Le site archéologique de Carthage (Tunisie).

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Le site archéologique de Carthage est un site dispersé dans la ville actuelle de Carthage (Tunisie) et classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979.

Il est dominé par la colline de Byrsa qui était le centre de la cité punique. Aujourd’hui, il se distingue par la silhouette massive de la cathédrale Saint-Louis édifiée, à la fin du XIXe siècle, à l’emplacement présumé de la sépulture du roi Louis IX (saint Louis) qui y mourut au cours de la huitième croisade. À proximité de la cathédrale, en face de cette tombe vide dont les restes ont été rapatriés en France, se trouvent les vestiges du plus important quartier de la ville. Il n’en subsiste que quelques fondations et quelques fragments de colonnes, mais on peut y mesurer la puissance qui émanait alors de la cité : dimensions immenses, grands espaces, vues panoramiques et organisation des rues.

Le développement rapide de la ville moderne risquant de détruire à jamais les vestiges, de grands archéologues tunisiens ont alerté l’opinion1 et l’Unesco a lancé une vaste campagne internationale entre 1972 et 1992 afin de sauver Carthage. Ce tournant est parachevé avec le classement au patrimoine mondial.

Il ne sera question ici que de l’état actuel du site archéologique, un grand nombre d’éléments ayant été perdus anciennement ou plus récemment. La difficulté pour le visiteur réside désormais dans l’extrême dispersion des vestiges même si certains pôles peuvent être distingués. Pour la ville et le pays, la problématique est plus complexe : protéger les témoignages du passé tout en gênant le moins possible la vie quotidienne de la population.


Sur les premiers occupants, le substrat de population lybico-numide, on ne dispose que de peu d’informations. L’archéologie est muette à ce propos, les seules mentions disponibles étant les textes antiques d’Appien (Libyca, 1, 2) et Justin (Abrégé des histoires philippiques, XVIII, 5, 8).

Carthage, carte maximum, Paris, 1985.

Pendant plus d’un millénaire, la cité de Carthage se place au premier plan de l’histoire en tant que carrefour de civilisations, du fait de sa situation géographique.

La cité est, selon la tradition, fondée par Didon (également dénommée Élyssa) en 814 av. J.-C., soit une soixantaine d’années avant sa rivale, Rome, qui finira par la surpasser. La cité essaime rapidement, créant diverses colonies et affrontant les colonies grecques, notamment en Sicile. Celles-ci, particulièrement Syracuse et Agrigente, porteront la guerre sur les terres puniques au début du Ve siècle av. J.-C. puis à la fin du IVe siècle av. J.-C.. C’est lors des aléas de cet antagonisme que l’on place la destruction de la cité punique de Kerkouane.

Les premières relations avec Rome sont pacifiques, comme l’attestent les traités conclus en 509 av. J.-C.12 puis en 348 av. J.-C. et 306 av. J.-C., qui garantissent à Carthage l’exclusivité du commerce depuis l’Afrique et l’absence de pillage contre les alliés de Rome en Italie. Les épisodes dénommés guerres puniques voient l’antagonisme s’étendre sur plus d’un siècle, de 264 à 146 av. J.-C.. Une issue favorable pour la cité punique a pu sembler possible, ainsi qu’en témoigne l’aventure du général Hannibal Barca. Le premier conflit se déroule de 264 à 241 av. J.-C., aboutissant pour Carthage à la perte de la Sicile et au paiement d’un lourd tribut.

Cette première défaite engendre de graves conséquences sociales avec l’épisode de la guerre des Mercenaires, de 240 à 237 av. J.-C., la ville étant sauvée par Hamilcar Barca. Carthage oriente ensuite son impérialisme vers la péninsule Ibérique et se heurte aux alliés de Rome, rendant le second conflit inéluctable (219-201 av. J.-C.). Après 205 av. J.-C., la guerre ne se déroulera plus que sur le sol africain, l’année 202 av. J.-C. marquant la victoire finale de Scipion l’Africain à Zama. Les cinquante années qui suivent voient Carthage rembourser de façon régulière le lourd tribut, mais aussi se doter d’équipements coûteux comme les ports puniques dans leur dernier état de développement. Pourtant, face au relèvement de la cité et à la fin du paiement du tribut, Rome impose aux Carthaginois d’abandonner la ville et de se retirer dans l’arrière-pays. À ce propos, Velleius Paterculus a écrit que « Rome, déjà maîtresse du monde, ne se sentait pas en sûreté tant que subsisterait le nom de Carthage ». Le refus logique qui suit cette intransigeance entraîne le troisième conflit, ce dernier et le siège de Carthage devant durer trois années.

À son terme, même si le sel n’a pas été répandu sur le sol ainsi que la légende le relate, la destruction de la ville est totale et une malédiction jetée sur son site. Singulièrement, cette cité au sol déclaré sacer, c’est-à-dire maudit, a pu renaître et devenir un foyer essentiel de diffusion de nouveautés culturelles, artistiques et spirituelles même si elle n’en était pas le berceau originel.

Caius Gracchus, tribun de la plèbe en 123 av. J.-C., s’efforce en 122 av. J.-C. d’établir une colonie d’anciens vétérans, tentative sans lendemain — le souvenir de la vieille rivale était vivace moins d’un quart de siècle après sa destruction —, mais dont il demeure des traces archéologiques dans la campagne carthaginoise, particulièrement les centuriations. La volonté d’installer des vétérans refait surface avec Jules César, mais ce projet reste à nouveau sans suite, du fait de l’assassinat de César aux Ides de mars en 44 av. J.-C.. La renaissance de la cité sera l’œuvre d’Auguste, qui la refonde en 29 av. J.-C. et la renomme Colonia Iulia Concordia Carthago : au nom ancien sont apposées sa propre famille — les Julii — et la concorde tant désirée après les affres des guerres civiles qui ont agité Rome dans le dernier siècle av. J.-C.

Les premières constructions de la cité sont publiques ; elles répondent au dessein d’en faire un exemple de la romanité et de lancer le processus de romanisation dans cette région au passé à la fois libyco-numide et punique15. Les installations privées ne viennent que tardivement, avec l’enrichissement grandissant que procurent les nombreuses exportations vers Rome : blé essentiellement, mais aussi huile d’olive destinés particulièrement au système de l’annone. De cité administrative — siège du procurateur — elle devient une ville importante et prospère à la population estimée à 300 000 habitants lors de la conquête vandale. La première ville romaine est pourtant mal connue, à cause des catastrophes successives qui l’ont frappée : tremblements de terre, incendie sous le règne d’Antonin le Pieux.

L’accession au pouvoir impérial de la dynastie des Sévères traduit l’enrichissement de la terre d’Afrique à la fin du IIe siècle et au début du IIIe siècle. Cependant, les crises qui ébranlent l’Empire romain au IIIe siècle engendrent de graves conséquences pour Carthage, notamment au moment de l’usurpation de Gordien Ier et de la répression qui suit sa chute en 238 : la ville est pillée, y compris ses temples. De même, de 308 à 311, la cité devient la capitale de l’usurpateur Domitius Alexander et se voit, à l’occasion de sa chute, à nouveau livrée au pillage. Avec ce siècle, Carthage retrouve néanmoins une croissance économique qui s’exprime par la vitalité des constructions tant privées, avec de multiples villas démontrant l’opulence de leurs propriétaires, que publiques avec en particulier les installations destinées au nouveau culte dominant.

Dans un espace ouvert sur l’extérieur comme l’est alors Carthage — le port est notamment relié aux grandes cités d’Alexandrie et d’Antioche qui constituent deux grands centres d’évangélisation —, le christianisme s’est développé précocement dans le sillage des importantes communautés juives implantées dans la cité. À la fin du ier siècle, colons, commerçants et soldats comptent aussi parmi les agents de propagation du christianisme18 et la nouvelle religion progresse rapidement dans la province, en dépit des persécutions sporadiques dont elle fait l’objet, les premiers martyrs étant attestés dès le 17 juillet 180.

La cité devient ainsi l’un des foyers essentiels de diffusion de la nouvelle foi et les affrontements religieux y sont violents avec les païens. Carthage et la province d’Afrique sont vite considérées comme le phare du christianisme latin occidental18 ; Tertullien est l’un des premiers auteurs chrétiens de langue latine. Saint Cyprien, son premier évêque, est martyrisé le 14 septembre 258, à une époque où la nouvelle religion est déjà largement répandue dans la société. Cette expansion ne va pas sans heurts, en particulier lors du schisme donatiste — conséquence des rivalités de prélats avides d’occuper le siège du primat d’Afrique — qui est condamné de façon définitive au concile de Carthage ouvert le 1er juin 411 et organisé par son plus ardent contradicteur en la personne de l’évêque Augustin d’Hippone.

Ce dernier accuse les schismatiques d’avoir coupé les liens entre l’Église catholique africaine et les Églises orientales originelles. En dépit de cette lutte religieuse, la conjoncture économique, sociale et culturelle est relativement favorable au moment du triomphe du christianisme. Elle s’accompagne d’une organisation religieuse de la cité au IVe siècle : un découpage en six quartiers est effectué et des basiliques marquent chacun d’entre eux. Seconde ville d’Occident après Rome, Carthage compte au début du Ve siècle une population de plus de 300 000 habitants et sa superficie dépasse 321 hectares.

La ville est conquise par les troupes vandales de Genséric en 439. Outre les destructions opérées par les nouveaux venus, attestées entre autres par un auteur tel que Victor de Vita, ceux-ci tentent d’imposer l’arianisme en lieu et place du catholicisme : la persécution est alors légitimée et les quelque 500 religieux de Carthage sont expulsés18. Cette période vandale coïncide avec une nouvelle ère de persécutions21. Puis le royaume vandale finit par s’effondrer et l’empereur byzantin Justinien devient le nouveau maître en 533. La période byzantine connaît divers aléas, dont la mise au pas des membres de l’Église d’Afrique, alors que la page se tourne sur l’histoire antique avec la conquête arabo-musulmane de 698, qui voit Carthage passer au second plan de l’histoire.

Avant même sa prise en 698, la capitale de la province d’Afrique s’est vidée de ses habitants byzantins. La décadence est nette peu de temps après la reconquête par Justinien, Abdelmajid Ennabli évoquant une cité « délaissée par le pouvoir central préoccupé de sa propre survie, abandonnée progressivement par une population dont l’aristocratie émigre ». Dès le début du viie siècle, l’archéologie témoigne selon Liliane Ennabli d’une « ville rétrécie, resserrée sur son centre ». Le conquérant Hassan Ibn Numan fait détruire les installations portuaires pour prévenir tout retour des Byzantins, portant un coup final à la ville. Les matériaux font l’objet d’un remploi massif : « pour des siècles, [elle] ne fut plus [qu’une] marbrière » ainsi que l’écrit M’hamed Hassine Fantar. Cette récupération se fait au profit des édifices de la Tunisie actuelle — la forêt de colonnes de la mosquée Zitouna en provient —, mais aussi de bâtisses importantes du bassin méditerranéen comme la cathédrale de Pise. La récupération des « dépouilles du grand cadavre gisant aux bords du golfe » ne sera pas seulement celle des matériaux les plus nobles, colonnes et chapiteaux : un grand nombre de fours à chaux ont été retrouvés sur le site, notamment lors du dégagement des thermes d’Antonin, faisant mentir Al-Bakri qui affirmait que « le marbre est si important à Carthage que, si tous les habitants de l’Ifriqiya se rassemblaient pour en tirer les blocs et les transporter ailleurs, ils ne pourraient pas accomplir leur tâche ». Al Idrissi, témoin oculaire de cette prédation effrénée, déclare : « Ces fouilles ne discontinuent pas, les marbres sont transportés au loin dans tous les pays, et nul ne quitte Carthage sans en charger des quantités considérables sur des navires ou autrement ».

Le début du XIXe siècle est celui des précurseurs, à la fois voyageurs et visionnaires. Christian Tuxen Falbe, consul du Danemark, dresse la première topographie des vestiges dans ses Recherches sur l’emplacement de Carthage publiées en 1833. Une société historique et archéologique voit le jour à Paris et suscite un intérêt, voire une « mode d’un attrait irrésistible » qui trouve un certain point d’orgue avec la publication de Salammbô par Gustave Flaubert en 1858. Charles Ernest Beulé, pour sa part, met en évidence au cours d’un voyage les absides romaines sur la colline de Byrsa, mais se heurte vite aux difficultés des fouilles sur cet espace maintes fois remanié, non sans prédire que « Carthage aura son tour, comme l’Égypte, comme Ninive et comme Babylone ». Le rôle joué par les pères blancs mérite aussi d’être rappelé. Ainsi, le père Delattre est envoyé sur place à partir de 1875 par le cardinal Lavigerie avec un but non seulement apostolique, mais archéologique affirmé. Il s’intéresse surtout aux nécropoles puniques ainsi qu’aux basiliques chrétiennes32. Pendant les premières années du protectorat français, le bey de Tunis signe plusieurs décrets dont l’un concerne la création du musée national du Bardo, et l’autre réglemente les fouilles et protège le patrimoine.

Carthage voit ensuite une poignée de passionnés, le plus souvent archéologues amateurs, travailler de manière acharnée afin de sortir le site de l’oubli. Même si certaines méthodes de fouilles peuvent sembler contestables aujourd’hui, il faut relever, comme l’a fait Serge Lancel, qu’ils « ont multiplié remarques et observations encore utilisables à une époque où l’archéologie officielle se cantonnait aux nécropoles ou se désintéressait de Carthage ». Grâce à ces enthousiastes, œuvrant à une époque encore floue sur le plan de la protection du patrimoine, des éléments essentiels sont sauvegardés, parfois au prix de leurs deniers personnels.

Tel est le cas de la découverte du tophet en 1921 par Paul Gielly et François Icard dans des circonstances rocambolesques. Il faut également citer le docteur Louis Carton, qui met au jour la « fontaine aux mille amphores », même si les fouilles ne sont pas toujours dénuées d’intérêts personnels, la récupération d’objets étant chose courante à l’époque. Quant à Charles Saumagne, grâce à ses observations du terrain, il trace le plan de la ville romaine dès 1924, plan qui reste pour une grande partie valide même après les dernières campagnes de fouilles. Le dernier de ces pionniers est Pierre Cintas, fonctionnaire de l’administration des douanes, qui entreprend des études universitaires afin de se consacrer au sujet, et auteur d’un Manuel d’archéologie punique (1970-1976). Cet ouvrage, laissé inachevé au moment de sa mort, demeure un outil primordial de synthèse sur les premières fouilles.

Sur le sommet de la colline de Byrsa, emplacement du forum romain, a été mis au jour un quartier d’habitation punique du dernier siècle d’existence de la ville, daté plus précisément du début du IIe siècle. Il a été fouillé par l’archéologue français Serge Lancel. La visite de ce site est intéressante pour qui ne peut se rendre à Kerkouane (cité punique du cap Bon). En effet, l’organisation du quartier et des habitations entre magasins et espaces privés est particulièrement significative.

L’habitat est typique et même stéréotypé, avec un local sur la rue pouvant être utilisé comme magasin, une citerne étant installée au sous-sol afin de récupérer l’eau destinée à l’utilisation domestique, et un long couloir sur le côté droit qui mène à une cour percée d’un puisard et autour de laquelle se succèdent de petites pièces en nombre variable. Certains sols sont couverts de mosaïques dites pavimenta punica, au milieu parfois d’un mortier rouge caractéristique.

Les vestiges ont été conservés grâce aux remblais romains, substruction du forum dont les piles de fondations parsèment le quartier. Les différents îlots d’habitation sont séparés par des rues orthogonales, d’une largeur approximative de six mètres, dont la chaussée est constituée de terre battue. On remarque aussi in situ des escaliers destinés à compenser le dénivelé de la colline. Ce programme édilitaire, qui a nécessité une organisation et une volonté politique, a inspiré le nom du quartier, baptisé « quartier Hannibal » en référence au suffétat du grand général au début du IIe siècle av. J.-C.

Non loin de la mer, une zone de la ville punique a été fouillée par des archéologues allemands. Ils y ont découvert un pan du rempart qui protégeait la cité au Ve siècle av. J.-C. ainsi que tout un quartier d’habitation dont ils ont pu décrypter l’évolution durant les deux siècles précédant la destruction de 146 av. J.-C.. Même si le site est ouvert aux touristes, il reste difficile d’interprétation pour les non-spécialistes. Néanmoins, les fragments de colonnes puniques ainsi que plusieurs éléments supérieurs de la muraille du front de mer sont des témoignages émouvants quoique ténus. On y voit notamment une villa à péristyle.

Les archéologues ont pu déterminer un schéma d’organisation urbaine dès les aménagements les plus anciens dont on ait gardé les traces, avec des rues larges de trois mètres environ et une exception notoire : une vaste rue de neuf mètres de large se dirigeant vers une « porte marine » ouverte dans le rempart.

Dans un petit antiquarium sont exposées des restitutions du site à diverses époques de la ville punique ainsi qu’une maquette d’un puits d’extraction de blocs de pierre qui se trouve à El Haouaria.

À proximité du théâtre a été mise au jour une zone constituant de nos jours le parc dit des « villas romaines ». Il abrite, outre la célèbre « villa de la volière », du nom de la mosaïque principale qui la décore, de nombreux vestiges significatifs liés à la topographie des lieux. La pente à cet endroit est assez forte et certains éléments intéressants de plusieurs villas ont été dégagés, dont un cryptoportique qui abritait une partie des objets que l’on peut voir aujourd’hui dans les collections épigraphiques du musée national du Bardo.

La « mosaïque de la volière » est située dans la villa du même nom, autour d’une cour à colonnade, et figure des oiseaux parmi les feuillages. Cet édifice daté du ive siècle a fait l’objet d’une restauration soignée. Tant par son plan faisant la part belle aux salles de réception que par son décor, en particulier de mosaïques, la richesse du propriétaire transparaît dans ce qui reste l’un des exemples les plus parlants sur le site de Carthage.

La « mosaïque des chevaux », replacée non loin de cette villa, est un mélange de mosaïques et de panneaux de marbre de diverses origines où alternent les carrés de marbre en opus sectile et les mosaïques de chevaux dont le nom est suggéré par une sorte de rébus.

Vers l’arrière du parc se trouvent les vestiges de la basilique Damous El Karita ainsi que ceux d’un monument circulaire dont la destination demeure mystérieuse. Sur la colline de Bordj Djedid, dans l’enceinte du lycée de Carthage, persiste une belle construction voûtée souterraine dénommée actuellement Kobba Bent el Rey ; elle est datée des années 320-340. Cette bâtisse, en dépit d’une incertitude sur sa destination originelle, est considérée comme l’élément à finalité résidentielle la mieux préservée du site de Carthage.

Les nécropoles de la cité antique sont assez difficiles à reconnaître sur le site actuel, les seuls vestiges relativement significatifs découverts et encore visibles étant un certain nombre de tombes puniques présentes en particulier dans le parc des thermes d’Antonin et sur le flanc sud de la colline de Byrsa. Il faut signaler que la redécouverte de la cité et de la civilisation punique a longtemps été tributaire des seules fouilles de nécropoles.

Les tombes puniques qui ont fait l’objet d’une identification, d’un nombre supérieur à 3 500, sont relativement disséminées dans la ville et forment une sorte d’arc de cercle au milieu duquel se situait l’habitat.

Leurs fouilles, qui ont donné lieu à des cérémonies mondaines à la fin du XIXe siècle, ont livré un important matériel : céramiques, masques et divers petits objets révélant des influences égyptiennes, l’influence hellénique devenant de plus en plus marquée à partir des Ve siècle av. J.-C.-IVe siècle av. J.-C. Une grande partie des fouilles concerne surtout des sépultures du viie siècle av. J.-C. Les sépultures anciennes furent réutilisées au Ve siècle avant que de nouveaux espaces soient consacrés aux morts, selon le même schéma en arc de cercle souligné, les lieux étant situés intra muros.

Deux types de sépultures doivent être distinguées, l’une étant située au fond de puits parfois profonds d’une trentaine de mètres et contenant diverses chambres funéraires, l’autre étant constituée de bâtiments de type « tombe à dromos ». Une place à part doit être faite au tophet, qui offre la particularité d’être à la fois un cimetière et un sanctuaire.

Contrairement aux nécropoles puniques, celles de l’époque romaine se trouvaient hors des limites de la cité. Accessibles et transportables aisément, les éléments en élévation ont été — la plupart du temps — détruits ou réemployés. De ce fait, peu d’éléments funéraires restent désormais visibles.

Les fouilles récentes ont mis en évidence plusieurs cimetières, dont celui des officiales, réservé aux fonctionnaires de l’administration proconsulaire aux abords des citernes de La Malga.

Des mausolées avec bas-reliefs stuqués ont été anciennement mis au jour dans le même secteur et déposés au musée national du Bardo.

Des puissantes constructions publiques de l’époque punique, mentionnées par les textes dont nous disposons (citadelle de Byrsa et agora près des ports), aucune trace n’a traversé les siècles. Les vestiges existants concernent essentiellement l’époque romaine, en particulier les monuments les plus importants de la « Rome africaine », vestiges qui malgré leur présence restent peu significatifs de la grandeur passée de la cité.

Le théâtre du IIe siècle a fait l’objet d’une importante restauration, les restes d’époque romaine étant très modestes. De l’édifice conçu pour accueillir 5 000 spectateurs ne subsistaient que de faibles ruines au début du XXe siècle, tant des gradins que de la scène ou du frons scaenae.

L’édifice est d’un type intermédiaire entre le théâtre grec dont la structure était creusée dans le sol et le théâtre romain souvent construit sur un terrain découvert. Les fouilles ont révélé une destruction précoce par les Vandales, suivie d’une occupation du site par une population indigente. Il est difficile d’imaginer que ce bâtiment ait pu faire l’admiration d’auteurs tels qu’Apulée de par la richesse des marbres et les divers éléments de décor.

Cette volonté délibérée de détruire afin de récupérer les matériaux confirme le qualificatif qui fut attribué au peuple responsable de tels actes par l’abbé Grégoire. Toutefois, on y a découvert de nombreuses statues, à présent déposées au musée national du Bardo, dont le célèbre Apollon. Au début du xxe siècle, le théâtre a servi à des représentations diverses, notamment de pièces en costumes d’inspiration antique. On y a également prononcé des discours historiques, entre autres Winston Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale. Désormais, l’endroit accueille chaque année le Festival international de Carthage.

De l’odéon ne subsistent que peu de vestiges. Leur état permet toutefois de se rendre compte des travaux de restitution effectués au théâtre, qui lui est adossé, afin de lui donner son aspect actuel. Des fouilles ont été entreprises de 1994 à 1999 sur ce bâtiment, dont la structure était entièrement bâtie. On sait par un texte de Tertullien que sa construction date du règne de Septime Sévère.

Les thermes d’Antonin furent édifiés en bord de mer après un grand incendie qui ravagea la cité au IIe siècle, plus précisément entre 145 et 162. Même si le bâtiment constitue l’ensemble thermal le plus important de Carthage, il n’était pas le seul, bien qu’il ne reste aucune partie en élévation d’édifices du même type. Des restaurations ont eu lieu après un tremblement de terre survenu au IVe siècle.

Après l’écroulement d’une partie des voûtes du frigidarium à la fin du ive siècle ou au début du Ve siècle, le bâtiment a continué d’être utilisé, la désaffectation datant de 638 selon Alexandre Lézine. Ce dernier a travaillé en particulier avec Gilbert Charles-Picard durant l’après-guerre au dégagement, à l’étude et à la mise en valeur des ruines au sein du parc archéologique. Des installations d’origine ne demeurent que quelques vestiges du rez-de-chaussée, constitué par les espaces de service, à proximité du rivage. Les thermes ont servi de carrière de pierres pendant des siècles, et on leur doit quantité de monuments à Tunis et dans de nombreuses villes du nord du bassin méditerranéen, comme Pise.

Abdelmajid Ennabli et Hédi Slim ont pu dire de l’édifice qu’il n’était plus qu’« un colosse abattu et dépouillé de presque tous ses éléments tant architecturaux qu’ornementaux ». Par ailleurs, la topographie des lieux a considérablement changé depuis l’Antiquité, les hommes ayant asséché une zone initialement marécageuse et la ligne de rivage étant beaucoup moins nette qu’elle ne l’est désormais. Par ailleurs, le niveau de la mer Méditerranée s’est relevé d’une cinquantaine de centimètres, engloutissant une partie des vestiges, dont la piscine. Les ruines s’étendent sur une longueur supérieure à 200 mètres le long du littoral. L’anastylose d’une colonne du frigidarium par une mission archéologique tunisienne pendant la campagne internationale menée par l’Unesco (1972-1992) donne une idée de la magnificence des lieux à l’apogée de la ville romaine, les voûtes disparues s’élevant à une hauteur supérieure à 29 mètres, c’est-à-dire l’équivalent d’un immeuble de six étages.

De l’amphithéâtre d’une capacité de 30 000 personnes qui aurait vu le martyre des saintes Perpétue et Félicité le 7 mars 203 — tradition selon toute vraisemblance erronée, les chercheurs s’accordant à placer cet événement dans un autre lieu, un amphitheatrum castrense dont la localisation est inconnue —, il ne demeure que l’arène, le reste ayant disparu en raison des pilleurs de monuments qui ont sévi à Carthage pendant plus d’un millénaire. On ne peut guère que s’appuyer sur les descriptions enthousiastes des visiteurs du Moyen Âge, dont Al Idrissi :

« Au sommet de chaque arcade est un cartouche rond, et sur ceux de l’arcade inférieure on voit diverses figures et représentations curieuses d’hommes, d’artisans, de navires, sculptées sur la pierre avec un art infini. Les arcades supérieures sont polies et dénuées d’ornements. »

Un sort analogue a été réservé au cirque, ce dernier n’étant plus suggéré que par une longue dépression à proximité de Douar Chott ; une route le traverse désormais. Les fouilles de l’équipe américaine dans le cadre de la mission archéologique de l’Unesco permettent de supposer une capacité d’accueil de 60 000 spectateurs.

Elles ont également démontré une occupation tardive (viie siècle) par une population indigente, car les sépultures indiquent une malnutrition manifeste.

Le musée national de Carthage est situé à proximité de la cathédrale, dans les locaux autrefois occupés par les pères blancs. Il permet au visiteur de mesurer l’ampleur de ce qu’étaient les installations de la ville aux époques punique puis romaine.

On y voit certaines des plus belles pièces découvertes dans les fouilles depuis le XIXe siècle, notamment une importante collection de bétyles et de stèles provenant du tophet de Salammbô — des stèles de calcaire figurant des éléments sculptés, animaux, végétaux, voire humains, sont particulièrement remarquables —, les sarcophages en marbre dits « du prêtre » et « de la prêtresse » (IIIe siècle av. J.-C.) trouvés dans la nécropole « des Rabs », du matériel funéraire comme des masques à motifs apotropaïques et des bijoux en pâte de verre, des mosaïques romaines dont la célèbre « dame de Carthage » considérée traditionnellement comme le portrait d’une impératrice byzantine — la tenue du personnage féminin, mélancolique et grave, en fait une pièce majeure de l’art mosaïcal de l’Antiquité tardive —, des éléments sculptés caractéristiques de l’art officiel impérial, en particulier la tête dite « de Julie » et des représentations de Victoires du IIe siècle, ainsi qu’une vaste collection d’amphores romaines.

Face à la menace de dégradation qui pèse sur Carthage, le directeur général de l’Unesco René Maheu se rend sur le site, le 19 mai 1972, et lance un appel international en faveur de sa protection.

 « […] Dût-on ne rien trouver de capital ou de spectaculaire, il est beau, il est bon, qu’en ce lieu […] se rassemble, venant de tous les horizons du monde la grande fraternité de ceux pour qui il n’est pas de quête plus noble et plus enrichissante que celle de la vérité sur l’homme. À l’âpre voix, issue du fin fond des âges qui, en chaque peuple, répète inlassablement son message de haine et qui disait jadis Il faut détruire Carthage !, opposons l’appel de l’avenir, vieux lui aussi comme l’humanité, qu’il a guidée hors des ténèbres. C’est la voix de la concorde, de cette Concorde sous le signe de laquelle Auguste édifia la ville qui effaça les ruines de Scipion. Et c’est en pensant à notre avenir plus encore qu’à notre passé, à cet avenir si menacé par nous-mêmes, que nous disons aujourd’hui : Il faut sauver Carthage ! Ensemble, nous la sauverons. »

À la suite de cet appel, une campagne internationale se met immédiatement en place et dure jusqu’en 1992 avec comme objectif, selon l’archéologue et historien tunisien Abdelmajid Ennabli, de « fouiller d’abord, étudier, puis publier, certes, mais aussi consolider, mettre en valeur ces vestiges et les rendre accessibles au public ».

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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