L’opération “Market Garden” (1944).

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Histoire
  • Commentaires de la publication :0 commentaire
  • Temps de lecture :33 min de lecture

L’opération Market Garden est une opération militaire alliée essentiellement aéroportée de la Seconde Guerre mondiale qui se déroula en septembre 1944. Il s’agissait d’une tentative principalement menée par les armées britanniques de prendre des ponts franchissant les principaux fleuves des Pays-Bas occupés par les Allemands. Le succès aurait permis aux Alliés de contourner la ligne Siegfried et d’accéder à l’un des principaux centres industriels du IIIe Reich, la Ruhr, et donc de terminer plus rapidement la guerre.

Cette opération, proposée par le maréchal britannique Montgomery, avait rencontré l’opposition des généraux américains Patton et Bradley, qui voulaient continuer leur offensive au sud. Ils avaient encore en mémoire les paroles du vainqueur d’El-Alamein qui se faisait fort de s’emparer de Caen dès le soir du 6 juin 1944, alors que la ville n’était tombée que le 21 juillet. Selon les témoignages rapportés par le journaliste américano-irlandais Cornelius Ryan, la mésentente entre le commandant en chef du 21e groupe d’armées britanno-canadiennes et le général Dwight Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe, atteignait à cette époque des sommets et l’on n’était pas loin du point de rupture entre ces deux personnalités.

Ainsi, Montgomery1 se propose de lancer une puissante offensive au nord du front, manœuvre qui devra permettre de contourner le Westwall et de déboucher ultérieurement sur le bassin de la Ruhr, cœur économique du Troisième Reich. Ce plan est soutenu par le cabinet de guerre et l’état major impérial. Winston Churchill est loin d’adhérer aux prévisions des services de renseignements qui décrivent une Wehrmacht au bord de la rupture. Le Premier ministre de sa Majesté tempère donc l’excès d’optimisme de ses généraux, en adressant une note au Général Ismay, secrétaire du comité des Chefs d’état-major, dans laquelle il avertit notamment : « Il ne faut pas sous estimer l’effet galvanisant que produira sur le moral de l’ennemi le fait de faire front à la lisière du sol natal ».

Le plan a été soumis à Eisenhower dès le 13 août 1944. Les trois mois de batailles ayant suivi le débarquement du 6 juin en Normandie se sont traduits par une consommation énorme en munitions, en carburant et en ravitaillement. Une situation d’autant plus préoccupante que les ports de déchargement, ceux d’Arromanches et de Cherbourg, sont trop loin du front, et que les villes portuaires les plus proches sont inutilisables : Rouen est en ruine, Le Havre et Dunkerque sont encore solidement tenues par les garnisons allemandes. Enfin, libérée le 5 septembre, Anvers est inexploitable car la 70e division d’infanterie allemande occupe encore les rives de l’Escaut. À la lumière de ces éléments, sachant qu’une offensive généralisée au sud ne peut être déclenchée, Eisenhower accepte le plan de Montgomery.

Si l’opération Market Garden avait entièrement réussi, elle aurait peut-être raccourci la durée de la guerre et ouvert de nombreuses opportunités militaires et politiques aux Alliés. Mais ses objectifs finaux ne furent pas atteints malgré la libération d’une partie du territoire néerlandais, et la création d’une base d’opérations qui nécessitera un nombre important de troupes pour la conserver lors de la bataille de l’Escaut, menée par les forces canadiennes.


Fin août 1944, les Alliés viennent de libérer Paris, la Seine est franchie, une avance de 15 jours sur le calendrier est constatée. Dès lors, le général Eisenhower estime que la pause prévue sur le fleuve n’est plus nécessaire. En un peu plus de deux semaines, le nord-est de la France (à l’exception de l’Alsace-Lorraine et des Vosges) et une grande partie de la Belgique sont libérés. Un temps d’arrêt est marqué.

L’objectif initial pour l’entrée en Allemagne est la région industrielle de la Ruhr, mais deux approches sont proposées : les Américains Patton et Bradley proposent de percer en direction de la ligne Siegfried qu’ils pensent être une coquille vide au moment des opérations. Le Britannique Montgomery suggère, quant à lui, de contourner cette ligne par une audacieuse opération combinée aux Pays-Bas. Eisenhower tranche en faveur du Britannique et laisse Patton sur le carreau en allouant le gros du carburant au maréchal britannique.

L’objectif secondaire est de prendre assez de terrain aux Allemands en sécurisant la Hollande pour s’assurer de la prise d’un port en eaux profondes comme Rotterdam ou Anvers en Belgique afin de raccourcir les lignes de ravitaillement alliées qui s’étirent de plus en plus depuis la Normandie.

Ainsi la prise de la Hollande permettrait non seulement d’atteindre rapidement le cœur industriel de l’Allemagne, et donc d’espérer écourter les opérations occidentales à Noël 1944, mais aussi de raccourcir la chaîne logistique, vitale pour atteindre Berlin avant l’Armée rouge.

Cette opération répond à la tradition britannique de l’approche indirecte des opérations militaires. Déjà développée au cours de la Première Guerre mondiale par Winston Churchill, qui en restera un fervent défenseur tout au long de sa carrière politique, elle avait donné lieu au débarquement des Dardanelles en 1915 face à la Turquie. Au cours du deuxième conflit mondial, elle s’était déjà manifestée par l’insistance britannique pour une approche par le théâtre d’opération méditerranéen (débarquement en Afrique du Nord, en Sicile, puis conquête de l’Italie) tandis que les Américains privilégiaient l’approche directe, consistant en un débarquement rapide en France. En suggérant donc d’éviter et de contourner le point fort du front allemand, la ligne Siegfried, Montgomery pensait pouvoir affaiblir la position stratégique allemande en la privant d’un appui territorial important aux Pays-Bas tout en créant une menace de long terme sur le centre industriel de la Ruhr.

L’objectif final de l’opération combinée est de faire passer les blindés de l’autre côté du Rhin à Arnhem afin de se diriger directement vers la Ruhr et de terminer ainsi le conflit plus rapidement. Pour cela, ces derniers doivent franchir les nombreux fleuves et canaux que comptent les Pays-Bas. Les troupes aéroportées ont donc pour mission de s’emparer des ponts intacts situés sur la route Eindhoven-Grave-Nimègue-Arnhem tandis que les blindés devront parcourir les 107 km qui les séparent d’Arnhem le plus rapidement possible. Les renseignements qui parviennent à l’état-major (en provenance notamment de la résistance néerlandaise et également des reconnaissances aériennes) font état de mouvements de blindés SS sur Arnhem, pourtant, aucune mesure particulière n’est prise. Pire, la troupe n’est nullement informée du risque qu’elle court. Le général britannique Frederick Browning commet là une erreur monumentale, qui va avoir de funestes conséquences. Ses hommes vont sauter sur un secteur où stationnent les restes de deux divisions blindées SS, sans rien en savoir. Tout est fait comme si les Allemands n’avaient rien à opposer aux parachutistes sur le sol des Pays-Bas. Le déclenchement est avancé au 17 septembre 1944. Ce qui laisse une semaine aux Alliés pour en régler tous les détails, chose peu aisée lorsque l’on sait qu’il s’agit de l’opération aéroportée la plus vaste de la guerre.

Pour cette opération, l’essentiel des unités de la 1re armée aéroportée alliée sont engagées, le tout étant coiffé par le général Browning. Tirant les enseignements des parachutages du débarquement de Normandie, Browning choisit de lancer l’opération le jour afin d’éviter la dispersion des sticks (nombre de parachutistes sortant en un passage par une porte d’avion) que les sauts de nuit rendraient inévitable. Ce choix a l’inconvénient de son avantage, à savoir qu’il facilite les tirs de Flak, les batteries antiaériennes allemandes, auxquels les C-47 Dakota sont très vulnérables.

  • La 101e division aéroportée américaine du major-général Taylor sera larguée au nord d’Eindhoven pour s’emparer du pont du village de Son sur le canal Wilhelmine et du pont de Veghel Zuid-Willemsvaart ;
  • la 82e division aéroportée américaine du brigadier-général Gavin sera larguée au sud de Nimègue pour prendre possession des ponts de Grave sur la Meuse et de Nimègue sur la Waal ainsi que du canal reliant ces deux fleuves ;
  • enfin la 1re division aéroportée britannique du major-général Urquhart sera larguée au nord-ouest d’Arnhem afin de s’emparer de son pont.

Ultérieurement devra être déposée la 52e division d’infanterie britannique.
Ce dispositif est complété par la 1re brigade indépendante de parachutistes polonais du brigadier-général Sosabowski. Après la prise des objectifs, les troupes aéroportées devront attendre la venue des blindés. La 1re DAB hérite ainsi de la mission de tenir Arnhem pendant quatre jours. Au total, ce sont 34 000 combattants qui viendront du ciel (soit largués en parachute, soit transportés en planeurs) pour ce qui sera la plus grande opération aéroportée de tous les temps. Ne sont pas inclus les effectifs de la 52e division d’infanterie britannique car elle doit intervenir en dernier échelon à Arnhem.

C’est au XXXe corps d’armée britannique du général Horrocks qu’incombe la tâche d’effectuer la percée jusqu’à Arnhem depuis la tête de pont de Neerpelt, le XIIe corps d’armée couvrant son flanc gauche et le VIIIe corps d’armée son flanc droit. Dans le même temps, la Ire armée américaine lancera une offensive sur la Meuse. Le XXXe corps est censé rejoindre la 101e division aéroportée la première journée, la 82e la deuxième journée et la 1re division aéroportée le quatrième jour au plus tard.

La déroute de la Wehrmacht au cours des mois de juillet et août 1944 conduit les Alliés à estimer que l’armée allemande n’aligne plus que 48 divisions sur le front de l’Ouest, dont le potentiel équivaut à celui de seulement 20 divisions et 4 Panzerdivision1. Pendant ces deux mois, la Wehrmacht a en effet subi une série de défaites avec de lourdes pertes. Entre le 6 juin et 14 août, les pertes allemandes s’élèvent à 23 019 tués au combat, 198 616 disparus ou faits prisonniers et 67 240 blessés. La Wehrmacht qui se replie vers la frontière allemande est harcelée par des attaques des avions de la RAF et l’USAAF. L’avance alliée est ralentie par des coups d’arrêt et des contre-attaques.

Début septembre, la situation évolue. L’échec de la fermeture de la zone de l’estuaire de l’Escaut par le 21e groupe d’armées britannique permet à 65 000 soldats de la quinzième armée allemande d’échapper à l’encerclement avec 225 canons et 750 camions grâce à une flottille de cargos, péniches et bateaux réquisitionnés. De là, ils tiennent les rives et les îles de l’Escaut.

Adolf Hitler s’intéresse à la décomposition du groupe d’armées B, qui comprend les armées allemandes dans le Nord de la France, la Belgique et les Pays-Bas. Le 4 septembre, Hitler rappelle le Generalfeldmarschall Gerd von Rundstedt de sa retraite, et le réintègre au commandement de l’OB West, dont il l’avait écarté le 2 juillet. Gerd von Rundstedt remplace le Generalfeldmarschall Walter Model, qui avait pris le commandement à peine 18 jours auparavant. Ce dernier prend alors le commandement du groupe d’armées B.

Le 4 septembre, le LXXXVI Armee-Korps est responsable du secteur Eindhoven-Grave-Veghel il est constitué de la 719e Infanterie-Division de la Fallschirmjäger-Division Erdmann (une division d’entraînement parachutiste) de la Panzerbrigade 107 (36 Panther et 11 Jagdpanzer IV/70), du Kampfgruppe Walther qui rassemble un bataillon de Fallschirmjäger-Regiment 2, le Luftwaffe Strafbataillon (un bataillon disciplinaire), le Fallschirmjäger-Regiment de l’Oberst von der Heydte rescapé de la bataille de Normandie, le SS-Grenadier-Regiment « Heinke » et de nombreuses unités de services des parachutistes. La 719e Infanterie-Division commence à se retrancher le long du canal Albert, où elle est bientôt rejointe par les forces du lieutenant-général Kurt Chill. Bien que Chill commande officiellement la 85e division d’infanterie (qui avait subi de lourdes pertes pendant la bataille de Normandie), il prend le commandement des restes de la 84e et 89e divisions d’infanterie au cours de la retraite.

Kurt Student reçoit d’Alfred Jodl l’ordre de se rendre aux Pays-Bas, où il devra rassembler toutes les unités disponibles et consolider le front près du canal Albert, qui doit être tenu à tout prix. Ce rassemblement aboutit à la création théorique d’une Première Armée parachutiste. À ce stade, l’effectif d’une petite division appuyée par des batteries antiaériennes et 25 chasseurs de chars et canons automoteurs.

Le 5 septembre, Model reçoit le renfort du 2e SS-Panzerkorps, qui se compose des 9e et 10e SS Panzerdivision SS. Model met les deux divisions au repos dans des zones de sûreté, derrière la ligne de front, entre Eindhoven et Arnhem. Quelques milliers d’hommes, sans matériel lourd, une trentaine d’automitrailleuses, quelques SPW, quelques canons d’assaut et une vingtaine de chars Mk IV. Les engins chenillés sont déjà conditionnés sur des trains à destination de l’Allemagne. Face à des armées alliées au complet, ces unités sont surclassées. Face à des parachutistes légèrement armés, elles représentent une menace mortelle.

D’autres formations tiennent garnison dans la future zone de saut. Plusieurs unités SS, dont un bataillon d’élèves sous-officiers et un bataillon d’instruction de Panzergrenadier. Un certain nombre d’unités en formation, plusieurs compagnies de dépôt de la Panzerdivision Hermann Goering. Diverses unités anti-aériennes, artillerie et police réparties dans tout le Nord des Pays-Bas. Une unité étrangère de la Waffen-SS dans le secteur : une partie de la 34e division SS de grenadiers volontaires Landstorm Nederland composée d’un bataillon du SS-Grenadier-Regiment 1 sous les ordres du SS-Hauptsturmführer Stocker est à l’entraînement à Hoogeveen, à 110 km environ d’Arnhem. Le bataillon Stocker (600 hommes) marchera au canon, dès l’annonce des parachutages britanniques.

L’opération Market Garden débute à l’aube, 1 400 bombardiers Lancaster et B-17 se succèdent toute la matinée pour attaquer les terrains d’aviation de la Luftwaffe et les positions de la Flak, relayés ensuite par les chasseurs-bombardiers P-38 Lightning et P-47 Thunderbolt qui effectuent des mitraillages à basse altitude. À 10 h 25, douze Short Stirling transportant les hommes de la 21st Independant Parachute Company et 6 Dakota du 9th US Troop Carrier Command décollent afin de larguer les éclaireurs devant précéder les trois divisions parachutistes alliées. Deux heures plus tard, les Pathfinders (en) sautent au nord d’Eindhoven, près du pont de Graves et à l’ouest d’Arnhem, pour délimiter les zones de largage et d’atterrissage des planeurs. Une fois au sol, les éclaireurs britanniques signalent les zones d’atterrissage et de parachutage en étendant au sol de larges panneaux orange et rouges. Pendant ce temps, une armada de 1 527 avions de transport et 478 planeurs, escortée par 919 chasseurs alliés, a décollé et survole la Manche. Plusieurs planeurs n’arriveront pas sur leur objectif car 22 d’entre eux rompent leur câble au-dessus de l’Angleterre et 4 autres tombent dans la Manche, les survivants étant recueillis par des vedettes de l’Air-sea rescue et des hydravions. Le parachutage est un succès pour les Alliés. Au premier largage, la quasi-totalité des troupes sont arrivées sur leurs zones de parachutage. Pour la 82e division aéroportée, 89 % des soldats débarqués ont atterri sur ou dans les 1 000 mètres de leurs zones de largage et 84 % des planeurs se sont posés sur ou dans les 1 000 mètres de leurs zones d’atterrissage. Cela contraste avec les opérations précédentes, où le largage de nuit avait provoqué une dispersion des unités allant jusqu’à 19 km.

Dans le Sud, la 101e division aéroportée rencontre peu de résistance et capture quatre des cinq ponts. Le pont à Son saute lorsque les parachutistes américains s’approchent de lui, après avoir été retardés par un engagement de courte durée avec un canon de 88 mm et une mitrailleuse. Plus tard dans la journée, de petites unités de la 101e se déplacent au sud de Son.

Au nord, de petits groupes de la 82e progressent vers Grave et prennent le pont à la hâte. Ils ont également réussi à capturer un pont d’une importance vitale, à Heumen, au confluent de la Meuse et du canal qui la relie au Waal. Le but principal de la 82e au cours de cette journée a été d’occuper les hauteurs de Groesbeek et de créer ainsi une position de blocage afin de prévenir d’une attaque et d’empêcher les observateurs allemands de guider les tirs de l’artillerie. Browning et Gavin ont estimé que cela devait être la priorité de la division. Le 1er bataillon du 508e régiment de parachutistes d’infanterie a été chargé, si possible de prendre le pont de Nimègue, mais à cause de la mauvaise communication, l’attaque ne commence pas avant la fin de la journée. S’ils l’avaient attaqué plus tôt, ils auraient fait face à seulement une dizaine d’Allemands. Au moment où le 508e attaque, des troupes de reconnaissance du 9e bataillon de reconnaissance de SS arrivent. En effet, quelques heures plus tôt, sur une zone d’atterrissage américaine, des soldats allemands en fouillant un planeur accidenté ont trouvé sur le cadavre d’un officier les plans de l’opération, malgré les ordres très stricts interdisant d’emporter de tels documents. L’attaque échoue, laissant le pont de Nimègue aux mains des Allemands.

Le contrôle de ce pont de Nimègue est vital, contrairement à certains des ponts vers le sud qui enjambent des petites rivières et des canaux et qui peuvent être remplacés par des unités du génie, car les ponts de Nimègue (le plus long pont d’Europe : 600 m) et Arnhem traversent deux bras du Rhin et ne peuvent être remplacés facilement. Si ces ponts ne peuvent pas être capturés et tenus, l’avance du XXXe corps serait bloquée et l’opération Market Garden serait vouée à l’échec.

La 1re division aéroportée est larguée sans incidents. Au sol, les parachutistes sont très retardés par de petites formations allemandes à l’entraînement (pionniers, élèves sous-officiers, transmetteurs, artilleurs) qui ne présentent pas de vraie menace, mais qu’il faut déborder ou détruire une à une avant même d’entreprendre la progression. La moitié de la division est arrivée avec la première vague et seule la moitié de cette moitié (1re brigade de parachutistes) peut avancer vers le pont. Le reste défend les zones de largage. Ainsi, l’objectif principal de la division est attaqué avec l’effectif d’une demi-brigade. Alors que les parachutistes à pied progressent à l’ouest d’Arnhem, l’escadron de reconnaissance divisionnaire qui s’infiltre vers le pont se heurte aux positions allemandes et est obligé de battre en retraite.

Deux des trois bataillons de la 1re brigade de parachutistes, faisant face à une solide résistance allemande, sont contraints à faire halte pour la nuit à Oosterbeek. Le lieutenant-colonel John Frost du 2e bataillon arrive au pont d’Arnhem dans la soirée et met en place des positions défensives à l’extrémité nord. Deux offensives pour capturer le pont et l’extrémité sud sont repoussées.

Les radios britanniques ne fonctionnent pas, quelle que soit leur portée. Il est constaté après l’atterrissage que les postes sont réglés par des quartz différents, dont deux fréquences sont couvertes par des stations de radiodiffusion britannique et allemande. De plus, les dizaines de largages planifiés puis annulés dans les semaines précédant l’opération ont provoqué le déchargement des batteries.

Dans la 1re division aéroportée, les demandes d’appui air/sol doivent être effectuées par deux unités spéciales américaines larguées à Arnhem le même jour. Ces unités sont équipées de Veeps (jeeps pourvues de radio VHF RCS-193). Ces postes radio sont rapidement détruits par des tirs de mortier ; de ce fait, la 1re Airborne en est réduite aux signaux visuels pour  communiquer avec la RAF. Or, les pilotes ont l’ordre de ne pas réagir aux signaux venant du sol, car il n’y a pas moyen de distinguer l’ami de l’ennemi.

Le lieutenant-général Brian Horrocks reçoit la confirmation du début de l’opération le matin du 17 septembre. À 12 h 30, Horrocks reçoit un signal indiquant que les premières vagues des forces aéroportées ont quitté leurs bases au Royaume-Uni et fixant l’heure de l’attaque au sol à 14 h 35. À 14 h 15, 300 canons britanniques ouvrent le feu, onze Field Regiments et six Medium Regiments exécutent un tir de barrage de 1,6 km de large et 8,0 km de profondeur sur les positions allemandes vers Valkenswaard, à l’avant de la ligne de départ du XXXe corps. Ce tir de barrage est appuyé par sept escadrons d’Hawker Typhoon de la RAF. L’avance est menée par les chars et l’infanterie des Irish Guards. Ces derniers traversent le canal Meuse-Escaut et entrent dans les Pays-Bas à 15 h 00. Après avoir traversé la frontière, soutenus par les Hawker Typhoon qui surgissent dès que les défenses allemandes se dévoilent (en effet huit d’entre eux se succèdent toutes les cinq minutes au-dessus de la colonne britannique et interviennent au besoin) les Irish Guards sont pris en embuscade par l’infanterie et les canons antichars allemands le long de la route principale. Huit chars britanniques sont détruits au Panzerfaust et au Panzerschreck. Les Paddies, surnom donné aux soldats Irlandais, descendent des half-tracks et se lancent dans les bois à l’assaut des positions ennemies qu’ils enlèvent après des combats acharnés. Après un nouveau tir de barrage de l’artillerie, les Hawker Typhons accomplissent une nouvelle vague sur les positions allemandes. Des soldats allemands capturés révèlent le reste de leurs positions, certains de leur plein gré, d’autres après avoir été menacés (ils devaient monter sur les chars alliés en progression). Au crépuscule, vers 19 h 00, la ville de Valkenswaard est atteinte et occupée par les Irish Guards. Soit 35 km de progression en cinq heures après le début de l’opération.

Horrocks a prévu que les Irish Guards puissent parcourir les 21 km les séparant d’Eindhoven en trois heures, mais ils réussissent à couvrir seulement 11 km. Au premier jour, l’opération a déjà pris du retard. À Valkenswaard, les soldats du génie construisent un pont Bailey de 58 m de long en 12 heures.

Le Generalfeldmarschall Walter Model est à l’hôtel Tafelberg d’Oosterbeek lorsque les premiers parachutes éclosent. Il croit d’abord à un coup de main lancé pour le capturer. Wilhelm Bittrich, commandant du 2e SS-Panzerkorps, envoie immédiatement le bataillon de reconnaissance de la 9e Panzerdivision SS à Nimègue renforcer la défense du pont. Toutes les unités allemandes de la région sont engagées contre les parachutistes : aviateurs, marins, nouvelles recrues, convalescents, élèves-gradés. Même les cheminots et autres civils allemands sont armés et expédiés au combat. À minuit, Model se représente clairement la situation, il donne ses ordres en conséquence. La confusion espérée des défenses allemandes n’a pas lieu. L’effet de surprise a été perdu dès le départ.

Les météorologues alliés ont prévu que l’Angleterre serait couverte de brouillard le matin du 18 septembre. Le deuxième largage fut reporté de trois heures et d’épais nuages bas ont commencé à se développer sur la partie sud de la zone de combat, puis se sont répandus sur toute la zone durant la journée, ce qui a entravé l’approvisionnement et l’appui aérien (sept des huit prochains jours auront de mauvaises conditions météorologiques et les opérations aériennes ont été annulées le 22 septembre et le 24 septembre).

Les 1er et 3e bataillons de parachutistes sautent sans incidents. Tombés en plein sur le 16e bataillon SS d’instruction et de remplacement, les parachutistes sont très retardés par les unités allemandes rencontrées en chemin et qu’il faut détruire une à une. Devant Arnhem, les « diables rouges » se heurtent finalement à un groupement tactique de circonstance hâtivement rameuté par le lieutenant-colonel SS Spindler, 34 ans, mille hommes appartenant à seize unités différentes, artilleurs sans canons, tankistes sans chars, employés du génie civil, une centaine de pionniers d’assaut, quelques StuGe III, quelques SPW et trois chars. Spindler gagne la croix de chevalier.

Tôt dans la journée, le 9e bataillon de reconnaissance de SS dont la présence n’est plus nécessaire à Nimègue, retourne à Arnhem. Ayant tenté de franchir le pont de vive force, il est repoussé, avec de lourdes pertes. Son commandant, SS-Hauptsturmführer Gräbner, est tué.

À la fin de la journée, les 1er et 3e bataillons de parachutistes ne comptent plus que 200 hommes, soit un sixième de leur effectif initial. Entrés dans Arnhem, ils sont à environ à 2 km du pont. La plupart des officiers et sous-officiers sont tués, blessés ou capturés. Le deuxième largage, retardé par le brouillard, atterrit au complet : 4e brigade de parachutistes composée des 10e, 11e et 156e bataillons du régiment de parachutistes, commandée par le général de brigade John Winthrop Hackett et les compagnies C et D du 2e South Staffordshire Regiment.

Grave s’avère bien défendu et les forces allemandes continuent à faire pression sur la 82e déployée sur les hauteurs de Groesbeek. Le 505e régiment de parachutistes d’infanterie défend Horst, Grafwegen et Riethorst des contre-attaques allemandes. Tôt dans la journée, une contre-attaque allemande capture l’une des zones de parachutage alliée, où le deuxième largage est prévu pour 13 h 00. Le 508e régiment de parachutistes d’infanterie attaque à 13 h 10 et reprend la zone à 14 h 00, capturant 149 prisonniers et 16 pièces de DCA allemandes. Retardée par la météo en Grande-Bretagne, le deuxième largage n’arrivera qu’à 15 h 30. Ce largage incorpore des éléments de la 319e et 320e des Glider Field Artillery, le 456e bataillon de Parachute Field Artillery et des éléments de soutien médical. Vingt minutes plus tard, 135 bombardiers B-24 larguent des équipements, dont 80 % sont récupérés.

À la suite de la perte du pont à Son, la 101e, tente, sans succès, de capturer un pont à Best, situé à quelques kilomètres, mais la tentative est repoussée. D’autres unités se déplacent vers le sud et parviennent finalement à l’extrémité nord de la ville d’Eindhoven.

À 06 h 00, les Irish Guards continuent d’avancer tout en faisant face à la résistance déterminée de l’infanterie et des chars allemands. À 16 h 00, un contact radio alerte la force principale que le pont de Son a été détruit et qu’un pont Bailey est demandé pour le remplacer. À la tombée de la nuit, les Guards Armoured Division sont établis dans la région d’Eindhoven. Toutefois les colonnes de transport sont gênées dans les rues étroites de la ville et sont soumises à des bombardements aériens allemands au cours de la nuit. Finalement, les ingénieurs du XXXe corps, aidés par des prisonniers de guerre allemands, construisent un pont Bailey en 10 heures sur le canal Wilhelmine.

Pendant la journée, les Britanniques du VIIIe et XIIe corps, en soutenant l’attaque principale, ont aménagé plusieurs têtes de pont sur le canal Meuse-Escaut tout en faisant face à une vive résistance allemande. Tout au long de la journée, des attaques allemandes ont été lancées contre le XXXe corps et contre les têtes de pont sur le canal Meuse-Escaut, le tout sans succès.

Aux premières heures du jour, les 1er et 3e bataillons, ainsi que 2e South Staffordshires essaient de rallier le pont d’Arnhem, tenu tant bien que mal par le 2e bataillon de Frost. Le 1er bataillon est arrêté par la défense allemande. Ce qui reste du 3e bataillon est contraint à la retraite vers Oosterbeek.

Le 2e bataillon (environ 600 hommes) tient encore l’extrémité nord du pont d’Arnhem. Les Allemands bombardent les positions britanniques au moyen de mortiers, d’artillerie et de chars ; ils démolissent systématiquement chaque maison afin d’en déloger les défenseurs. Pourtant, les Britanniques s’accrochent à leurs positions.

Au nord d’Oosterbeek, la 4e brigade de parachutistes tente de percer les lignes allemandes, mais les difficultés de transmissions et la résistance ennemie vouent cette entreprise à l’échec. La 1re division aéroportée a perdu sa capacité offensive. Dans l’impossibilité d’aider Frost sur le pont, les autres bataillons se retirent à Oosterbeek et installent une tête de pont défensive sur la rive nord du Rhin. Au même moment commencent à atterrir les planeurs des Polonais de 1re brigade indépendante de parachutistes, des canons anti-chars et des véhicules, jusque-là bloqués en Angleterre par un brouillard épais. Soudain, un Messerschmitt apparaît et fait feu sur les planeurs. Avant même de pouvoir toucher terre, de nombreux planeurs sont détruits.

Les zones de largage sont aux mains de l’ennemi. Les Britanniques ne récupèrent que 10 % des équipements parachutés.

À 8 h 20, le premier contact est établi entre le XXXe corps de le 504e régiment de parachutistes d’infanterie. À 8 h 30 la division blindée des Guards du XXXe corps entre dans Grave. La force principale arrive trois heures plus tard. À ce moment, selon le plan, le XXXe corps devrait être à Arnhem. Une tentative de prendre le pont de Nimègue échoue. Gavin propose alors le plan suivant : les parachutistes du 504e Parachute Infantry Regiment doivent traverser le fleuve en bateau, 2 km en aval du pont. Arrivés sur la rive opposée, ils doivent capturer l’extrémité nord du pont puis faire la jonction avec le XXXe corps qui s’avancera sur le pont depuis l’extrémité sud. Malheureusement, les bateaux, demandés pour la fin de l’après-midi, n’arrivent pas.

Une tentative d’approvisionnement de 35 C-47 (sur 60 envoyés) échoue (portant à 50 appareils et 200 hommes d’équipage le nombre de pertes dans la logistique aéroportée), les fournitures n’ayant pu être récupérées. Le mauvais temps sur les bases anglaises a empêché les planeurs transportant le 325e Glider Infantry Regiment de décoller, mettant fin à tout espoir de renforts pour la 82e Airborne.

Dans le Sud, les unités de la 101e qui ont pris Best la veille sont contraintes de faire retraite face à une contre-attaque de Fallschirmjägers dans la matinée. Les chars britanniques arrivent au cours de la journée et repoussent les Allemands vers la fin de l’après-midi capturant au passage environ 1 000 prisonniers. Dans la journée, des chars Panther arrivent à Son, faisant feu sur le pont Bailey. Un canon anti-char britannique de 57 mm, récemment débarqué, réagit rapidement et élimine quelques-uns des chars. Les Panthers restants se retirent sans causer de dégâts au pont. Dans la nuit, la Luftwaffe bombarde Eindhoven. La flotte aérienne composée essentiellement de Junkers Ju-87 et de Dornier Do-17 surprend la population qui n’a pas le temps de se mettre à l’abri. On déplore plus de 200 morts et 800 blessés parmi les habitants.

Le 2e bataillon tient encore le pont d’Arnhem. L’après-midi, les positions britanniques du Nord du pont se sont affaiblies. Les blindés allemands font du tir direct contre les maisons défendues par les parachutistes. Les vivres, l’eau et les fournitures médicales se font rares. De nombreux bâtiments sont en feu. Une trêve de deux heures est organisée afin d’évacuer les blessés (dont Frost) dans un hôpital allemand. Gough remplace Frost.

Les Allemands réduisent les poches de résistance, tout au long de la journée. Au crépuscule, ils prennent l’extrémité nord du pont, ce qui leur permet d’envoyer des renforts plus au Sud, à Nimègue. Le reste des troupes britanniques continue le combat, jusqu’au jeudi matin, vers 9 h. La quasi-totalité des soldats sont faits prisonniers. Le dernier message radio émis à partir du pont — « Plus de munitions. God save the King » — n’a été entendu que par les opérateurs radio allemands.

Les bateaux demandés la veille par la 82e Airborne arrivent dans l’après-midi et l’ordre d’assaut est donné. À environ 15 h, les Américains du 504e régiment de parachutistes d’infanterie traversent avec 26 bateaux d’assaut en toile les 365 mètres qui les séparent de la rive opposée. Une pénurie de pagaies oblige certains soldats à pagayer avec les crosses de leurs fusils. Environ la moitié des bateaux parvient à traverser sous un feu nourri. Les soldats survivants prennent d’assaut l’extrémité nord du pont. Les forces allemandes se retirent et le pont est sécurisé entièrement à 19 h 10. Beaucoup d’explosifs ont été trouvés sur le pont, mais pour une raison alors inconnue, les Allemands n’ont pas réussi à faire sauter le pont avant la traversée des chars britanniques. On sait aujourd’hui que les câbles des explosifs ont été coupés par le jeune résistant néerlandais Jan van Hoof.

L’attaque a été coûteuse et fut surnommée « Little Omaha » en référence à la plage d’Omaha Beach

Lorsque le lieutenant-général Dempsey de la deuxième armée rencontre le général Gavin, commandant de la 82e division aéroportée, il aurait déclaré (en référence à l’attaque de Nimègue), « Je suis fier de rencontrer le commandant de la plus grande division du monde actuel » (« I am proud to meet the commander of the greatest Division in the world »).

Les parachutistes de la 101e division aéroportée sont attaqués par la 107e brigade blindée allemande soutenue par des troupes SS. Les Américains luttent longtemps et sont finalement secourus in extremis par les chars du XXXe corps qui repoussent les Allemands. Toutefois ces derniers continuent à harceler l’autoroute reliant Eindhoven à Nimègue.

Le réduit constitué par Urquhart ne peut joindre les Polonais de Sosabowski qui, largués dans des conditions chaotiques peu de temps auparavant, ont été massacrés ou capturés. Afin d’éviter une destruction totale de la première division aéroportée, le général Urquhart décide d’évacuer afin de tenter de rejoindre les lignes américaines et celles du XXXe corps. Les 25 et 26 septembre, soit 9 jours après les premiers largages, les rescapés regagnent les lignes alliées.

Les parachutistes capturés sont traités en prisonniers de guerre, mais les vainqueurs allemands fusillent sans procès les civils néerlandais soupçonnés de les avoir aidés. La ville est vidée de ses habitants. Cent mille personnes errent sur les routes.

L’opération est un échec complet. En mémoire des camarades tombés, le béret des parachutistes britanniques porte un ruban noir. Frost et ses hommes ont reçu les honneurs de la guerre. D’assiégeants, ils sont devenus assiégés ; on leur avait demandé de tenir deux jours, ils ont tenu neuf jours et neuf nuits, sans renfort, ni repos.

Du côté allié, les pertes s’élèvent à 16 805 hommes tués, blessés ou prisonniers : dont 7 640 Britanniques et Polonais des 1st British Airborne Division et 1re brigade indépendante de parachutistes polonais, 3 664 Américains des 82nd et 101st Airborne et 5 354 Britanniques pour le XXX corps.

Du côté allemand, Model évalue à 3 300 les pertes de son groupe d’armées B ; mais des calculs récents avancent le chiffre de 8 000 soldats allemands hors de combat, dont au moins 2 000 tués.

Près de 12 000 parachutistes furent ainsi perdus, et Montgomery dut constater que « Market Garden a réussi à 90 %… » ! En tout cas, l’opération porta un bien mauvais coup à Model : sa ligne de résistance sur les cours d’eau des Pays-Bas avait été coupée en deux, et il dut rayer de ses effectifs environ 7 000 soldats et 95 blindés… Il s’agit néanmoins de l’un des derniers succès tactiques de l’Axe.

Par ailleurs, en raison de la priorité donnée à cette opération, le camp allié négligea de prendre le contrôle des rives de l’Escaut, qui donne accès au port d’Anvers (tombé intact aux mains des troupes britanniques le 7 septembre), en laissant libres sur ses arrières les restes importants d’une division parachutiste allemande, qui se réorganisa rapidement. La prise de contrôle d’Anvers n’eut lieu que plus tard, au prix de lourdes pertes, de sorte que le port d’Anvers ne fut utilisable qu’à partir du 28 novembre. Entretemps, l’approvisionnement devait toujours se faire au départ du port artificiel d’Arromanches et des déchargements sur la côte normande et du port de Cherbourg, ce qui provoqua une crise logistique,  l’approvisionnement des unités en ligne se faisant difficile en raison de l’étirement excessif des itinéraires de ravitaillement.

Voir aussi cette vidéo :

Sources : Wikipédia, YouTube.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.