Le tatouage.

Un tatouage est un dessin décoratif et/ou symbolique permanent effectué sur la peau dont la pratique est attestée dans la société humaine depuis le Néolithique. À l’origine, il était le plus souvent effectué avec de l’encre de Chine ou des encres à base de charbon ou de suif. De nos jours il s’agit plus d’encres contenant des pigments de synthèse. Il existe différentes couleurs d’encre et même une encre transparente qui ne réagit qu’à la lumière noire : ce type de tatouage est appelé tatouage « UV » ou « Blacklight ». Le tatouage est considéré comme un type de modification corporelle permanente.

La technique du tatouage consiste à injecter l’encre sous la peau à l’aide d’aiguilles ou d’objets pointus. L’encre est déposée sous la peau entre le derme et l’épiderme. La profondeur de la piqûre varie de 1 à 4 mm en fonction des types de peau et des parties du corps, les zones les plus épaisses se situant dans le dos, les coudes et les genoux.

Le tatouage est pratiqué depuis plusieurs milliers d’années dans le monde entier. Il peut être réalisé pour des raisons symboliques, religieuses ou esthétiques. Dans plusieurs civilisations, il est même considéré comme un rite de passage à cause de la douleur endurée lors de la réalisation du motif.

C’était aussi un mode de marquage utilisé pour l’identification des esclaves, des prisonniers ou des animaux domestiques.


Le tatouage est une pratique attestée en Eurasie depuis le Néolithique. « Ötzi », l’homme des glaces découvert gelé dans les Alpes italo-autrichiennes arbore des tatouages supposés thérapeutiques (petits traits parallèles le long des lombaires et sur les jambes). Les analyses au carbone 14 réalisées par la communauté scientifique estiment sa mort vers 3500 av. J.-C. Deux momies égyptiennes du British Museum datées de 3000 av. J.-C. ont des tatouages figurant notamment un mouflon à manchettes et un taureau sauvage. Autour du golfe du Lion (Rouergue et Bas-Languedoc) et dans le sud de la péninsule Ibérique, entre 3000 et 2500 av. J.-C., les sociétés néolithiques pratiquaient vraisemblablement le tatouage facial. En Égypte, trois momies féminines tatouées sur les bras, les jambes et le torse, datant de l’an 2000 av. J.-C., ont été découvertes dans la vallée de Deir el-Bahari (près de Thèbes). Leur description évoque de nombreux tatouages représentant des lignes parallèles et des points alignés. Dans la vallée de Deir el-Médineh, une momie de femme portant des tatouages figuratifs à portée symbolique (serpents, babouins, oudjat…) a également été retrouvée. Tout comme en Égypte, plusieurs momies tatouées ont été découvertes dans la région de l’ancienne Nubie. En 1910, une première momie, datant de l’an 1500 av. J.-C., est découverte par le Britannique Cecil M. Firth sur le site archéologique de Kubban (environ 100 km au sud d’Assouan). Elle présente des éléments de tatouage sur la région abdominale en forme de losanges pointillés entourés d’une double rangée de tirets. Puis en 1961, de nombreuses momies tatouées sont découvertes par André Vila sur le site de fouilles françaises au village d’Aksha dans le nord du Soudan. Toutes les momies dont le sexe a pu être identifié sont des femmes, à l’exception d’un homme tatoué sur le visage. Le style des tatouages est le même qu’en Égypte et sur le site de Kubban, et représente aussi des motifs  géométriques, des points et des lignes. André Vila estime que ces momies datent du Ier siècle avant notre ère, voire du tout début de l’ère chrétienne.

Tatouage, carte maximum, Polynésie française.

Dans le bassin du Tarim (Xinjiang en Chine), de nombreuses momies de type européen sont découvertes par des archéologues chinois. Une partie d’entre elles sont tatouées sur les mains, les bras ou le dos. Encore mal connues (les seules publications accessibles en langue occidentale sont celles de Victor H. Mair et James P. Mallory), certaines d’entre elles pourraient dater de la fin du IIe millénaire avant notre ère. En outre, trois momies tatouées ont été extraites du permafrost de l’Altaï dans la seconde moitié du XXe siècle (« L’Homme de Pazyryk » dans les années 1940 et « La Dame d’Ukok » et « L’Homme d’Ukok » dans les années 1990) ; elles arborent des motifs zoomorphes exécutés dans un style curviligne. « L’Homme de Pazyryk » est tatoué sur l’ensemble des bras, le dos et la poitrine. « La Dame d’Ukok » et « L’Homme d’Ukok » portent aussi des tatouages d’un style proche de la momie de Pazyryk et qui représentent des animaux, typiques de l’art animalier des peuples indo-européens Scythes qui peuplaient toute l’Asie centrale dans l’Antiquité. Selon les estimations scientifiques, la datation de ces momies se situe entre le Ve et le IIe siècle av. J.-C.

Au début de notre ère, les Bretons arboraient de nombreuses marques corporelles souvent décrites comme des tatouages dans les récits de conquêtes de Jules César. Hérodien, un historien romain du IIIe siècle, écrit à leur propos : « Les Bretons se tatouent le corps de peintures variées et de figures d’animaux de toutes sortes. Voilà pourquoi ils ne s’habillent pas, pour ne pas dissimuler leurs dessins corporels ». Servius, un grammairien du ive siècle, est même convaincu que « les gens de Bretagne portent des tatouages » et que cette forme de marquage doit être clairement différenciée de la peinture corporelle. Au Japon, des figurines datant de l’ère Jōmon portent des symboles ressemblant à des tatouages, mais aucune étude scientifique n’a pu mettre au jour des preuves concrètes attestant de ces pratiques. Les premières traces connues sont issues d’écrits chinois datant du IIIe et VIe siècles. Ces textes parlent de pêcheurs dont le corps est entièrement recouvert de tatouages. Dans le Kojiki, écrit en 712, il est décrit deux différents types de tatouages, un considéré comme « prestigieux » pour les personnes illustres, les héros et les nobles, et un plus « vulgaire » pour les criminels et les bandits.

Le judaïsme (et l’ancien testament) interdisent toute inscription entaillée et marquée à l’encre indélébile (Deutéronome 14.1, Lévitique chap. 19 verset 28 « Vous ne ferez point d’incisions dans votre chair pour un mort, et vous n’imprimerez point de figures sur vous. Je suis l’Éternel. »). Au VIIIe siècle, le pape Adrien bannit le tatouage, ainsi que toutes les marques corporelles d’inspiration païenne en ligne avec l’ancien testament. Le tatouage serait donc mal considéré dans la culture occidentale du fait de l’influence de la culture judéo-chrétienne. De plus, les Normands, qui ont envahi l’Europe du Nord au XIe siècle, méprisent le tatouage. L’ensemble de ces interdictions et considérations néfastes vis-à-vis du tatouage provoquent sa « disparition » durant de nombreux siècles en Occident du ixe au xviiie siècle ; à l’exception d’une mention par Marco Polo.

Ce n’est qu’en 1770 que les Européens « redécouvrent » le tatouage, lors des explorations dans le Pacifique Sud avec le capitaine James Cook. Dans la culture européenne, les marins en particulier étaient notamment identifiés avec ces marques jusqu’après la Seconde Guerre mondiale. Ces mêmes marins européens se tatouaient souvent un crucifix sur tout le dos afin de se prémunir de la flagellation en cas de punition, car c’était un crime que de défigurer une image pieuse. Ce système d’identification est aussi, avant l’arrivée de la photo d’identité, un moyen sûr et efficace pour le  renseignement des fiches des forces de police sur la pègre. Les fiches de police, jusqu’au XIXe siècle, comportaient la signalisation et la description de chaque tatouage qui permettait ainsi d’identifier sans erreur un individu. Des personnalités politiques se font tatouer, à l’instar du tsar russe Nicolas II (une épée sur la poitrine à la suite d’un pèlerinage à Jérusalem), des rois britanniques Édouard VII et George V, du roi du Danemark Frédéric IX (un dragon chinois sur le torse), du dirigeant russe Staline (une tête de mort sur la poitrine), du Premier ministre britannique Winston Churchill (une ancre de la marine sur le bras gauche) ou encore du président américain Franklin Delano Roosevelt (un écusson familial). À partir de la fin du XXe siècle, le tatouage commence à se populariser. De plus en plus de personnes se font tatouer, à l’image de stars du sport, de la musique et du cinéma, qui arborent publiquement leurs tatouages.

À l’origine, ces marques sur la peau étaient des signes d’appartenance à un groupe : tribal, religieux, de pirates, d’anciens prisonniers ou de légionnaires. Mais c’était aussi une manière de marquer de manière indélébile certaines catégories de gens comme les esclaves ou les prisonniers. Mais les raisons pour lesquelles les gens choisissent d’être tatoués sont diverses : identification à un groupe, cosmétique, rituel religieux, exemple de théorie du handicap, et utilisations magiques sont les plus fréquentes. Aussi, la sociologie du corps les tient pour un objet d’étude important.

Dans les années 1970, puis plus particulièrement dans les années 1990, un véritable engouement pour le tatouage est né. Le tatouage n’est plus alors une manière d’afficher son appartenance à un groupe, à une tribu ou à un quartier, c’est un moyen de revendiquer son originalité, de séduire, de s’embellir, de provoquer, de compenser. Certains adolescents le vivent comme un rite de passage et agissent parfois sur une impulsion qu’ils regrettent plus tard. Un tatouage correspond souvent à un moment important de la vie, agréable ou douloureux : naissance, décès, réussite personnelle ou professionnelle sont des exemples récurrents de raisons qui amènent à se faire tatouer. De ce fait, le motif mais aussi le lieu de l’inscription (dos, torse, bras, jambes, parties intimes, etc.) a également une importante signification.

Un tatouage représentant un cerf réalisé sur une jeune femme dans la vingtaine. Il symbolise une partie de son identité, ici un épisode maladif vécu antérieurement. L’image du cerf est utilisé à titre de métaphore dans un contexte de maladie : la repousse cyclique des bois des cerfs devient symbole de renaissance, de résilience et de reconstruction du corps.
Le tatouage moderne possède également une dimension relative au discours identitaire. Puisque l’Identité doit forcément appartenir à une entité vivante incarnée, alors la conceptualisation de soi s’étend jusqu’au corps. Plusieurs sondages démontrent que tous ou presque tous les participants interrogés sur les motifs de leurs tatouages ont fait référence à leur identité, à un moment ou à un autre. Le tatouage pourrait agir à titre de documentaire autobiographique, d’extériorisation identitaire ou d’affichage de conflits intrapersonnels non résolus. Un point commun parfois dénoté entre tous les récits tatoués est leur rôle d’agence. Ces histoires maintiennent un dialogue constant, axé sur l’introspection, dont les échanges se font entre le corps, l’identité personnelle et la société. Si autrefois, le marquage corporel traditionnel était lié à l’imposition d’une identité, le tatouage contemporain fait davantage office de stratégie communicative identitaire d’Individualisation, cette « revendication identitaire fait du corps une écriture à l’adresse des autres, […] » (Le Breton, 2002, § 21). Le tatouage devient une dynamique métamorphosant le corps en théâtre de l’identité : il se mue en un spectacle mettant en vedette l’identité de celui qui le porte.

Dans le même ordre d’idées, le tatouage chez les membres de clans carcéraux communique visuellement des éléments de nature identitaire, tels que les accomplissements passés, le statut actuel et les actions futures potentielles : le phénomène a d’ailleurs été étudié concrètement au sein du clan de la Nuestra Familia, une organisation criminelle mexico-américaine qui possède un gang en prison. La communication des informations relatives à l’identité est vitale au sein des prisons, sa négligence pouvant mener jusqu’à la mort, dans la portée la plus étendue des conséquences possibles.

Des « tatouages » sont appliqués pour faciliter la reproductibilité de certaines thérapies médicales. En radiothérapie externe, des tracés persistants sont appliqués sur la peau (notamment à l’aide de fuchsine) tandis que les tatouages permanents se réduisent à de simples points appliqués à l’aide d’une petite aiguille trempée dans l’encre de Chine. Le but de ces tatouages est de fixer les champs à la peau qui correspondent à la zone tumorale à irradier. Enfin, des tatouages sont aussi placés sur des animaux et servent à leur identification. Le tatouage décoratif sur des animaux est le plus souvent interdit par les lois nationales sur la protection des animaux.

Quelles que soient les raisons qui amènent une personne à se faire tatouer, le tatouage est une modification permanente et indélébile. Ce caractère définitif du tatouage est souligné par Pascal Tourain dans son livre : « mes tatouages : du définitif sur du provisoire ».

Au regard de l’Histoire, on peut repérer de nombreuses et diverses raisons à l’acte de tatouer par la force un individu non consentant. Le plus souvent, il s’agit de punir, ou de s’assurer qu’un individu ne puisse, de son vivant, cacher certains faits à la société.

Hérodote raconte qu’Histiée, tyran de Milet prisonnier à la cour du roi des Perses, rasa la tête de son esclave puis tatoua un message à transmettre sur son crâne, puis attendit la repousse des cheveux avant d’envoyer l’esclave vers son destinataire. En réalité, dans l’Athènes antique, les esclaves sont systématiquement tatoués d’une chouette ou dans certains cas d’un vaisseau de guerre sur le front, afin qu’ils restent reconnaissables en tout lieu et de façon permanente. Les Romains héritent à leur tour de la pratique du tatouage, toujours dans une utilisation punitive. Les esclaves sont marqués par un tatouage plus discret que chez les Grecs : au lieu d’un dessin de chouette, les Romains tatouent la première lettre du nom de famille du maître entre les deux yeux des esclaves. Cette pratique atteste également d’une des rares traces de l’humour (esclavagiste) des Romains. Suétone rapporte en effet un des bons mots de l’époque : « Il n’y a pas plus lettrés que les Nubiens » (la Nubie était une source majeure d’esclaves). Les généraux romains étendront la pratique aux mercenaires, dont ils se méfient, afin de s’assurer que les déserteurs soient identifiés.

C’est à Rome que le tatouage gagne son premier nom occidental : stigma (en français, stigmate), la marque d’infamie. C’est en remplacement de la brûlure au fer rouge que les autorités romaines vont utiliser le tatouage sur les condamnés, comme sanction définitive. Le sort des voleurs et parias de Rome ne s’améliorera qu’au ive siècle, lorsque Constantin Ier décrète que les condamnés pourront être tatoués sur les jambes ou les mains, mais en aucun cas sur le visage, qui, créé à l’image de Dieu, doit rester vierge.

Dans la Chine ancienne, le bannissement de criminels dans une province reculée s’accompagnait du tatouage de la condamnation sur le visage.

L’identification mise en place par les Nazis à Auschwitz pendant la Seconde Guerre mondiale consista à tatouer, sur leur avant-bras, le numéro matricule des déportés. Les tsiganes, dans ces mêmes camps, étaient tatoués d’un Z, comme Zigeuner, tsigane en allemand. Dans ce cadre, le tatouage contraint participait à une entreprise de déshumanisation. Après la guerre, les survivants des camps eurent des réactions différentes : si la majorité d’entre eux les conservèrent, certains se les firent effacer.

Par ailleurs, les soldats de la Waffen-SS étaient aussi tatoués ; ils faisaient écrire leur groupe sanguin (Blutgruppentätowierung) sur la face intérieure du biceps du bras gauche. Ce tatouage était surnommé « Kainsmal » (« la Marque de Caïn »)Note 1 et ne comportait qu’une seule lettre. Aucune autre inscription, matricule ou unité militaire n’étaient tatoués. Après la guerre, ces marques facilitèrent l’identification de certains ex-SS.

Tatouage, carnet de timbres, Aland.

Différents groupes du crime organisé usent du tatouage de façon symbolique. C’est le cas, par exemple, des yakuzas au Japon, des voleurs dans la loi de la mafia russe ou encore des membres des Maras au Salvador. Ces trois organisations ont recours au tatouage forcé sur certains de leurs membres, dans certains cas pour des raisons punitives. Au Japon, un yakuza qui a manqué à son devoir ou commis une lâcheté peut s’automutiler ou subir un tatouage déshonorant. En Russie, le tatouage par la force peut se dérouler entre prisonniers d’un même milieu carcéral, ou au sein d’une « famille ». Lorsqu’il s’agit d’une punition, l’image tatouée est souvent obscène voire pornographique, contraignant l’individu sanctionné à la honte. Mais il se peut également qu’une lâcheté ou une trahison soit inscrite de façon symbolique. C’est notamment le cas pour les membres des Maras accusés de trahison, où le nombre 187 (numéro de l’article du code pénal de Californie qui définit les meurtres) est inscrit sur la future victime. L’usage du code symbolique des tatouages par les criminels en Russie veut qu’un prisonnier soit tatoué par ses pairs selon ses antécédents et peut constituer en lui-même une contrainte, car le sujet tatoué n’a alors aucune possibilité de refuser. Il en est de même des criminels novices qui se voient attribuer des tatouages par leur hiérarchie indépendamment de leur volonté.

En France, les prisons étaient le lieu d’un tatouage carcéral spécifique. Ainsi, quatre points en losange autour d’un point central tatoués sur un doigt ou le poignet signifiaient que le détenu avait été placé à l’isolement.

Source : Wikipédia.

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