Les lichens.

Les lichens, appelés aussi champignons lichénisés ou champignons lichénisants, sont des organismes composites résultant d’une symbiose entre au moins un champignon hétérotrophe appelé mycobionte, généralement prépondérant dans la plupart des genres, des cellules microscopiques possédant de la chlorophylle (algue verte ou cyanobactérie autotrophe pour le carbone) nommées « photobiontes » et des communautés bactériennes appelées bactériobiontes. Ils sont classés dans le phylum des Fungi.

La symbiose résulte d’une association, appelée lichénification ou lichénisation. L’inverse, c’est-à-dire une algue macroscopique hébergeant un champignon microscopique, est une mycophycobiose.

Le thalle du lichen se développe lentement à la surface de supports variés, y compris dans des milieux souvent hostiles (exposition à la sécheresse, à de fortes températures, etc.). On estime à 6 % la proportion de la surface terrestre recouverte de lichens, dont on connaît environ 20 000 espèces. Les plus vieux fossiles de lichens datent du Cambrien.

L’étude des lichens est appelée « lichénologie ».

« Les lichens sont un succès évolutif, en raison de leur réussite en conditions hostiles, mais représentent probablement une impasse évolutive sur le plan morphogénétique. La stratégie poïkilohydrique adoptée par ces organismes, et peut-être les faux tissus du partenaire fongique, limitent la complexification morphologique, en sorte que le plan d’organisation reste peu élaboré ».


Au IIIe siècle av. J.-C. Théophraste, au Livre III de son Histoire des plantes, dit que le lichen naît de l’écorce, et non d’un œil, et les compare à des guenilles. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les naturalistes les classaient soit dans la catégorie des mousses, soit dans celle des algues, et considéraient les lichens du sol souvent comme des « excréments de la terre ». L’avènement de microscopes performants a permis de mettre en évidence les interactions biologiques dans cet organisme. Mais il a fallu attendre 1867 pour que le botaniste suisse Simon Schwendener considère qu’il a une double nature, sous forme de parasitisme. Beaucoup de lichenologistes

reconnus rejetèrent d’abord cette hypothèse, car le consensus était alors partagé sur le fait que tous les organismes vivants étaient autonomes. Mais d’autres éminents biologistes, comme Anton de Bary ou Albert Bernhard Frank, furent moins prompts à repousser les idées de Schwendener, et ce concept s’étendit bientôt à d’autres domaines d’étude, comme les agents pathogènes. Albert Bernhard Frank propose le terme de symbiotismus en 1877, terme peu à peu accepté par la communauté scientifique à la suite des travaux d’Anton de Bary qui donne la définition la plus large de la symbiose. Au xxe siècle, la systématique moderne les classe dans le phylum des Fungi car seul le mycobionte assure la reproduction sexuée.

Les lichens font partie de la biodiversité négligée ; bien qu’ils soient peu recherchés lors des inventaires fongiques, une centaine de nouvelles espèces sont décrites chaque année. En 2007, 18 882 espèces de lichens sont décrites. En Europe occidentale, le nombre d’espèces est compris entre 50 et 75 % du nombre de phanérogames. En France, on compte environ 2 500 lichens pour 4 500 phanérogames.

La spécificité d’association entre photobionte et mycobionte(s) peut être étroite ou large mais la plupart des lichens sont modérément spécifiques : un même mycobionte peut s’associer à différentes espèces de phytobionte. Les différentes associations sont :

  • dans 85 % des cas, une (ou des) algue(s) associée(s) à un ou plusieurs champignons ;
  • dans 10 % des cas, une cyanobactérie associée à un champignon ;
  • dans 5 % des cas, les 3 types de partenaires sont associés : dans cette symbiose tripartite, la cyanobactérie fixatrice d’azote est généralement confinée dans des compartiments fongiques appelés céphalodies.

Les mycobiontes : ceux qui sont impliqués dans la symbiose lichénique (ascomycète, basidiomycète ou deutéromycète). Ils représentent environ un cinquième de l’ensemble des champignons actuellement connus. On rencontre le plus souvent des « ascolichens » dans lesquels l’ascomycète est toujours un symbiote obligatoire : 40 % des espèces d’ascomycètes ont adopté ce type de symbiose.

Après plus de 140 ans durant lesquels on a cru que l’association était binaire (1 champignon + 1 algue), des chercheurs ont montré en 2016 qu’il faut en réalité dans la plupart des lichens un troisième partenaire (qu’on avait d’abord cru être un parasite des lichens) pour que l’association soit pérenne ; il s’agit d’une levure basidiomycète ; c’est elle qui est responsable de la forme du thalle du lichen et en partie de sa forme générale La découverte de ce troisième partenaire (la levure basidiomycète) est entre autres due à Toby Spribille assistant professeur à la faculté des sciences de l’Alberta et à l’équipe de McCutcheon. Ces travaux furent initiés par la comparaison entre deux espèces de lichens , B. tortuosa et B. fremontii séparées par la production d’acide vulpinique. Après plusieurs tests effectués, l’hypothèse d’une différence d’expression de gènes à l’origine de l’acide vulpinique fut écartée. Ils ont fini par découvrir que cette production d’acide vulpinique jusqu’alors inexpliquée était en réalité due à la présence de levure dans le thalle du lichen. Cette association est durable, reproductible (elle donne naissance à de nouveaux individus, à la formation d’une nouvelle unité fonctionnelle) avec des bénéfices réciproques pour les partenaires, et entraîne des modifications morphologiques et physiologiques (ces dernières liées à des interactions génétiques entre les trois partenaires). Les levures sont intégrées dans le cortex lichénique. Il y a une corrélation entre leur abondance et des variations autrefois inexpliquées du phénotype18. Certaines lignées de basidiomycètes vivent en lien étroit avec certains lichens sur de vastes zones géographiques, souvent retrouvés sur les six continents18. Le cortex lichénique est structurellement plus important qu’on ne le pensait ; il ne s’agit pas d’une simple zone de cellules différenciées d’ascomycètes, mais semble-t-il du lieu d’une symbiose (entre deux types différents de champignons) dans la symbiose (champignon-plante).

Les phytobiontes : seuls 2 % des phytobiontes sont clairement identifiés, car les caractères morphologiques et les structures sexuées sont considérablement modifiés par la symbiose. Il s’agit souvent d’algues vertes (chlorophytes), symbiotes facultatifs, qui appartiennent dans de nombreux cas aux genres Trebouxia (lichen souvent vert) ou Trentepohlia (lichen souvent orange, en raison des gouttelettes de caroténoïdes de ces algues). Sur deux cents espèces au total, une seule espèce d’algue non verte existe (une xanthophycée chez des lichens aquatiques du genre Verrucaria).
L’algue est formée de cellules chlorophylliennes qui portent le nom de gonidie.

Lorsque le photobionte est une cyanobactérie, elle est aussi un symbiote facultatif. Il s’agit d’une bactérie de forme unicellulaire ou filamenteuse, avec contenu cellulaire vert bleuâtre ou vert brunâtre, très souvent du genre Nostoc, moins fréquemment Sigonema, Gloeocapsa ou Scytonema.

Les bactériobiontes : certaines communautés bactériennes sont associées aux deux partenaires symbiotiques (photobionte et mycobionte). Ces espèces épiphytiques (films sur le thalle) et endophytiques synthétisent des métabolites spécialisés bioactifs qui ont un rôle de protection vis-à-vis d’autres organismes pathogènes ou parasitiques.

Le mycobionte fournit le support et la protection, les sels minéraux, la réserve d’humidité (une pression osmotique élevée, assurée par l’arabitol et le mannitol, limite la dessiccation du thalle) et facilite probablement l’alimentation du photobionte en CO2 ; le photobionte fournit les nutriments issus de la photosynthèse chlorophyllienne (amidon chez la plupart des espèces, réserve lipidique chez les Trentepohliales), 20 à 30 % des nutriments étant en moyenne rétrocédés au mycobionte.

Les besoins en sels minéraux des lichens sont assez limités, car ce sont de faibles consommateurs qui peuvent provisoirement stopper leur croissance.

Ils se nourrissent à partir de l’atmosphère (minéraux sous forme de solutés dans les eaux de pluie). Les lichens ont aussi la possibilité de dissoudre des éléments minéraux du substrat en excrétant, par l’intermédiaire du champignon, des acides organiques.

Certains sont fixateurs de l’azote atmosphérique (espèces nitrophiles), notamment les cyanolichens.

Ils sont de croissance très lente. En moyenne, la croissance annuelle est de 0,5 à 2 mm pour les lichens crustacés, de 0,5 à 4 mm pour les lichens foliacés et de 1,5 à 5 mm pour les lichens fruticuleux. Une même espèce peut cependant présenter des taux de croissance très différents en fonction des facteurs environnementaux (climat, nature du substrat, pollution…). Les lichénologues considèrent qu’une croissance de 1 cm/an est élevée. Les lichénologues estiment à plus de 1 000 ans l’âge de certains lichens alpins.

Les pseudocyphelles bien visibles de Parmelia saxatilis (réseau de lignes blanches) favorisent l’absorption d’humidité. Les lichens ont la capacité de résister à de très fortes dessiccations (phénomène de poïkilohydrie). Certains lichens peuvent vivre avec une teneur en eau de 15 %. Ils sont aussi capables de se réhydrater (faculté de reviviscence), l’absorption hydrique pouvant être telle que les phycolichens renferment jusqu’à 250 à 400 % d’eau, 600 à 2500 % (voire plus) chez les cyanolichens.

La résistance hydrique des lichens provient surtout du mycobionte qui sécrète des polysaccharides autour de l’hyphe, créant ainsi une zone qui piège l’eau sous forme colloïdale. De plus, les lichens accumulent des polyols, qui servent de réserve d’eau. La reprise du métabolisme après une sécheresse est très rapide. Le lichen retrouve ses capacités métaboliques de cinq à trente minutes après une réhydratation.

Les lichens peuvent également survivre à des variations de température importantes : des tests en laboratoire montrent leur résistance à de hautes températures (90 °C), à l’azote liquide (−196 °C)

En 2005, deux espèces de lichens ont été envoyées dans l’espace et exposées au vide durant deux semaines. Les résultats montrent que, de retour sur Terre et après réhydratation, les lichens survivent à ces conditions extrêmes (dessiccation, températures très basses, rayons UV intenses et rayonnements ionisants) et qu’ils ne présentent quasiment aucune altération de leur structure par rapport à des lichens témoins restés sur Terre.

Cette résistance à certains stress biotiques et abiotiques (défense contre les agents pathogènes, capacité de supporter de grands écarts de températures ou d’humidité, capacité de bioaccumuler certains métaux lourds et radioéléments dans leur thalle, capacité de dégrader des parties vieillissantes du thalle…), associée à leur autotrophie, fait des lichens des organismes pionniers par excellence.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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