L’Expédition Endurance.

L’expédition Endurance d’Ernest Shackleton, officiellement  appelée Imperial Trans-Antarctic Expedition (1914 – 1917), est la quatrième expédition britannique en Antarctique au XXe siècle. Elle visait à traverser ce continent de part en part mais fut un échec. Elle est pourtant devenue célèbre à la suite de l’odyssée qu’ont vécue les membres de l’expédition et leur chef Ernest Shackleton. Ils réussirent, malgré la perte de leur bateau, à survivre à l’extrême rigueur de l’Antarctique et à revenir de leur périple par leurs propres moyens.

Les 28 naufragés de l’Endurance ont survécu pendant 22 mois à des milliers de milles de la terre habitée la plus proche avec des provisions en quantité limitée et en subissant des températures allant jusqu’à −45 °C. Leur  traversée désespérée mais salvatrice vers l’île de Géorgie du Sud pour rejoindre une station baleinière constitue l’un des points d’orgue de leur exploit.

La seconde équipe de l’expédition, envoyée en mission d’approvisionnement de l’équipe de Shackleton à l’opposé du continent à bord de l’Aurora, a également vécu une situation critique de survie. L’aventure s’est soldée par la mort de trois hommes ; contrairement à la première équipe dont les membres ont tous eu la vie sauve.

La Première Guerre mondiale faisant rage, aucune tentative de sauvetage des disparus n’a jamais été entreprise par le Royaume-Uni.

Outre les témoignages écrits, une grande partie de l’expédition a été photographiée. De nombreux livres ont été publiés après l’expédition, dont certains écrits par des membres de celle-ci. Plusieurs films documentaires ont également été réalisés.

L’expédition est considérée comme la dernière expédition importante de l’âge héroïque de l’exploration en Antarctique (1895-1922).


L’expédition Endurance était la première expédition britannique à partir pour l’Antarctique depuis le Royaume-Uni depuis que le norvégien Roald Amundsen était devenu, avec l’expédition Amundsen, le premier homme à atteindre le pôle Sud en décembre 1911.

Pendant la décennie précédente, le Royaume-Uni avait lancé trois expéditions pour tenter de devenir la première nation à atteindre le pôle Sud.

Ernest Shackleton était membre de l’expédition Discovery, la première expédition, et chef lors de la seconde, l’expédition Nimrod. Il s’était trouvé lors de cette deuxième tentative à une distance d’environ 180 kilomètres du pôle avant de devoir faire marche arrière en raison du manque de  provisions. Il était donc devenu célèbre comme étant, pendant un certain temps, l’homme qui est allé le plus près du pôle Sud.

En janvier 1912, le capitaine de la Royal Navy Robert Falcon Scott, premier « rival » de Shackleton, mourut de froid avec les quatre autres hommes de son équipe, au cours de son long voyage de retour ; précédé de 35 jours dans la conquête du pôle Sud par le norvégien Roald Amundsen.

C’est dans ce contexte qu’Ernest Shackleton avait demandé à être financé pour un voyage qui serait le premier à porter le drapeau du Royaume-Uni à travers le continent Antarctique du sud de la mer de Weddell dans l’océan Atlantique, au sud de la mer de Ross dans le Pacifique en passant par le pôle. Seul un autre explorateur avait tenté de réaliser ce même exploit. En 1911, l’explorateur allemand Wilhelm Filchner avait conduit une expédition à la mer de Weddell, découvrant ainsi la côte de Luitpold, et à son extrémité la plus au sud, la baie de Vahsel (latitude 78° sud). Cependant, Filchner ne pouvant pas installer avec succès sa base sur le continent, il fut forcé de retourner en Europe sans avoir commencé la partie continentale du voyage.

Le plan de Shackleton prévoyait que son expédition atteigne la baie de Vahsel, de Filchner, un territoire connu, d’où il tenterait sa propre traversée du continent. L’autre partie de l’expédition construirait, depuis la barrière de Ross, des dépôts d’approvisionnements qui seraient nécessaires pour terminer le voyage transcontinental de près de 3 000 kilomètres. La  difficulté première était d’arriver à franchir la mer de Weddel qui est obstruée par la banquise une grande partie de l’année pour débarquer les hommes et le matériel.

Alors que Shackleton hésite encore à appareiller, Winston Churchill lui demande de lever l’ancre. L’Endurance quitte Plymouth le 9 août 1914, fait escale brièvement à Buenos Aires puis à Grytviken en Géorgie du Sud où l’équipage patientera un mois avant de poursuivre plus au sud car le pack s’étend très au nord cette année 1914. Le 5 décembre 1914, le bateau appareille vers la côte antarctique avec 28 hommes à bord. L’expédition rencontre pour la première fois la banquise juste avant la nouvelle année 1915. Shackleton estime alors que l’Endurance est capable d’atteindre son but.

Le 10 janvier 1915, ils parviennent au pied des grandes murailles de glace de 30 mètres qui masquent la portion de côte antarctique de la Terre de Coats découverte et baptisée par le dernier explorateur britannique à avoir navigué dans cette zone, William Speirs Bruce en 1904.

Le 12 janvier 1915, ils franchissent la latitude 74° Sud et pénètrent une région inexplorée au nord de la côte de Luitpold. Shackleton devait appeler cette partie du littoral la côte de Caird du nom du commanditaire de l’expédition, James Key Caird.

Plus le navire avance, plus la progression se fait difficile mais Shackleton reste confiant. Mi-janvier, la distance quotidienne franchie par le bateau devient très variable : parfois le bateau se trouve bloqué par la glace, d’autres fois cette dernière est suffisamment fragmentée pour permettre au navire d’avancer en eau libre. Finalement, l’expédition atteint son but : la latitude 78°Sud.

Le 19 janvier 1915, l’Endurance se trouve définitivement bloquée par la glace Les semaines suivantes, la glace se morcelle à quelque 180 mètres du bateau et se ramollit partiellement autour de la coque de ce dernier mais le navire reste piégé. Les tentatives pour le libérer s’avèrent vaines.

Aussi désespérée que puisse paraître la situation, Shackleton écrivit plus tard que l’immobilisation du bateau n’était pas, de prime abord, inquiétante. Il était courant pour un navire de se retrouver pris au piège de la banquise, avant d’en être libéré par sa fonte. Le seul regret de Shackleton est de ne pas avoir stoppé plus tôt la course du bateau afin d’installer un camp près d’un endroit qui aurait permis de lancer l’expédition terrestre au printemps suivant.

Le courant entraîne peu à peu le bateau captif des glaces vers l’ouest, puis vers le nord. Tel que le consigne le capitaine de l’Endurance, Frank Worsley, alors que la banquise ne dérive que de quelques milles en février 1915, elle accélère vers le nord éloignant de plus en plus l’Endurance de la côte de Luitpold. Cela met fin aux espoirs de Shackleton de traverser le continent à la saison suivante.

Le 1er mai 1915, le soleil se lève une dernière fois sur l’Antarctique avant l’hiver15 et la banquise de laquelle l’Endurance est prisonnière ne forme qu’une surface de quelques milles carrés. Shackleton estime alors que la glace se rompra au retour de l’été ou, lorsque la banquise aura entraîné le bateau dans l’extrême nord de la mer de Weddell.

Cependant, en juillet 1915, Shackleton informe le capitaine Worsley qu’il considère l’Endurance comme bientôt perdue. Il apparaît que la libération du navire n’est pas évidente : à mesure que la glace se brise, d’énormes morceaux de banquise se déplacent puis s’agrègent de nouveau avec force, ce qui rend vains les efforts de l’équipage pour dégager le bateau. Du mois d’août 1915 jusqu’au mois d’octobre 1915, les hommes observent que de dangereuses fissures s’ouvrent dans la glace puis se referment. Bien que ce navire soit en mesure de résister à des pressions importantes, le 24 octobre 1915, le navire est enfoncé à tribord par la banquise. La pression de la glace contre le flanc du navire augmente jusqu’à ce que le pont se torde et se fende. L’eau commence à affluer dans le navire. La rupture du bois produisit des bruits terrifiants que les marins ont décrit par la suite comme  ressemblant à ceux « de grands feux d’artifice » ou de « détonation de canons ». Sans relâche, l’équipage tente d’évacuer l’eau en pompant.

Quelques jours plus tard, le 27 octobre 1915, Shackleton donne l’ordre d’abandonner le navire. L’équipage se transporte sur la glace, alors que la température est de −25 °C, avec les chiens de traîneau, une partie des vivres et les trois canots de sauvetage. Les photographies et le matériel  photographique sont sauvés du navire en perdition dans les semaines qui suivent.

Partiellement inondé et sous la pression accrue de la glace, l’Endurance disparaît sous les eaux à 69° 00′ S, 51° 30′ O le 21 novembre 1915.

En l’absence d’une partie des provisions coulée avec le bateau, la poursuite de l’expédition n’est plus envisageable et Shackleton fait savoir à ses hommes qu’il n’est plus question que de rentrer au Royaume-Uni. Il compte diriger son équipe vers l’île Paulet qui avait été un refuge de l’expédition suédoise Antarctic quatorze ans plus tôt.

Il pense que cette île n’est qu’à 450 km à l’ouest de leur position et à  distance raisonnable étant donné le stock de provisions en leur possession. Toutefois, la marche entreprise en traîneau se révèle plus lente que prévu. Le relief de la glace rend la progression difficile. Sous la pression horizontale croissante, la banquise forme des monticules et des crêtes parfois hautes de trois mètres. Le sol n’est pas assez nivelé pour traîner les canots et l’équipement. De plus, à mesure que le temps se réchauffe et que le courant les emporte plus au nord, le pack devient plus mince et se craquelle, rendant la progression difficile et dangereuse. Se déplacer sur la glace accroît le risque de voir les hommes séparés. De plus, si l’un des canots se retournait, il risquerait d’être sérieusement endommagé.

Shackleton commande deux tentatives de progression sur la glace. Lors de l’une de ces tentatives, l’équipe n’avance que de 18 km après sept jours d’efforts intenses. À ce rythme, il leur aurait fallu 200 jours pour atteindre leur objectif, bien plus que ne l’aurait permis leur réserve de vivres. Shackleton finit par renoncer à ce plan et l’équipe installe un nouveau camp sur la glace.

Les quelques kilomètres parcourus ont réduit considérablement leur stock de vivres : à cause des besoins caloriques nécessaires à leurs efforts, d’une part, et parce que l’équipage a dû abandonner une partie des provisions près du lieu du naufrage, d’autre part. Le phoque et le manchot, qui auparavant leur permettaient de varier les menus, deviennent l’aliment de base des repas, Shackleton souhaitant conserver les rations pour un usage futur. Le combustible qui est nécessaire pour se chauffer, cuisiner et fondre la glace pour obtenir de l’eau, est complété par de l’huile de phoque. En  conséquence, lorsque les phoques et les manchots commencent, de manière inexplicable, à se faire rares, certains des hommes s’alarment et les rations alimentaires sont encore réduites. Finalement, les chiens de traîneau sont tous abattus.

Le 9 avril 1916, les hommes sautent dans les canots car leur camp est sérieusement menacé par une rupture imminente de la banquise. Le bris des glaces permet une plus grande mobilité sur mer et Shackleton sait  désormais où diriger son équipage. Il semble que la meilleure destination soit l’île de la Déception à 300 km environ à l’ouest de leur position, dans l’archipel des Shetland du Sud. Cette île est pourvue de provisions pour d’éventuels naufragés et possède également une petite église en bois qui pourrait être utilisé par le charpentier de l’expédition pour l’amélioration des canots de sauvetage. Les autres alternatives qui s’offraient à eux sont l’île de l’Éléphant et l’île Clarence, toutes deux ayant été précédemment à portée de vue au mois de mars 1916. Toutefois, malgré les avantages escomptés par un accostage sur ces îles, elles sont au bout de quelques jours hors d’atteinte.

Installés dans les canots, et même si la viande de phoque ne fait pas défaut, il s’avère très difficile d’entretenir le fourneau pour cuisiner et faire fondre la glace indispensable pour étancher leur soif qui bientôt les tourmente. Certaines nuits, la température descend à −20 °C et les hommes sont continuellement trempés par l’eau de mer. Beaucoup subissent les conséquences du gel et le moral du groupe est véritablement bas. Le manque de protection contre les éléments accordé par les canots les met dans une situation telle que Shackleton décide de conduire ses hommes au refuge le plus proche.

Après sept jours de navigation, ils mettent pied à terre sur l’île de l’Éléphant le 14 avril 1916.

Depuis le départ du James Caird et jusqu’à la fin août 1916, vingt-deux  hommes survivent sur l’île de l’Éléphant, commandés par Frank Wild, le fidèle second de Shackleton. Ils luttent contre les éléments de cette île inhospitalière en attendant le secours de Shackleton. Ce dernier écrit que les vents soufflant entre 112 km/h et 145 km/h sur l’île, mit les tentes en  lambeaux. Même à 1 500 km plus au nord de la prise de l’Endurance dans les glaces, les températures continuent d’être négatives. Pour pouvoir survivre, les naufragés ont construit un abri de fortune en utilisant les deux canots de sauvetage restants comme toit et des pierres de la plage comme muret. Ce qu’il reste des tentes est cousu de manière à isoler la structure. Dans le même but, de la neige est empilée autour de l’abri. La cabane résiste aux blizzards et aux coups de vent violents. Le temps glacial leur fut finalement avantageux car il permit de conserver la viande de phoque du pourrissement et empêcha la neige fondue de pénétrer l’abri, désagréments qu’ils connurent lors des périodes de réchauffement.

Il faut quatre tentatives à Shackleton pour réussir à retourner sur l’île de l’Éléphant et parvenir à rapatrier ses hommes. Le départ de sa première tentative a lieu trois jours après son arrivée à Stromness le 23 mai 1916. Shackleton utilise le navire The Southern Sky qui se trouvait à quai au port de Stromness. Les pêcheurs locaux sont prompts à lui fournir l’aide  nécessaire pour rejoindre l’île de l’Éléphant. Malheureusement, la banquise s’est étendue durant l’hiver et empêche le Southern Sky, qui n’est pas un brise-glace, de poursuivre. Shackleton fait marche arrière en direction de Port Stanley dans les îles Malouines. Depuis ce port, le 31 mai 1916 au soir, Shackleton contacte Londres par télégramme pour informer des  déconvenues de son expédition.

Aucune aide officielle du Royaume-Uni, alors engagé dans la Première Guerre mondiale, ne peut être envisagée avant six mois.

Shackleton poursuit sa tentative de sauvetage avec un bateau prêté par le gouvernement uruguayen, L’Instituto de Pesca No. 1 qui appareille le 10 juin 1916. Cette tentative se solde par un échec, la banquise empêchant la progression du bateau vers l’île de l’Éléphant. Il réitère le 12 juillet 1916 à bord d’un navire privé, l’Emma appartenant au britannique Allan McDonald rencontré à Punta Arenas au Chili. Cette tentative est, elle aussi, éconduite par les glaces.

Le 30 août 1916, quatre mois depuis son départ de l’île de l’Éléphant, Shackleton parvient à s’approcher de l’île à bord du navire chilien le Yelcho commandé par Luis Pardo. Les vingt-deux naufragés de l’île de l’Éléphant sont embarqués sains et saufs.

Source : Wikipédia.

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