Léon Henri Jouhaux, syndicaliste et prix Nobel de la paix.

Léon Henri Jouhaux est un syndicaliste français, né à Paris (XVe) le 1er juillet 1879 et mort à Paris (XIIe) le 28 avril 1954.

Ouvrier allumettier et syndicaliste, il est secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT) de 1909 à 1947, puis fondateur et président de la Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO) de décembre 1947, jusqu’à sa mort. Président du conseil économique et social à partir de 1947, vice-président du Bureau international du travail et vice-président de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), il reçoit en 1951 le prix Nobel de la paix. Dans un premier temps de tendance syndicaliste révolutionnaire et libertaire, il est considéré après 1914 comme « réformiste ».

Le grand-père, participant aux journées de juin 1848, le père, tambour de la Commune de 1871 échappant aux massacres grâce à sa connaissance du réseau des égouts de la ville, Léon Jouhaux a une ascendance ancrée dans le Paris révolutionnaire du XIXe siècle. Il naît dans le 15e arrondissement de la capitale, fils de l’employé municipal Adolphe Jouhaux et de la cuisinière Anne-Marie Vieux. L’année suivante son père démissionne de son emploi et part avec sa famille travailler dans la Sarthe. De retour à Paris, il est embauché à la Manufacture des allumettes d’Aubervilliers, tandis que son épouse va travailler dans les « maisons bourgeoises ». Jouhaux passe sa

Léon Jouhaux, carte maximum, Paris, 12/05/1979.

jeunesse dans cette ville de la banlieue nord-est de Paris, alors très industrialisée ou en voie de l’être. Pendant la journée, le jeune Léon est confié à la garde de sa sœur aînée. Il fréquente ensuite l’école laïque jusqu’à l’âge de 12 ans et, bon élève, il espère se former dans des écoles professionnelles. Son souhait est d’accéder à une école d’Arts et Métiers pour en sortir ingénieur. Il accède effectivement à deux écoles professionnelles, mais confronté aux difficultés matérielles de ses parents il est contraint d’interrompre ses études pour gagner sa vie. Il y acquiert cependant un goût pour la lecture, que renforce sa fréquentation de la bibliothèque du groupe libertaire d’Aubervilliers. Selon ses souvenirs, c’est l’étude de Proudhon qui l’amène à l’action ouvrière et au syndicalisme. Après des emplois tenus dans une savonnerie, puis chez un serrurier du bâtiment, il entre à 16 ans à la Manufacture d’allumettes de Pantin-Aubervilliers où travaille son père. Le syndicalisme est actif dans cet établissement qui compte 600 ouvriers, le plus important de la branche de l’industrie des allumettes (2 600 ouvriers au total). Jouhaux entre de plain-pied dans l’action syndicale marquée par la grève menée par la Fédération nationale des allumettes pour la suppression de l’emploi du phosphore blanc dans les fabrications. Il poursuit son activité syndicale après son service militaire mais, en juin 1901, il est impliqué dans une bagarre, en compagnie de plusieurs militants libertaires. Condamné à trois mois de prison, qu’il effectue, il est licencié de la Manufacture. Il occupe alors divers emplois précaires et continue son action militante en fondant le syndicat des ouvriers non qualifiés de la Seine. En 1905, il est réintégré à la manufacture d’Aubervilliers, et est délégué par la Fédération des Allumettes pour siéger au Comité national des Fédérations de la CGT. Il siège aussi au comité national de la Fédération des Bourses du travail.

Léon Jouhaux, essais de couleurs.

En 1936, dans le cadre de la grève générale de juin et de la victoire du Front populaire, Jouhaux contribue aux réformes concernant les conventions collectives, les congés payés, la semaine de 40 heures et la nationalisation. Il est un des acteurs syndicaux des Accords Matignon. En juillet il est désigné pour siéger dans deux commissions instituées par le gouvernement, celles des lois sociales (avec Benoît Frachon), celle des grands travaux (avec Robert Bothereau. Il est désigné au conseil d’administration de la Banque de France.

La réunification syndicale entre la CGT et la CGTU et l’essor du mouvement social en font le leader d’une centrale syndicale qui compte 4 millions d’adhérents. Contrairement au gouvernement Blum, il se prononce pour le soutien à la République espagnole. Cherchant à étendre le rôle de la FSI, il se rend en 1937 en URSS, où il est un des rares leaders non communistes à être reçu par Staline. L’année suivante il rencontre Franklin Roosevelt.

Lors de la crise de l’été 1939, comme ses camarades de l’ancienne CGT, il condamne l’attitude des militants syndicaux qui approuvent le pacte germano-soviétique et il participe à l’exclusion du syndicat de ses collègues communistes du bureau confédéral Benoît Frachon et Julien Racamond.

Léon Jouhaux, épreuve de luxe.

En 1940, après la dissolution de la CGT par les pétainistes, Jouhaux gagne le sud de la France, où il essaie de maintenir des contacts avec ses amis. Il refuse un exil proposé aux États-Unis. Fin 1941 il est arrêté à Marseille, conduit à Vichy puis placé en résidence surveillée à Vals-les-Bains puis Cahors par le régime de Vichy. Il est livré aux Allemands fin mars 1943 et est transporté en voiture au camp de concentration de Buchenwald, où il est installé dans un baraquement réservé et chauffé, à la périphérie du camp proprement dit. Il y rejoint Léon Blum, Édouard Daladier et le général Gamelin arrivés la veille en avion.

Un mois plus tard, le 1er mai 1943, Jouhaux est transféré au château d’Itter, dans le Tyrol autrichien, dépendant du camp de concentration de Dachau (mais aux conditions de détention sans commune mesure), en compagnie du général Gamelin, de Daladier, de Paul Reynaud, de Jean Borotra et de Marcel Granger (frère du gendre du général Giraud). Il obtient l’autorisation de la venue, depuis la France, de sa secrétaire et future compagne, Augusta Brüchlen, qui le rejoint le 18 juin. À ce groupe se joignent par la suite Christiane Mabire, secrétaire et future épouse de Paul Reynaud, Albert Lebrun, André François-Poncet, le général Weygand et son épouse, Michel Clemenceau (le fils du « Tigre »), le colonel de La Roque (chef des Croix-de-feu), Alfred Cailleau et sa femme Marie-Agnès de Gaulle (sœur ainée du général de Gaulle). L’homme politique anti-mussolinien Nitti et un autre Italien, Georgini, partagent aussi leur sort.

Ils sont libérés le 5 mai 1945 par des éléments de la 103e division américaine du général McAuliffe.

À la Libération, Jouhaux est de nouveau secrétaire de la CGT mais cette fonction est symbolique jusqu’à son retour en France le 8 mai 1945. Il reprend la direction d’une centrale syndicale profondément transformée. Il doit partager le pouvoir avec Benoît Frachon, communiste et co-secrétaire général. Le bureau confédéral, où existe une parité théorique entre les anciens « confédérés » et les anciens « unitaires » bascule en faveur des seconds à la suite de départs et de décès. Le Congrès confédéral d’avril 1946 confirme le basculement de majorité. Face à ce qu’il considère comme la mainmise du Parti communiste français (PCF) sur le syndicat, il est amené à démissionner du bureau confédéral en décembre 1947 avec quatre de ses collègues, Robert Bothereau, Albert Bouzanquet, Pierre Neumeyer et Georges Delamarre. Ils fondent la CGT-FO, assurant continuer la « vieille » CGT, fidèle à la charte d’Amiens. Lors du lancement de ce nouveau syndicat, Jouhaux a reçu l’appui financier des États-Unis par le biais de leurs services secrets et de la centrale syndicale American Federation of Labor (AFL) (avec en particulier Irving Brown), qui cherchaient dans cette entreprise, à affaiblir l’influence communiste en France.

Vice-président de la Fédération syndicale mondiale (FSM), dont le français Louis Saillant est le secrétaire général, lors de sa fondation en 1945, Jouhaux devient en 1949 vice-président de la Confédération internationale des syndicats libres. Il est aussi délégué à l’ONU et vice-président du Bureau international du travail à partir de 1946.

Le 28 mars 1947, il est élu Président du Conseil économique, institution créée par la Quatrième République. Il en est réélu président à chaque session. Sa dernière réélection intervient le 28 avril 1954. Cet après-midi, pour la première fois depuis la scission de 1947, les membres de la CGT du conseil votent avec les autres syndicats ouvriers pour le reconduire à la tête du Conseil. Mais il meurt dans la nuit d’une crise cardiaque. Le 2 mai 1954, après un hommage officiel du président du conseil des ministres Joseph Laniel, en présence du Président de la République René Coty, un cortège de 15 000 personnes, précédé par l’harmonie des mineurs d’Hénin-Liétard emmène sa dépouille au cimetière parisien du Père-Lachaise. Robert Bothereau, leader de Force ouvrière, pour ce qui est du syndicalisme français y prend la parole.

Ses nombreux engagements pacifistes lui valent l’attribution du prix Nobel de la paix en 1951.

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Sources : Wikipédia, YouTube.