Les peintures rupestres du Tassili des Ajjer (Algérie).

Délaissées jusqu’aux années 1930, peintures et gravures des anciennes civilisations du Tassili des Ajjer fascinent les explorateurs.

En parcourant l’immense territoire du Sahara, alors qu’ils participaient à des expéditions militaires de l’époque coloniale ou suivaient des caravanes de marchands, plusieurs voyageurs européens du XIXe siècle remarquèrent l’existence d’anciennes peintures et gravures tracées sur les rochers. Parmi eux figurait l’allemand Heinrich Barth.

Pendant l’un de ses voyages entre Tripoli, le Niger et le Tchad, il découvrit dans l’oued Tilizzaghen, dans le sud-ouest de la Libye, la gravure d’un chasseur masqué qu’il baptisa « Apollon garamante », en référence aux Garamantes, un peuple qui occupa selon Hérodote l’ouest de la Libye.

Documentées et popularisées, ces découvertes et celles d’autres voyageurs furent toutefois attribuées à des étrangers de passage dans la région, car la plupart des spécialistes européens considéraient que les cultures africaines étaient statiques et stériles, et que les populations autochtones étaient donc incapables de réaliser des dessins aussi élaborés.

Il fallut attendre les années 1930 pour voir apparaître des images relevant clairement de l’art rupestre saharien. Les compagnies méharistes d’Algérie, alors placée sous domination française, menaient à cette époque de nombreuses expéditions dans le Sahara. Montées sur un type de dromadaire appelé méhari, qui leur permettait d’accéder plus facilement à des zones reculées, ces unités découvrirent notamment le Tassili des Ajjer, un vaste plateau du Sahara central.

Jeune militaire passionné, le lieutenant Charles Brenans pénétra en 1932 dans une falaise du Tassili, où il découvrit des centaines de gravures représentant de nombreuses silhouettes anthropomorphes et de grands animaux de la faune sauvage africaine : boeufs, éléphants, girafes, rhinocéros, antilopes, lions, etc. Cette découverte éveilla l’intérêt des spécialistes pour l’exceptionnel ensemble d’art rupestre du Tassili. L’ethnologue suisse Yolande Tschudi publia en 1956 la première monographie consacrée à cette forme d’art.

La même année, le Français Henri Lhote mena une grande campagne d’étude de 15 mois sous l’égide du musée de l’Homme à Paris, du CNRS et de l’Institut d’études sahariennes d’Algérie. Il réalisa un immense travail de documentation dans le Tassili des Ajjer, entouré d’une équipe de copistes-peintres et d’un photographe. Les Touareg de la région lui apportèrent aussi leur excellente connaissance du territoire, grâce au guide Machar Jebrine ag Mohamed, qui lui facilita beaucoup la tâche.

Quelques années auparavant, le lieutenant Brenans avait prévenu l’explorateur français qu’il n’en croirait pas ses yeux en voyant le massif de Jabbaren, dont le toponyme signifie « géants » en touareg. Une fois sur place, Lhote fut en effet impressionné par les immenses représentations qui recouvraient les rochers. En l’espace de huit mois, son équipe réussit à recopier 400 fresques.

De retour à Paris en 1957, Henri Lhote et son équipe inaugurèrent une exposition qui eut un succès immédiat et un grand écho. Le travail de cet explorateur et ethnologue, consacré grand découvreur d’art rupestre du Sahara, a depuis lors été remis en question : en 2002, l’anthropologue britannique Jeremy Keenan a en effet publié un article accusant Henri Lhote d’avoir exposé de fausses reproductions, prétendant démontrer l’existence à cette époque de contacts entre l’Égypte des pharaons et le Sahara central.

Son article rassemblait de nombreuses preuves indiquant qu’Henri Lhote avait délibérément manipulé les informations relatives à ses découvertes pour les présenter sous un jour plus attractif et plus intéressant aux yeux du grand public.

Parmi les études et les publications consacrées à l’art rupestre du Sahara depuis les années 1960, beaucoup émanent d’amateurs ou d’explorateurs exprimant leur avis sur la chronologie et la signification des œuvres, sans guère étayer leurs propos par de solides arguments scientifiques. Souvent publiées dans des revues spécialisées et très rarement dans des livres, les études d’archéologie ne sont pas toujours faciles d’accès pour le grand public.

L’art rupestre du Sahara est loin de constituer un ensemble homogène : il se compose de nombreuses gravures, mais aussi de peintures exclusivement concentrées en certains lieux, principalement dans le Tassili des Ajjer (Algérie) et dans le Tadrart Acacus (Libye).

À la différence des peintures paléolithiques franco-cantabriques, l’art rupestre du Sahara n’a jamais été retrouvé dans des grottes profondes, mais orne principalement des abris sous roche ou des parois verticales protégées des vents, des tempêtes de sable, du soleil et de la pluie par des surplombs.

Les spécialistes ont classé l’art rupestre du Sahara selon différents styles définis par les motifs qui y sont représentés. Le style le plus ancien est connu sous le nom de « têtes rondes », caractérisé par une abondance de silhouettes humaines dont la tête, normalement unie au corps sans l’intermédiaire du cou, est généralement représentée par un cercle dépourvu des traits constituants le visage.

Le style « bovidien » recouvre pour sa part des peintures naturalistes, représentant la plupart du temps des scènes pastorales ; dans cette catégorie figure « l’école d’Iheren-Tahilahi », où prédominent des scènes de la vie quotidienne.

Le style « caballin » se distingue quant à lui par le motif du char, conduit par un cavalier et tiré par des chevaux « au galop volant ». Il y a près de trois millénaires, la désertification progressive du Sahara provoqua la disparition des sociétés pastorales qui y élevaient de grands bovins ; les chevaux des peintures furent alors remplacés par des chameaux, donnant ainsi naissance au style « camelin ».

La datation des dessins fait débat parmi les spécialistes, opposant les partisans d’une chronologie longue (commençant vers 10 000 av. J.-C.) aux partisans d’une chronologie courte (commençant vers 4500 av. J.-C.). Défendue par des auteurs tels que Jean- Loïc Le Quellec ou François Soleilhavoup, la chronologie courte recueille aujourd’hui le plus vaste consensus parmi les scientifiques, notamment chez les chercheurs français.

Magique ou religieuse, la nature du système de croyances sur lequel reposait cet art énigmatique continue elle aussi de faire couler de l’encre.

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Sources : Hérodote, [wpicons-icon icon=”wpicons-youtube2″ color=”#dd3333″ size=”29px”]

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