Le RMS Lusitania.

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Le RMS (Royal Mail Ship) Lusitania est un paquebot transatlantique britannique armé par la compagnie Cunard et lancé le 7 juin 1906. Son nom vient de celui de la province romaine de Lusitanie. Il s’agit du navire-jumeau (sistership) du paquebot Mauretania.

Son torpillage par le sous-marin allemand U-20, pendant la Première Guerre mondiale, le 7 mai 1915, au large de l’Irlande (proche du phare de Old Head of Kinsale), occasionne près de 1 200 morts sur 2 000 passagers et équipages, alors que le navire transporte un chargement de munitions.

Ce torpillage, qui cause la mort de 128 personnes de nationalité américaine, joue un rôle important dans l’hostilité de plus en plus forte des États-Unis envers l’Allemagne, jusqu’à leur implication dans la Première Guerre mondiale à partir du 6 avril 1917.


Le Lusitania est construit en deux ans et lancé le 7 juin 1906 à Clydebank, en Écosse. Il quitte Liverpool le 7 septembre 1907 pour son voyage inaugural. Il est équipé des technologies les plus modernes de l’époque, grâce à d’importants prêts du gouvernement britannique. Ces prêts ont été consentis, comme c’est la coutume depuis une centaine d’années, de manière indirecte par l’Amirauté. En contrepartie, l’Amirauté a le droit de réquisitionner les navires des compagnies en tant que transports de troupes ou de navires auxiliaires. Pour le Lusitania, cela manque de tourner au fiasco lorsque le financier américain J.P. Morgan tente de s’associer à la Cunard. Le Premier ministre Lord Salisbury doit intervenir après qu’une visite secrétaire d’État à la Guerre Hugh Oakeley Arnold-Forster aux bases navales de Kiel et Wilhelmshaven eut mis en évidence l’option belligérante des Allemands. Le Lusitania entre dans la cale sèche du Canada Dock de Liverpool le 12 mai 1913, pour renforcer sa coque par un blindage et mettre en place des casemates pour recevoir 12 canons à tir rapide de 6 pouces, mais ceux-ci ne furent finalement installés qu’en août 1914.

À l’époque, ce navire et son sistership étaient les plus grands, les plus puissants et les plus rapides au monde. Dès octobre 1907, le Lusitania obtient le Ruban bleu, en battant le précédent record du paquebot allemand Kaiser Wilhelm II et en mettant fin à 10 ans de domination allemande. Avec 24 nœuds de vitesse moyenne et des pointes à 26 nœuds (48 km/h) pour une poussée de 270 t (2 700 000 newtons), ces paquebots sont conçus pour surpasser le Kronprinz Wilhelm et le Kaiser Wilhelm II, mais au prix d’une énorme consommation de combustible.

Avec l’arrivée du Mauretania en novembre 1907, le Lusitania et le Mauretania sont alternativement détenteurs du Ruban bleu. En septembre 1909, le Lusitania le perd définitivement au profit du Mauretania, qui conservera le record pendant 20 ans.

Au début de la Première Guerre mondiale, en août 1914, le Lusitania, le Mauritania et l’Aquitania furent réquisitionnés par la Royal Navy comme croiseurs auxiliaires pour des fonctions de guerre. Le Mauritania et l’Aquitania auraient reçu des ordres officiels, mais le Lusitania put continuer ses traversées transatlantiques de passagers pour la Cunard Line, peut-être en raison de sa consommation de combustible. Pour des raisons économiques, le nombre de voyages transatlantiques est réduit à un par mois et une vitesse maximale réduite à 21 nœuds; quatre de ses seize chaudières ont été condamnées.

Le Lusitania est coulé le 7 mai 1915 à 14 h 25 près du Fastnet, à environ 12 milles marins de la côte, au large de la pointe Sud de l’Irlande (Old Head of Kinsale), par le sous-marin allemand U-20. Le Lusitania est commandé par le capitaine William Thomas Turner, âgé de 58 ans, officier expérimenté qui effectuait là son 102e voyage. Il connaît les dangers de la traversée et en tient les passagers informés. Parti de New York le 1er mai 1915 à destination de Liverpool, après une escale d’une semaine (il était arrivé à New York le 24 avril 1915), il aurait dû être protégé par le croiseur britannique HMS Juno (1895), qui semblerait avoir été retiré de cette zone deux jours plus tôt, par l’amiral Fisher et Winston Churchill lui-même, alors Premier lord de l’Amirauté.

Le Lusitania est touché par tribord alors qu’il naviguait à 18 nœuds, une vitesse relativement réduite, vers le port de Queenstown (actuel Cobh), à 40 km de là sur la côte sud de l’Irlande. Cette zone vient d’être déclarée « zone de guerre » par les Allemands, et le capitaine a été informé de la présence d’un sous-marin allemand par les autorités britanniques.

Selon les témoignages de survivants (dont le Français Joseph Marichal, qui intenta un procès à la Cunard), le bruit de l’explosion à l’impact de la torpille fut suivi d’une seconde explosion beaucoup plus violente. Elle fut officiellement attribuée à l’explosion d’une chaudière, mais suscita rapidement de nombreuses interrogations. Ce navire solide et ultramoderne coula anormalement vite et par la proue, alors qu’il disposait de compartiments étanches dont le capitaine avait fait fermer leurs portes après avoir reçu un avis de la Royale annonçant qu’un sous-marin allemand croisait dans les parages (il avait aussi fait préparer les canots de sauvetage). Le paquebot sombra en 18 minutes, ne permettant qu’à six canots sur vingt-deux d’être mis à l’eau. Les notes du commandant du sous-marin allemand, le Kapitänleutnant Walther Schwieger, qui venait la veille et l’avant-veille de couler trois cargos dans ce secteur, nous apprennent qu’il tire sa torpille à 460 mètres (500 yards) de distance à 14 h 10 et que l’impact est suivi d’une « détonation exceptionnellement importante », avec un grand nuage de fumée et « des débris projetés jusqu’au-dessus des cheminées ». Une deuxième explosion est entendue (« chaudière, charbon ou poudre ? » s’interrogea-t-il). On lit des notes plus tardives de cet officier que le sous-marin avait déjà tiré ses meilleures torpilles et qu’il ne lui restait que deux (ou trois ?) torpilles de bronze, moins puissantes.

L’épave repose par 93 mètres de profondeur dans une zone brassée par de forts courants.

Son emplacement précis (51° 25′ N, 8° 33′ O) semble être resté inconnu ou oublié durant 20 ans, jusqu’en 1935, lorsqu’un jeune sous-lieutenant survivant du Lusitania, Albert Bestic (alias Bisset), rapporta de chez le commandant Turner, qui finissait ses jours à Crosby, près de Liverpool, un morceau de carte sur lequel il avait griffonné la position au moment du torpillage. La même année, une équipe emmenée par l’Anglais James Jarrat localise l’épave avec l’aide d’un navire équipé d’un ASDIC. Jarrat et son équipe sont les premiers à visiter l’épave du paquebot.

Lusitania, entier postal, Tchéquie.

Sur un total de 2 165 passagers et membres d’équipage, il y eut, selon les sources quelque 1 200 victimes du naufrage. 94 enfants sont morts. 128 des victimes étaient de nationalité américaine, dont le millionnaire Alfred G. Vanderbilt, l’artiste Elbert Green Hubbard, l’ingénieur Frederick Stark Pearson ou l’impresario Charles Frohman. On compte 90 victimes irlandaises, dont le marchand d’art Hugh Percy Lane. S’y trouvent encore des citoyens belges, français, grecs, hollandais, italiens, mexicains, russes, suédois ou scandinaves.

Les mêmes sources font varier le nombre de rescapés entre 761 et 764.

De nombreux récits de survivants et de leurs descendants ont été recueillis, ainsi que la liste complète de leurs noms. Des vêtements et une bouée de sauvetage d’un survivant sont exposés au Galata – Museo del mare à Gênes.

L’ultime survivante, Audrey Lawson-Johnston, Pearl de son nom de jeune fille, âgée de 3 mois et 2 jours lors du naufrage, est décédée le 11 janvier 2011 à l’âge de 95 ans.

Compte tenu du contexte de guerre, le Lusitania a le statut d’un « croiseur auxiliaire » de réserve.

Au moment de l’attaque, il transporte vraisemblablement (l’Amirauté britannique n’ayant admis la présence de munitions à bord qu’en 1972) 5 248 caisses d’obus, 4 927 boîtes de 1 000 cartouches chacune et 2 000 caisses de munitions d’armes de poing ou 5 468 caisses d’obus shrapnel et cartouches.

Pour d’autres, ce sont 4 200 caisses de cartouches de fusils, 1 248 caisses d’obus d’artillerie et 18 caisses de fusées. Certains croient à la présence de beaucoup plus de munitions dans les cales et une rumeur évoque des lingots d’or.

D’autres auteurs encore évoquent la présence d’explosifs cachés dans un pseudo lot de 323 balles de fourrures destinées à la société de Liverpool de B.F. Babcock et Co. Babcock ne s’étant jamais occupé de fourrure, la société a précédemment reçu plusieurs livraisons de « coton-poudre », puissant explosif à base de nitrate de cellulose (notamment du coton). Parmi les marchandises embarquées, figurent 3 863 « boîtes de fromage » de 40 livres chacune destinées à une boîte postale de Liverpool, qui s’est avérée appartenir au superintendant du Naval Experimental Establishment de Shoeburyness.

Ce sont 51 tonnes d’obus shrapnel (three-inch bullet shells), six millions de balles de fusil (calibre .303) et une quantité indéterminée de coton-poudre et 200 t de munitions pour armes de poing que le HMS Princess Margaret n’avait pu embarquer en raison de difficultés techniques.

Le paquebot britannique est aussitôt présenté par la presse américaine comme « neutre » et victime de la barbarie allemande. En France, l’information est diffusée par la revue L’Illustration no 3767 du 15 mai 1915 et par le Figaro du 8 mai 1915. Des questions, insolubles ou insidieuses, surgissent. On va jusqu’à suspecter l’Amirauté britannique de négligences calculées pour forcer l’entrée en guerre des États-Unis. Des conférences, des affiches incitant à la guerre sont diffusées dans tous les États-Unis, appelant souvent à venger le Lusitania. Les Allemands, inquiets de la perspective d’une entrée en guerre rapide des États-Unis, se justifient en prétendant que le navire transportait des armes, ce que les Britanniques nièrent immédiatement et farouchement (En 1972, les archives montrent que le Lusitania convoyait effectivement un chargement secret de munitions et qu’il était armé de 12 canons).

Cette attaque, dont les circonstances ne sont pas clairement établies, contribue à faire basculer l’opinion américaine en faveur de la guerre.

À la suite du naufrage, le président des États-Unis, Woodrow Wilson, menace l’Allemagne et exige réparation. Inquiet de l’irruption des États-Unis dans la guerre, Berlin décide (le 27 août 1915) de suspendre provisoirement ou de fortement restreindre son offensive sous-marine. Mais rien n’y fait : auparavant hostile à la guerre, l’opinion publique américaine évolue peu à peu en faveur d’un engagement aux côtés de l’Entente (Empire britannique, Empire russe et Empire français), contre les Empires centraux de la Triple-Alliance (Empire allemand, Empire d’Autriche-Hongrie et Empire ottoman).

C’est la décision allemande de janvier 1917 de déclencher — malgré les négociations en cours — un blocus de fait des États-Unis en décrétant la guerre sous-marine totale contre tous les navires, même neutres, qui commerceraient avec les nations alliées, qui a probablement vraiment lancé les États-Unis dans la guerre.

Les États-Unis rompent leurs relations diplomatiques avec Berlin et lancent une campagne de mobilisation après le torpillage du paquebot américain Vigilentia (le 6 avril 1917 à 13 h 18), qui justifie le vote du Congrès américain.

L’Amirauté britannique et W. Churchill lui-même accusèrent le capitaine de n’avoir pas respecté les mesures de sécurité recommandées. Lord Mersey qui supervisa le procès visant à établir les responsabilités du capitaine, de l’autorité de défense ou de la compagnie, fit ensuite savoir au Premier Ministre Asquith qu’il refusait de continuer à travailler pour la justice anglaise. Il aurait décrit l’affaire du Lusitania à sa famille comme « a damned dirty business ».

En 1968, l’épave du Lusitania a été acquise par un riche homme d’affaires américain, Gregg Bemis († 2020), ce qui a été contesté par le gouvernement irlandais qui a interdit les plongées sur le site. Néanmoins, à partir des années 1980, Bemis organisa des plongées, notamment au moyen de robots, pour tenter de déterminer les causes de la seconde explosion ; mais selon lui l’énigme demeure, et ce malgré les nombreuses enquêtes.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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