L’invention du cinéma par les frères Lumière.

Auguste Marie Louis Nicolas Lumière, né le 19 octobre 1862 à Besançon et mort le 10 avril 1954 à Lyon, et Louis Jean Lumière, né le 5 octobre 1864 à Besançon et mort le 6 juin 1948 à Bandol dans le Var, sont deux ingénieurs et industriels français qui ont joué un rôle primordial dans l’histoire du cinéma et de la photographie. Ils sont souvent désignés comme les frères Lumière.

Les frères Lumière sont les fils de l’industriel, peintre et photographe Antoine Lumière, né le 13 mars 1840 à Ormoy (Haute-Saône), et de Jeanne Joséphine Costille, née le 29 septembre 1841 à Paris. Antoine et Jeanne se sont mariés le 24 octobre 1861 à la mairie du 5e arrondissement de Paris et en l’église Saint-Étienne-du-Mont. Installés à Besançon (maison natale des frères Lumière) leurs deux premiers enfants naissent dans cette ville : Auguste le 19 octobre 1862 au 1 place Saint-Quentin et Louis le 5 octobre 1864 au 143 grande rue.

Les frères Lumière ont déposé plus de 170 brevets, essentiellement dans le domaine de la photographie. Ils inventent notamment les plaques photographiques sèches instantanées prêtes à l’emploi dites Étiquette bleue en 1881. C’est la vente de ces plaques qui a fait leur fortune. En 1893, les deux frères sont à l’origine de l’obtention de la couleur sur plaque photographique sèche, dite « autochrome », que Louis Lumière, qui paradoxalement n’aime pas le cinéma, considère comme étant sa plus prestigieuse invention, celle à laquelle il a consacré plus de dix années de sa vie.

Contrairement à une idée reçue plus que tenace, les frères Lumière n’ont pas réalisé les premiers films du cinéma, mais la première projection collective gratuite de films photographiques sur grand écran, le 22 mars 1895, devant un parterre restreint de savants de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, au n° 44 de la rue de Rennes, correspondant désormais au 4 place Saint-Germain-des-Prés à Paris. Suivent les séances du 21 septembre et du 14 octobre 1895 au Palais Lumière et à l’Eden Théâtre de La Ciotat, devant un public choisi, et enfin la séance payante ouverte au grand public du 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café situé 14 boulevard des Capucines à Paris. Chacun des dix bobineaux projetés lors de cette séance dure une cinquantaine de secondes. Avec L’Arroseur arrosé, Louis Lumière réalise le premier film photographique de fiction.

Les premières projections de films non photographiques de fiction sur grand écran devant un public rassemblé payant datent d’octobre 1892, trois ans avant celles des frères Lumière, et sont le fruits du travail patient d’Émile Reynaud qui peint directement sur sa pellicule les premiers dessins animés du cinéma, dont la durée est déjà de plus d’une minute et atteindra 5 minutes en 1900. Avant la première projection Lumière, deux autres projections de films photographiques ont eu lieu, l’une à New York,

organisée par l’Américain Woodville Latham le 21 avril 1895, l’autre à Berlin, faite par l’Allemand Max Skladanowsky le 1er novembre 1895, mais les techniques utilisées pour ces projections sont loin d’être au point, et ces deux séances n’ont aucun retentissement, ni dans le milieu des professionnels de la photographie, ni parmi le public international, contrairement à celle des frères Lumière.

Leur succès découle d’une suite ininterrompue d’inventions. En 1888, John Carbutt invente une bande souple en nitrate de cellulose, que George Eastman commercialise aux États-Unis dès 1889. Aussitôt, le Français Étienne-Jules Marey s’en procure par des voies détournées et enregistre les premières suites de prises de vues instantanées sur bande nitrate (dont 420 sont conservées), sans toutefois parvenir à les projeter, ce qui ne le chagrine pas car son but scientifique est l’analyse des mouvements par la photographie rapide

(chronophotographie) et non leur présentation en tant que spectacle, même si son assistant Georges Demenÿ a l’idée en 1892, de projeter de telles bandes découpées en petites vignettes disposées sur son phonoscope à disque de verre, selon le principe et la durée cyclique des jouets optiques. De mai 1891 à fin 1895, les Américains Thomas Edison, l’inventeur du

phonographe, et surtout son assistant et premier réalisateur du cinéma, William Kennedy Laurie Dickson, produisent et tournent quelque soixante-dix films, enregistrés avec le kinétographe (caméra) et visionnés individuellement par le public à l’aide du kinétoscope (projection

tour, Auguste Lumière se lance dans la recherche avec un mécanicien, Charles Moisson. Il échoue et c’est Louis qui prend le relais. Durant l’été 1894, dans l’usine Lumière de Lyon-Monplaisir, il met au point un mécanisme ingénieux qui se différencie de ceux du kinétographe et du kinétoscope. Comme Edison, il adopte le format 35 mm, mais, pour ne pas entrer en contrefaçon avec la pellicule à huit perforations rectangulaires autour de chaque photogramme, brevetée par l’inventeur et industriel américain, il choisit une formule à deux perforations rondes par photogramme (abandonnée par la suite). Inspiré par le mécanisme de la

machine à coudre de sa mère, où l’entraînement du tissu est assuré à l’aide d’un patin actionné par une came excentrique, Louis dessine une came originale qui actionne un jeu de griffes dont les dents s’engagent dans les perforations, déplacent la pellicule d’un pas tandis que, à l’instar du kinétographe, un obturateur rotatif empêche la lumière d’atteindre la couche photosensible en déplacement. Puis les griffes se retirent, laissant la pellicule immobile, que la réouverture de l’obturateur permet d’impressionner d’un photogramme, et reviennent à leur point de départ pour entraîner la pellicule et impressionner un nouveau photogramme, ad libitum.

Mécanisme Lumière : came excentrique et griffes, film à perforations rondes (les perforations rectangulaires des films Edison étant brevetées).
Le 26 décembre 1894, on peut lire dans le journal Le Lyon républicain, que les frères Lumière « travaillent actuellement à la construction d’un nouveau kinétographe, non moins remarquable que celui d’Edison et dont les Lyonnais auront sous peu, croyons-nous, la primeur. ». La caméra d’Edison-Dickson est explicitement citée comme référence préexistante.

Avec ce mécanisme, même s’il ne fait pas les premiers films (tournés par William Kennedy Laurie Dickson), Louis Lumière — et, par contrat, son frère Auguste — est généralement considéré comme l’inventeur du cinéma en tant que spectacle photographique en mouvement projeté devant un public assemblé. Le mécanisme à griffes actionnées par une came excentrique est une amélioration considérable par rapport à celui du kinétographe, où la pellicule est entraînée par un débiteur denté efficace (équipant encore aujourd’hui les caméras et appareils de projection argentiques) mais actionné brutalement par une roue à rochet (remplacée plus tard par une croix de Genève ou une croix de Malte, plus souples). D’ailleurs, au début, les frères présentent eux-mêmes leur appareil sous le nom de « kinétographe Lumière » ou « kinétoscope Lumière », avant de le baptiser « cinématographe ». C’est l’ingénieur parisien Jules Carpentier, à qui Louis Lumière fait parvenir tous ses essais d’évolution du prototype à partir de la première projection, qui finalise le mécanisme du cinématographe, notamment en le regroupant dans une boîte d’où ne sortent que la manivelle, l’objectif et un petit magasin pour contenir la pellicule vierge, prélude à sa production en petite série pour la vente aux amateurs fortunés.

À partir de 1895, les frères Lumière apportent ainsi une participation inventive de premier ordre dans le lancement du spectacle de cinéma, prémisses d’une industrie florissante que va notamment développer le Français Charles Pathé.

Le premier film tourné par Louis Lumière est Sortie d’usine, plus connu aujourd’hui sous le nom de La Sortie de l’usine Lumière à Lyon. Il a été tourné le 19 mars 1895, à Lyon rue Saint-Victor (rue actuellement nommée rue du Premier-Film). La première représentation privée du Cinématographe Lumière a lieu à Paris le 22 mars 1895 dans les locaux de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale. Dans la foulée, Louis Lumière tourne durant l’été 1895 le célèbre Jardinier qui deviendra plus tard L’Arroseur arrosé. C’est le film le plus célèbre des frères Lumière et la première des fictions photographiques animéesnote 1. En attendant la première séance publique, les Lumière présentent le Cinématographe à de nombreux scientifiques. Le succès est toujours considérable. Le 11 juin 1895 pour le Congrès de photographes à Lyon, le 11 juillet à Paris à la Revue générale des sciences, le 10 novembre à Bruxelles devant l’Association belge de photographes, le 16 novembre dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, etc.

Leur première projection publique a lieu le 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café de l’hôtel Scribe, 14 boulevard des Capucines à Paris, présentée par Antoine Lumière devant trente-trois spectateurs. Charles Moisson, le constructeur de l’appareil, est le chef mécanicien, il supervise la projection. Le prix de la séance est fixé à 1 franc.

Le programme complet de la première séance publique payante, à Paris, compte 10 films, tous produits en 1895 :

  • La Sortie de l’usine Lumière à Lyon (“vue” documentaire)
  • La Voltige (“vue comique” troupier)
  • La Pêche aux poissons rouges (“vue” familiale : la fille d’Auguste Lumière, alors bébé, pêche dans un aquarium)
  • Le Débarquement du congrès de photographie à Lyon (“vue” documentaire)
  • Les Forgerons (“vue” documentaire)
  • Le Jardinier (“vue comique”)
  • Le Repas de bébé (“vue” familiale : la fille d’Auguste Lumière)
  • Le Saut à la couverture (“vue comique” troupier)
  • La Place des Cordeliers à Lyon (“vue” documentaire)
  • La Mer (“vue” documentaire : baignade de jeunes citadins)

Le film L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat n’est pas projeté ce jour-là, mais le sera par la suite, remportant un énorme succès.

Six mois après la présentation de décembre 1895, la première projection de films en Amérique avec le Cinématographe Lumière est organisée par Louis Minier et Louis Pupier à Montréal (voir cinéma québécois). Aux États-Unis, la présentation du Cinématographe Lumière fait sensation à New York le 18 juin 1896, et par la suite dans d’autres villes américaines, ce qui déclenche la « guerre des brevets », lancée par Edison au nom de ce qu’il considère comme son droit d’antériorité, et du slogan « America for Americans », obligeant Lumière à déserter le sol américain dès l’année suivante.

Rapidement, les frères Lumière prennent conscience de l’intérêt de filmer avec leur Cinématographe des images pittoresques de par le monde et de les montrer en projection, ou de les vendre avec l’appareil. Fins commerciaux, ils refusent de céder les brevets de leur invention à Georges Méliès qui leur en offre pourtant une petite fortune, ainsi que d’autres. Ils tentent même de décourager ce futur et talentueux concurrent en lui prédisant la ruine s’il se lance dans la production de films (Méliès ferme sa société Star Film en 1923, après avoir gagné énormément d’argent grâce à ses films, et sa ruine est essentiellement due à son incompréhension du devenir du cinéma, et à son obstination à considérer les films comme des sous-produits du music-hall). Les frères Lumière, eux, ont la sagesse de s’arrêter de produire des films en 1902, quand ils comprennent que le cinéma est un langage nouveau dont ils n’ont connaissance ni des règles à venir ni de l’importance qu’il va prendre dans le monde entier. Ce que n’ignore pas Thomas Edison, qui prédit que « le cinéma sera plus tard l’un des piliers de la culture humaine ».

Louis Lumière s’implique fortement dans le soutien au régime fasciste italien. En effet, le gouvernement fasciste veut lutter contre la prédominance du cinéma américain et il organise pour le quarantième anniversaire de l’invention du cinéma, le 22 mars 1935, un grand gala auquel assiste en personne Louis Lumière. Ce jour-là, Louis dédicace sa photo : « À son Excellence Benito Mussolini avec l’expression de ma profonde admiration. » Cette photo et cette dédicace sont publiées en page 3 d’un ouvrage édité à cette occasion, par l’Imprimerie nationale italienne. Il associe son frère Auguste dans « la vive gratitude » qu’il exprime à l’égard des organisateurs fascistes de cette assemblée et dans ce même ouvrage, émanant du secrétariat des Groupes Universitaires Fascistes, il évoque « l’amitié qui unit nos deux pays et qu’une communauté d’origine ne peut manquer d’accroître à l’avenir ».

Le 15 novembre 1940, dans une déclaration à l’agence de presse Inter-France, il appuie le projet de collaboration du régime de Vichy : « Ce serait une grande faute de refuser le régime de collaboration dont le maréchal Pétain a parlé dans ses admirables messages. Auguste Lumière, mon frère, dans des pages où il exalte le prestige incomparable, le courage indompté, l’ardeur juvénile du Maréchal Pétain et son sens des réalités qui doivent sauver la patrie, a écrit : « Pour que l’ère tant désirée de concorde européenne survienne, il faut évidemment, que les conditions imposées par le vainqueur ne laissent pas un ferment d’hostilité irréductible contre lui. Mais nul ne saurait mieux atteindre ce but que notre admirable Chef d’État, aidé par Pierre Laval qui nous a donné déjà tant de preuves de sa clairvoyance, de son habileté et de son dévouement aux vrais intérêts du pays. » Je partage cette manière de voir. Je fais entièrement mienne cette déclaration. »

Auguste Lumière siège au conseil municipal de Lyon mis en place par le régime de Vichy en 1941. Son frère Louis est quant à lui désigné membre du Conseil national mis en place par Vichy, et fait partie du comité d’action de la LVF, chargé du recrutement à Marseille. Il reçoit la décoration de la Francisque le 2 janvier 1942 comme son frère.

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Sources : Wikipédia, Youtube.