Le Troll.

Un troll est un être de la mythologie nordique, incarnant les forces naturelles ou la magie, caractérisé principalement par son opposition aux hommes et aux dieux. Ce troll est souvent assimilé aux Jötunns, les  « Géants » de cette mythologie.

À partir du Moyen Âge, le troll apparait comme une créature surnaturelle des légendes et croyances scandinaves. Peu amical ou dangereux pour l’homme, le troll reste lié aux milieux naturels hostiles comme les mers, les montagnes et les forêts. Diabolisée par le christianisme, la croyance du troll perdure néanmoins dans le folklore scandinave jusqu’au XIXe siècle. Il est parfois confondu avec d’autres créatures du Petit peuple, tels que les elfes.

À l’époque contemporaine, le troll demeure un personnage de fiction pour les œuvres littéraires et la culture populaire ; il est souvent représenté sous l’archétype moderne d’un géant de grande force, naïf ou malfaisant.


Troll, carte maximum, Australie.

Le terme « troll » est mentionné dans le corpus médiéval de la mythologie nordique, c’est-à-dire à l’ensemble des mythes d’Europe du Nord, particulièrement de Scandinavie (sud de la Norvège, Suède, Danemark), nord de l’Allemagne et à partir du ixe siècle Islande. Ces mythes étaient à la base de la religion ancienne (paganisme) des Vikings, jusqu’à la christianisation (Xe-XIIIe). D’après les textes, le troll est souvent relié aux jötnar, des êtres qui symbolisent les forces naturelles, parfois désignés comme les « Géants » de la mythologie nordique.

Il existe beaucoup de confusion dans l’utilisation des termes norrois jǫtunn, troll, þurs et risi, qui décrivent diverses créatures. Selon Jakobsson (ou MacCulloch), le terme « troll » était utilisé au Moyen Âge pour désigner des êtres divers, tel le géant ou l’habitant des montagnes, une sorcière, une personne anormalement forte ou grande ou laide, un esprit malveillant, un fantôme, un Noir, un sanglier magique, un demi-dieu païen, un démon, un brunnmigi ou un berserk, etc.

Selon Einar Ólafur Sveinsson, la signification de « Géant » apparaît seulement vers le XIe-XIIe siècle, avec le kenning trǫlls fákr qui désigne la géante Hyrrokin ; le terme troll devint ultérieurement synonyme de jötunn (Géant).

La première mention du troll apparait dans l’Edda de Snorri, rédigé à partir de 12201. Le poète et mythographe Snorri Sturluson raconte que le dieu Thor est allé à l’est pour combattre des trolls. Dans le poème Völuspá (40-41) l’une des progénitures du monstre-loup Fenrir aurait la « forme d’un troll ».

Des « femmes-trolls » ou « femelles trolls » sont mentionnées dans les sagas ; elles sont décrites généralement comme des Géantes, mais parfois comme des sorcières ou bien le mot est utilisé pour nommer une créature Fylgja. Dans les récits du Skáldskaparmál, transmis partiellement dans l’Edda de Snorri, un épisode relate la rencontre entre une femme-troll non nommée et le poète Bragi Boddason (qui vécu au IXe siècle).

Selon Sveinsson, il n’est pas pertinent de chercher à décrire précisément les caractéristiques du troll mythologique, en raison des variations de  représentation selon les textes et les époques.

Par opposition aux trolls des légendes médiévales, les Géants de la mythologie vivent en communauté, dans le « monde des géants », le Jotunheimar ; ils ont des habitations et des salles publiques, des vêtements et riches bijoux, ils sont gouvernés par des rois et leurs filles sont attrayantes11. Ces caractéristiques des Géants diffèrent des trolls légendaires du folklore, présentés comme des êtres solitaires, bestiaux ou monstrueusement laids, de taille « géante », habitant dans des montagnes isolées, vêtus de haillons ou peaux de bêtes.

Le troll du folklore concerne toutes les légendes et croyances populaires relatives au troll. Celles-ci étaient transmises de génération en génération, principalement par voie orale (contes, récits, chants, rites). Ces légendes et croyances sont délimitées par la culture scandinave, et plus précisément par les régions de langues scandinaves. Elles concernent principalement la Norvège, la Suède, le Danemark et certaines régions du nord de l’Allemagne et l’Islande.

Le troll est resté un objet de croyance depuis le Moyen Âge et la christianisation, jusqu’au début du xxe siècle où les nombreuses légendes ont été collectées par des chercheurs. Le troll est ensuite considéré essentiellement comme une créature imaginaire, c’est-à-dire un personnage littéraire de contes merveilleux, de romans et de films fantastiques.

La fin de l’Âge des Vikings correspond à l’instauration d’une autorité royale et au début de la christianisation en Scandinavie, à partir du Xe siècle et jusqu’au XIIIe siècle. À la suite de l’adoption du christianisme par la monarchie puis par la totalité du pays, les pratiques spirituelles et les croyances traditionnelles ont été marginalisées et leurs adeptes ont été persécutés. Les völvas, prophètes des pratiques ancestrales (sejðr), furent généralement exécutés ou exilés.

Les anciens dieux et les rites paganistes ont été remplacés par des croyances pour de nouvelles créatures païennes : trolls, jötnars, elfes… Et parmi celles-ci, le troll était une créature très présente dans les légendes. Il était aussi le plus important opposant à la christianisation : « les forces du chaos, les ennemis de Dieu » sont ainsi symbolisées par le troll. À l’exemple, pour le roi et saint Olaf II de Norvège, combattre les trolls (voir peinture) était ainsi une manière d’amener son peuple vers la nouvelle religion. De même, les trolls vaincus sont associés à la construction de certaines églises ou cathédrales, à l’exemple de la cathédrale de Trondheim : en plus de la symbolique du triomphe du bien contre le mal, c’est-à-dire de la foi chrétienne sur les croyances païennes, l’histoire du troll renforce aussi le caractère sacré de l’emplacement géographique des églises.

Il est difficile de déterminer avec certitude l’évolution des légendes et  croyances populaires, entre le Moyen Âge et l’Époque moderne, en l’absence de traces écrites suffisantes. Les spécialistes, historiens et folkloristes fondent leurs hypothèses à partir de l’étude philologique des textes littéraires norrois et ultérieurs.

Il n’existe pas de doutes sur l’existence de légendes populaires, dès le Moyen Âge, concernant des êtres géants ou « trolls », vivant dans les montagnes et les rochers en Scandinavie ou en Islande. Ces créatures étaient vraisemblablement solitaires.

Selon Sveinsson, si le mot « troll » a pris une signification très vague vers 1200 (en raison de la christianisation), les croyances populaires n’étaient pas altérées ou diminuées à cette époque. Pour Sveinsson, la croyance de l’existence des trolls a commencé à diminuer progressivement vers 1600 en Islande ; l’apparition de nouvelles légendes sur le troll est rare après la Réforme protestante et les histoires islandaises de trolls des XVIIe et XVIIIe siècles semblent trouver leur origine avant la Réforme. Les Islandais se sont certainement mis à croire que la race des trolls avait disparu.

Rencontre d’un troll, illustration de Kittelsen pour un livre de Asbjørnsen
Les croyances et caractéristiques du troll sont fort variables, selon les époques et les régions scandinaves, rendant difficile la tentative d’une description générale du troll.

Un aspect important des légendes, est que le troll est rarement décrit physiquement : les récits légendaires laissent généralement de côté l’apparence du troll et se fixent essentiellement sur les actions du troll et sur la mention explicite de sa nature surnaturelle, c’est-à-dire sa distinction par rapport aux humains. Son apparence est mentionnée parfois comme identique aux humains, à l’identique des trolls qui habitent les forêts sauvages du centre de la Suède.

La taille du troll est rarement évoquée dans les légendes ; même quand le troll semble hériter de caractéristiques divines du jötunn de l’ancienne mythologie, sa taille est très rarement déterminée. L’idée moderne du troll de taille immense ou « géante » (ou bien naïf) est essentiellement héritée de la fiction du xixe siècle (contes merveilleux, illustrations).

Le troll légendaire se définit essentiellement par son lien aux lieux sauvages et aux éléments naturels : la mer, certaines forêts, montagnes ou rochers, c’est-à-dire des endroits sauvages et étrangers à la civilisation humaine. Le troll prend ainsi son sens comme le symbole ou l’incarnation des forces naturelles, considérées avec respect et crainte par les hommes, en raison de leur étrangeté et dangerosité. Le troll se définit aussi par sa différence à l’égard de l’homme et la difficulté de la cohabitation pacifique entre espèces. Les légendes mentionnent de manière récurrente le problème de la rencontre humaine avec des trolls, l’enlèvement de femmes et d’enfants humains par les trolls, les manières de les éviter, les vaincre ou les tuer ; notamment la faiblesse du troll à l’égard du feu, des éclairs (orage) et de la lumière (solaire).

Dans certaines régions, les caractéristiques du troll sont identiques à celles d’autres créatures surnaturelles ou bien parfois ses pouvoirs sont fortement « diminués ». Cette différence peut avoir pour origine une confusion entre le troll et d’autres créatures légendaires (småfolk), issues du folklore scandinave ou germanique. Les caractéristiques du troll sont ainsi parfois confondues avec celles des elfes, des huldres… notamment dans les régions Sud (Danemark). Quand le troll est assimilé aux créatures de petite taille (et peu dangereuses), ses caractéristiques sont parfois attribuées à l’influence chrétienne qui luttait contre les croyances païennes et dépréciait l’influence des trolls.

La survivance des conceptions mythologiques dans le folklore du XIXe-XXe est un questionnement pour les chercheurs contemporains. Est-ce que les anciens mythes ont survécu ? Si oui, pour quelles raisons ? Quelle serait l’utilité ou la fonction des anciens mythes dans une société moderne ?

L’hypothèse la plus commune parmi les folkloristes est celle d’une dégénération des mythes médiévaux, due à la pression du christianisme ; les légendes modernes du troll ne seraient que des morceaux éparpillés et déformées des anciens mythes. Les caractéristiques « diminuées » du troll des légendes s’expliquerait par la diabolisation par l’Église de cette croyance païenne : le troll mythique, géant doté de pouvoirs divins, serait ainsi devenu une petite créature maléfique et peu puissante.

Dans une approche dite réductionniste, d’autres chercheurs considèrent les légendes modernes du troll comme le simple reflet des conceptions humaines du présent sur le royaume des morts. Cette approche expliquerait que d’autres cultures européennes (par exemple anglo-saxonne) possèdent des légendes similaires ou comparables à celles du troll scandinave.

Pour d’autres chercheurs, tel Amilien, les conceptions paganistes ont été adaptées au contexte historique actuel, afin d’assurer la viabilité des traditions. Les mythes paganistes n’auraient pas été valorisés (et conservés) au motif de leur ancienneté : ils auraient simplement été transformés pour suivre l’évolution de la société.

À l’époque moderne, le troll regagne de l’importance dans la culture scandinave. Ce phénomène peut s’expliquer par plusieurs éléments :

À partir du XIXe siècle, l’influence luthérienne diminue fortement dans les pays scandinaves, avec la sécularisation de la société, la séparation de l’Église des affaires civiles et politiques (services publics des villes et régions) et de l’enseignement scolaire. Cette perte d’influence religieuse favorisa peut-être le maintien d’une relative « cohabitation » entre les pratiques chrétiennes et les croyances populaires d’inspiration paganiste. À titre d’exemple, les folkloristes soulignent que certains pasteurs du xixe siècle mentionnent fréquemment dans leurs sermons des éléments de croyance populaire (trolls), sans forcément déprécier celles-ci.

D’autre part, la redécouverte de la mythologie nordique, avec un renouveau dans l’étude des sagas islandaises et des eddas et la redécouverte de certains textes médiévaux oubliés. Cette redécouverte avait débuté au xvie siècle autour du mouvement des sociétés d’antiquaires. Ce mouvement a permis de diffuser les textes des Eddas et il a contribué à la redécouverte de la religion nordique ancienne, à la suite des travaux de l’érudit danois Peder Hansen Resen (1625-1688). Cet intérêt se prolonge avec l’intérêt ultérieur pour la mythologie germanique lié à un influent romantisme « gothique » (Allemagne) ; puis au XIXe siècle l’intérêt nationaliste de distinguer des « épopées nationales » pour le romantisme scandinave.

Le nationalisme romantique apparaît en Europe au XIXe siècle, en réaction contre les transformations sociales de la Révolution industrielle. Ce mouvement intellectuel et culturel a une influence très importante dans les pays scandinaves de la fin du 19e jusqu’au début du XXe siècle. Cette approche nationaliste (et parfois indépendantiste), se fonde sur l’idée d’une identité spécifiquement nationale, délimitée par la langue, la culture et l’origine ethnique.

Ce nationalisme romantique a inspiré d’importants travaux sur les dialectes locaux scandinaves, à travers l’étude ou la rénovation des langues (par exemple, le nynorsk en Norvège). De même il a visé à l’élaboration d’une identité historique ou culturelle nationale : il a inspiré de nombreux travaux sur la mythologie nordique, les religions anciennes, les contes et légendes populaires, soutenus par les États, avec la collecte d’éléments du folklore et de l’histoire locale. Ce nationalisme a aussi inspiré l’art à travers le style du romantisme national qui s’exprime dans la peinture et l’illustration, et des thématiques liées aux espaces naturels (forêts), à la vie simple des fermiers.

Des contes et légendes sont collectées dès le XIXe siècle. À cette époque, la majorité des personnes qui collectaient les légendes et contes populaires scandinaves considéraient leur travail comme une opération de sauvetage et un archivage pour la postérité de la mémoire des anciens. L’importance croissante de l’éducation scolaire était considéré comme une menace pour la survie de la tradition, bien que paradoxalement les collecteurs étaient eux-mêmes fréquemment des enseignants.

Les grandes études sur le folklore scandinave du troll débutent  essentiellement dans les années 1930, autour des légendes et des contes. L’une des premières études de grande ampleur est celle d’Elisabeth Hartmann en 1936 : Die Trollvorstellungen in den Sagen und Märchen der skandinavischen Völker.

Source : Wikipédia.

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