Les fossiles.

Un fossile (dérivé du substantif du verbe latin fodere : fossile, littéralement « qui est fouillé ») est la trace plus ou moins minéralisée d’un ancien organisme vivant ou de son activité passée, ou bien son simple moulage, conservés dans une roche sédimentaire. Il peut s’agir de restes plus ou moins bien conservés de l’organisme lui-même (ossements, dents, feuilles, mycélium, biofilms, etc.), ou d’empreintes laissées par ce dernier (empreintes de pas ou de peaux/téguments, moulages externes naturels (ambre, par exemple), terriers, stromatolithes, coprolithes, etc.). Les fossiles et les processus de fossilisation sont principalement étudiés dans le cadre de la paléontologie, mais aussi dans ceux de la géologie, de la préhistoire humaine et de l’archéologie.

Suivant les espèces et les périodes, les fossiles peuvent être de différentes qualités et plus ou moins abondants. Comparativement au nombre des êtres vivants morts, le processus de fossilisation reste rare, les conditions de la fossilisation étant rarement réunies. De ce fait, les témoignages  qu’apportent les fossiles sur plus de trois milliards d’années d’évolution de la vie sur Terre sont lacunaires, sauf cas exceptionnel (fossilisation intégrale d’un périmètre et d’une biocénose à la suite de coulées sédimentaires sous-marines ou volcaniques pyroclastiques, par exemple). Jusqu’ici, plusieurs dizaines de milliers d’espèces de fossiles ont été identifiées, sachant qu’une espèce de fossile ne correspond pas forcément au phénotype d’une espèce biologique disparue, mais peut n’être qu’un juvénile, une variété, une forme larvaire, une exuvie, un œuf ou une trace de déplacement d’une même espèce vivante.

Fossile, carte maximum, France.

La fossilisation peut être plus ou moins complète selon les circonstances (par exemple, l’anoxie et la non-turbidité d’un sédiment sont des facteurs favorisant la fossilisation des parties molles) ; si la roche contenante est métamorphisée, les fossiles le seront aussi. Les restes d’êtres vivants enrobés dans l’ambre, momifiés dans du bitume ou bien congelés dans le pergélisol ne sont pas à proprement parler des fossiles, puisqu’ils ne sont pas minéralisés, mais sont assimilés à eux dans le langage courant. Quand, pour les périodes récentes, la fossilisation est inachevée, on parle de semi-fossilisation.


Depuis la Préhistoire, l’homme a trouvé de nombreux fossiles, restes  d’organismes pétrifiés par les minéraux qui les ont remplacés ou qui ont conservé leur enveloppe extérieure. Si la plupart des interprétations étaient plus ou moins fantaisistes (« os de monstres » tels les titans, géants, satyres, centaures, cyclopes, dragons, trolls ou gnomes ; traces de déluges), quelques auteurs de l’Antiquité comme Aristote, les ont, d’une façon générale, interprétés correctement. Le terme « fossile » est employé depuis Pline au Ier siècle, et son utilisation fut récupérée au XVIe siècle par Agricola, pour faire allusion à un corps enterré, que ce soient des restes d’organismes ou de minéraux intégrés dans les matériaux de la croûte terrestre. Cette situation curieuse a perduré jusqu’au début du XIXe siècle.

Léonard de Vinci comprenait néanmoins dès le XVe siècle que ces fossiles ne pouvaient pas être considérés, comme on le pensait alors en Europe, comme des témoignages du Déluge biblique. « En un tel cas », écrivait-il, « ils seraient épars dans le plus grand désordre au lieu d’être empilés en couches successives nettes comme dans des traces de crues successives ». Toutefois, les deux idées essentielles à leur propos, soit leur origine organique et le fait qu’il s’agisse de témoignages de formes de vie disparues ayant existé avant le présent, n’ont pas été véritablement appréhendées avant le XVIIe siècle.

Les premiers progrès réels découlent d’une hypothèse formulée au début du XVIIIe siècle : les terrains contenant des fossiles d’animaux ou végétaux marins devaient en toute logique avoir été recouverts par la mer ou l’eau douce (notamment lors des crues), afin qu’ils s’y déposent sur le fond, s’enfoncent sur le lit sédimentaire, et soient recouverts par les couches suivantes. C’est la première fois que le fossile est envisagé comme indice stratigraphique. Toutefois, le poids de l’idée de génération spontanée, selon laquelle les espèces étaient apparues les unes après les autres et d’origine divine, empêcha une interprétation systématisée et approfondie des causes du renouvellement des espèces, telle que logiquement déduite de l’étude des fossiles.

Au XIXe siècle, Charles Lyell décrit les fossiles comme les restes  d’organismes qui vivaient à une autre époque, actuellement intégrés au sein de roches sédimentaires. Cette définition reste valable, bien que désormais on accorde une plus grande ampleur au terme, en incluant les  manifestations de l’activité de ces organismes telles que les excréments (coprolithes), les restes de constructions organiques, les traces d’empreintes, les impressions de parties du corps (ichnofossiles) ou même la dentelle, les squelettes ou les troncs, etc.

Ainsi l’idée d’une filiation entre les espèces fait son chemin, notamment par les écrits de Geoffroy Saint-Hilaire et Lamarck. S’opposent alors les visions créationniste, fixiste d’une  part, transformiste, évolutionniste d’autre part. Le cœur de la controverse est atteint lorsqu’à la question des origines de la vie animale et végétale est mêlée celle des origines de l’Homme. C’est également au xviiie siècle que la paléontologie se scinda en trois grandes branches qui subsistent toujours, sous la forme de spécialités disciplinaires : la paléontologie descriptive et comparative, de Cuvier ; la paléontologie évolutive, de Lamarck ; un peu plus tard, la paléontologie stratigraphique, d’Oppel et d’Orbigny. Suit la paléogéographie vers 1830.

De la même manière que l’astronomie à la fin du Moyen Âge, les découvertes de la paléontologie ont contrarié les interprétations dogmatiques de l’Église et de certains croyants du XIXe siècle, qui lisaient les livres sacrés, codes symboliques de morale, comme s’il s’agissait de descriptions scientifiques. Aujourd’hui, cette controverse est éteinte, mais en revanche, les fossiles, la géologie tout entière, l’essentiel de la biologie et les conclusions de leurs études sont toujours réfutés par les groupes créationnistes présents en milieu chrétien (surtout néo-protestant), juif (ultra-orthodoxe) et musulman (surtout islamiste). Multidisciplinaire, organisée comme une enquête historique, l’étude des fossiles a également eu des implications importantes sur le rapport de l’Homme au temps, par exemple sur la question de l’âge de la Terre ou du vivant, ou encore sur la question des durées — l’unité temporelle de base d’un fossile est le million d’années, un laps de temps difficilement imaginable. Grâce à des progrès rapides et importants dans les techniques d’observation et d’investigation, la connaissance des fossiles et de la fossilisation au cours des temps géologiques a réalisé ses plus grandes avancées à partir du XIXe siècle.

L’examen des fossiles est renouvelé perpétuellement, à chaque fois qu’il est possible d’utiliser des techniques plus modernes. L’application de ces techniques implique parfois la modification des approches précédentes. Par exemple, à la suite d’un examen mené en 2006 avec des techniques de tomographie aux rayons X, il a été conclu que la famille qui contient les vers Markuelia avait une grande affinité avec les vers priapuliens, et est adjacente à la branche de l’évolution des Priapuliens, des Nématodes et des Arthropodes6. L’un des derniers fossiles remarquables à avoir été découverts est celui de Futalognkosaurus dukei, un dinosaure du clade des Lognkosauria, découvert en 2007 : le squelette était intact à 70 % et il est le troisième plus grand fossile au monde et aussi le plus complet d’entre eux.

Certaines régions du globe sont particulièrement connues pour l’abondance de leurs fossiles. Ces sites fossilifères d’une qualité exceptionnelle portent le nom de Lagerstätten (littéralement « lieu de rangement », en allemand). Ces formations résultent probablement de l’enfouissement de carcasses dans un environnement anoxique avec très peu de bactéries aérobies, ce qui a ralenti le processus de décomposition. Sur l’échelle des temps géologiques, les lagerstätten s’étendent du Cambrien à nos jours.

Parmi ces sites, on trouve notamment les marnes jurassiques de La Voulte-sur-Rhône (conservation des parties molles de céphalopodes en trois dimensions), les schistes de Maotianshan en Chine et ceux de Burgess en Colombie-Britannique, le parc national de Miguasha au Canada ou le calcaire lithographique de Solnhofen en Bavière. Celui-ci détient, par exemple, un des magnifiques exemples d’Archéoptéryx. Ces gisements fossilifères sont tellement rares que chacune des découvertes ou redécouvertes qui y sont faites bouleversent la vision de la progression de la vie.

La fossilisation est un événement extrêmement rare, d’où le caractère lacunaire du registre fossile. On estime entre 0,01 et 0,1 % la proportion d’organismes qui se fossilisent. En effet, une grande partie de ce qui compose un être vivant a tendance à se décomposer relativement rapidement après la mort. Pour qu’un organisme soit fossilisé, les restes doivent normalement être recouverts par les sédiments dans les plus brefs délais. Cependant, il existe des exceptions à cette règle, comme pour un organisme congelé, desséché, ou immobilisé dans un environnement anoxique (sans oxygène). Il existe plusieurs types de fossiles et de  fossilisations.

En raison de l’effet combiné des processus taphonomiques et du simple hasard mathématique, la fossilisation tend à favoriser les organismes composés de parties dures, ceux qui sont particulièrement répandus sur le globe et ceux qui ont vécu pendant une longue période. D’autre part, il est très rare de trouver des fossiles de petits corps mous, d’organismes géographiquement limités ou éphémères géologiquement parlant, en raison de leur relative rareté et de la faible probabilité de conservation. Les spécimens de grande taille (macrofossiles) sont plus souvent observés, déterrés et exposés, alors que les restes microscopiques (microfossiles) sont de loin les fossiles les plus courants.

Certains observateurs occasionnels furent perplexes devant la rareté des espèces transitionnelles dans le registre fossile. L’explication communément admise a été donnée par Darwin. Il a ainsi déclaré que « l’extrême imperfection du registre géologique », combinée à la courte durée et à l’aire de répartition géographique réduite des espèces de transition, conduisait à une faible probabilité de trouver beaucoup de ces fossiles, ce qui était un point faible pour sa théorie de l’évolution. En d’autres termes, les conditions dans lesquelles se déroule la fossilisation sont assez rares et il est fort peu probable qu’un organisme donné se fossilise à sa mort. Eldredge et Gould ont développé une théorie de l’équilibre ponctué qui permet d’expliquer en partie le motif de stase et les apparitions soudaines dans le registre fossile. Enfin, le dilemme de Darwin (absence d’archives fossiles au Précambrien avant l’apparition soudaine, au cours de l’explosion cambrienne, de restes fossiles, principalement composés de coquilles et d’exosquelettes issus de la faune d’invertébrés marins) est remis en cause avec la description depuis le milieu du XIXe siècle de macrofossiles et surtout de microfossiles et de traces fossiles laissés par des microbes (bactéries, algues, moisissures) aux ères précambriennes (appelées à tort azoïques à l’époque de Darwin).

Le nombre total d’espèces vivantes (végétales et animales incluses) décrites et classées s’élève à 1,5 million. Ce nombre continue d’augmenter, en proportion de la taille des groupes étudiés : chaque année, les chercheurs découvrent près de dix mille espèces d’insectes (pour 850 000 espèces déjà connues) et une centaine d’espèces d’oiseaux (pour 10 700 à 11 150 espèces déjà connues). Par déduction et projection numérique, on estime à près de 5 millions le nombre d’espèces vivantes possibles. On ne connaît environ que 300 000 espèces décrites et classées d’après leurs fossiles, soit 20 % du nombre d’espèces vivantes et moins de 6 % du nombre probable. Le registre fossile s’étend d’il y a 3,5 milliards d’années jusqu’à aujourd’hui, mais 99 % des fossiles ne remontent que jusqu’à 545 millions d’années. Ces chiffres sont énormes si l’on considère que le registre fossile correspond à une période de centaines de millions d’années et que la faune et la flore vivant aujourd’hui ne représentent qu’un instantané à l’échelle des temps géologiques. Si la préservation des fossiles était bonne, on aurait davantage d’espèces fossiles que d’espèces vivantes à l’heure actuelle.

La rareté relative des espèces fossiles s’explique de plusieurs manières. Seule une fraction des fossiles découverts parvient aux scientifiques, car beaucoup sont broyés avec les roches en exploitation ou bien sont  commercialisés sans avoir été étudiés. Les fossiles découverts ne représentent qu’une faible partie de ceux qui affleurent, qui eux-mêmes ne sont qu’une infime part de ceux qui gisent dans les sédiments, lesquels ne sont qu’une petite fraction de tous ceux qui se sont formés mais que la tectonique ou l’érosion ont détruit au fil du temps. Enfin les restes fossilisés ne représentent qu’une minuscule part des espèces et des individus ayant vécu, car les conditions d’une fossilisation sont rarement réunies.

On a parfois pensé que la biodiversité a été moindre dans le passé géologique, car malgré les épisodes d’extinction massive, statistiquement on constate un accroissement au fil des ères. Mais il peut s’agir d’un biais statistique, car la biodiversité se mesure au nombre de taxons décrits (espèces, genres, familles…) qui ont vécu en un lieu et au cours d’un intervalle de temps définis, or les roches récentes se trouvent dans les strates supérieures, encore peu détruites par la tectonique ou l’érosion, et plus faciles d’accès, ce qui explique pourquoi les fossiles les plus récents sont généralement les moins rares. Dans le même ordre d’idées, le nombre de paléontologues travaillant sur le Protérozoïque et le Paléozoïque ne représente qu’un très faible pourcentage des chercheurs, alors que le travail sur ces périodes est considérable ; inversement, il y a de nombreux  spécialistes du Mésozoïque et, parmi ceux-ci, des Dinosaures.

Tout donne à penser que la diversité actuelle peut ne pas être  significativement plus élevée que la moyenne, pour les ères géologiques remontant jusqu’au Cambrien. Par conséquent, le faible nombre d’espèces fossiles ne peut être expliqué de façon satisfaisante par l’idée que la diversité croît avec le temps. Les espèces disparaissent et sont remplacées par de nouvelles au cours des temps géologiques. Il a été suggéré qu’il faudrait un délai de douze millions d’années pour opérer un remplacement complet de toutes les espèces. La durée de chaque biochrone se situe entre 0,5 et 5 millions d’années (2,75 Ma en moyenne).

Les ichnofossiles sont les restes de dépôts, d’empreintes, d’œuf, de nids, de bioérosion ou de n’importe quel autre type d’impression. Ils sont l’objet d’étude de la Paléoichnologie. Les ichnofossiles présentent des  caractéristiques qui les rendent facilement identifiables et permettent leur classification comme parataxons : ichnogenres et ichnoespèces. Les ichnotaxons sont des classes de pistes de fossiles regroupées suivant leurs propriétés communes : géométrie, structure, taille, type de substrat et fonctionnalité. Bien que parfois un diagnostic de l’espèce productrice de l’ichnofossile puisse être ambigu, en général, il est possible de déduire au moins le groupe biologique ou le taxon supérieur auxquels il appartenait.

Le terme ichnofaciès fait référence à l’association caractéristique des traces fossiles qui reflètent les conditions environnementales telles que la bathymétrie, la salinité et le type de substrat16. Les traces et les empreintes d’invertébrés marins constituent d’excellents indicateurs paléoécologiques. En effet, elles sont le résultat de l’activité de ces organismes, en liaison avec leur environnement spécifique (nature du substrat et conditions du milieu aquatique : salinité, température, bathymétrie). En particulier, la  profondeur de la mer conditionne le type d’organismes qui vont s’y développer et, par conséquent, il n’est pas surprenant que l’on puisse distinguer une gamme d’ichnofaciès suivant la bathymétrie, dont la nomenclature due à Seilacher fait référence aux types de pistes les plus fréquentes et les plus caractéristiques.

Le microfossile est une plante ou un animal fossilisé trop petit pour être analysé à l’œil nu. On applique communément un seuil de taille pour distinguer les microfossiles des macrofossiles, 1 mm, mais il ne s’agit que d’un guide approximatif. Les microfossiles peuvent être soit des organismes complets (ou quasi complets), comme les foraminifères planctoniques ou benthiques, les ostracodes, soit des parties isolées de petits ou grands organismes, plantes ou animaux, comme les coccolithophoridés (restes calcaires de petites algues), les spicules de spongiaires, les pièces  pédicellaires d’échinides, les oscicules d’ophiurides ou d’astérides, les spicules d’Holothurides, les petites dents, les écailles de petits poissons ou les spores. Les microfossiles sont, par leur abondance et leur diversité, d’une grande importance pour les biostratigraphes. Ceux-ci les utilisent pour dater des roches sédimentaires et donc corréler des séries sédimentaires. Ils les utilisent aussi comme indicateurs paléoenvironnementaux (salinité, profondeur des mers et océans, paléoclimat)…

Les microfossiles peuvent être scindés en eucaryotes et procaryotes. Les procaryotes relativement petits puisqu’unicellulaires sont de loin les plus fréquents. Ils sont parfois représentés par des tests aux formes très complexes (« grands foraminifères »). Ce sont principalement par des restes dissociés que les eucaryotes sont retrouvés en micropaléontologie.

La résine fossile (aussi appelée ambre) est un polymère naturel que l’on rencontre dans plusieurs types de strates différentes, partout dans le monde. Il s’agit de résine fossilisée provenant de la sève des arbres et datant pour la plupart du Tertiaire (2-5 millions d’années), voire du Trias (200 millions d’années). On la trouve généralement sous forme de pierres jaune-orangé.

On estime que la résine est une adaptation évolutive des arbres pour la protection contre les insectes et l’étanchéité des blessures causées par les éléments. La résine fossile contient souvent d’autres fossiles, appelés inclusions, qui ont été capturés par la résine collante. Il s’agit notamment de bactéries, de champignons, de plantes ou d’animaux. Les inclusions animales sont généralement de petits invertébrés, principalement les arthropodes comme les insectes et les araignées, et très rarement des vertébrés comme un petit lézard.

Curieusement les fossiles osseux sont parfois densément et localement rassemblés en grande quantité. Il y a plus de 70 millions d’années, de grandes quantités d’animaux (dinosaures notamment) semblent s’être noyés ou avoir été enfouis dans de la vase puis fossilisés ; les paléontologues en retrouvent des restes parfois très nombreux, comme au début des années 2000 dans la formation géologique « Maevarano » au Nord-Ouest de Madagascar. Une partie du site malgache (notamment étudié par Raymond Rogers, géologue du Macalester College de St. Paul) est extraordinairement « fossilifère » : 1 200 spécimens ont été trouvés dans une même couche sur une surface pas plus grande que le tiers d’un terrain de tennis ! Les paléontologues se demandent pourquoi tant d’animaux sont morts à la fois dans ces lieux. On invoque généralement les inondations, des catastrophes volcaniques, des coulées de boues ou des sécheresses dramatiques suivies de pluies diluviennes qui auraient rapidement enfoui les cadavres de grands et petits animaux, ou encore des bulles géantes de CO2 asphyxiant remontant d’un grand lac… mais une autre hypothèse a été avancée en 2017 pour expliquer ces mortalités « massives » et répétées28. Les gros et petits animaux y sont curieusement morts les uns contre les autres, ils semblent avoir été tués sans discrimination (ce qui fait penser à un poison agissant très rapidement, capable de faire tomber des oiseaux du ciel… de manière répétée puisque plusieurs lits d’os se superposent les uns aux autres).

De simples proliférations de micro algues toxiques auraient-elles pu tuer ces animaux (et peut-être même les avoir attirés) ? Pour tester cette hypothèse on a recherché des traces fossiles de blooms (pullulations) de ces microalgues, mais de telles traces sont difficiles à mettre en évidence. Rogers note que certains animaux ont une posture arquée inhabituelle pour un animal mourant. Un dos arqué évoque les convulsions qu’on observe aujourd’hui lors de certains empoisonnements de vaches ayant bu de l’eau contaminée par certaines cyanobactéries. Rogers a aussi trouvé des croûtes inhabituelles de carbonates pouvant faire évoquer la présence d’un biofilm d’algues et/ou de bactéries encroutantes. Le grand nombre d’oiseaux morts est également intrigant (aujourd’hui on ne voit que très rarement dans la nature des oiseaux morts de mort naturelle, tout particulièrement dans l’eau (les oiseaux se cachent pour mourir). Rogers pense donc que le criminel pourrait être une microalgue ayant périodiquement pullulé sur le même site.

Ce phénomène était connu en mer avec le phénomène de « zones mortes » : des centaines de restes de baleines et d’autres animaux marins se sont ainsi déposés devant l’actuel Chili, il y a 11 millions d’années et un nombre croissant de zones marines mortes est actuellement observé depuis quelques décennies dans le monde. Wighart von Koenigswald,  paléontologue à l’Université de Bonn (Allemagne) cité par la revue Science se demande si des cyanotoxines ne pourraient pas expliquer le fameux gisement de Messel (des fosses datant de l’Éocène emplies de fossiles dont d’oiseaux et de chauves-souris). Des tortues en train de copuler et des juments enceintes y ont été trouvées sur différents niveaux (ce qui implique que le phénomène s’est reproduit et dans ces cas en période de  reproduction.

Cependant à Madagascar la preuve directe d’algues ou de toxines manque encore28. Rogers songe à tenter d’en retrouver des traces fossiles (chimiques ou via des biomarqueurs).

De tout temps, les fossiles ont intrigué les hommes qui, suivant les époques, leur ont donné différentes significations : talismans, restes de géants, objets maléfiques, animaux disparus lors du Déluge. Ce n’est  qu’au XIXe siècle, avec les travaux de Charles Lyell, de Jean-Baptiste de Lamarck, puis de Charles Darwin et les théories de l’évolution, puis de la théorie de la tectonique des plaques, formulée par Alfred Wegener en 1915, que se met en place le cadre théorique moderne dans lequel sont étudiés les fossiles.

Pour le grand public, les fossiles sont surtout connus grâce à quelques familles caractéristiques comme les ammonites, sortes de céphalopodes marins, les trilobites de la famille des arthropodes, les oursins ou enfin les végétaux fossiles conservés dans le charbon (fougères, prêles, etc.).

Des techniques récentes comme la photomicrographie et la microtomographie permettent de voir des détails invisibles à l’œil nu et de reconstituer partiellement la morphologie et le mode de nutrition des êtres vivants fossilisés. L’extraction d’ADN fossile a récemment été développée grâce à l’amplification permise par la réaction en chaîne par polymérase. Depuis la fin des années 1990, les connaissances sur ces techniques se sont améliorées. L’une des techniques proposées consiste à extraire de l’ADN de l’ambre. Bien que cette idée soit actuellement irréalisable, l’imagination populaire en a été nourrie à travers le livre et le film « Jurassic Park ». Dans ce livre, on suggère que les moustiques piégés dans l’ambre pourraient avoir conservé intact l’ADN d’autres animaux, tels que les dinosaures. On a cru parvenir à de bons résultats grâce à cette méthode et plusieurs études font ainsi état d’ADN datant de plus de 100 millions d’années, mais des études plus récentes (quoique moins médiatisées) ont montré que ces résultats n’étaient absolument pas concluants et provenaient la plupart du temps de contaminations actuelles.

De l’ADN peut également être extrait de cristaux présents dans les os fossilisés. Les scientifiques ont montré que parfois des cristaux se formaient à l’intérieur des os, et que ces cristaux pouvaient contenir des traces d’ADN.

L’importance de l’étude de la formation des fossiles a conduit à la fondation d’une nouvelle discipline, la taphonomie. Celle-ci va étudier les procédés de fossilisation, de recristalisation, et les biais associés afin de comprendre ce qui fait que certains restes d’un organismes seront préservés, et de quelle manière, de sa mort jusqu’à la diagénèse.

La présence de fossiles et leur distribution, orientation, quantité, type ou encore diversité dans la roche peuvent avoir une importance dans le cadre d’une reconstitution paléoenvironnementale, ou pour l’étude  stratigraphique ou sédimentologique de la roche, d’où l’importance de relever toutes ces données lors de la collecte de fossiles sur le terrain.

Source : Wikipédia.

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