Le Théâtre antique de Fourvière (Lyon) (Rhône).

Le théâtre antique de Lugdunum (Lyon) est un des principaux monuments romains visibles à Lyon. Il est adossé à la colline de Fourvière, en dessous de son sommet, ce qui le plaçait près du centre de la colonie romaine. Construit au début de l’Empire, peut-être sous Auguste, il est agrandi à la fin du Ier siècle ou au début du IIe siècle, et peut alors accueillir jusqu’à 10 000 spectateurs.

Abandonné à la fin de l’Empire romain, il est transformé en carrière et fortement endommagé puis, complètement enseveli au Moyen Âge, il tombe dans l’oubli. Il est repéré par hasard à la fin du XIXe siècle, puis entièrement dégagé et restauré à partir de 1933. Il forme avec ses voisins l’Odéon antique, le pseudo-sanctuaire de Cybèle et le musée gallo-romain un site archéologique remarquable, emblématique du Lyon antique.

Le théâtre a été construit au niveau du replat des Minimes en dessous du plateau de Fourvière. On ne dispose d’aucun document historique ou épigraphique qui permette de préciser sa date de construction. Elle s’est déroulée en deux étapes, que les archéologues distinguent faute de meilleurs indices par les techniques de construction et les matériaux mis en œuvre.

Selon les archéologues Pierre Wuilleumier et Amable Audin qui l’ont dégagé, un premier théâtre est construit contre le flanc de la colline. Avec deux séries de gradins couronnés par un faux portique semi-circulaire, il offre au maximum 5 700 places. La première publication des fouilles de Pierre Wuilleumier situe son édification dans le troisième tiers du Ier siècle, peut-être sous Néron. Lors de l’agrandissement du théâtre, le portique est démoli et ses déblais sont employés pour le soutènement des nouveaux gradins. L’examen des fragments de base de colonnes et de chapiteaux extraits de ces déblais amène l’archéologue Amable Audin à revoir la datation proposée par Wuilleumier : le calcaire employé vient des carrières de Provence, déjà exploitées au Ier siècle av. J.-C., les bases de colonnes moulurées au tour sont d’un type archaïque et certains détails décoratifs des chapiteaux se retrouvent dans des monuments datant du début du règne d’Auguste, tels que l’arc de Glanum, l’arc d’Auguste de Rimini, celui de Suse, le temple d’Auguste de Barcelone. Quoique ces indices soient des dateurs un peu approximatifs, Audin situe la construction du théâtre lors des séjours d’Auguste à Lugdunum, dans les années 16, 15 et 14 av. J.-C. Cette date, environ 15 av. J.-C., le place parmi les premiers théâtres édifiés en Gaule romaine avec celui d’Arles. Cette datation est cohérente avec l’impulsion donnée par Auguste qui fait du théâtre le monument public obligé du modèle urbain et civique des nouvelles colonies romaines. Mais selon Jean-Claude Golvin, cette datation augustéenne, quoique possible, n’est pas certaine, et les éléments archéologiques observés prouvent seulement une construction de l’époque julio-claudienne.

Théâtre antique de Fourvière, carte maximum avec flamme 21/10/1957.

Entre le Ier siècle et le IIe siècle, le théâtre connaît d’importantes réfections : le portique derrière le mur de scène est reconstruit et une troisième série de gradins est ajoutée en haut de la cavea, portant sa capacité estimée à 10 000 places, ce qui en fait le second par la taille après le théâtre d’Autun.

Voûte de soutien des gradins supérieurs, avec ses arases de briques
Mais la datation de ces travaux n’est pas aussi assurée qu’elle a été affirmée par les premiers archéologues. Les murs de cette extension se caractérisent par un appareil différent, un opus mixtum, fait de petits blocs de schiste alternant dans les parties hautes avec des arases de briques en double lit. D’après la présence de ces arases, Amable Audin situe l’agrandissement sous Trajan (98-117) ou Hadrien (117-138). Toutefois, la chronologie d’Audin, uniquement fondée sur cet emploi de la brique dans les monuments romains lyonnais, est depuis entièrement réfutée par Armand Desbat. La proposition de Pierre Quoniam en 1959 d’identifier une tête de statue trouvée contre le mur de scène à un portrait d’Hadrien et d’en faire un autre indice de datation est également rejetée en 2006.

Théâtre antique de Fourvière, essais de couleur.

Bernard Mandy, directeur du service archéologique municipal dans les années 1980, distingue pour sa part trois phases de construction, et considère que le théâtre a eu dès son origine l’emprise sur le terrain que l’on observe actuellement. En l’absence de nouvelles études et de sondages stratigraphiques, la chronologie du théâtre reste mal définie et la datation de son extension sous Hadrien, encore fréquemment citée au début du XXIe siècle, demeure hypothétique.

Les témoignages historiques sur le théâtre de Lyon et ses représentations sont pratiquement inexistants :

Suétone rapporte que Caligula (37-41) organisa à Lugdunum des jeux divers, dont un concours d’éloquence grecque et latine, sans préciser dans quel lieu, mais comme l’odéon n’existait pas encore, ce concours a pu se tenir dans le théâtre.
Un fragment de Dion Cassius mentionne le théâtre de Lugdunum et son public au début du IIIe siècle : un maître de danse de Caracalla chassé de Rome vint à Lyon ; « il y charma les gens, parce qu’ils étaient assez frustes, et d’esclave et danseur, il devint général et préfet ».
D’après les inscriptions épigraphiques retrouvées dans d’autres villes romaines publiant les actions de mécénats de généreux donateurs, des jeux scéniques étaient offerts aux citadins, en remerciement de leur soutien à l’élection aux charges de duumvir ou de prêtre. Ces donateurs pouvaient aussi financer les travaux d’aménagement, de décoration ou d’entretien de leur théâtre municipal.

Théâtre antique de Fourvière, carte maximum, Lyon, 5/10/1957.

Parmi les spectacles proposés, la pantomime, genre scénique aux mises en scène musicales et chorégraphiques qui s’élabore sous Auguste, va ouvrir les représentations théâtrales à un nouveau public provincial, ne comprenant que peu ou pas du tout le latin des acteurs.

À partir du IVe siècle, la montée en influence du christianisme provoque le déclin du théâtre. Les auteurs du IIIe siècle Tertullien, Minucius Félix, puis Augustin d’Hippone et Jérôme de Stridon au siècle suivant, ont énergiquement condamné les spectacles et le théâtre en particulier, jugé idolâtre par ses références mythologiques et impudique dans ses représentations, et dont les participants devaient être exclus de la communauté chrétienne.

L’archéologie récente constate à la fin du IIIe siècle et au cours du IVe siècle l’abandon progressif de la colline de Fourvière, et donc de ses monuments, théâtre et odéon, au profit de la ville basse sur les rives de la Saône.

Les ruines du théâtre sont exploitées comme carrière de pierres de taille pour les grandes constructions du XIIe siècle, ponts de la Saône et du Rhône, cathédrale Saint-Jean. Les revêtements calcaires sont systématiquement récupérés et le mur de scène arasé jusqu’à ses soubassements. Les décorations en marbre finissent dans les fours à chaux dont un est installé dans un escalier intérieur de l’odéon voisin du théâtre.

Les éboulis provenant de la pente instable de la colline qui surplombe le théâtre et l’odéon recouvrent presque complètement leurs vestiges sous plusieurs mètres de galets, de gravier et de boue et les protègent.

À la fin du Moyen Âge, l’emplacement est une campagne couverte de vignes en coteaux, ou de cultures en terrasses, tandis que les vestiges de l’odéon qui émergent sont nommés Caverna ou massa grossa sarracenorum (« Grottes des Sarrasins »). Les érudits du XVIe siècle les interprètent à tort comme l’amphithéâtre des martyrs de Lyon, ou comme le palais du gouverneur Septime Sévère.

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Sources : Wikipédia, Youtube.