Le suaire de Turin.

Le suaire de Turin, ou linceul de Turin, est un drap de lin jauni de 4,42 mètres de long sur 1,13 mètre de large montrant l’image floue (de face et de dos) d’un homme présentant les traces de blessures compatibles avec un crucifiement. La représentation figurant certains détails de la Crucifixion de Jésus de Nazareth décrite dans les évangiles canoniques est l’objet de piété populaire et est considérée par l’Église catholique comme une icône. Certains croyants la vénèrent comme une relique insigne, le « Saint-Suaire ».

Les premières mentions documentées et non contestées de ce drap proviennent de la collégiale de Lirey, en Champagne, dans la seconde moitié du XIVe siècle. Les ostensions de l’objet aux fidèles sont interdites à deux reprises par les évêques de Troyes, qui affirment avoir découvert le faussaire responsable de la supercherie. En 1390, le pape Clément VII publie une bulle autorisant l’ostension du linge, mais il défend que soient faites « les solennités en usage lorsqu’on montre une relique » et exige que la foule soit avertie qu’on ne montre pas l’objet en tant que relique, mais en tant que « figure ou représentation du suaire du Christ ». Après diverses  pérégrinations, l’objet devient en 1453 la propriété du duc de Savoie Louis Ier ; à partir de la seconde moitié du XVe siècle, il est vénéré comme une relique de la Passion. Il est conservé depuis 1578 dans la chapelle de Guarini de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin.

L’essor de la photographie amène en 1898 Secondo Pia à publier une image du linceul dont le négatif offre toutes les qualités d’un « positif », suscitant dès lors d’âpres débats sur l’authenticité du linceul et sa datation : le suaire de Turin devient l’« artéfact le plus étudié de l’histoire » pendant près d’un siècle. Les techniques modernes d’analyse relancent le sujet en 1978 avec une équipe de scientifiques du Shroud of Turin Research Project qui, le 18 avril 1981, conclut à l’impossibilité d’exclure que le suaire soit celui décrit dans les évangiles.

Suaire de Turin, carte maximum, Italie.

En 1988, la datation par le carbone 14 démontre sans ambiguïté l’origine médiévale du suaire (XIIIe – XIVe siècle), qui ne peut donc pas être considéré comme une relique authentique. Dès leur publication, ces résultats sont acceptés par le pape Jean-Paul II. En 1998, celui-ci qualifie le linceul de « provocation à l’intelligence » et invite les scientifiques à poursuivre leurs recherches (néanmoins, l’Église catholique, propriétaire du linceul depuis 1983, ne s’est jamais prononcée officiellement sur son authenticité).

Quelques partisans de l’authenticité contestent encore[Quand ?] la validité de l’échantillon ou la datation au carbone 14, pendant que d’autres fondent leur argumentation sur des hypothèses, notamment une supposée existence du linceul avant le xive siècle, par exemple une illustration au sein du Codex Pray du xiie siècle, des pièces de monnaie qui auraient été placées dans les orbites ou l’existence d’inscriptions qui figureraient sur le linceul.


Si l’historicité de la crucifixion ne fait plus aucun doute pour la majorité des chercheurs, les détails de l’exécution et l’ensevelissement de Jésus sont plus sujets à caution, les évangélistes ayant enrichi ces épisodes bibliques de symboles théologiques.

En ce qui concerne les détails de la crucifixion, seuls deux des évangélistes, Luc et Jean, mentionnent le clouage des pieds et des mains. Si la tradition de ce cloutage semble être un embellissement théologique des évangélistes Jean, Luc et d’un apocryphe, l’Évangile de Pierre pour répondre à la prophétie du Livre des Psaumes, cette tradition développée par Justin Martyr vers 160 repose sur une réalité historique selon la recherche contemporaine qui s’appuie sur les sources documentaires relatant les crucifiements à l’époque romaine, sur le contexte historique (les crucifiements en masse privilégiaient les cordes mais il n’était pas rare pour des exécutions singulières d’utiliser des clous) et les découvertes archéologiques. Mais si la tradition du cloutage des mains a une certaine autorité, celle des pieds est moins assurée, l’évangile de Jean et de Pierre ne le mentionnant pas.

Suaire de Turin, entier postal, Vatican.

De même, il est difficile de trancher dans l’affirmation selon laquelle le coup de lance a un caractère plus théologique qu’historique. L’auteur de  l’Évangile selon Jean, qui est le seul des quatre à mentionner ce fait, pourrait avoir voulu mettre en œuvre la fonction d’intertextualité en faisant allusion à une prophétie du Livre d’Ézéchiel.

Les évangélistes, à part Luc, rapportent l’épisode de la couronne d’épines dont l’historicité fait consensus. En revanche, leur intention théologique est manifeste lorsqu’ils introduisent le récit de la mise au tombeau dans le sépulcre du riche Joseph d’Arimathie. Elle vise probablement à rappeler la prophétie du Serviteur souffrant du Livre d’Isaïe.

La sobriété et la symbolique du récit laissent place à de nombreuses interprétations picturales : le Christ crucifié dès le début de l’iconographie chrétienne est une illustration du docétisme avec la représentation du Christus triumphans, puis cette iconographie évolue et il est probable que les représentations sur les différents suaires apparus au cours de l’histoire reflètent cette évolution.

L’encyclique Fides et ratio (numéro 94) en 1998, de même que les théologiens et les exégètes actuels, voient dans les évangiles des œuvres théologiques dont les auteurs ont plus une visée doctrinale qu’un souci historique, aussi est-il vain de vouloir trouver des coïncidences troublantes entre les suaires, et notamment celui de Turin, avec les récits bibliques sur la Passion afin d’affirmer l’historicité du suaire. Même si le clivage se fait entre la recherche sur l’origine de l’objet et sa signification religieuse, admettre que le linceul de Turin est authentique n’en ferait pas une preuve de la résurrection de Jésus mais le débat est constamment relancé par l’intensité passionnelle et la nature idéologique de cette recherche.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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