie Marie en Math Sup, puis de Jacques Chevallet (encore lui) en XM.

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Sources : Wikipédia, Lycée Louis-le-grand, YouTube.