Les Mille et Une Nuits.

Les Mille et Une Nuits (persan : هزار و یک شب, arabe : كتاب ألف ليلة وليلة, trad. litt. : « le livre de mille nuits et une nuit »), en orthographe rectifiée Les Mille-et-une Nuits1, est un recueil anonyme de contes populaires d’origine persane, indienne et arabe. Il est constitué de nombreux contes enchâssés et de personnages mis en miroir les uns par rapport aux autres.


Deux témoignages du Xe siècle, le premier dû à Al-Mas’ûdî, le second à Ibn al-Nadim, indiquent que Les Mille et Une nuits seraient au départ le résultat de l’adaptation en arabe d’un ouvrage persan intitulé Hézâr afsâna (Mille contes). Il s’agirait donc d’une transmission livresque. Ces contes proviendraient essentiellement de trois grands fonds principaux, une source indo-persane à coloration hellénistique se situant entre les IIIe et VIIe siècles, un fonds arabe datant de la période du pouvoir des califes de Bagdad entre les IXe et XIe siècles et, enfin, un fonds populaire égyptien datant des XIIe et XIIIe siècles qui ont continué à se transformer, par suppressions ou adjonctions continues, jusqu’au XVIe siècle, mais n’ont jamais fait partie de l’horizon officiel des lettres arabes. Cependant, aucune preuve matérielle du Hézâr afsâna permettant d’affirmer une potentielle origine persane n’a été trouvée. De plus les scènes du recueil ont majoritairement lieu aux cours de Bagdad ou du Caire, villes fondées par les Arabes, sur les bords du Tigre, de l’Euphrate ou du Nil et les personnages sont presque exclusivement musulmans. Le domaine fantastique dont il est question est celui de la mythologie arabe et le contexte historique est très souvent celui du califat abbasside. Bien sûr, plusieurs contes ont des origines persanes, bien que l’on ignore comment ils sont entrés dans la collection ː ces histoires incluent le cycle du « Roi Jali’ad et ses Wazir Shimas » et « Les Dix Wazirs ou l’histoire du roi Azadbakht et de son fils » (dérivé du Bakhtiyārnāma persan du VIIe siècle.

Le plus ancien manuscrit connu est un fragment du IXe siècle publié par l’universitaire américaine Nabia Abbott. Il existe encore un manuscrit du XIVe siècle conservé à Tübingen, d’une histoire divisée en nuits, al-Sûl et al-Shumûl. Le manuscrit utilisé par Galland dans sa traduction (1704-1717) date du XVe siècle. Il est en trois volumes et lui fut envoyé d’Alep. Il est actuellement conservé à la Bibliothèque nationale de France. Les travaux d’Emmanuel Cosquin montrent que le récit-cadre des Nuits, c’est-à-dire l’histoire du roi avec Shéhérazade, qui est ici un dispositif littéraire, possède une origine indienne, comme d’ailleurs de nombreux autres contes du recueil. Il existe plusieurs manuscrits de référence pour toutes les éditions actuelles, dont celui de Būlāq (Le Caire), 1835, révisé en 1863 et 1935, ou les manuscrits de la branche syrienne, qui avaient servi de base à Galland. Les traductions actuelles sont parfois issues de recompositions de plusieurs manuscrits. Il est donc difficile d’identifier un recueil « pur » et on peut même se demander si cela a un sens. Plusieurs éditeurs excluent des Nuits des contes célèbres mais considérés comme des ajouts postérieurs au noyau originel, ainsi Khawam qui écarte Sinbad le marin, ou Miquel et Bencheik (La Pléiade) qui n’ajoutent qu’en appendice les célébrissimes Aladin et la lampe merveilleuse et Ali Baba et les Quarante Voleurs. S’agissant de ce dernier conte (d’origine turque ?), il est en effet vraisemblable qu’il fut raconté oralement à Galland par un de ses informateurs. Galland le mit par écrit, en faisant l’un des contes les plus célèbres du recueil.

La circulation d’un certain nombre d’histoires du recueil semble s’effectuer en Europe occidentale dès le XIIe siècle avec, par exemple, l’histoire de Floire et Blancheflor qui s’inspirerait de celle de Neema et Noam qui fait partie du recueil.

Contrairement aux fables animalières Kalila et Dimna ou aux Maqâmât d’Al-Hariri, le recueil de contes est considéré comme marginal dans la littérature arabe, et relève non pas des belles-lettres (adâb) mais d’un registre populaire.

Il est possible que l’ouvrage original en persan, le Hazār-afsāna, ait relevé du genre du « miroir des princes », et contenu des récits exemplaires destinés à l’éducation des gouvernants. Mais à côté d’un récit-cadre qui est resté stable (l’histoire de Shéhérazade, qui encadre toutes les autres), le reste des contes aurait alors considérablement changé — comme le titre persan d’ailleurs — et une nouvelle matière y a été introduite. L’absence du recueil persan — les seuls manuscrits en persan connus sont des traductions du XIXe siècle réalisées d’après la traduction d’Antoine Galland — empêche d’en savoir plus.

Ces contes furent ensuite diffusés en Europe, profitant de la mode de l’orientalisme et du travail de Galland.

La première traduction occidentale est l’œuvre d’Antoine Galland publiée de 1704 à 1717, mais une partie a été rédigée par lui-même, en s’inspirant des récits que lui avait contés son assesseur syrien. Pour faire prendre corps et esprit au personnage de Shéhérazade, cet antiquaire du roi (puis professeur de langue arabe au Collège de France) s’est inspiré de Madame d’Aulnoy et de la marquise d’O, dame du palais de la duchesse de Bourgogne.

La traduction de Galland a été complétée par Jacques Cazotte et Denis Chavis pour les volumes XXXVII à XLI du Cabinets des fées (Genève, 1784-1793) sous le titre Les Veillées du Sultan Schahriar.

Selon Abdelfattah Kilito, cette compilation de récits anonymes ne remplit aucun des critères classiques de la littérature arabe : un style noble, un auteur précis et une forme fixe ; de plus, elle met en avant de nombreux particularismes et dialectes locaux, bien éloignés de l’horizon des lettres, ce qui laisse à penser que si Galland n’avait pas transmis cette mémoire, elle aurait disparu. Comme il est dit plus haut, Antoine Galland a notamment intégré aux Mille et Une Nuits des récits n’y figurant pas à l’origine. Les Aventures de Sinbad, Aladin et Ali Baba ne faisaient pas partie de l’œuvre primitive, si bien que Jacques Finné souligne que Galland est sans doute le seul traducteur de l’histoire « à avoir traduit et donné corps à un texte qui n’existait pas encore officiellement ».

Insatisfait de la traduction Galland, le docteur Joseph-Charles Mardrus, né au Caire dans une famille d’origine arménienne, ami d’André Gide, publia une nouvelle traduction des Mille et Une Nuits en seize volumes de 1899 à 1904, qui parut d’abord dans La Revue blanche jusqu’en 1902 — tome I à XI — puis directement chez Charpentier et Fasquelle. Mardrus dédie les tomes successifs à ses amis : Paul Valéry, Anatole France, Félix Fénéon, etc., et facétieusement à « Sidi Robert de Montesquiou, ben Artagnan al Fezenzaki ».

Dans À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, le narrateur, par exemple, évoque sa mère qui n’ose le priver de la traduction de Mardrus tout en lui conseillant de s’en tenir à celle de Galland. La version de Mardrus se voulait plus complète que celle de Galland et plus fidèle aux textes arabes. Elle traduit par exemple les poèmes présents, fort nombreux, et qui étaient absents de la version de Galland. Cependant, sa version demeure peu fidèle ; d’abord parce qu’elle se fonde sur un ensemble varié de textes (l’édition de Boulaq, la traduction de Scott, le recueil d’Artin Pacha et de Spitta bey), et même d’histoires hindoustanies ; ensuite parce qu’elle en exacerbe l’exotisme et le faste. La traduction littérale, qui comprend également des pseudo-calques de la langue arabe, l’amène parfois aux non-sens, aux pléonasmes et aux lapalissades, comme c’est le cas pour le titre, Le Livre des mille nuits et une nuit. Sa traduction se caractérise par un style fleuri, un penchant pour l’orientalisme qui la pousse fréquemment vers le cliché et un érotisme débordant, absent de la version originale.

Parue dans les années 1960, puis entièrement refondue dans les années 1980, la traduction de René R. Khawam se fonde sur une douzaine de manuscrits anciens. Le traducteur s’attache à restituer le registre du discours, tantôt élégiaque, tantôt trivial, et donne à lire les poèmes qui émaillent la trame du récit. Comme Khawam s’en explique en introduction, les aventures d’Aladin, de Sinbad et d’Ali-Baba n’apparaissent pas dans son édition : Galland étant en effet le principal responsable de leur adjonction, il préfère traduire et publier ces œuvres dans des volumes distincts. Par ailleurs, s’il exploite le manuscrit de Galland, il développe les descriptions érotiques que ce dernier avait éludées (en accord avec les mœurs de la cour de Louis XIV) sans toutefois tomber dans les excès qu’il reproche à Mardrus17. En outre, il laisse de côté le discours moralisateur des Mille et Une Nuits, absent des textes originaux et provenant d’ajouts anonymes intégrés à l’édition arabe de Boulaq parue en 1835, sur laquelle Mardrus avait établi sa propre traduction.

En 1991, pour la Bibliothèque de la Pléiade, André Miquel et Jamel Eddine Bencheikh, érudits et spécialistes du sujet, publient une nouvelle traduction. Sensiblement différente des versions citées ci-dessus, leur traduction se revendique comme intégrale et exacte fondée sur l’édition de Boulaq, du nom de la ville égyptienne où le texte a été imprimé pour la première fois en 1835.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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