Lorenzo Lotto, peintre.

Lorenzo Lotto, né en 1480 à Venise et mort en 1556 à Lorette, est un peintre  vénitien, contemporain du Titien, qui a été actif entre la Vénétie, Bergame et la région des Marches en Italie.


Lorenzo Lotto passa son enfance et son adolescence à Venise, où il fut formé.

Élève de Giovanni Bellini selon Giorgio Vasari, pour qui Lotto, « ayant imité un temps la manière de Bellini, s’attacha ensuite à celle de Giorgione », il est plus souvent présenté comme l’élève d’Alvise Vivarini, en considération de la sévère monumentalité de ses premières œuvres.

Entre 1503 et 1504, il est documenté pour la première fois comme peintre à Trévise, où il exécute, en 1505, le Portrait de l’évêque Bernardo de’ Rossi, protagoniste de la vie culturelle trévisane et son protecteur.

L’œuvre austère, exposée au musée de Capodimonte, par sa plasticité et son sens aigu de la psychologie, trahit des influences antonellienne et nordique, tout en montrant une personnalité stylistique déjà formée.

L’Allégorie du Vice et de la Vertu, aujourd’hui à la National Gallery of Art de Washington, décore le couvercle qui jadis protégeait le portrait.

Lorenzo Lotto y réalise une image cryptée à travers l’élaboration originale de motifs allégoriques comme dans l’Allégorie de la Chasteté de 1505 ; autre couvercle d’un portrait non identifié, présentant en son centre une figure féminine rêveuse, sur laquelle un angelot ou un génie ailé déverse des pétales de fleurs ; à gauche, un satyre se penche derrière un tronc pendant qu’à droite, un autre s’adonne à des libations ; chez la femme, la voluptas, l’inclination au plaisir, est atténuée par la quies, un état en suspens de vision purificatrice loin de l’abandon inconscient au rêve.

Lotto, carte maximum, Paraguay.

Lui succéda le grand retable de l’église Santa Cristina al Tiveron, hameau de Quinto di Treviso, l’extraordinaire Sacra Conversazione de 1505, qui, prenant pour modèle le retable de San Zaccaria peint par Giovanni Bellini, adopte une composition plus fermée. Soulignée par l’entrecroisement des regards et des attitudes des personnages sacrés, elle est immergée dans une lumière froide et changeante, très éloignée de la production vénitienne d’alors.

Lotto, dans cette œuvre et dans les suivantes, se tourne vers l’art de Albrecht Dürer et celui des pays nordiques, dont il adopte le réalisme des détails, le pathétique de la représentation et cette vision d’une nature mystérieuse et inquiétante.

Avec l’Assomption du Duomo di Asolo et le Portrait du jeune homme à la lampe, du Kunsthistorisches Museum de Vienne, tous deux datés de 1506, se conclut l’expérience trévisane.

L’homme représenté s’appelle Broccardo Malchiostro, jeune ecclésiastique, secrétaire de l’évêque Bernardo de’ Rossi. Son identité est suggérée par les fleurs d’artichaut brodées sur la toile de brocart, que l’on retrouve sur ses armoiries, et par le jeu de mots BROCCATO – CARDO – BROCCARDO. La lampe que l’on aperçoit en haut à droite, sur un fond obscur, derrière le rideau, renvoie à la conjuration ratée organisée en 1503 contre lui et l’évêque De’ Rossi.

Fort d’une notoriété acquise en peu de temps, le peintre est invité en 1506 dans les Marches par les dominicains de Recanati, avec lesquels il entretiendra sa vie durant de bons rapports.

En 1508, il termine le grand polyptyque de l’église Saint-Dominique, désormais conservé à la pinacothèque communale.

Dans une architecture traditionnelle, s’y déploient des figures  monumentales et mobiles, immergées dans une pénombre parcourue de forts contrastes lumineux.

L’œuvre conclut le cycle de l’activité juvénile de Lotto, désormais peintre mature et conscient de ses propres moyens.

Après un bref retour à Trévise, en 1509, il est appelé à Rome par le pape Jules II pour participer à la décoration de ses appartements au Vatican.

Le Saint Jérôme pénitent, est un thème récurrent chez Lotto qui en 1506, puis, sans doute en 1509, en réalise deux versions. Dans celle du château Saint-Ange, influencée par l’univers culturel romain, la palette s’éclaircit, immergeant le saint dans un paysage moins nordique, plus solaire, mais que le caractère anthropomorphe des éléments naturels (tronc noueux près du lion, racines en forme de main griffue, arbre accroché à l’éperon  rocheux, derrière le saint) rend inquiétant.

Lotto, carte maximum, Autriche.

On dit que l’impact de la cour pontificale et de la grande officine romaine, où travaillaient les Lombards Bramante, Bramantino et Cesare da Sesto, les Siennois Le Sodoma et Domenico Beccafumi, Michel-Ange et surtout Raphaël, aux côtés duquel il dut travailler, bouleversa le talentueux mais renfermé Lorenzo.

Il quitta Rome en 1510 pour ne plus y revenir, débutant l’inquiet  vagabondage qui le mènera à une situation de marginalisation, tant souhaitée que subie.

Son retour dans les Marches est documenté par un contrat signé le 18 octobre 1511 avec la Confraternita del Buon Gesù de Jesi, pour une Déposition destinée à l’église de San Floriano et désormais exposée à la pinacothèque locale.

Il y eut aussi ce passage à Recanati, où il peint la Transfiguration de l’église Santa Maria di Castelnuovo, aujourd’hui exposée à la pinacothèque.

Le tableau est structuré selon un modèle raphaélique, contre lequel pourtant le peintre réagit, avec de soudains accès expressionnistes, une composition complexe, et des figures aux attitudes tourmentées.

Le classicisme romain triomphant a certainement troublé les certitudes vénitienne et nordique de Lorenzo, sans jamais le convaincre de son efficacité.

Avec l’emménagement à Bergame, réalité culturelle en marge du débat intellectuel des centres majeurs, les inquiétudes couvées à Rome et exprimées dans les peintures des Marches s’apaisent. Lotto est désormais libre de s’exprimer dans ce que l’on peut appeler un art provincial, choix qui s’avéra perdant face au grand mouvement romain. L’artiste, stimulé aussi par les commandes locales, tenta une synthèse entre l’art « nouveau » vénitien et la tradition lombarde, venant en contact avec l’œuvre de Gaudenzio Ferrari et peut-être aussi du Corrège. Certainement, il approfondit sa connaissance de l’art nordique, en particulier celui d’Hans Holbein, par l’étude des gravures.

Sans doute à cause du siège impérial de Bergame, il termina le grand Retable Martinengo, commandé en 1513 pour l’église Saint-Étienne-et-Saint-Dominique seulement trois ans plus tard ; le retable, privé de cadre, cimaise et prédelle, est conservé dans l’église San Bartolomeo. Lotto, de façon inhabituelle, y dispose les figures devant la perspective de la nef, et non sur le fond de l’abside, à la limite entre ombre et lumière. Au cœur de cette structure architectonique classique, ornée de drapés et ouverte sur la coupole, pleut une lumière céleste. Deux anges tiennent symboles et cartels sur lesquels sont inscrits ces mots : DIVINA IUSTITIA SUAVE IOGUM.

Il devient le protagoniste de la culture picturale bergamasque peignant intensément : Suzanne et les Vieillards, aujourd’hui au musée des Offices, date de 1517 et L’Adieu du Christ à sa mère de Berlin, de 1521. Dans cette œuvre, il ouvre encore largement l’architecture sur un jardin lumineux. Les figures monumentales y rappellent, par leur pathétique expressif et populaire, les statues de Gaudenzio Ferrari au Mont Sacré de Varallo.

En 1524, Lotto reçoit de Giovan Battista Suardi et son cousin Maffeo, membres d’une famille aristocratique de Bergame, la tâche de décorer l’oratoire privé annexé à leur villa de Trescore Balneario.

La décoration, exécutée au cours de l’été 1524, comprenait le plafond, peint à fresque avec une pergola en trompe-l’œil où s’ébattent des putti, le mur ouest avec Les Histoires de sainte Catherine et de sainte Madeleine et les deux murs latéraux avec, d’un côté, L’Histoire de sainte Brigitte et de  l’autre, L’Histoire de sainte Barbe ; le programme iconographique célèbre la victoire du Christ sur le Mal, annoncée par les prophètes et les sybilles, et confirmée par la vie des saints.

La représentation de l’histoire de sainte Brigitte est interrompue par deux fenêtres sur les murs de l’oratoire ; Lotto est alors contraint de réaliser trois scènes distinctes, chacune contenant divers épisodes de la vie de la sainte, reliés par un faux mur sur lequel figurent des tondi où prophètes et sibylles se font face. Dans La Prise d’habit de sainte Brigitte, où l’on voit la famille du commanditaire, la scène principale se déroule devant une abside ; une nature morte d’objets sacrés est peinte sur l’autel, peut-être en souvenir de la Messe de Bolsene de Raphaël. Les ruines à droite de l’église ouvrent la perspective sur une veduta dans laquelle s’inscrit L’Offrande de sainte Brigitte.

Derrière la grande figure du Christ – Vigne, sont racontées les Histoires de sainte Barbe. Le Christ y tend ses doigts prolongés en sarments que des hérétiques, grimpés sur des échelles et munis de serpettes, tentent de couper. Enfermés dans des médaillons, des saints tentent de les repousser ; au second plan, sur fond d’édifices et de perspectives paysagères sont disposées des figures plus petites, s’illustrant dans une série de brillants épisodes, conclus par une scène de marché ; Lotto créa ici une histoire sans héros, anecdotique, et comme telle, proche des représentations du nord de l’Europe. Cette démarche antirhétorique et donc anticlassique, est accusée par les accords inhabituels de teintes (le jaune avec le violet, le rose avec le vert, le blanc avec le brun).

De Bergame lui vint la commande de dessins pour la décoration a intarsio des stalles du chœur de l’église Sainte-Marie Majeure, marqueteries exécutées par Giovan Battista Capoferri ; Lotto fournit une cinquantaine de cartons pour le transept et les stalles du chœur, où il représente des épisodes de l’histoire biblique avec efficacité et sens de la synthèse. Fortement suggestifs, les panneaux destinés à protéger les marqueteries du chœur témoignent de l’intrication de la religion et de la culture alchimique, procédé typique du Cinquecento. Les « imprese hiéroglyphiques » que Lorenzo dessina sur les conseils des érudits bergamasques du Consortium de la Miséricorde, dévoilent les correspondances latentes entre les différents épisodes bibliques et la vérité ésotérique, tirée du savoir alchimique.

Dans la grandiose Crucifixion de Monte San Giusto, peinte en 1531, il réaffirme sa conception de la représentation populaire du fait religieux, qu’il dramatise jusqu’à anticiper Le Caravage ; en 1532, il envoie à la confraternité de Santa Lucia de Jesi la Sainte Lucie devant le juge, exemple de colorisme brillant et de composition animée, où une lumière changeante s’attarde sur les détails d’une manche gonflée, d’un chapeau traînant sur le sol, de la baguette impuissante du juge, et sur les diverses expressions des personnages.

Entre 1534 et 1539, Lotto est à nouveau dans les Marches : il y invente, pour les dominicains de Cingoli, une très complexe et joyeuse Madone du Rosaire. Derrière la Vierge, enfermés dans quinze tondi, il représente les Mystères du Rosaire. À ses pieds, il peint deux angelots répandant des pétales de roses accompagnés du petit saint Jean.

Après avoir vendu ses quelques biens, il retourne définitivement en 1549 dans la région des Marches.

En 1550, il peint à Ancône, pour l’église Saint-François, une Assomption ; pour gagner un peu d’argent, il organise une loterie dont les prix sont ses peintures et dessins invendus.

En 1552, il entre à la Santa Casa de Lorette, où il est fait oblat, deux ans plus tard, oublié au point que personne ne prend la peine de noter la date de sa mort.

Il y laisse un livre de compte détaillé, commencé en 1538, qui permet d’identifier ses dernières œuvres, nous apprend sur la vie d’un peintre provincial du XVIe siècle et donne des indications sur sa personnalité complexe et inquiète.

La Présentation au Temple, du palais apostolique de Lorette, peinte d’une main tremblante, comme toujours sans aucune rhétorique mais riche d’une pénétrante émotion, est sa dernière toile : en haut à droite, pointe la figure d’un vieillard à longue barbe blanche, dans laquelle on a voulu voir le dernier salut du peintre.

Source : Wikipédia.

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