L’industrie du sel.

L’histoire du sel commence au moment où l’homme tente de s’impliquer dans la production effective de son alimentation et sa conservation en toutes saisons.

Le sel, c’est-à-dire le sel ordinaire ou chlorure de sodium, est un cristal ionique comportant des ions sodium Na+ et des ions chlorure Cl-. Il est très important pour l’espèce humaine comme pour toutes les espèces vivantes. Chez l’homme, la carence en sel peut amener jusqu’au coma et à la mort. En évoluant, chaque espèce s’est adaptée au taux de salinité de son milieu (c’est le cas des plantes ou des poissons, par exemple) ou à un niveau de disponibilité du sel (cas des animaux terrestres).

Le sel permet de corriger un menu comportant essentiellement des végétaux. Il a facilité l’adoption de l’agriculture et de l’élevage et son utilisation s’est étendue à d’autres techniques typiques d’un mode de vie sédentaire (élaboration du cuir, lustrage des poteries). C’est donc l’un des piliers des révolutions néolithiques et partant, des civilisations.

Cependant le sel était souvent difficile à obtenir et cher. Il a donc été l’objet d’un commerce important et parfois de taxations, ce qui entraînait une contrebande considérable. Il a aussi été utilisé comme monnaie et instrument de rites religieux, aspects qui ne sont pas évoqués dans l’article.


Aujourd’hui, le sel est bon marché et presque partout disponible. Depuis le XIXe siècle il est devenu une matière première incontournable pour les industries chimiques.

Marais salants, carte maximum, France?

Le sel provient de deux sources principales : l’eau de mer et les mines de sel. On peut en rajouter une troisième plus rare : les sources salées terrestres. De façon plus marginale, depuis le néolithique, on a aussi produit du sel en brûlant des plantes halophytes comme la salicorne et en lavant les cendres pour récupérer les cristaux.

L’extraction du sel, jusqu’à une époque récente était une occupation pénible et parfois dangereuse surtout dans les mines; « son extraction, longtemps synonyme de calvaire fut réservée aux esclaves, aux forçats, aux prisonniers de guerre. »

L’eau de mer contient en moyenne 30 g de sel par litre, ce qui amène à une réserve marine inépuisable de 4 × 1016 tonnes. Elle est traitée dans les marais salants appelés également salins et autrefois sauneries. On parle aujourd’hui de sel solaire. En Angleterre les noms en -wich apparaissent régulièrement le long des côtes, ils témoignent généralement aussi de l’existence passée de salines (ex. : Norwich).

Des marais salants avec des systèmes de bassins plus ou moins  perfectionnés existent au moins depuis l’Antiquité mais leur ancienneté est difficile à prouver.

Lorsque l’eau s’évapore, la salinité, c’est-à-dire la concentration de l’eau de mer en sel, augmente. Lorsque le point de saturation est atteint, des cristaux de halite (le minéral chlorure de sodium) se forment et se déposent. On peut alors les récupérer. Ensuite, on change l’eau des bassins en utilisant les différences de niveau dues aux marées.

Les mers quasi fermées ont une salinité très variable suivant les apports des fleuves qui y débouchent et l’intensité de l’évaporation : la salinité de la Baltique est de 6 g/l et celle de la mer Rouge de 40 g/l. Celle des mers fermées est encore plus élevée : 300 g/l pour la mer Morte.

Il peut en être de même pour des lagunes ou des lacs côtiers peu reliés à la mer et situés dans des zones chaudes. Ces endroits sont intéressants pour la création de salines mais on n’y bénéficie pas de l’aide des marées pour le renouvellement de l’eau.

Le lac Rose, au Sénégal, est un lac côtier épisodiquement en contact avec la mer. Sa salinité est très élevée et atteint le point de saturation (380 g/l). Le sel peut donc être récolté au fond de l’eau peu profonde.

Ce phénomène de sursalinité existe aussi dans certains estuaires de fleuves à faible débit en zone tropicale. Ainsi l’estuaire commun des fleuves Sine et Saloum au Sénégal présente une salinité de 180 g/l en amont de l’estuaire, contre 35 g/l au niveau de l’Atlantique. On parle alors d’estuaire inverse. On trouve des exploitations industrielles de sel dans l’estuaire du Sine Saloum.

Les différentes techniques de dessalement de l’eau de mer (distillation fractionnée, osmose inverse, congélation fractionnée dans les pays froids) produisent nécessairement des saumures. Considérées comme accessoires, elles sont généralement rejetées en mer.

Un salar est un lac salé régulièrement asséché (ex. : Salar d’Uyuni). Il peut être utilisé comme un marais salant naturel. En Afrique du Nord, on utilise les termes de sebkha ou de chott, en Afrique du Sud anglophone celui de salt pan. Il existe aussi des salars dans les zones arides froides.

La mer d’Aral peut être considérée comme le plus grand salar actuel.

Dans ces lacs, le chlorure de sodium n’est pas nécessairement le sel principal. Tous ne sont donc pas exploitables pour le sel alimentaire. C’est le cas du sel fourni par le Grand Lac Salé (Utah, États-Unis) dont les productions importantes sont très diverses : blocs de sel pour le bétail, chlorure de magnésium utilisé pour la production de chlore et de  magnésium métal, élevage d’Artemia salina (les conditions d’élevage de cette petite crevette destinée à l’alimentation des poissons sont optimales pour une salinité de 100 g/l), chlorure de potassium pour engrais.

Certains sont des réserves naturelles, par exemple la Laguna Colorada en Bolivie, ou sont protégées par la Convention de Ramsar comme le Chott el-Jérid en Tunisie.

Pendant certaines périodes géologiques, des salines naturelles ont pu se former de cette façon parfois à l’échelle de mers entières. Ainsi à la fin du Miocène, la fermeture du Détroit de Gibraltar a entraîné la crise de salinité messinienne en Méditerranée mais les dépôts de halite ont été à nouveau mis en solution lors de la remise en eau (transgression zancléenne) au début du Pliocène. Mais lorsque des salines naturelles sont, par la suite, recouvertes de couches sédimentaires imperméables, (sinon, le sel peut être lessivé) et que le continent est soulevé ou que le niveau des mers baisse, on obtient alors des couches souterraines exploitables par mines aujourd’hui. C’est le sel de terre, sel minier ou sel gemme.

On appelle aussi halite ou sel gemme la roche qui contient le chlorure de sodium ainsi que d’autres éléments en quantités moindres. C’est donc une roche sédimentaire, plus précisément une évaporite.

La mine de sel de Khewra au Pakistan exploite principalement des dépôts de l’Édiacarien depuis l’époque moghole. Sa production de sel rose réputé dépasse 350 000 tonnes par an.

Mine et usine de traitement par évaporation du sel au bord du Lac Huron à Goderich, Canada, exploitées par Sifto Salt Corp. La plus grande mine du monde est située à Goderich (Ontario) au Canada et produisait un million de tonnes de sel par an en 2011. Des dépôts du Silurien à plus de 300 m de profondeur y sont exploités.

De grands bassins sédimentaires se sont formés au Permien dans des mers peu profondes, probablement quasi-fermées et alors en position  équatoriale et ont été exondés par la suite (cartes).

Le Permian du Texas (bassin permien) en est une illustration aujourd’hui très célèbre bien qu’il doive d’abord cette célébrité aux nappes diffuses d’hydrocarbures qui fournissent les pétroles et gaz dits abusivement de schiste. Le Permian contient de grandes couches de sylvinite, mélange de halite et de sylvine (KCl, chlorure de potassium). Les mines de Grand Saline au Texas comptent parmi les plus grandes du monde.

Le Bassin permien européen associe également au Permien supérieur (Zechstein) hydrocarbures, halite et sylvanite avec des dômes. Les mines de Stassfurt en Saxe-Anhalt en font partie, elles sont surtout connues pour leur énorme production de potasse à la Belle Époque mais comportent aussi des couches de halite (Salzgewinnung am Staßfurter Sattel).

Les couches de halite peuvent atteindre jusqu’à 350 m d’épaisseur et s’étendre sous de vastes régions. En Amérique du Nord, de très grandes couches souterraines s’étendent de l’Ouest de l’État de New York jusqu’à ceux du Michigan et de l’Ontario.

En France, on trouve de la halite dans le Saulnois (dépôts du Trias supérieur) en Lorraine, la dernière mine en activité est située à Varangéville.

On trouve des dépôts du Miocène en Pologne près de Wieliczka. En Alsace il s’agit de dépôts oligocène de sylvinite (bassin potassique). Elle est  considérée comme impropre à la consommation (sel amer) mais a été largement utilisée pour la fabrication d’engrais potassiques et le salage des routes.

Comme la halite est une roche relativement plastique, elle peut traverser les couches supérieures et former un diapir (une sorte de gigantesque hernie) appelé, dans ce cas, dôme de sel12 où le sel est très pur et plus proche de la surface du sol. Ces dômes sont souvent associés aux gisements conventionnels d’hydrocarbures.

Dans des régions très sèches, comme le Zagros d’Iran, des dômes  affleurants sont exploités en carrières depuis très longtemps. Certains dômes de sel continuent à s’écouler à la manière d’un glacier. Ils sont appelés glaciers de sel comme la Kuh-e-Namak (la montagne de sel) dans la Province de Bouchehr également réputée pour ses champs gaziers.

Certaines sources comme à Salies-de-Béarn, Salins-les-Bains, Lons-le-Saunier (France), Bex (Suisse) et Maras (Pérou) sont ou étaient  naturellement salées.

Au lieu d’ouvrir une mine ou une carrière, on peut faire passer de l’eau dans la couche de sel et recueillir la saumure (on disait autrefois la muire) ou la puiser dans une nappe d’eau salée naturelle. C’était le cas à Salins-les-Bains en Franche-Comté et à Zigong en Chjne depuis l’Antiquité13. Cette technique est très utilisée de nos jours.

La cristallisation du sel par évaporation de l’eau des saumures au soleil n’est possible que dans les régions suffisamment chaudes et ensoleillées. Dans les autres régions, on peut utiliser :

Des systèmes de circulation de la saumure dans des bassins peu profonds comme dans les marais salants. Lorsqu’on ne bénéficiait pas de l’action des marées ou de pentes suffisantes pour remplir et vider les bassins, c’était un gros travail qui nécessitait une main d’œuvre importante. À partir du Moyen Âge, on a pu utiliser des moulins à vent ou des roues à aubes entraînant des norias ou des pompes pour déplacer la saumure.

L’action du vent. En Allemagne et en Pologne, au XVIe siècle, on a mis au point des tours de graduation de la saumure. La saumure y ruisselait sur des fagots d’épines exposés au vent. Toutefois, selon le climat, afin d’obtenir la cristallisation, ces techniques devaient être remplacées ou complétées par :

le chauffage dans de petits récipients de briques, technique utilisée dès le néolithique. Généralement ces récipients étaient ensuite brisés pour obtenir les pains de sel.

Avant l’utilisation du charbon, ces techniques nécessitaient de grandes quantités de bois de chauffage et ont largement contribué à la  déforestation.

Il existe en fait plusieurs méthodes de conservation impliquant l’usage du sel. Toutes semblent avoir été utilisées dès que le sel a été disponible.

Les salaisons à sec utilisent l’effet antiseptique du sel. Le sel doit  représenter au moins 10 % du produit final humide ; Son action peut être complétée par d’autres sels (nitrites, etc.) et par le fumage. Séchage et fumage permettent d’abaisser cette dose. Le saumurage vise à assurer l’effet antiseptique par une macération plus ou moins longue de façon à bien imprégner l’aliment. Le pourcentage de sel retenu est souvent plus élevé. Il atteignait 50 % dans le cas du garum qui était principalement fabriqué à partir de viscères de poissons.

La conservation en saumure acide. La saumure est réalisée avec un liquide acide, généralement du vinaigre, et est aromatisée avec des plantes susceptibles de renforcer l’effet antiseptique (thym, poivre, etc.). C’est le cas des cornichons. Les doses de sel sont très variables.

La conservation en milieu acidifié par fermentation lactique (ou  lactofermentation) sous l’action de micro-organismes. À dose plus réduite (environ 30 g/kg), le sel inhibe certains microbes potentiellement dangereux mais laisse possible la lactofermentation. Dans un milieu riche en sucres ou en protéines relativement solubles, et à l’abri de l’air, la fermentation lactique est alors privilégiée et entraîne l’acidification. C’est ce qui se passe lors de la fabrication de la choucroute. C’est bien l’acidité qui assure la conservation, le sel jouant un rôle d’adjuvant.

L’utilisation de sel dès le néolithique est difficile à prouver. Le sel laisse en effet peu de traces étant facilement emporté par un peu d’eau. Le matériel nécessaire à son élaboration ou à son stockage, comme des moules ou d’éventuelles jarres, n’est pas spécifique. Seules des galeries de mines ont pu aisément attirer l’attention des chercheurs. Il y a cependant des indices :

Des résidus de produits laitiers ont été identifiés sur des tessons de poteries perforées (probablement des faisselles) datées de – 7500, en Turquie près de la mer de Marmara. La fabrication de fromage n’a réellement d’intérêt que dans un but de conservation, et pour cela, il faut du sel. D’autre part, les productrices de lait ont besoin de sel dans leur alimentation. De même, les fouilles d’Aşıklı Höyük, en Cappadoce (Turquie), permettent de supposer que «le commerce du sel faisait partie des principales occupations des habitants, il y a 10 000 ans».

Les chasseurs-cueilleurs du paléolithique pouvaient trouver leur ration de sel dans la viande (en particulier dans les abats), le poisson, les coquillages. Lorsque l’homme est passé à l’agriculture, les menus à base de végétaux ne couvraient plus ses besoins physiologiques. L’établissement néolithique de Hoca Çeşme situé près de la mer en Thrace Orientale (Turquie), daté de – 6000, comprend des fosses conçues pour être bouchées hermétiquement associées à des coquilles de mollusques marins comestibles. Elles sont interprétées comme étant destinées à la conservation en milieu salé. Lorsque de telles denrées n’étaient pas disponibles, les rations devaient être complétées par du sel minéral. Ainsi on sale le pain, aliment par excellence.

Le même problème se pose pour les animaux herbivores ; les animaux dans la nature savent reconnaître les pierres salées ou la terre et les lécher. Dans les élevages, on leur fournit des pierres à lécher reconstituées appelées couramment blocs de sel. Autrefois, on salait souvent le foin dans la masse après la récolte, ce qui, de plus, améliorait sa conservation. Les chiens et les chats qui sont des carnivores et transpirent peu (la sueur est riche en chlorure de sodium) ne doivent pas recevoir de sel. On peut éventuellement remarquer que le chien a pu être domestiqué dès le paléolithique, vers – 30000, en tout cas bien avant les herbivores à qui il fallait assurer une ration suffisamment riche en sel.

Dans la mythologie nordique, la vache Audhumla qui nourrit l’Être primordial Ymir lèche la glace salée qui recouvre le corps du premier dieu, Buri.

Le sel est aussi nécessaire pour le tannage du cuir. La macération prolongée des peaux en saumure permet de les conserver et d’éviter leur puanteur. On peut ainsi les utiliser facilement comme vêtement ou récipient.

Sur l’Île Petite Anse (Avery Island), en Louisiane, des sources salées jaillissaient du dôme de sel sous-jacent. Elles étaient exploitées pour la production de sel par les Amérindiens avant l’arrivée des occidentaux.

Les mines de sel de Duzdagi, en Azerbaïdjan, existeraient depuis – 4500 selon C. Marro (CNRS). On y a retrouvé de nombreux outils de mineurs.

L’exploitation de sel de Solnitsata (en Bulgare : les ateliers du sel) a été datée d’avant 4000 avant notre ère. Elle peut être mise en relation avec la civilisation de Varna (Bulgarie), célèbre pour ses objets en or et pour être la première ville connue d’Europe.

La conservation de viande séchée et salée est très ancienne et commune à de nombreuses civilisations, le kaddid populaire au Maghreb en est un  exemple. Il faut cependant que l’on puisse trouver trois semaines de saison sèche, sinon il faut fumer la viande durant de très longues heures (Boucanage).

Dans les contrées britanniques à proximité de la mer, des évidences de processus de gestion du sel ont été trouvées, datées de l’année – 3800, la technologie ayant pu être apportée par des personnes migrantes depuis la France.

Pierres arasées en laissant un rebord sur une plage de l’Île de Haïnan. À marée descendante, ces pierres gardent de l’eau de mer qui s’évapore ensuite laissant le sel (système traditionnel à Yangpu).

En Chine, l’utilisation de sel pour la cuisine est documentée dès l’époque de l’empereur Huángdì (vers -2650). Le sel pouvait provenir de lacs salés du Shanxi mais tous les types de provenance du sel existent en Chine.

De tout temps, les Coréens ont été réputés pour leurs plats de poissons et fruits de mer conservés en saumure et appelés Jeotgal. L’habitude en aurait été prise en Corée dès le néolithique.

En Mésopotamie, on trouve aussi très tôt des références à une saumure similaire appelée shiqqu.

En Égypte, les premières momies autour de – 3000 sont déjà traitées avec un mélange de sel et de natron (carbonate de sodium hydraté). Les Égyptiens auraient aussi été parmi les premiers à fabriquer des poteries à glaçure alcaline, c’est-à-dire recouverte d’un émail à base de sel fondu. Des scènes de la même époque montrent le prélèvement d’ovaires de mulet et leur préparation en saumure comme on fait pour la poutargue.

Dans la Bible, il est souvent fait allusion au sel. Dans le Lévitique, il est dit que les sacrifices d’animaux doivent être accompagnés de sel (Lev. 2:13). Jésus l’utilise dans ses paraboles. Par exemple « Vous êtes le sel de la terre… » (Mathieu 5:13).

La civilisation de Hallstatt, ou premier âge du fer, est centrée sur la région du Salzkammergut, en Autriche, très riche en sel. De grandes mines y ont été ouvertes dès – 1300. Vers – 800, l’exploitation du sel y devient industrielle.

Les sources salées de la Seille sont exploitées dès – 850 et jusqu’à la conquête romaine. On y fabriquait annuellement des milliers de tonnes de pains de sel par chauffage de l’eau dans des moules en brique (Briquetage de la Seille). La production estimée passe de milliers de tonnes au premier âge du fer à des dizaines de milliers de tonnes avant la conquête romaine atteignant un stade industriel28.

Rome doit en partie son essor au contrôle des marais salants de l’embouchure du Tibre qu’elle disputait à l’origine à la cité de Veies. Les Romains se sont attachés à sécuriser leur approvisionnement en sel ainsi que celui de leurs légions. Le sel permettait à l’intendance de fournir des aliments conservés aux soldats et de diminuer ainsi la pression sur les populations occupées. Le mot « salaire » provient de « sel », les légionnaires romains ayant perçu une partie de leur solde en rations de sel.

Le garum était une sauce, élaborée à partir de poissons fermentés en saumure, analogue au nuoc-mâm des Vietnamiens. La production de garum et les salaisons de poissons sur les côtes de l’Empire romain étaient devenues de véritables industries. Les Romains en faisaient une consommation immodérée.

À Venise le sel est exploité au moins depuis l’Antiquité. Son commerce fut érigé en monopole par la République de Venise et est en partie à l’origine de la fortune de cette cité.

Dans la Guerre des Gaules, César dit que les Vénètes (Gaule) et les Pictons possédaient des marines importantes, or leurs pays, le golfe du Morbihan et le Poitou sont des régions de marais salants.

Les fouilles archéologiques menées autour de Guérande donnent des indices de production de sel dès l’époque de La Tène (second âge du fer). Les  archéologues pensent cependant que les Gaulois ne maîtrisaient pas complètement la technique des salines. Ils n’auraient obtenu que des saumures qu’ils devaient ensuite cuire dans des moules pour obtenir des pains de sel. Les Romains auraient apporté la technique permettant l’obtention du sel par évaporation dans les salines elles-mêmes. De même, ils auraient remplacé la technique de cuisson des saumures en briquettes par des poêles en plomb. La production de sel en Gaule serait alors devenue très importante. Les Gaulois utilisaient déjà des saloirs en terre cuite pour leurs conserves de viande.

L’origine du gravlax (littéralement saumon de fosse) est très ancienne. On dit que des pêcheurs norvégiens se seraient rendus compte par hasard que du saumon caché dans un sable de plage de mer suffisamment stable pouvait se conserver longtemps ainsi.

Au Moyen Âge, le sel était produit de plusieurs façons selon les espaces géographiques : en Méditerranée et dans l’estuaire de la Loire il était obtenu par évaporation, il pouvait aussi être produit par mise à ébullition de la saumure ; en Franche-Comté, en Lorraine, en Autriche ou dans le centre de l’Angleterre il était extrait de sources salées. Dans les pays du Nord, enfin, notamment en Flandres et en Frise, le sel était extrait de la tourbe. Cette dernière était brûlée, puis les cendres étaient lavées et raffinées ce qui donnait du sel de tourbe appelé zelzout.

Dans les pays du nord de l’Europe, l’évaporation était de toute façon rarement suffisante pour permettre la cristallisation du sel. À Læsø, au Danemark, on a très tôt utilisé des fours appelés kiln pour obtenir le sel par chauffage des saumures. Dans les Eddas, il est dit que les guerriers de cette île étaient particulièrement vigoureux et leurs femmes, plus encore : «She-wolves they were, and scarcely women. They crashed my ship…».

Au Moyen Âge, le Danemark put maîtriser le commerce du sel dans la Mer du Nord et la Baltique, et celui des poissons, le sel permettant leur conservation et leur transport. Il fut, à cette époque, l’un des plus puissants royaumes d’Europe.

Cette histoire se répètera pour les Pays-Bas qui disposaient, au départ de leur expansion, des salines de Zélande.

Il en fut de même pour les villes de la Ligue hanséatique. Lunebourg était très riche grâce au sel. En établissant la Hanse des villes du Nord, les marchands cherchaient à sécuriser leur commerce. En effet la Baltique était très poissonneuse et les ports de cette mer étaient en mesure d’exporter beaucoup de poisson à condition de disposer du sel pour le traiter, malheureusement la salinité de la Baltique est très faible. Bergen souffrait de la même problématique, le skrei, une variété de morue réputée, y abondait mais sa situation septentrionale ne permettait pas l’établissement de salines performantes. Dans les ports d’Europe du Nord, le hareng était souvent moins cher que le pain. Il était donc intéressant de disposer de sel même s’il fallait aller le chercher très loin.

Une solution était d’acheter du sel de mines d’Allemagne ou de Pologne. Cet état possédait les mines de sel de Wieliczka. Elles enrichirent le royaume de Pologne puis la République des Deux Nations qui fut un temps l’État le plus étendu d’Europe.

Il était encore plus intéressant d’aller chercher le sel aux Pays-Bas ou en France. Les bateaux pouvaient y livrer des marchandises dont ces pays avaient besoin (bois, fourrures…) et repartir avec une cargaison de sel qu’on pouvait transférer presque directement des marais salants aux bateaux. De plus la production française était abondante.

Au Moyen Âge, en France, en Normandie et sur la côte atlantique, de Guérande à l’Aunis, de nouvelles parcelles de marais sont gagnées sur la mer par le drainage au moyen de fossés et de canaux comme dans les polders hollandais. Une partie en est réservée à la production de sel34. Une part importante de ce sel est vendue aux commerçants anglais, hollandais ou de la Hanse. Au xve siècle, les marais de Guérande fournissent à l’Angleterre plus de la moitié de son sel. Au XVe siècle, l’expansion commerciale des Hollandais dans les pays de la Baltique se fonde sur l’exportation vers l’Est du drap hollandais et anglais, du sel breton, ainsi que sur l’importation de quantités de plus en plus grandes de céréales, de chanvre, de lin et surtout du bois, de poix, de goudron, de cuirs et de fourrures. Les bateaux hollandais, en quittant leurs ports d’attache, se rendaient en Bretagne charger du sel, du vin et des denrées du midi ; avec ce chargement, ils naviguaient vers la Baltique, ils y vendaient leurs marchandises, et y achetaient des céréales, du bois, des cendres et d’autres produits locaux destinés à la Hollande et aux pays de l’Europe occidentale. Vers la fin du XVe siècle, les bateaux hollandais se rendaient aussi en Espagne et au Portugal où ils pouvaient également s’approvisionner en sel, en fruits et, de plus en plus souvent, en denrées coloniales, en échange de leurs propres produits, oies, produits industriels étrangers, ainsi que les marchandises des pays de la Baltique.

En Angleterre, les mines de sel du Cheshire sont l’une des causes du développement du port de Liverpool et du cheshire, l’un des premiers fromages anglais connus. Le sel favorise, en effet, la bonne santé des troupeaux laitiers et la conservation du fromage. Il améliore aussi son goût.

À cette époque en France, la boîte à sel est avec les paillasses, la table et les écuelles le seul mobilier des paysans.

Des traités de cuisine, essentiellement destinés aux plus riches,  apparaissent, comme le Viandier de Taillevent. Ces traités exposent l’intérêt des sauces (du latin salsus : salé) autant pour rehausser le piquant du plat que le prestige du domaine mais aussi pour en prolonger l’utilisation. C’est, par exemple, l’origine du saupiquet (littéralement : piquant au sel) qui accompagnait les pièces de vénerie et de la salade.

En France, le commerce du sel devint un monopole royal généralisé dans tout le royaume en 1342 par Philippe VI de Valois, en partie pour financer les dépenses occasionnées par la guerre de Cent Ans. Ce monopole permet de percevoir une taxe : la gabelle du sel. Les greniers à sel sont la manifestation la plus évidente de cette politique. Ils sont répartis sur tout le territoire.

Les Plantagenêts taxent moins le sel et organisent mieux le commerce maritime que les rois de France. Les Rôles d’Oléron publiés par Aliénor d’Aquitaine sont encore à la base du droit maritime moderne. L’Aquitaine et le Poitou étaient donc des provinces privilégiées pour la production et la consommation du sel, cette situation perdurera.

Ainsi l’archéologie montre qu’à Parthenay, petite ville du Poitou, vers 1450, « les habitants de Parthenay étant exonérés de la gabelle, le commerce du sel était une activité importante… Les rues de la Petite-Saunerie et de la Grande-Saunerie témoignent encore de cette activité ». De même, installées tout près, les tanneries profitent de la disponibilité du sel.

L’exemption de gabelle fait partie des privilèges obtenus par le duché de Bretagne pour sa réunion définitive à la couronne de France (Union de la Bretagne à la France), en 1532.

Pour éviter en partie la gabelle, on ne salait pas toujours le beurre. Le salage, parfois jusqu’à 100 g par kg de beurre, permettait cependant d’en éviter le rancissement et d’en prolonger la conservation. Les régions réputées pour leur beurre étaient donc les provinces où la gabelle avait le moins d’impact, comme la Bretagne, le Poitou et l’Aunis. On peut y voir aujourd’hui une justification a priori à l’appellation d’origine protégée « beurre Charentes-Poitou ». A contrario, en Normandie, pays de gabelle, on a privilégié  l’emploi de la crème, éventuellement conservée aigre autrefois.

Pour la même raison, l’habitude de cendrer certains fromages, saucissons et jambons aurait pu être une façon de diminuer la quantité de sel nécessaire. On se sert alors d’un mélange de sel et de cendres de bois. La cendre, si elle change très peu le goût du fromage, aurait l’avantage d’éloigner les insectes et de donner un aspect original au fromage.

Il a pu en être de même en ce qui concerne l’incorporation de salpêtre dans certaines préparations (jambons, viandes séchées en général).

Une légende, hautement improbable, dit que, lors de la bataille de Poitiers en 732, les cavaliers maures auraient abandonné femmes et troupeaux. Les femmes maures auraient ensuite appris aux Poitevins l’art de bien saler les fromages de chèvre en utilisant ce mélange de sel et cendres.

Avec le temps les modalités de perception de la gabelle deviendront très différentes d’une région à l’autre, entraînant une contrebande effrénée. Portant sur un produit dont la nécessité est vitale, la gabelle est  unanimement détestée. Elle est la cause de nombreuses révoltes souvent féroces en France. Par exemple, en 1541, la décision d’étendre la gabelle à l’Aunis, pays de marais salants, et à l’Angoumois entraînera la Jacquerie des Pitauds en 1548 ; la répression est impitoyable, le parlement de Bordeaux est suspendu. Cependant Henri II autorise l’achat définitif de l’exemption de gabelle, c’est ainsi qu’une grande partie de l’Aquitaine et du Poitou deviennent pays rédimés des gabelles.

Par l’ordonnance de 1680, Jean-Baptiste Colbert rationalisa la perception de la gabelle sans la changer significativement. La suppression de la gabelle figure en bonne place dans les cahiers de doléances de 1789.

Dans la première moitié du XIXe siècle (donc en l’absence de gabelle) les quantités consommées sont estimées à 4,5 kg par personne et par an ; un cheval en consomme environ 20 kg et une vache le double.

Entre 1840 et 1914, en France, la société rurale vit la meilleure époque de son histoire. En même temps que cette société, majoritaire dans le pays, tire le meilleur parti de ses productions locales, elle commence à s’ouvrir largement au monde.

La mécanisation du travail dans les mines et sur les salines de la  Méditerranée progresse rapidement. La production s’accroît considérablement.

Malgré l’invention de l’appertisation (Nicolas Appert, 1795) et celle de la production de froid par compression-détente d’un gaz (Jacob Perkins, 1834), ces techniques ne se développent que lentement. De plus, les conserves au sel sont des aliments appréciés et bien typés. Avant la généralisation du froid industriel et des conserves en boîtes, le sel, enfin bon marché permet une alimentation suffisante en toutes saisons et en toutes régions. Chaque famille peut avoir son saloir rempli de lard. Chaque région a ses recettes souvent savoureuses : salaisons et charcuteries diverses, choucroute, fromages, olives et cornichons en saumure, morues et harengs, etc.

Même les feuilles de tabac sont alors fréquemment préparées par des passages en saumure pour en augmenter le montant.

Les fromages affinés sont toujours salés, soit par passage en saumure, soit par saupoudrage. Les formes cylindriques comme les fromages de chèvre chabichou et Sainte-Maure se prêtent bien au salage à sec, il suffit de les rouler sur un lit de sel ou de sel et cendres.

Autrefois réservés à des provinces exemptées de gabelle comme la Bretagne, pays de franc-salé, le beurre demi-sel et le beurre salé tendent à compléter un peu partout l’usage des graisses animales et de l’huile végétale dans la cuisine.

Les kippers britanniques, bon marché, pénètrent jusque dans les campagnes de nombreux pays. Ce sont des harengs saurs présentés coupés en deux, éviscérés et sans l’arête centrale, donc très faciles à consommer, même au travail. La combinaison du fumage à froid et du salage devait permettre d’obtenir une belle couleur rouge ; cette couleur est aujourd’hui obtenue à l’aide de colorants. C’était avec le bloater, non éviscéré, de préparation plus simple, le plat de prédilection des travailleurs anglais au breakfast. Aujourd’hui kipper est parfois utilisé dans un autre sens, qui ne manque pas, non plus, de sel.

Le corned-beef anglais, dans sa recette originale avant que les Américains ne lui donne le sens de bœuf en boîte, est du bœuf conservé en saumure (corned renvoyant à grain de sel), analogue au petit salé très répandu dans de nombreuses régions et fabriqué à partir de porc.

Dans ce type de salaisons comme pour le lard, on utilise typiquement 200 g de sel par kg de viande en couches intercalées et bien tassées. Pour les autres charcuteries, on utilise de 15 à 50 g de sel par kg de viande, environ 30 g/kg pour les viandes séchées de bœuf et mouton, pour le gravlax 100 g de sel par kg de saumon, pour la choucroute 30 g de sel par kg de chou haché, pour le beurre salé plus de 30 g par kg de beurre, de 40 g à 90 g pour les olives.

Jambons, saucissons, viande séchée de bœuf et certaines saucisses demandaient un sel additionné d’un peu de salpêtre et parfois de sucre pour des raisons hygiéniques. Le salpêtre (nitrate de potassium, littéralement sel de pierre) contribue à la bonne conservation des viandes et en maintient la couleur rosée mais l’utilisation des nitrates est aujourd’hui controversée.

Les conserves de choux fermentés se rencontrent un peu partout dans le monde et ont des origines anciennes. En dehors de la choucroute, les Alsaciens ont aussi une tradition de navets fermentés. Le mot français choucroute vient de l’alsacien suur [(saure ou aigre) et krüt (herbe ou chou), allemand : Sauerkraut].

Les sarmales roumaines étaient originellement fabriquées avec de feuilles de choux entières préparées comme la choucroute. C’est le plat national roumain. On concocte ainsi des produits fortement salés et néanmoins fameux dans toute l’Europe, tels que le fish and chips et le bacon  britanniques, les kippers de l’île de Man, les Hollandse nieuwe (harengs nouveaux) des Pays-Bas, les rollmops et le gravlax scandinaves, le salami italien, le pastramă moldave, la choucroute d’Alsace, la câpre de Malte, le cervelas (saucisse) et la viande des Grisons suisses, le caviar russe ou la poutargue de Martigues en Provence.

Les saucisses (du bas-latin salcisius : sal) étaient très typées régionalement et n’avaient pas la réputation d’aujourd’hui (bon marché, ne contenant de la vraie viande que pour partie, trop grasses et trop salées). Elles faisaient partie des mets renommés.

Saucisses, jambons, olives, anchois, morues et harengs salés sont accessibles partout51. Les déclinaisons de ces produits sont innombrables.

Cet esprit perdure dans les campagnes jusque dans les années 1960. En témoigne le sketch de l’humoriste français Fernand Raynaud : «Ça eut payé !» où un paysan aisé se plaint tout en se vantant de produire tout ce dont il a besoin sur sa ferme. Enfin, presque tout, car il faut bien acheter le sel !

Cette époque (1840-1914), qui ne connaît pas encore les plastiques ou plus exactement ne fait que les découvrir, est aussi celle de l’utilisation  généralisée des cuirs de toutes sortes, du caoutchouc naturel, du verre, des céramiques et bien sûr du bois, alors parfois traité au sel.

Le cuir est présent dans de nombreux domaines : habillement, chaussures, maroquinerie, bourrellerie, gainerie, sellerie, ameublement, reliure, joints, courroies. Le harnachement des chevaux et des animaux de trait, alors très nombreux, emploie énormément de cuir. Le passage des peaux en saumure pendant quinze jours est l’une des premières étapes de leur traitement. Pour le tannage proprement dit, on utilise désormais l’alun (KAl(SO4)2, 12H2O) et les sels de chrome en mélange ou non avec le sel.

Mégis qui a donné mégisserie désignait un bain de sel, d’alun et de cendres utilisé pour traiter les peaux d’ovins et caprins.

On se sert aussi de bains de sel lors de la vulcanisation du caoutchouc. Les céramiques à glaçure à base de sel sont de plus en plus utilisées : tuyaux de drainage, carreaux muraux et de sol, équipements de bains et de cuisine, isolants électriques (c’est le début du télégraphe et de la production d’électricité), objets utilitaires et décoratifs en vogue à la Belle Époque.

Inventé en 1789 par Nicolas Leblanc, le procédé Leblanc permet d’obtenir la soude (NaOH, soude caustique), le chlore, l’acide chlorhydrique (autrefois appelé esprit de sel), le carbonate de sodium (Na2CO3, souvent rencontré sous l’appellation cristaux de soude, à ne pas confondre surtout avec la soude caustique) et l’hydrogénocarbonate de sodium (NaHCO3, bicarbonate de soude, sel Vichy).

Il est industrialisé en Angleterre en 1807, c’est le début de l’industrie  chimique. Dès 1850, les quantités produites sont significatives : 145 000 tonnes de soude par an en Grande-Bretagne et 45 000 tonnes par an en France55. Puis, ces produits sont obtenus par le procédé Solvay qui en abaisse drastiquement le coût. Ernest Solvay implante une usine de carbonate de soude à Dombasle-sur-Meurthe en 1873, qui restera longtemps la plus importante du monde, puis à Salin-de-Giraud en 1895. On appelle soudières ces usines.

L’utilisation de ces produits chimiques touche de très nombreux domaines de l’industrie. Ils permettent la fabrication en masse du papier, du carton, du savon, des lessives et nettoyants divers, de colorants, d’engrais agricoles, de l’émail et du verre. Ils sont aussi utilisés en métallurgie et pour la production de la cellulose dont les dérivés (nitrocellulose, celluloïd, cellophane, viscose) vont prendre de l’importance avant de céder la place aux polymères dérivés des hydrocarbures. La réaction de transformation de l’hydrogénocarbonate de sodium en carbonate de sodium, inverse de celle utilisée dans le procédé Solvay, dégage du gaz carbonique. À partir des années 1850, le bicarbonate de soude est donc abondamment utilisé tant au niveau du foyer que des industries alimentaire et pharmaceutique : c’est le constituant principal de la levure chimique, il permet la fabrication à bas coût des comprimés effervescents et des boissons gazeuses ou sodas (de l’anglais du XIXe : soda-water : eau au bicarbonate de soude). Auparavant, ces boissons étaient surtout utilisées comme médicaments car l’acidité entraînée par la dissolution du gaz carbonique les rendaient très hygiéniques. Dans les années 1850, leur consommation (eau de Seltz, limonade) explose en France, pays où l’on cherche à limiter la consommation de vin, puis dans les autres pays industriels.

En 1825, Johann Nepomuk von Fuchs met au point la fabrication du silicate de sodium (Na2SiO3, appelé aussi verre liquide) à partir de sable et de carbonate de sodium. Ses utilisations très diverses concerneront principalement les industries du bâtiment.

L’eau de Javel, fabriquée à partir du sel, dont Antoine Germain Labarraque découvre les propriétés désinfectantes en 1825, est bientôt universellement utilisée.

Le savon bon marché, le bicarbonate de soude et l’eau de javel constituent une révolution pour l’hygiène générale et le traitement de l’eau.

Le sel a donc accompagné les changements considérables qui ont bouleversé la vie quotidienne des classes populaires (sauf sans doute des plus pauvres) au XIXe et au début du XXe siècle car, auparavant, ces produits et ces objets, pour la plupart, étaient réservés aux classes aisées.

La production des marais salants est en déclin depuis le XVIIIe siècle. Ce déclin est du à l’abandon du salage des poissons comme mode de conservation principal, un débouché local, et à la concurrence des sels d’autres provenances56. Le sel de mer n’est plus produit que là ou la production peut être fortement mécanisée comme sur les côtes de la Méditerranée ou bien pour la production de sel alimentaire de luxe.

De nombreux marais salants ont été reconvertis en claires (bassins d’affinage) pour l’ostréiculture, en bassins d’élevage (poissons, crustacés). Récemment leur utilisation est envisagée pour la culture de la salicorne.

Le sel est devenu un minerai de base pour l’industrie chimique souvent sous forme de saumure facilement manipulable. Ces utilisations représentent aujourd’hui plus de 50 % de l’utilisation totale du sel.

La soude, l’acide chlorhydrique, les carbonate et bicarbonate de sodium et le silicate de sodium sont utilisés en quantités colossales par les industries.

La plus grande partie de ce sel provient aujourd’hui de mines et plus particulièrement de dômes de sel où l’extraction est plus facile car moins profonde et où il est généralement plus pur.

Ces dômes sont aujourd’hui recherchés pour le stockage d’hydrocarbures et de déchets de toutes sortes y compris radioactifs, en effet, le sel est imperméable et ne se dissout pas dans les hydrocarbures.

Le sel (NaCl mais aussi KCl et MgCl2) en solution dans l’eau abaisse la température de formation de la glace. L’eau saturée en chlorure de sodium gèle à −21 °C. Il est donc très utilisé pour le salage des routes sous ses formes non purifiées bon marché.

Le sel de mines comme le sel provenant des salars doit néanmoins être purifié pour ne plus contenir que du chlorure de sodium en vue de nombreuses utilisations, on parle alors de sel raffiné.

Les plus grandes usines de sel en Europe sont aujourd’hui situées à Delfzijl sur l’embouchure de l’Ems aux Pays-Bas. Fondées en 1957, elles sont aujourd’hui exploitées par le groupe AkzoNobel. La saumure y est pompée dans un dôme de sel.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.