Luc Tuymans, artiste visuel.

Luc Tuymans (né le 14 juin 1958) est un artiste visuel belge réputé pour ses peintures qui examinent notre relation avec l’histoire et confrontent notre tendance apparente à l’ignorer. La Seconde Guerre mondiale est un thème récurrent dans son œuvre. Il est une figure clé de la génération des peintres figuratifs européens ayant acquis leur renom à une époque où beaucoup pensaient que le médium de la peinture avait perdu sa pertinence dans la nouvelle ère numérique.

Une grande partie du travail de Tuymans traite de la complexité morale, en particulier de la coexistence du « bien » et du « mal ». Ses sujets de prédilection couvrent autant des événements historiques majeurs tels que l’Holocauste que des thématiques apparemment sans importance, voire banales : papier peint, décorations de Noël ou encore, des objets du quotidien.

Peu colorées, les peintures figuratives de l’artiste sont traitées à coups de pinceau rapides de peinture mouillée. Tuymans peint à partir d’images photographiques ou cinématographiques tirées des médias ou de la sphère publique, ainsi que de ses propres photographies et dessins. Ses peintures sont souvent intentionnellement floues. L’effet de flou est le résultat de coups de pinceau délibérés, non pas d’une technique « d’essuyage ».

Les oppositions formelles et conceptuelles sont récurrentes dans le travail de Tuymans, qui précise à ce propos « la maladie doit apparaître dans la façon dont le tableau est peint, mais il existe toutefois un plaisir à le réaliser, une sorte de caresse de la toile ». Cette remarque reflète la forme sémantique que l’artiste apporte au contenu philosophique de son œuvre. Fréquemment allégoriques, ses titres ajoutent une couche d’images supplémentaire à son œuvre – une strate existant au-delà du visible. Le tableau Gaskamer (Chambre à gaz) exemplifie son utilisation des titres pour provoquer des associations dans l’esprit du spectateur. Dans son travail, le sens n’est jamais figé ; ses peintures incitent à la réflexion. Une autre caractéristique de l’œuvre de Tuymans est qu’il travaille souvent en série, une méthode qui permet à une image d’en générer une autre et par laquelle les images peuvent être formulées et reformulées à l’infini. Les images sont analysées et distillées à plusieurs reprises, et l’artiste produit un grand nombre de dessins, photocopies et aquarelles qui servent de préparation à ses peintures à l’huile8. Cependant, chaque tableau est achevé en un seul jour.


Durant la première phase décisive de son développement artistique, la peinture de Tuymans évolue rapidement et il participe à ses premières expositions individuelles et collectives. D’après le catalogue raisonné, il crée près de 200 peintures sur toile ou sur carton au cours de cette période. Sa première peinture connue date de 1972. En 1977, alors qu’il est encore aux études, il peint le premier tableau exposé au public, Autoportrait. Tuymans soumet cette toile au concours national de peinture en Belgique et le remporte.

Entre 1979 et 1980, Tuymans collabore avec Marc Schepers sur deux projets régionaux intitulés Morguen. Les artistes demandent à des familles d’un quartier d’Anvers de leur fournir des photographies sur l’histoire de leurs familles, enrichissant cette collection de documentation qu’ils ont eux-mêmes glanés sur le quartier. L’année suivante, le projet est publié dans le Tijdschrift voor levende Volkskunst (Journal de l’art populaire vivant) sous la forme d’un journal calqué sur le magazine historique Volksfoto. Six mois plus tard, les deux artistes se lancent dans un second projet  photographique, se concentrant cette fois sur le quartier des travailleurs autour de l’église Saint-André d’Anvers.

Entre 1980 et 1985, Tuymans décide de mettre la peinture entre parenthèses et se consacre au cinéma expérimental. Il réalise entre autres Feu d’artifice et prépare un long métrage semi-documentaire qui ne fut jamais réalisé. Certains extraits de film réalisés par l’artiste à cette époque lui serviront plus tard d’inspiration pour des peintures. Lorsque Tuymans reprend ses pinceaux en 1985, il change de technique et, depuis lors, ne passe jamais plus d’une journée sur une toile.

À partir de 1978, les peintures de Tuymans se focalisent sur la mémoire européenne de la Seconde Guerre mondiale, confrontant la célèbre question d’Adorno sur l’impossibilité de l’art après l’holocauste et « l’effondrement de toute tradition cohérente en peinture » décrit par Peter Schjeldahl. L’un des tableaux que Tuymans peint en 1986, intitulé Gaskamer (Chambre à gaz), représente la Chambre à gaz de Dachau. Cette peinture était basée sur une aquarelle qu’il avait réalisée sur place. Comme l’a écrit J.S. Marcus du Wall Street Journal, cette peinture « a simplifié les méthodes de peindre… a aplati la perspective, a atténué la couleur et le sens de la composition… Pour sauver la peinture, il la fait presque entièrement disparaître ». Parmi d’autres peintures de cette période, citons le polyptyque de 1988 Die Zeit (Le temps) où Tuymans combine un portrait du chef de file nazi Reinhard Heydrich avec deux tablettes d’épinards et un paysage urbain, et sa peinture de 1989 Die Wiedergutmachung (La réparation) représentant les yeux d’enfants tsiganes soumis aux expérimentations médicales nazies.

À la fin des années 1970, Tuymans commence à peindre des autoportraits et des portraits imaginaires, des individus anonymes et des personnages historiques et publics. A première vue, la plupart de ces images ressemblent à des portraits traditionnels ; l’approche est impartiale et non psychologique. Ses portraits ôtent toute individualité, laissant le corps tel un coquillage ; le visage devient pareil à un masque. Un autre exemple de ses portraits figuratifs n’est autre que Der diagnostische Blick (Le regard diagnostique), une série de dix peintures de 1992 d’après des images cliniques d’anatomie et de parties du corps que le peintre trouve dans un manuel de médecine sur les maladies physiques.

Comme l’écrit Meyer-Hermann dans le catalogue raisonné, l’artiste a d’abord élucidé sa démarche théorique dans une proposition – non réalisée – d’exposition de groupe intitulée Virus of the Vanities (Virus des Vanités). Il y définit des termes clés et développe une dialectique entre le « virus » comme représentatif du « culte », et la « vanité » en tant que projection de la « culture », opposant également « l’anecdotique » (que l’on retrouve dans des portraits ou natures mortes) au « symbolique » (que l’on retrouve dans les représentations du temps ou de la mort). Pour appuyer ses idées, Tuymans fait référence à neuf de ses peintures datant de 1978 à 1990.

La première exposition de Tuymans en Amérique du Nord, intitulée Superstition, se tient en 1994 à la Galerie David Zwirner (avant d’être présentée plus tard à la Art Gallery of York University à Toronto, à la Renaissance Society de l’Université de Chicago et à l’ICA Institute of Contemporary Arts de Londres). Superstition reflétait le scepticisme et l’indifférence spirituelle de l’humanité tels qu’ils se manifestent dans notre attitude face aux événements historiques récents.

Depuis 1995, la renommée internationale de Tuymans ne cesse de croitre. Il a participé à plus de 140 expositions de groupe et a eu 47 expositions individuelles en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Entre 1995 et 2006, Tuymans a créé 198 œuvres qu’il ordonne en peintures, peintures murales et tapisseries murales.

Organisée en 1995 à la galerie Zeno X d’Anvers et au musée des Beaux-Arts de Nantes, l’exposition Heimat offre une réponse directe aux événements politiques de l’époque en Flandre et cible directement le nationalisme flamand. Peintes cette année-là, les pièces présentées incluent The Flag, A Flemish Village (Le drapeau, un village flamand), le mémorial flamand Ijzertoren (Tour de l’Yser), un portrait de l’écrivain flamand Ernest Claes intitulé A Flemish Intellectuel (Un intellectuel flamand), et Home Sweet Home. Plusieurs des tableaux exposés dans l’exposition Heimat sont présentées l’année suivante (1996-97) dans l’exposition Face à l’histoire au Centre Georges Pompidou à Paris, une exposition qui tentait d’expliquer les réponses d’artistes modernes aux grands événements historiques et politiques des soixante dernières années. Dans une interview accordée à De Witte Raaf en 2014 au sujet de la série Heimat, Tuymans relate sa répulsion pour le parti politique flamand séparatiste d’extrême droite, le Vlaams Blok (Bloc flamand), un parti qui remporta son meilleur résultat électoral à Anvers jamais atteint en 1994. Tuymans déclarera sans ambages : « J’avais honte d’être anversois ».

En 1996, l’exposition Heritage organisée à la David Zwirner Gallery de New York propose dix nouvelles peintures du même titre, toutes inspirées de l’ambiance qui régnait aux États-Unis après l’attentat d’Oklahoma City. La série dépeint une imagerie américaine traditionnelle, presque stéréotypée : une peinture de deux casquettes de baseball (Heritage I) ; le Mont Rushmore (Heritage VII) ; un homme au travail (Heritage VIII) ; un portrait et un gâteau d’anniversaire (Heritage IX). La série inclut également un portrait de Joseph Milteer, riche membre du Ku Klux Klan (Héritage VI).

En 2000, Tuymans suscite l’attention avec sa série de peintures politiques Mwana Kitoko (Beautiful Boy), inspirée de la visite d’État du roi Baudouin de Belgique au Congo dans les années 1950. Après avoir été montrées en 2000 à la galerie David Zwirner, les toiles sont exposées l’année suivante dans le pavillon belge à la Biennale de Venise.

Lors de la Documenta 11 (2002) qui mettait à l’honneur les œuvres d’art politiques ou sociales, beaucoup s’attendaient à ce que Tuymans présente de nouvelles œuvres créées en réponse aux attaques du 11 septembre. Au lieu de cela, il présenta une simple nature morte exécutée à grande échelle, ignorant délibérément toute référence aux événements mondiaux, ce qui conduit inévitablement à des critiques négatives. Toutefois, Tuymans décrit sa décision comme une stratégie délibérée de « sublimation ». L’artiste justifie : « Dans Still-Life, l’idée de banalité devient plus grande que la vie, elle est poussée à un extrême impossible. Il ne s’agit en fait que d’une icône, d’une peinture presque purement cérébrale, plus comme une projection de lumière. Les attentats du 11 septembre 2001 visaient également l’esthétique, ce qui m’a donné l’idée de réagir avec une sorte d’anti-image, une idylle, bien qu’intrinsèquement tordue ».

Depuis 2007, Tuymans a participé à plus de 200 expositions collectives et eu plus de 30 expositions individuelles en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Au cours de cette période (2007-19), il a produit 180 œuvres qu’il a regroupées en peintures, peintures murales et tapisseries murales.

Organisée en 2007 à Zeno X, l’exposition Les Revenants aborde le thème de l’influence sociale des jésuites dans l’éducation. En 2007, une grande rétrospective est organisée par la Kunsthalle Műcsarnok à Budapest (2007-08) avant de voyager sous l’intitulé Luc Tuymans : Wenn der Frühling kommt à la Haus der Kunst in de Munich en 2008 et sous le titre Come and See à la Zachęta National Gallery of Art de Varsovie. Chaque lieu accueillant l’exposition présentait un ensemble différent de peintures. L’exposition personnelle de Tuymans en 2008 à la galerie David Zwirner, intitulée The Management of Magic, explore la « fascination Disney » de la société de consommation. De 2009 à 2011, cette exposition magistrale voyagea dans quatre villes d’Amérique du Nord : le Wexner Center for the Arts, le SFMOMA (San Francisco Museum of Modern Art), le DMA Dallas Museum of Art et le MCA Museum of Contemporary Art de Chicago avant d’arriver à sa destination finale en Belgique à BOZAR – Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.

Entre 2006 et 2008, des expositions personnelles consacrées à Tuymans sont organisées dans plusieurs lieux : à la Kunsthalle de Budapest en 2007-2008 (Műcsarnok), à la Galerie nationale d’art de Varsovie (Zachęta) et à la Haus der Kunst de Munich en 2008.

En 2012, l’artiste polonais Mirosław Bałka invite Tuymans à participer à un projet dans la ville où il a grandi : Otwock. Le projet consiste à interpréter l’histoire de la ville à travers des œuvres d’art réparties sur plus de vingt sites. Tuymans y présente le tableau Die Nacht (2012), qui fait référence à l’installation cinématographique épique de Hans-Jürgen Syberberg de 1985 sur l’histoire allemande. Au cours de la deuxième saison de 2012, ce tableau est accroché dans la chambre d’enfant de Bałka. Tuymans installe également des centaines de ballons noirs dans les ruines de Zofiówka, un ancien asile psychiatrique. En 1940, ce bâtiment faisait partie du ghetto d’Otwock, et en 1942, durant l’occupation nazie de la Pologne, ses habitants y moururent de faim, furent abattus ou envoyés au camp d’extermination de Treblinka.

Lors de l’exposition rétrospective intitulée Intolerance organisée par QM Gallery Al Riwaq à Doha en 2016, Tuymans a présenté une nouvelle œuvre intitulée The Arena I – VI. Ces œuvres dépeignent la violence de 1942. «Avec des similitudes visuelles avec The Third of May 1808, 1814 de Francisco Goya, la forte mise en évidence par Tuymans de personnages centraux entourés d’une vignette noircie et délabrée suggère une diaspora, une révolution ou une foule statique inquiète. Il y a un sentiment d’agression refoulée qui se cache sous la surface des formes ethniquement ambiguës et androgynes.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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