Le thermalisme.

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Le thermalisme est l’ensemble des activités liées à l’exploitation et à l’utilisation des eaux thermales à des fins récréatives ou de santé. Cela se rapporte aussi bien à l’histoire, l’économie, les acteurs, le patrimoine qu’à l’ensemble des moyens (médicaux, sanitaires, sociaux, administratifs…) mis en œuvre dans les stations thermales lors des cures thermales.

 

Au sens large, le thermalisme est un phénomène historique, socio-culturel et médical, alors que le thermalisme contemporain concerne essentiellement l’utilisation thérapeutique des eaux thermales (crénothérapie).

Les premiers usages des eaux thermales semblent remonter aux Grecs, mais l’existence d’un véritable thermalisme est discutée. L’usage du bain est habituel dès l’époque homérique, le héros prend un bain purificateur et délassant après un combat. La baignoire est un meuble des élites, les athlètes pratiquent des bains individuels ou collectifs. L’usage des eaux thermales est évoqué dès le VIe siècle av. J.-C. par le poète grec Ibycos. La médecine hippocratique utilise les vertus curatives des bains chauds ou froids.

Le thermalisme, variété : chiffres rouges au lieu de bleu.

D’autre part, la plupart des sanctuaires grecs, y compris ceux de dieux non guérisseurs, se situent près de sources, notamment d’eaux chaudes. A fortiori, on connait plus de 200 sanctuaires à culte guérisseur disposant de telles sources, où des pèlerins viennent pratiquer des ablutions rituelles. Toutefois, la puissance de guérison est liée aux forces telluriques souterraines et à la présence de la divinité, et non pas aux eaux elles-mêmes, ou à la présence de médecins les utilisant.

Selon E.Samama, on peut avancer que le « thermalisme grec » n’existe pas avant l’époque romaine (à partir du Ier siècle av. J.C). Les textes et les données archéologiques concordent pour ne déceler des installations balnéaires importantes et leur utilisation curative qu’après la conquête romaine. Le thermalisme proprement dit, destiné à des patients ou des curistes, émergerait indirectement d’une tradition religieuse grecque (et non sportive liée aux gymnases) fusionnant avec une tradition sociétale ou récréative des thermes romains.

Le thermalisme, carte maximum, Paris, 19/11/1988.

Les Romains perfectionnèrent la pratique des thermes par la construction d’aqueducs, dont certains donnaient accès à l’eau potable, tandis que d’autres alimentaient les thermes. La pratique des thermes romains est assez codifiée : on se déshabille pour prendre l’air chaud et les vapeurs, on prend ensuite un bain chaud, puis un bain froid revigorant. La fin du bain consiste en général en une séance d’épilation et de massages. En Gaule, les Romains fondèrent des thermes à vocation médicale, comme Aquae Tarbellicae (Dax) ou Aquae ou Aix la Romaine (Aix-les-Bains).

Sur la carte de Peutinger (dite « table de Peutinger »), copie médiévale d’une carte de l’Antiquité romaine, figurent plusieurs stations thermales, signalées par une vignette spécifique. On y trouve Aquis Calidis (Vichy), Aquae Bormonis (Bourbon-l’Archambault), Aquis Nisincij (Bourbon-Lancy), Aquis Sextis (Aix-en-Provence), Aquis Neri (Néris-les-Bains)…

Les infrastructures thermales médiévales sont peu connues, mais il apparait que les bains sont utilisés dès le début du Moyen-Âge, à partir d’anciens thermes romains. Les bains prennent de l’importance durant le XIIIe siècle, lorsque les papes les pratiquent eux-mêmes (recreatio corporis). Les premières normes thermales sont édictées par les principales cités-États de Toscane, du Latium et d’Émilie-Romagne. Elles visent à s’assurer la possession et le contrôle public des eaux principalement chaudes et minérales, qui sont vues non pas comme « des eaux miraculeuses », mais plutôt comme « des curiosités et merveilles de la nature ». Les premières cités à définir des espaces thermaux sont Sienne, Bologne, Volterra, Lucques, Florence, Pise.

Les autorités municipales réalisent ainsi des bassins entourés de murs et sans toiture, accompagnés de bâtiments. Certains bassins sont dédiés aux saignées (faites par des sangsues), d’autres réservés aux femmes ou aux lépreux. On plaçait alors les lépreux dans des bains, puis on les envoyait se sécher au soleil pour améliorer leur guérison. Les blessés de guerre se retrouvaient aux thermes pour se rétablir.

Outre les soins pour les maux les plus divers, des sites sont associés à des lieux saints, d’autres à des lieux de licence sexuelle et de prostitution.

L’hébergement aux bains est attesté dès le XIIIe siècle, notamment près de Sienne, d’abord par des campements, puis par des immeubles de rapport, et enfin par des auberges.

Les premiers ouvrages médicaux sur les eaux minérales et thérapeutiques apparaissent en Italie, à la fin du XIVe siècle, en Allemagne au XVe siècle, puis en France, Suisse, Angleterre au XVIe siècle, et enfin dans toute l’Europe. Les médecins italiens les plus importants en ce domaine sont Gentile da Foligno, Ugolino da Montecatini, Michel Savonarole, et Andrea Bacci. Ces textes présentent les composantes minérales des sources chaudes, et leur utilisation en fonction des maladies et du type de malade (selon les principes du galénisme). Cette première médicalisation thermale tend à imposer des règles pratiques d’utilisation, qui ne sont pas réellement contrôlées par des médecins sur place, mais plutôt plus ou moins appliquées, par « auto-contrainte », par des curistes cultivés.

La première règle est la saison thermale : la balnéothérapie nécessite un séjour de plusieurs semaines lors de mois favorables, variables selon les lieux (le plus souvent mois chauds et tempérés). Avant le XVe siècle la plupart des sites italiens et allemands sont des bassins ou piscines découvertes. La durée et les modalités de séjours dépendent des maladies à traiter. Les autres règles concernent les techniques corporelles qui se diversifient à partir des bains initiaux : les douches, les boissons et les régimes spécifiques de vie. Ces nouvelles pratiques apparaissent d’abord sur les sites toscans à partir de la Renaissance italienne.

Les plus anciennes sources buvables sont utilisées dès la fin du XIVe siècle : Bagno di Montecatini, della Poretta, di Bormio. Une des plus célèbres étant Bagno della Villa, près de Lucques, destination de Michel de Montaigne lors de son voyage en Italie.

Ces cures réglées s’opposent aux comportements jugés trop libres (bonne chère, alcool et sexe) mais proposent aussi la nécessité de divertissements pour garder l’âme joyeuse dans une société apaisante. Les grands personnages en cure ne sont pas seulement accompagnés de leur médecin, mais aussi de courtisans, d’artistes (peintres, musiciens, poètes) et de bouffons.

Les cours d’Europe ont leurs espions dans tous les lieux de cures pour savoir qui s’y trouvent. Les sites thermaux sont tout à la fois un moyen de rencontre, de prétexte d’éloignement sans rupture, de retraite temporaire ou de prise de recul. Durant le XVIe siècle, les voyages et séjours aux bains sont aussi un moyen de manœuvres sociales, politiques ou diplomatiques.

En dehors de l’Italie, les sites les plus renommés de cette période sont Baden et Pfäfers en Suisse, Cauterets et Bagnères en France, Plombières en Lorraine, Spa en Belgique. De façon générale, ces stations se caractérisent par un manque de confort du séjour, même pour les plus réputées (Montaigne s’en plaint).

Le thermalisme, épreuve de luxe.

Les premières descriptions de sources thermales sont celles du géographe Nicolas de Nicolay qui décrit celles de Vichy en 1569, et de Nicolas Dortoman, médecin de Montpellier, qui décrit celles de Balaruc en 1579. Cet intérêt grandit avec l’intérêt du Roi lui-même pour les eaux. En 1580, Henri III charge son contrôleur des bâtiments de remettre en état les bains de Bourbon-Lancy, et son médecin d’y préparer le séjour de la reine Louise de Lorraine, qui ne donnait point d’enfants.

Les médecins de Henri IV sont des disciples de Paracelse : Jean de la Rivière (premier médecin), Joseph du Chesne et Théodore de Mayerne (médecins ordinaires). Tous trois sont intéressés par l’iatrochimie des eaux minérales et l’observation de la nature, et aussi à l’élargissement de leur fonction.

Sur les conseils intéressés de la Rivière, Henri IV crée la Charte des eaux minérales, base juridique d’une réglementation et d’une administration thermale en nommant à sa tête un surintendant général des Eaux minérales de France, Jean de la Rivière lui-même (Édit de mai 1605). Cette administration est d’abord constituée d’intendants gérant les eaux à l’échelle d’une province ou d’une région. Puis l’habitude se prend de nommer un intendant pour chaque station thermale importante, et durant le XVIIIe siècle, pour les stations de taille moyenne.

Ces intendants sont des médecins qui précisent le déroulement et les modalités des cures, en veillant à la qualité des eaux et la propreté des bains. L’intendant dirige d’autres médecins, des baigneurs (personnel affecté aux bains) et des fontainiers (personnel affecté aux eaux buvables). L’intendant doit présenter un rapport annuel de gestion au surintendant général. Durant le XVIIe siècle, peu de stations connaissent une réelle fréquentation : Bourbon-l’Archambault, Vichy, Forges, Barèges.

Etablissement thermal, de Bad Bertrich (Allemagne), entier postal.

L’armée a fortement contribué au développement de certaines stations comme Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne), dès Louis XV et alors que cette toute petite ville avait un passé thermal à l’époque romaine. Ainsi, un hôpital militaire a soigné les soldats blessés dans cette ville viticole (350 ha) qui a trouvé là un excellent débouché pour ses vins.

Entre temps, en 1685, un édit royal restreint la liberté de puiser gratuitement l’eau, de la transporter et de la commercialiser. afin de préserver leur qualité des fraudes et contrefaçons. Tout au long du XVIIIe siècle, l’usage des eaux minérales devient de plus en plus réglementé (déclaration du 25 avril 1772, arrêt du Conseil du 12 mai 1775, déclaration du 26 mai 1780…) inscrivant les eaux minérales dans une logique pharmaceutique et médicale. Les grandes villes se dotent d’un « Bureau des eaux minérales » chargé de contrôler les brevets, la qualité et le commerce des eaux, Paris en 1716, Marseille 1739, Bordeaux 1745, Montpellier 1753, Toulouse 1762.

Elle est connue par les consilia en latin, puis les consultations en français, rédigés du XIIIe siècle au début du XIXe siècle. Ce sont des recueils manuscrits ou imprimés rédigés par les médecins thermaux au cours de leurs pratiques. Les médecins français se situent principalement dans le Sud de la France, centrés sur Montpellier. Ce thermalisme ne concerne qu’une faible minorité de malades aisés et d’états pathologiques peu sévères ou séquellaires.

Les doctrines ne se réfèrent pas aux autorités antiques ou médiévales, elle s’appuient d’abord sur les habitudes empiriques d’usage et l’expérience personnelle du médecin. Le discours médical s’adapte selon les courants du moment : au galénisme avec les eaux « rafraîchissantes » et « humectantes » contre les excès de chaleur et de sécheresse, puis au mécanisme avec les eaux « délayantes » et « fluidifiantes » contre les viscosités et obstructions, et enfin au vitalisme avec les eaux « tonifiantes » contre les affaiblissements. Il s’agirait d’un discours subjectif et imaginaire à rapprocher d’un contexte poétique étudié par Bachelard dans L’eau et les rêves.

Le développement du thermalisme médical en France est le fait des médecins du Roi. La charge très lucrative de surintendant général des bains, créée en 1605, revient automatiquement au premier médecin du roi en 1709. Selon J. Coste, le thermalisme médical est une voie d’ascension sociale vers la noblesse, rêve de nombreux médecins sous l’Ancien Régime. L’administration thermale est ainsi un lieu de connivences, de liens d’intérêts et de stratégies familiales, dont un exemple réussi est Théophile de Bordeu.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

 

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