Léopold 1er, roi des Belges.

Léopold Ier, connu auparavant sous le nom de Léopold Georges Chrétien Frédéric de Saxe-Cobourg-Saalfeld, né le 16 décembre 1790 à Cobourg (en Saxe-Cobourg-Saalfeld) et mort le 10 décembre 1865 au château de Laeken (en Belgique), est un prince allemand de la maison de Saxe-Cobourg et Gotha devenu le premier roi des Belges en 1831 et le fondateur de la dynastie régnant sur la Belgique. Il est également l’ancêtre de l’actuel grand-duc de Luxembourg, du prétendant au trône d’Italie, ainsi que du prince Napoléon. Il règne sous le nom de Léopold, roi des Belges, prince de Saxe-Cobourg et Gotha, duc en Saxe.

Né dans la maison ducale régnant sur le petit duché allemand de Saxe-Cobourg-Saalfeld, il est le troisième fils et le huitième des neuf enfants du duc souverain François de Saxe-Cobourg-Saalfeld et de sa seconde épouse la princesse Augusta Reuss d’Ebersdorf. Grâce au mariage de sa sœur avec le grand-duc Constantin de Russie, Léopold devient officier de l’armée impériale russe et combat Napoléon Ier après que les troupes françaises ont envahi la Saxe-Cobourg au cours des guerres napoléoniennes. À l’issue de la défaite de Napoléon, il s’installe au Royaume-Uni où il épouse la princesse Charlotte de Galles, l’enfant unique et l’héritière présomptive du prince-régent, devenant ainsi le potentiel futur prince consort de Grande-Bretagne. Cependant, Charlotte meurt en couches en 1817. Veuf à 27 ans et sans réelle perspective d’avenir, Léopold reste en Angleterre où il conserve un statut important et lucratif.

Après la guerre d’indépendance grecque (1821 – 1829), Léopold se voit offrir le trône de Grèce qu’il refuse finalement, craignant que la situation ne soit trop instable. En revanche, lorsque le Congrès du nouveau royaume de Belgique le choisit en raison de ses relations diplomatiques avec les maisons royales d’Europe et l’élit en qualité de premier souverain belge, le 4 juin 1831, il accepte. Il prête le serment constitutionnel le 21 juillet 1831, date qui devient celle de la fête nationale belge.

Son règne est marqué, au point de vue international, par les tentatives néerlandaises de récupérer la Belgique et par la volonté royale de sécuriser géographiquement le royaume situé entre de puissants voisins, tandis que, au point de vue national, ce sont les tensions politiques internes entre libéraux et catholiques qui donnent progressivement la tonalité du règne. Léopold, considéré comme libéral, prône la modernisation de l’économie, en jouant un rôle majeur d’encouragement à la création de la première ligne de chemin de fer belge et à l’industrialisation subséquente. Il parvient, dans le contexte d’une constitution qui les borne, à étendre les pouvoirs de la monarchie à leur acmé.

Devenu roi des Belges, son rôle ne se limite pas aux frontières du pays sur lequel il règne. Le roi établit sa famille dans diverses cours européennes : France, Autriche, Portugal et Royaume-Uni, la principale puissance de son temps où il exerce une réelle influence. En raison de son expérience et des conseils politiques et diplomatiques qu’il prodigue aux monarques et gouvernants, il est surnommé « le Nestor de l’Europe ».

Il meurt à 74 ans en 1865, laissant pour successeur son fils Léopold II.


En 1805, alors qu’il est âgé de quatorze ans, Léopold fait ses véritables débuts dans l’armée russe. Il accompagne son frère aîné le duc-héritier Ernest en Moravie au quartier général de l’empereur Alexandre Ier de Russie, mais les deux princes ne participent à aucun combat. À la suite de la bataille d’Austerlitz, il rentre à Cobourg, qui est occupée par les Français. Le duc François, mourant, s’enferme dans la citadelle de Saalfeld avec Léopold, tandis que ses deux autres fils Ernest et Ferdinand sont dans les rangs des coalisés. Le duc François meurt le 9 décembre 1806, six jours avant la signature du traité de Poznań qui rattache le duché de Saxe-Cobourg à la Confédération du Rhin. Ernest, l’héritier du duché, âgé de 22 ans, est alité par le typhus au quartier général prussien. Lorsque Napoléon apprend qu’il a combattu contre les Français, il met le duché sous séquestre et confisque les biens de la famille régnante. Léopold et sa mère, confinés dans une partie du château, survivent grâce aux secours de leurs anciens domestiques. À sa sœur Sophie, Léopold écrit : « le pauvre pays de Cobourg est terriblement plumé ; il doit payer 981 000 francs ; c’est énorme. Nos caisses et nos domaines, bref tous nos revenus, ont été confisqués par l’empereur Napoléon. Aucun apanage ne peut être payé ». Léopold peut enfin se rendre au chevet de son frère Ernest, tandis que leur mère s’efforce en vain de fléchir le général Clarke, gouverneur de Berlin, pour recouvrer la possession du duché. Après l’intervention du tsar, Napoléon autorise d’inclure le duché de Saxe-Cobourg-Saalfeld dans le traité de Tilsit et de le compter à nouveau parmi les membres de la confédération du Rhin. Le nouveau duc régnant Ernest peut rentrer officiellement dans sa capitale en juillet 1807.

En septembre 1807, Léopold et Ernest séjournent brièvement à Paris afin de gagner les faveurs de Napoléon Ier, sans toutefois rencontrer l’empereur alors en séjour à Fontainebleau avant de regagner l’Italie. Les Tuileries sont envahies par une foule de princes allemands, italiens, espagnols et portugais en quête d’une faveur de l’empereur. L’impératrice Joséphine adopte une attitude protectrice pour le jeune Léopold, lui procurant des plantes de son herbier et lui faisant ouvrir la loge impériale dans les théâtres14. L’empereur, que les princes rencontrent enfin en octobre 1808D 9, est lui-même frappé par la prestance du jeune Léopold : « Si je m’en souviens bien, disait-il, c’est le plus beau jeune homme que j’aie pu voir aux Tuileries », au point qu’il songe à en faire son aide de camp.

Au printemps 1808, Léopold est atteint par une fièvre typhoïde, dont il se remet lentement, puis il administre le duché de Saxe-Cobourg-Saalfeld alors que son frère Ernest se rend en Russie. Léopold en profite pour entreprendre d’ambitieuses réformes financières et administratives, ainsi que des travaux publics. Il accompagne ensuite Alexandre Ier, lors de sa rencontre avec Napoléon à Erfurt en septembre 1808. Cette entrevue d’Erfurt constitue un échec pour Napoléon, lequel souhaitait renforcer l’alliance franco-russe, car le tsar ne cède rien aux exigences de Napoléon et ne semble pas déterminé à aider ses petits alliés, dont les Cobourg. De retour à Cobourg, Léopold est bien décidé à surmonter l’échec de la rencontre d’Erfurt et à défendre les intérêts du duché de Cobourg, lequel n’a pas obtenu, comme prévu, le détachement en sa faveur de quelques bailliages des régions de Bamberg et de Bayreuth. Léopold écrit donc au tsar afin qu’il intervienne auprès de Napoléon. Le tsar accepte de jouer les intermédiaires. Cependant, Napoléon est courroucé contre les Cobourg qui figurent trop souvent dans les rangs de ses ennemis. Napoléon refuse donc de céder quoi que ce soit. En outre, Napoléon exige le départ de Léopold de l’armée russe. À contre-cœur, Léopold doit obéir et donner sa démission en novembre 1808.

Le jeune prince doit dès lors se contenter de retourner à ses études : « je travaille beaucoup en ce moment : tous les matins je rédige mon journal, j’étudie les mathématiques et la politique, puis je lis Guibert ou Robertson, dont l’histoire de Charles-Quint m’intéresse fort. Mes après-midi sont consacrés aux travaux militaires » écrit-il en octobre 1809. À l’automne 1810, Léopold est mandaté par son frère Ernest pour une mission délicate. Elle consiste en l’obtention d’une aide substantielle pour le duché de Cobourg appauvri par la perte de nombreux soldats, ruiné par de lourdes contributions de guerre et la destruction de marchandises prétendument anglaises par application du blocus continental. Napoléon le reçoit, refuse d’aider financièrement le duché de Saxe-Cobourg, mais propose à Léopold d’intégrer l’armée française, ce que l’intéressé ne souhaite aucunement. En janvier 1811, l’intervention amicale de Joséphine et surtout celle d’Hortense de Beauharnais permettent au jeune homme de se soustraire aux propositions militaires de l’empereur des Français. Ernest sait qu’il peut compter sur l’entregent de son frère, qu’il considère comme une sorte de ministre des affaires étrangères du duché. En mai 1811, Léopold, envoyé à Munich, réussit à obtenir du roi de Bavière que le duché de Cobourg conserve de petits territoires qui allaient être absorbés par la Bavière. De là, Léopold se rend à Vienne où il passe tout l’hiver avant de voyager dans différentes villes italiennes. L’inactivité forcée lui déplaît : « les années 1810 et 1811 furent assez calmes. Je fus désappointé de me voir interdire de servir en Russie par Napoléon qui tenait mon frère pour responsable, car il savait qu’autrement il n’aurait pas pu m’en empêcher. » écrit Léopold qui doit attendre mars 1813 avant d’être réintégré dans l’armée impériale russe.

C’est donc en qualité de colonel du régiment russe des cuirassiers de l’impératrice Maria Feodorovna que Léopold participe activement à la libération des territoires germaniques. Le 28 février 1813, après la signature du traité de Kalisz conclu entre la Russie et la Prusse contre la France, Léopold se rend au quartier général du tsar : « je fus le premier Prince allemand qui rejoignit l’armée libératrice » se félicite Léopold. En 1813, Léopold combat aux batailles de Lützen, Bautzen et Leipzig contre les troupes françaises. Sans aucune expérience militaire, il se voit confier par son beau-frère, le grand-duc Constantin, tous les escadrons de cavalerie disponibles. Le 26 août, Léopold se signale en accourant avec ses cuirassiers pour dégager le prince Eugène de Wurtemberg assailli par des forces supérieures dans la position qu’il occupe. Trois jours plus tard, Léopold a, à Peterswald, un engagement extrêmement vif avec un détachement de cavalerie française : attaqué par des adversaires plus nombreux, il recule, mais ne tombe pas au pouvoir de l’ennemi.

Le 30 août, lors de la bataille de Kulm, Léopold est attaqué, mais, à la tête de ses troupes, il charge les Français littéralement cloués sur place. Les Français perdent cinq à six mille hommes, morts ou blessés et 48 bouches à feu. Deux généraux français (Haxo et Guyot) sont faits prisonniers, de même que sept mille soldats. Le soir du combat, Léopold est décoré de la croix de Saint-Georges. Il est également nommé à plusieurs autres décorations militaires : ordre de Saint-André, ordre d’Alexandre Nevski, ordre de Sainte-Anne, croix de Malte, et croix de Kulm. Sa participation active aux combats lui vaut le titre de général de division de l’armée russe et lui confère une réputation de bravoure.

Le 12 janvier 1814, les quartiers généraux du tsar et du roi de Prusse occupent Bâle. Le grand-duc Constantin se rend avec Léopold à Elfenau près de Berne, afin que sa femme Julienne qui avait quitté la Russie en 1802, se réconcilie avec lui. Cette démarche se solde cependant par un échec. Le 30 janvier 1814, Léopold pénètre en France avec sa cavalerie. Le 1er février, il prend part à la bataille de Brienne avant d’occuper Troyes. Le 20 mars, au combat d’Arcis-sur-Aube, il exerce un commandement à l’aile droite. Quatre jours plus tard, les alliés marchent sur Paris. Léopold — qui occupe l’avant-garde — se distingue à nouveau le 25 mars à la bataille de Fère-Champenoise, tout en regrettant d’avoir dû soutenir l’attaque, au lieu d’être en première ligne et, dit-il, « à cause de cela, [j’] ai été privé d’une partie de la gloire. Mais j’ai pris trois canons et sauvé les nôtres tard dans la soirée16 ». Enfin, le 31, à la tête des cuirassiers de la garde russe, Léopold entre à Paris. Depuis la capitale française, Léopold commente la chute de Napoléon : « le fléau de l’humanité est enfin parti après avoir essayé sous toutes sortes de prétextes, de demeurer à Fontainebleau, abandonné de presque tous. […] Voilà à quel point la prudence a humilié ce tyran, à l’horreur de tous ceux qui auraient envie de suivre son exemple. » Léopold assiste à la restauration des Bourbons, puis accompagne, en qualité de lieutenant général au service de la Russie, l’empereur Alexandre en Angleterre.

La paix revenue, Léopold participe au congrès de Vienne où il seconde son frère pour représenter le duché de Cobourg. Ernest doit lutter contre la Prusse, qui veut pénaliser le duché de Cobourg pour avoir empêché l’annexion de la Saxe en omettant sciemment de mentionner le paragraphe consacré au duché. C’est Léopold, averti par les ministres russes et autrichiens, qui parvient à ce que figure ledit paragraphe dans le traité. Au congrès de Vienne, Léopold fait la connaissance du frère de l’empereur d’Autriche, l’archiduc Jean avec lequel il se lie durablement. Cet archiduc permet aussi à Léopold de rencontrer le chancelier Metternich, qui domine la politique européenne jusqu’en 1848. Le congrès est brutalement troublé par le retour de Napoléon de l’île d’Elbe en mars 1815. Le prince Léopold reprend derechef le commandement d’une brigade de cavalerie dans l’armée russe et se met en marche vers la France. Il arrive après que tout a été joué et perdu par Napoléon à Waterloo.

Dès le printemps 1814, alors qu’il accompagne le tsar en Angleterre, il est question d’un projet matrimonial concernant Léopold. Ayant appris que la princesse de Galles, Charlotte, le seul enfant légitime du prince régent, le futur George IV du Royaume-Uni, est promise à Guillaume II (roi des Pays-Bas), alors prince d’Orange, l’empereur de Russie, incité par Lord Castlereagh, le parti Whig et une part importante de la gentry, décide — afin d’empêcher une union personnelle entre la Grande-Bretagne et les Pays-Bas qui engendrerait une nouvelle domination des mers par les « puissances maritimes » — de présenter son propre candidat qu’il trouve en la personne du prince Léopold. Le tsar a désormais un sérieux rival à opposer au prince d’Orange. En juin 1814, Léopold est donc présenté à la cour et à Charlotte qui se montre d’abord indifférente. Les mois passent sans que rien ne se dessine ; mais Charlotte rejette l’option imposée par son père et encourage par lettre le retour de Léopold en Grande-Bretagne afin qu’il demande sa main. Ce dernier juge cependant bon de temporiser afin de s’attirer la sympathie de son futur beau-père. Léopold aura donc attendu presque deux ans avant de s’engager dans des fiançailles. Léopold doit d’ailleurs encore régler des affaires politiques à Paris, participer au congrès de Vienne et se rendre à Berlin avant de regagner définitivement l’Angleterre en février 1816. Là, le prince-régent se montre conciliant à l’égard de Léopold. Le mariage est décidé et a lieu le 2 mai 1816 à Carlton House.

Le couple passe sa lune de miel à Oatlands Palace, la résidence du duc d’York dans le Surrey. Deux jours après leur mariage, ils reçoivent la visite du prince-régent qui paraît bien disposé à leur égard. Le prince Léopold et son épouse rentrent ensuite à Londres lors de la saison parlementaire. Leur présence au théâtre est saluée par un tonnerre d’applaudissements et un God Save the King entonné par la troupe. Un jour qu’elle se sent mal à l’opéra, on s’inquiète beaucoup pour elle. Charlotte vient de faire une fausse couche.

Léopold, profondément épris de sa femme, écrit : « Mon amour pour ma bonne et chère femme ne fait qu’augmenter et notre vie commune ininterrompue […] la confiance réciproque est déjà trop ancrée ». Le couple princier choisit de s’établir à Claremont House fin août 1816. Léopold avait, avant cette installation, nourri quelques inquiétudes au sujet de la santé de Charlotte, mais celle-ci paraît, maintenant qu’ils demeurent dans la résidence de leur choix, en bonne santé. Charlotte devient à nouveau enceinte. L’accoucheur, Richard Croft, lui conseille de réduire drastiquement sa nourriture et accompagne cette diète de nombreuses saignées, au grand dam de Stockmar, le médecin personnel du prince Léopold. Après avoir donné naissance à un fils mort-né, le 5 novembre, la princesse meurt le 6 novembre 1817 à l’âge de 21 ans. Le prince en reste toute sa vie inconsolable. À sa sœur, Léopold écrit : « Au fond, j’étais fait pour une vie d’intimité familiale […]. Je voulais être tranquille et heureux avec ma souris [Charlotte] et rien de plus […] Charlotte était une très jolie femme et elle possédait à un degré très élevé ce que les Anglais appellent countenance. »

Léopold, qui n’a plus de fonction officielle à la cour, demeure néanmoins en Grande-Bretagne car Christian Friedrich von Stockmar qui devient son secrétaire particulier, lui déconseille de s’installer sur le continent après son veuvage. L’opinion publique admettrait difficilement que Léopold continue à percevoir sa rente annuelle de 50 000 livres sterling versée par le gouvernement britannique pour la dépenser ailleurs. Durant l’été 1819, Léopold visite l’Écosse et le nord de l’Angleterre. Il y découvre les résultats concrets du développement prodigieux de la révolution industrielle et saura s’en souvenir. Sa vie durant, il est désormais marqué par l’exemple britannique.

Léopold aide, dès cette époque, des membres de sa parenté dans leur ascension vers les différents trônes européens. Dès 1818, il remarie sa sœur Victoire, veuve depuis quatre ans du prince Émile-Charles de Leiningen, à Édouard-Auguste duc de Kent, frère cadet du prince-régent. De cette union, naît la future reine Victoria en 1819 qui devient orpheline de père dès 1820. Léopold recueille provisoirement à Claremont sa sœur de nouveau veuve et sa fille pour laquelle il devient un père de substitution et un conseiller écouté. Léopold obtient du roi George IV que soient libérés pour elles des appartements à Kensington, tout en pourvoyant durant plusieurs années à l’entretien de sa sœur et de sa nièce.

Après la mort de Charlotte, le prince Léopold, favorablement apprécié en Grande-Bretagne, reste encore quatorze années sur le sol britannique. Il entretient des relations souvent difficiles avec George IV, roi depuis 1820, principalement en raison du soutien qu’il a accordé à son épouse, Caroline de Brunswick, dans le conflit qui les opposait. Léopold a en effet ostensiblement rendu visite à la reine Caroline alors que son mari s’apprêtait à être couronné en veillant à ce que cette dernière ne fût pas présente. Profitant de sa situation exempte d’obligations, Léopold voyage très régulièrement en Europe : Cobourg, Gênes, Florence, Rome, Naples et Vienne (en 1821), Paris (1822), Cobourg (1824), Naples (1826) où une fièvre fait croire que ses jours sont en danger, la Silésie (1828)…

À Cobourg, Léopold acquiert en 1819 le domaine de Niederfüllbach qu’il entreprend de restaurer afin qu’il devienne sa résidence principale dans le duché. Lors de ses séjours à Cobourg, il revoit évidemment sa mère et son frère Ernest, lequel se marie en 1817 avec Louise de Saxe-Gotha-Altenbourg. En 1825, la princesse Louise hérite d’une partie du duché de Saxe-Gotha, mais c’est son époux qui en prend possession, transformant ainsi le duché de Saxe-Cobourg-Saalfeld en duché de Saxe-Cobourg et Gotha. Le couple a deux fils avant de divorcer en 1826 : Ernest né en 1818 et Albert né l’année suivante. Léopold jouera un rôle important dans l’établissement du cadet, qui épousera Victoria du Royaume-Uni par son entremise.

Lépold 1er, carte maximum, Belgique, 1949.

À l’issue de son séjour à Paris, quelques royalistes fervents, voyant la bonté avec laquelle le roi Charles X traite le prince Léopold, suggèrent que ce dernier épouse la duchesse de Berry, veuve également. Toutefois, Léopold ne souhaite pas épouser la bru du roi de France et, de plus, il ne partage pas les idées qu’il estime rétrogrades ayant cours chez les légitimistes.

Après son veuvage prématuré, Léopold connaît plusieurs brèves aventures sentimentales ; la plus longue est sa liaison avec une comédienne rencontrée à Potsdam en septembre 1828, avec laquelle il reste lié durant plusieurs moisD 29. La jeune actrice et chanteuse n’est autre que la nièce de son secrétaire particulier et conseiller Christian Friedrich von Stockmar, Karoline Bauer, qui ressemble beaucoup à sa défunte épouse, Charlotte. En mai 1829, Karoline s’installe en Angleterre avec sa mère dans un petit cottage près de Claremont House où demeure Léopold. Toutefois, à peine logée à proximité de la résidence de Léopold, ce dernier ne manifeste plus que de l’indifférence et la liaison prend fin dès le mois de juin. L’actrice et sa mère rentrent à Berlin, l’année suivante, en juin 1830. Dans ses mémoires posthumes parues en 1881, Karoline affirme qu’elle a secrètement épousé le prince dans le cadre d’un mariage morganatique et qu’elle a porté le titre de comtesse Montgomery. Léopold aurait mis fin au projet de mariage lorsqu’il entrevoyait la possibilité de devenir roi de Grèce. Toutefois, aucune trace d’un tel mariage civil ou religieux n’a jamais pu être découverte.

En Belgique, le Congrès national proclame l’indépendance, le 4 octobre 1830, à l’issue de la révolution belge contre les Pays-Bas. Celle-ci est reconnue internationalement le 20 décembre 1830. Le 3 février 1831, le Congrès élit d’abord roi des Belges Louis d’Orléans, duc de Nemours, deuxième fils de Louis-Philippe Ier, qui vient d’être élu roi des Français par le Parlement. La Grande-Bretagne s’oppose à ce qu’un prince français règne à Bruxelles28, et Louis-Philippe refuse le titre au nom de son fils de peur de déclencher une guerre européenne dans laquelle la France serait isolée.

Sur une proposition relative à la nomination d’un régent, et sur la demande du gouvernement provisoire de nommer un pouvoir exécutif dans les termes de la Constitution, le Congrès, le 23 février 1831, décrète une régence et proclame son président, Érasme-Louis Surlet de Chokier, régent de la Belgique. Le 24 février 1831, le gouvernement provisoire remet sa démission au Congrès national.

Le congrès belge qui le connaît pour son passé militaire, propose, après avoir pris connaissance de l’autorisation de la France et de la Grande-Bretagne, à Léopold de devenir roi des Belges. Une délégation belge composée de personnalités choisies en vue de donner une impression d’unité nationale se rend à Londres. Léopold la reçoit à Marlborough House, le 22 avril 1831. Ce dernier a déjà étudié minutieusement le projet de Constitution belge. Le 4 juin 1831, Léopold est élu par 152 voix sur 196 votants. Il accepte à la condition que soient réglées les frontières et les dettes de la Belgique. Il obtient lors de la conférence de Londres, le traité des XVIII articles, accepté par le congrès le 9 juillet 1831. Ce traité constitue une reconnaissance de la séparation de la Belgique et des Pays-Bas. Il ouvre la possibilité d’un rachat du Luxembourg par la Belgique et d’un échange d’une partie du Limbourg contre des territoires enclavés qui ne faisaient pas partie des Provinces-Unies avant 1790.

Lorsqu’il accepte le trône de Belgique, en juin 1831, Léopold quitte définitivement la Grande-Bretagne et demande à ne plus percevoir de rente du parlement britannique. Il confie sa maison de Claremont à une commission de curateurs, qui entretiennent la demeure, le jardin et le parc.

Roi officiellement depuis le 26 juin 1831, Léopold s’embarque le 16 juillet à bord du yacht royal Crusader, qui le mène de Douvres à Calais. Le lendemain, il part en voiture vers Dunkerque et entre en Belgique par La Panne. Dans les villes où il passe, Léopold rencontre un succès populaire marqué : Ostende, Bruges et même Gand, qui est pourtant un fief orangiste. Le soir du 19 juillet, le roi approchant de Bruxelles doit répondre aux ovations d’une foule de plus en plus nombreuse. Il loge ensuite au château de Laeken. Le lendemain, Léopold prépare son discours d’intronisation. Le 21 juillet, revêtu de l’uniforme de général de l’armée nationale, il pénètre à cheval dans Bruxelles. Sur la place royale une estrade a été dressée sur les marches de l’église Saint-Jacques-sur-Coudenberg. Léopold y prend place, écoutant les discours d’usage avant la présentation de la Constitution. Le congressiste Jean-Baptiste Nothomb rappelle la formule du serment. Léopold jure de respecter les libertés du peuple belge et devient dès cet instant le premier roi des Belges.

Léopold explique ses objectifs : « Je suis venu ici pour travailler au bien-être de ce pays et pour préserver, par mon acceptation de la couronne, la paix de l’Europe ; tout ce qui pourra contribuer à ces deux choses, je le ferai ; tout ce qui sera au delà, sera néfaste ».

Sous le règne de Léopold Ier, si la Belgique connaît d’indéniables progrès économiques et industriels, en Flandre en revanche, la situation économique est délétère durant des années (particulièrement de 1845 à 1849), engendrant la migration interne de nombre de Flamands vers Bruxelles et les régions industrialisées de Wallonie. De manière générale, la situation de l’ouvrier demeure précaire. En homme de son époque, le roi ne se soucie des problèmes sociaux que lorsque leur expression menace l’ordre établi. Pour le roi, comme pour la bourgeoisie catholique et libérale dirigeante, la question sociale relève avant tout de la charité chrétienne ou de la philanthropie. Le rôle de l’État se borne à maintenir l’ordre pour assurer le libre fonctionnement du circuit économique. Dans son discours du trône de 1838, Léopold affirme sa vision paternaliste et déclare qu’il faut subventionner davantage les institutions de charité et améliorer les établissements accueillant les sourds-muets, les aveugles et les aliénés. Dans ce même discours, le roi déclare : « des efforts multiples sont dirigés vers l’amélioration et l’extension de l’agriculture, du commerce et de l’industrie ; ils contribuent à répandre l’aisance dans les diverses classes des habitants et à cimenter la concorde. »

En 1842, le roi échoue à faire voter des lois pour réguler le travail des enfants et des femmes car eux aussi sont employés aux travaux les plus lourds. En 1850, l’industrie charbonnière utilise aux labeurs du fond près de 3 000 femmes, 4 400 garçons et 1 221 filles de moins de seize ans. Dans l’agriculture où règne un chômage endémique, les conditions de travail sont similaires pour des salaires encore plus bas. Une enquête menée par le journaliste Édouard Ducpétiaux en 1853-1854 établit que l’ouvrier belge est obligé de consacrer 65,8 % de ses revenus à la seule satisfaction de ses besoins alimentaires. En dépit de cette réalité sociale, Léopold n’a jamais été directement confronté à l’essor du mouvement ouvrier.

Léopold 1er, carte maximum, Belgique, 1999.

Dans le royaume, le roi Léopold favorise l’ouverture de la première ligne de chemin de fer en Europe continentale : le premier train belge part de Bruxelles et gagne Malines le 5 mai 1835. C’est aussi le premier train de voyageurs d’une ligne régulière hors des îles Britanniques. Le 30 décembre 1835, la locomotive à vapeur « Le Belge » est mise en service. C’est la première machine construite en Belgique ; elle est réalisée par les ateliers John Cokerill de Seraing sous licence Robert Stephenson and Company.

Le développement du réseau ferroviaire permet l’essor de l’industrie en offrant des transports efficaces. Lors du discours du trône de 1847, le roi constate : « les transports des marchandises et les recettes du chemin de fer continuent à s’accroître dans une proportion remarquable. Des mesures se préparent pour les augmenter encore et pour introduire des améliorations dans l’exploitation de cet important service ». Sous le règne de Léopold Ier, de nombreux secteurs industriels connaissent un développement considérable : production de fonte et d’acier, extraction de la houille, expansion des verreries et du tissage de toile.

Le roi favorise en 1835 le secteur bancaire par la création de la Banque de Belgique. Lors de l’indépendance circulent encore des monnaies néerlandaises, françaises, liégeoises et autrichiennes. Le franc belge voit le jour en 1832. L’effigie du roi apparaît sur les pièces et les timbres-poste, renforçant aux yeux de la population le sentiment national et la légitimité du souverain.

En été 1856, la Belgique fête le 25e anniversaire du règne de son premier roi. Le 21 juillet 1856, le roi, à cheval, parcourt de nouveau le chemin qui 25 ans plus tôt l’a conduit du château de Laeken au palais royal de Bruxelles le jour de sa prestation de serment. Il est accompagné de ses deux fils. Le roi assiste à un Te Deum de reconnaissance. Il recommande aux Belges : « l’union, secret de notre prospérité, de notre grandeur, de notre durée. ». Habituellement réservé, il se réjouit de ce jubilé. Durant les mois suivants, le roi et ses fils visitent successivement les neuf provinces. Ils passent plusieurs jours dans chaque chef-lieu, où se succèdent les cortèges, bals, banquets, visites d’églises, de monuments publics, d’usines et d’établissements de charité. La visite à Gand est prétexte à glorifier la langue néerlandaise. Stockmar, retiré à Cobourg, écrit dans son journal : « Je ne me souviens pas d’avoir jamais vu, d’avoir jamais entendu caeteris paribus un triomphe semblable à celui-là ».

L’année 1857 est nettement moins réjouissante pour le roi. Le pays connaît une intense crise politique. Lorsque le ministre catholique De Decker, chef du gouvernement, dépose son projet de loi sur le régime des fondations charitables, il a la conviction d’avoir posé un acte de concorde et de transaction entre catholiques et libéraux. Quand la discussion de ce projet s’ouvre au parlement le 21 avril, le pays s’enfièvre. Cette loi des couvents provoque une émotion qui dépasse le cercle des électeurs censitaires. Durant vingt-sept séances, le débat se prolonge à la Chambre au milieu des polémiques ravivées par la presse. Bientôt, la foule intervient. Des manifestants entourent le palais de la Nation, des bandes circulent en ville conspuant les religieux. L’agitation gagne ensuite les chefs-lieux de province. Le 28 mai, le roi réunit le conseil des ministres et propose la mesure extraordinaire de l’état de siège. Il a déjà fait appeler des troupes des villes voisines et du camp de Beverloo afin de renforcer la garnison de Bruxelles. Courroucé, Léopold déclare : « je monterai à cheval s’il faut pour protéger la représentation nationale ; je ne laisserai pas outrager la majorité ; j’écraserai ces canailles. » L’agitation persistant et gagnant en intensité, Léopold propose de disjoindre du projet en discussion les articles déjà votés et d’en faire une loi spéciale. En dépit de la volonté royale, De Decker abandonne cette proposition de disjonction. Cela a pour effet d’annihiler la loi des couvents. Le roi fait publier dans le Moniteur une lettre au chef du cabinet qui constitue un véritable message adressé à la nation, document sans précédent dans l’histoire de la Belgique. Le roi laisse apparaître son irritation face à la pusillanimité du gouvernement qu’il critique de la sorte : « Ce n’est pas moi qui les ai abandonnés en 1857, ce sont eux qui m’ont abandonné. J’étais prêt à monter à cheval, je n’aurais pas reculé. Ils m’ont laissé en présence du désordre ; ils m’ont réduit à céder devant le désordre et personne ne saurait comprendre combien était profonde une semblable humiliation. ».

Jusqu’à ses 70 ans, le roi jouit d’une bonne santé. En 1861, il est confronté à plusieurs deuils qui l’affectent beaucoup. Sa sœur Victoire, la mère de la reine Victoria, meurt en mars. En novembre, c’est son petit-neveu, le roi Pierre V de Portugal qui succombe des suites de la fièvre typhoïde à 24 ans, quelques jours après son jeune frère Ferdinand et quelques semaines avant son autre frère Jean. En décembre, c’est son neveu le prince consort Albert auquel Léopold est particulièrement attaché qui meurt brutalement. Léopold se rend aux funérailles et tente de consoler sa nièce la reine Victoria. Là, en Grande-Bretagne, il souffre de calculs rénaux. En mars 1862, le roi subit une première lithotripsie, laquelle est renouvelée à de nombreuses reprises dans les mois qui suivent. En décembre 1864, le roi peut encore s’adonner à la chasse. Au début de 1865, le roi est victime d’une congestion cérébrale. Après un léger mieux en été, son état s’altère à l’automne.

Le 23 novembre, le roi est ramené d’urgence du domaine d’Ardenne à Laeken. Il y signe encore un lot d’arrêtés, mais le 2 décembre, le secret de son état de santé ne peut plus être gardé. Le Moniteur annonce officiellement la maladie du roi et laisse présager une issue fatale. On assure que, ce même 2 décembre, le roi fait venir son pianiste pour l’entendre jouer l’ouverture de Tannhäuser. Le surlendemain, il sanctionne une dernière nomination. Cependant, ses forces déclinent sous l’effet d’une dysenterie persistante. Le 9 décembre, la situation paraît désespérée, mais le roi passe la nuit. Le lendemain, sa famille, précédée par la duchesse de Brabant, force la consigne qui la tenait éloignée du roi. La duchesse de Brabant s’agenouille au chevet de son beau-père et échange quelques mots avec lui. Elle fait ensuite appeler l’ensemble de la famille royale que le roi bénit un à un, sans que l’on soit certain qu’il les voit et entend réellement. Le pasteur protestant et chapelain du roi, Frédéric-Guillaume Becker, est alors introduit dans la chambre et adresse quelques paroles au mourant lequel répond : « Pardon, mon Dieu, pardon. » Tenant la main de la future reine, le roi Léopold meurt le 10 décembre 1865 à 11 h 45 du matin au château de Laeken, à l’âge de 74 ans.

Le 16 décembre, les funérailles du roi sont célébrées avec beaucoup de solennité. Il est, dans un premier temps, inhumé dans la chapelle Sainte-Barbe de l’ancienne église de Laeken auprès de la reine Louise. Ce n’est que le 20 avril 1876 que ses restes et ceux de la reine reposent dans la crypte royale à la nouvelle église Notre-Dame de Laeken. Quelque 500 000 personnes prennent place le long du cortège funèbre. Une importante représentation du gotha européen est présente : le roi de Portugal, le prince de Galles, le prince royal de Prusse, l’archiduc Joseph, le prince Arthur de Grande-Bretagne, le prince Adalbert de Prusse, le duc de Cambridge, le prince Louis de Hesse, le prince Nicolas de Nassau, le grand-duc de Bade, le prince Georges de Saxe, le prince Auguste de Saxe-Cobourg, le roi Charles Ier de Wurtemberg, le prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, le duc de Nemours, le duc d’Aumale et le prince de Joinville88 auxquels se joignent les envoyés extraordinaires des corps diplomatiques de France, Russie et Turquie. Le défunt monarque étant protestant, on élève hâtivement une chapelle de bois et de plâtre — en face de l’église de Laeken — où est dit le service religieux protestant. Laissant selon les vœux du cardinal Sterckx, primat de Belgique, les ministres du culte protestant dans le temple provisoire à l’extérieur du parvis, le lourd cercueil porté par vingt-quatre sous-officiers pénètre alors dans l’église de Laeken. Traversant la nef, le corps est déposé dans la chapelle Sainte-Barbe. Le cercueil est mis dans un coffre d’ébène, lamé d’or, que scelle le ministre de la Justice.

Léopold II, qui succède à son père à l’âge de 30 ans, fait le lendemain, le 17 décembre 1865, son entrée à Bruxelles. Il règnera jusqu’en 1909.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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