Les Pierres runiques de Jelling (Danemark).

Les pierres de Jelling sont deux pierres runiques situées à Jelling, au Danemark. Elles sont inscrites depuis 1994 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Elles se composent de la petite pierre de Jelling et de la grosse pierre de Jelling.

La petite et la grosse pierre de Jelling furent érigées au Xe siècle, respectivement par le roi Gorm l’Ancien et Harald à la dent bleue, son fils. Servant principalement à honorer les défunts, des pierres runiques furent érigées partout sur le territoire scandinave. La petite pierre de Jelling honore Thyra du Danemark, la femme du roi Gorm, alors que la grosse pierre, érigée beaucoup plus tard, souligne la vie des parents d’Harald à la dent bleue, sa conquête du Danemark et de la Norvège, ainsi que la  conversion des Danois au christianisme. Ces monuments à caractère commémoratif se placent dans une période de changements sociaux et culturels, avec l’arrivée de la foi chrétienne et la conversion à cette nouvelle religion.

Les pierres de Jelling sont des sources importantes dans l’étude de la Scandinavie médiévale, par leur style artistique, l’écriture utilisée, leur contenu, le contexte dans lesquels elles furent érigées, ainsi que leurs commanditaires respectifs.


La fin du Xe siècle marqua des changements importants dans la tradition. Selon Anne-Sofie Gräslund, les pierres de Jelling, érigées en 960 par le roi danois Harald à la dent bleue, marquèrent un changement important dans la création de pierres runiques ; une influence qui affecta l’érection de pierres tout au long du XIe siècle. L’inscription trouvée sur les pierres de Jelling devint standardisée pour les monuments du XIe siècle.

La première ligne énonce en l’honneur de qui la pierre fut érigée, qui la commandita et que fut le lien entre lui et la personne honorée ainsi. La seconde ligne souligne les qualités admirables du défunt ou de la personne ayant commandité la pierre. Un nouvel élément s’ajoutant aux inscriptions des pierres runiques à partir du Xe siècle est la mention de conversion à la religion chrétienne. Selon les études archéologiques, les pierres runiques à caractère chrétien manifestent cette nature de deux manières différentes soit à travers une croix chrétienne ou une prière incorporée au texte1. L’inscription sur la grosse pierre de Jelling souligne l’exploit de Harald à la dent bleue qui « fit chrétien les Danois ». Cette partie de l’inscription semble donc placer les pierres de Jelling après la conversion du Danemark à la foi chrétienne.

L’écriture runique utilisée sur les pierres de Jelling est une forme  modernisée. En effet, l’écriture runique subit des modifications durant les VIIe et VIIIe siècles : elle passe d’un alphabet de 24 signes à 16 signes. Ce nouvel alphabet à 16 signes fut utilisé dans la production des pierres runiques du xe et xie siècles, tout particulièrement au Danemark. Un second élément particulier dans ces monuments est la bande zoomorphique de runes scandinaves, décoration que les pierres de Jelling standardiseront. Les pierres runiques comblent le vide laissé par le peu de sources écrites conservées jusqu’à nous. L’étude des bandes zoomorphiques permet donc de mieux comprendre l’évolution des pierres runiques d’avant et d’après la conversion. Il faut prendre en considération, ici, l’influence de la société sur les créateurs des pierres runiques ainsi que de leurs commanditaires. Cette approche où ces monuments commémoratifs suivent les aléas de la société permit le développement d’une approche facilitant la datation des pierres du sud et du centre de la Scandinavie. Les recherches semblent indiquer que l’évolution des pierres runiques ne se fit pas sur une base régionale, mais bien chronologique4. Les pierres suédoises de la région de l’Uppland présentent un élément important dans l’étude des pierres runiques : 1 400 pierres sur un total de 2 400 se situent sur le territoire suédois et 50 % de celle-ci comportent une croix chrétienne. La présentation de croix chrétiennes semble être une habitude plus fréquente dans les plus vieilles pierres. Une des questions les plus complexes entourant les pierres runiques est de différencier celles créées dans un contexte païen de celles faites après la conversion.

Les pierres runiques possèdent une signification commémorative importante. Selon Birgit Sawyer, on a cru, pendant un certain temps, que le mouvement de création de pierres runiques a été causé par les raids vikings. Selon elle, les pierres en rapport aux raids vikings, commémorant des individus morts à l’étranger, ne représentent qu’une petite partie de ces monuments. Les pierres runiques soulignant les voyages vikings et les expéditions commerciales semblent avoir accaparé l’attention de la majorité des pierres qui, quant à elles, honorent des individus ayant vécu, travaillés et morts en Scandinavie. Sawyer explique comment les théories d’Erik Moltke et de Sven B. F. Jansson influencèrent cette pensée : selon eux, les raids vikings furent la clé du mouvement d’érection des pierres  runiques. Birgit Sawyer s’oppose à cette pensée en établissant une distinction entre les pierres runiques et ce qu’elle appelle les « pierres de voyage ». Ces dernières, selon elle, n’auraient pas pu influencer la création des pierres runiques érigées au XIe siècle. En effet, plusieurs voyages ne furent pas commémorés par des pierres runiques. Il semble donc que la fréquence à laquelle ce genre de monument fut érigé durant le XIe siècle ne découle pas des quelques pierres qui furent érigées durant les raids vikings.

Un second élément à prendre en considération derrière l’érection de pierres runiques est la christianisation de la Scandinavie. Il est possible que les pierres runiques aient servi de médium afin de véhiculer la conversion à une nouvelle foi religieuse. Sur un plan plus social, il est possible qu’elles aient pu combler un certain besoin sentimental des individus nouvellement convertis à la religion chrétienne, souhaitant préserver leurs anciennes traditions, honorèrent leur défunt par des pierres runiques, et ce même s’ils furent enterrés dans des cimetières chrétiens. Sawyer souligne ici le fait que certaines pierres runiques furent déplacées de leur emplacement original vers des cimetières chrétiens. Ceci mène à croire que les pierres runiques datant du XIe siècle servirent à compenser le manque d’églises et de cimetières consacrés en Scandinavie. Dans la région de l’Uppland, les églises et cimetières chrétiens firent leur apparition beaucoup plus tard que dans le sud et l’ouest de la Scandinavie : plusieurs pierres runiques servirent donc de pierres tombales chrétiennes à même des cimetières païens. La conversion à la foi chrétienne fut un changement drastique sur le plan des coutumes funéraires. En effet, les habitudes d’inhumations chrétiennes plus modestes exigeant que le défunt ne soit pas enterré avec des outils, des armes et des bijoux démontrant son statut social dépareillèrent avec les coutumes païennes visant à souligner la place du défunt dans la société. La création de pierres runiques, tout en comblant le manque de sites funéraires consacrés, put aussi servir de commémorations plus ostentatoires.

Les pierres de Jelling semblent donc se placer dans un nouveau mouvement pensé avec la conversion à la religion chrétienne. Ces monuments  soulignant la conversion du Danemark par Harald à la dent bleue se placent à la limite entre les traditions païennes vikings et l’adoption de la nouvelle foi chrétienne. Selon Birgit Sawyer, la distribution des caractéristiques régionales peut refléter l’évolution de la conversion à la foi chrétienne. Au Danemark, les pierres runiques furent érigées sur une courte période de temps soit peu avant ou après l’an 1000. L’étude des styles artistiques de ces pierres indique un nombre plus ou moins égal de pierres païennes et chrétiennes. Ceci concorde avec le fait que la chrétienté fut imposée par un roi ayant une autorité fiable et reconnue sur son peuple : un système aussi stable permit une transition plus courte au Danemark vers la religion chrétienne. En Suède, par contre, la faiblesse, parfois l’absence, d’autorité royale, rendit la transition bien plus longue qu’au Danemark. Les besoins sociaux et religieux ne peuvent pas expliquer le phénomène des pierres runiques dans son entièreté : les pierres runiques servirent aussi à souligner les commanditaires de ces dits monuments.

Source : Wikipédia.

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