Le Mont Cervin (Suisse)

Le Cervin (en allemand : Matterhorn, en greschòneytitsch Matterhòre, en franco-provençal : Grand’Bèca, en italien : Cervino) est, avec une altitude de 4 478 mètres, le 12e sommet des Alpes. Il est situé sur la frontière italo-suisse, entre le canton du Valais et la Vallée d’Aoste.

Le Cervin est la montagne la plus connue de Suisse, notamment pour l’aspect pyramidal qu’elle offre depuis la ville de Zermatt, dans la partie alémanique du canton du Valais ; son image est régulièrement utilisée pour les logos de marques telles que Toblerone ou Ricola.

L’ascension par l’arête du Hörnli, le 14 juillet 1865, fut considérée comme le dernier des grands exploits de l’alpinisme dans les Alpes. Mais cette ascension se solda, au début de la descente, par la mort de 4 des 7 membres de la cordée victorieuse.

Sa face nord est l’une des trois grandes faces nord des Alpes avec celles de l’Eiger et des Grandes Jorasses.


Cervin, carte maximum, Saint-Marin.

Cervin vient de « mont Servin » qui, jusqu’en 1855, désignait le col de Saint-Théodule (Mons Silvanus, en latin, où le terme mons indiquait les cols, et n’acquit la signification de « sommet » que par la suite), d’une grande forêt traversée par le chemin du col du côté du Valtournenche. Le changement du « s » au « c » fut causé par une faute commise par Horace-Bénédict de Saussure, l’un des premiers cartographes du royaume de Sardaigne. Ce toponyme fut inventé pendant « l’optimum climatique » de l’époque romaine, lorsque les cols alpins étaient ouverts pendant la plupart de l’année. Ce fait fut entre autres la cause de la conquête romaine de la vallée d’Aoste, de la fondation d’Augusta Prætoria Salassorum (aujourd’hui, Aoste), et de l’importance de cette région au cours des siècles, surtout pour les cols du Grand (en latin, Summus Pœninus, Alpes pennines) et Petit-Saint-Bernard (en latin, Alpis Graia, Alpes grées).

En arpitan, plus spécifiquement en valdôtain, le mont est appelé la Grand Bèca, c’est-à-dire le « Grand pic ».

Le toponyme en allemand, Matterhorn, dérive de Matt (« pré » en suisse allemand et en langue walser – cf. le titsch de Gressoney-Saint-Jean Wisso Matto, en allemand Weissmatten, en français « Prés blancs ») ; et de Horn, c’est-à-dire « corne », le nom de la plupart des sommets des Alpes  valaisannes et des Alpes valdôtaines limitrophes, surtout entre la vallée du Lys et le val d’Ayas (traduits en français par « Tête »). Par conséquent, la vallée de Zermatt, en allemand « Mattertal » est la « vallée des prés », et Zermatt est « le pré » (zer étant l’article contracté défini féminin avec préposition de lieu en langue walser).

Le premier terme Matter- pourrait provenir du substrat pré-indoeuropéen *MATRA, que l’on retrouve dans de nombreux oronymes de la zone ligure du sud des Alpes (Côme, Varèse, Piémont, Ligurie, Valteline, val Bregaglia, comme le mont Máter (3 023 m à Madesimo), le mont Matrá (2 206 m Samolaco), Monte Materio (1 465 m Val Masino), Piz Mader (3 001 m, qui domine le val Maroz, dans le val Bregaglia) avec le sens de pointe (all. Spitze). Piz, Horn, Matterhorn et Piz Mader pourraient ainsi représenter un exemple d’agglutination de la traduction postérieure d’un oronyme pré-indoeuropéen dont on ne connaissait plus le sens, comme les nombreux Moncucco dans le Sud des Alpes et jusque dans le Sud de la France (Moncucq), qui signifie « Mont-Mont ». L’origine pré-indoeuropéenne de Matterhorn est d’autant plus plausible que le voisin mont Rose provient du même substrat paléolinguistique : le terme *rosa signifiant « glacier », « neige pérenne », c’est-à-dire un mont qui reste blanc pendant toute l’année.

Il est surnommé « Horu » en haut-valaisan ou « Hore » en dialecte zermattois (forme locale de Horn).

Mont Cervin, entier postal, Suisse.

En dépit de l’appellation des deux sommets, ceux-ci sont partagés entre la Suisse et l’Italie, car la frontière suit la ligne de partage des eaux qui coïncide en ce point avec l’arête sommitale.

Le mont Cervin est accessible soit par le Valtournenche, en Italie, soit par la vallée de Zermatt, en Suisse.

Il est situé non loin du mont Rose, et comme ce dernier, il est constitué de roches cristallines correspondant à des fragments de socle géologique africain remonté à haute altitude (klippe).

Le Cervin est un pic pyramidal, à la forme reconnaissable entre toutes, et pour cette raison régulièrement utilisée à des fins publicitaires. Ses quatre faces se rejoignent à environ 400 mètres en dessous du sommet dans une pyramide sommitale, appelée « le toit ». Son sommet est une arête large d’environ deux mètres, sur laquelle se distinguent en réalité deux sommets : celui appelé « sommet suisse », le plus à l’est, qui culmine à 4 477,8 mètres d’altitude, et le « sommet italien », légèrement plus bas (4 476 mètres), sur la partie ouest de l’arête. Les deux sont séparés par une échancrure au creux de laquelle une croix a été posée en septembre 1901.

En 1865, deux cordées, l’une britannique, l’autre italienne, attaquent à peu près en même temps le Cervin. L’expédition britannique en sort victorieuse, elle arrive au sommet moins d’une journée avant la cordée italienne.

Le 10 juillet 1865, l’alpiniste Edward Whymper rencontre le valtournain Jean-Antoine Carrel, guide italien qui rêve lui aussi de réussir la première ascension mais par l’arête italienne, les deux hommes ayant déjà tenté son ascension, sans succès. Whymper veut engager Carrel mais ce dernier refuse car il est déjà engagé dans ce projet avec le club alpin. Le 12 juillet, Whymper constate que la cordée de Carrel a déjà entamé l’ascension, si bien qu’il bouleverse ses plans et décide de tenter la sienne à partir de Zermatt, côté suisse du Cervin, par l’arête du Hörnli (arête nord-est) qui est réputée plus difficile mais qui se révélera plus facile finalement. Il forme alors sa cordée avec Francis Douglas, jeune aristocrate anglais qui finance l’expédition, Peter Taugwalder fils et Peter Taugwalder père, paysans qui complètent leurs revenus en jouant les guides. Arrivés à l’hôtel du Mont-Rose, ils rencontrent le révérend Charles Hudson et son jeune et inexpérimenté compagnon Douglas Robert Hadow qui ont engagé le guide chamoniard Michel Croz (réputé pour son sens de l’itinéraire) pour eux aussi tenter cette première ascension. Les deux cordées britanniques décident alors d’unir leurs forces pour essayer de gravir ensemble l’arête du Hörnli et partent de Zermatt le 13 juillet pour la cime. Le 14 juillet, la cordée des sept hommes atteint le sommet vers 13 h 40, Whymper et Croz s’étant désencordés dans la dernière pente pour arriver premier et deuxième. La cordée du versant italien, composée des guides valtournains Jean-Antoine Carrel, Antoine-César Carrel, Charles Gorret et Jean-Joseph Maquignaz, atteint le point le plus haut jamais atteint lors des ascensions précédentes, mais avec un retard qui l’empêche de terminer l’ascension jusqu’au sommet. La cordée décide alors de s’arrêter pour se reposer. À 14 heures, ils aperçoivent Whymper et six autres hommes au sommet, ils décident alors de rentrer sans tenter d’atteindre le sommet16. Dans la descente, vers 15 h 10, Douglas Hadow glisse en renversant Michel Croz. Charles Hudson puis Douglas ne parviennent pas à retenir la chute et sont à leur tour emportés. La corde d’assurage se rompt, permettant ainsi à Edward Whymper, au guide Peter Taugwalder père et à Peter Taugwalder fils de ne pas être emportés à leur tour. Le journal viennois Neue Freie Presse émet l’hypothèse que Whymper a coupé la corde avec un couteau, ce qui suggère un homicide volontaire ou un état de nécessité pour sauver la vie des trois hommes qui étaient en fin de cordée. Les autorités suisses déclenchent une enquête qui se termine par un non-lieu. Edward Whymper, très marqué par ce drame, ne tenta ensuite plus aucune première majeure.

Cervin, carte maximum, Suisse.

La conquête du Cervin, qui passait pour inaccessible, marque la fin de l’âge d’or de l’alpinisme (au cours duquel le but était de conquérir tous les sommets des Alpes) par l’atteinte d’un sommet par une voie délibérément choisie pour sa difficulté mais aussi par le premier grand drame de l’histoire alpine.

Le 17 juillet 1865, trois jours à peine après la première ascension, la cordée italienne menée par Jean-Antoine Carrel et comprenant Jean-Baptiste Bich, Amé Gorret et Jean-Augustin Meynet réalise la première ascension du Cervin par l’arête du Lion (arête sud-ouest), plus difficile que l’arête du Hörnli.

Une voie entièrement en territoire italien est ouverte en septembre 1867 par Jean-Joseph Maquignaz, accompagné par son frère Jean-Pierre.

En 1879, l’arête de Zmutt (arête nord-ouest) est gravie pour la première fois par Albert F. Mummery, Alexandre Burgener, J. Petrus et A. Gentinetta.

En 1941, la dernière arête du Cervin, celle de Furggen (arête sud-est) est gravie pour la première fois de manière complète par le Valtournain Louis Carrel, accompagné par A. Perrino et G. Chiara. En 1911, cette arête avait déjà été escaladée, mais les alpinistes avaient contourné les surplombs.

En 1966, les guides de Zermatt René Arnold et Sepp Graven parcourent les quatre arêtes du Cervin dans la même journée : ils montent au sommet par l’arête de Furggen, redescendent par celle du Hörnli jusqu’à la cabane atteint vers 9 h 30, traversent ensuite le glacier du Cervin (situé au pied de la face nord) pour atteindre à nouveau le sommet par l’arête de Zmutt, avant de redescendre par l’arête du Lion. En août 1992, Diego Wellig et Hans Kammerlanden montent et redescendent chaque arête en 24 heures, soit quatre montées et quatre descentes pour 8 500 mètres de dénivelé : après être montés au sommet par l’arête de Zmutt, ils descendent par celle du Hörnli, pour monter à nouveau par l’arête de Furggen, nouvelle descente par l’arête du Lion, immédiatement gravie à nouveau, avant de descendre et remonter par l’arête du Hörnli, puis de descendre une dernière fois à la cabane du Hörnli.

L’ascension des différentes faces du Cervin présenta aussi de grands défis pour les alpinistes. La première à être vaincue fut la face nord, escaladée pour la première fois en 1931, exploit qui valut à Franz et Toni Schmid le prix olympique d’alpinisme aux Jeux olympiques de Los Angeles de 1932. Quelques mois plus tard, c’est la face sud (face italienne) qui est conquise. En 1932, la face orientale est gravie à son tour. En 1962, la face ouest, la plus haute des quatre avec ses 1 400 mètres, est vaincue. Enfin, la face nord-nord-ouest, située entre l’arête de Zmutt et la face ouest (après le Nez de Zmutt, l’ascension se poursuit par l’arête), n’est gravie qu’en 1969 : les deux voies qui la parcourent sont les itinéraires les plus récents et les plus difficiles pour gravir le Cervin.

La première face gravie en hiver est la face nord, vaincue le 4 février 1962 par trois cordées suisses par une température inférieure à −20 °C. Trois ans plus tard, en février 1965, Walter Bonatti est le premier à réussir l’ascension de la face nord du Cervin en solitaire et en hivernale, ouvrant au passage une nouvelle voie qui porte son nom. Une ascension de quatre jours, entrée dans la légende de l’alpinisme.

Il fallut ensuite attendre 1971 pour voir la face sud vaincue en hiver, les 22 et 23 décembre, par les guides gressonards Arthur et Oreste Squinobal. La face est est à son tour vaincue en hiver le 27 février 1975 par trois guides valaisans, René Arnold, Guido Bumann et Candide Pralong, après un bivouac à 4 300 mètres d’altitude.

Durant l’hiver 1977-1978, Ivano Ghirardini réalise un exploit hors norme : l’ascension des faces nord du Cervin, des Grandes Jorasses et de l’Eiger, en solo, et sans aucune assistance. Cette trilogie hivernale, bien que tentée par quelques-uns des plus grands alpinistes, notamment Daudet en 2002, reste à ce jour inégalée.

La première hivernale de la face ouest est réalisée en 1978, seize ans après la première ascension hivernale de la face nord. Une cordée de sept Italiens (parmi lesquels trois des quatre vainqueurs de la face sud en hiver) atteint le sommet après trois jours d’ascension le 11 janvier. Leur descente sera dramatique : Rolando Albertini se tue dans une chute, et un autre alpiniste est blessé par un éboulement.

La face nord-nord-ouest est gravie pour la première fois en hiver par les guides Daniel Anker et Thomas Wüschner entre le 26 et le 31 décembre 1982. Quelques mois plus tard, en mars 1983, une cordée de deux Bulgares atteint à son tour le sommet par cette voie après une ascension record de dix-sept jours et seize bivouacs. La face sud-sud-est avait elle été gravie les 3 et 4 septembre 1953 par Louis Carrel, Louis Maquignaz et Italo Muzio, qui durent utiliser plus de soixante pitons dans les 400 derniers mètres.

En 1992, Patrick Gabarrou et Lionel Daudet achèvent la voie Aux Amis disparus dans la face nord du Zmut. Patrice Glairon-Rappaz et Cédric Périllat-Merceroz en font la première hivernale en janvier 2010.

Les 31 juillet, 1er et 2 août 2001, une nouvelle voie baptisée Free Tibet est ouverte dans la face nord par Patrick Gabarrou et Cesare Ravaschietto.

En mars 2009, les guides valtournains Marco Barmasse et son fils Hervé ouvrent le couloir de l’Enjambée dans la face sud.

Du 17 au 19 juin 2009, Jean Troillet, Martial Dumas et Jean-Yves Fredriksen ont ouvert une voie en face nord, la voie Sébastien Gay.

L’alpiniste valtournain Hervé Barmasse a ouvert deux nouvelles voies sur la paroi est : le couloir Barmasse (première ascension le 13 mars 2010) et la voie Barmasse (ouverte du 6 au 8 avril 2011).

En mars 2017, Alexander Huber, Dani Arnold et Thomas Senf ouvrent Schweizernase dans la face nord.

Les faces les plus célèbres du Cervin sont les faces est et nord, visibles depuis Zermatt. La première, haute de 1 000 mètres, présente de grands risques de chutes de pierres, ce qui rend son ascension dangereuse. La face nord, haute de 1 100 mètres, est une des faces les plus dangereuses des Alpes, en raison notamment des risques d’éboulements et de tempêtes. La face sud, qui domine le Breuil, (haut Valtournenche) est haute, elle, de 1 350 mètres. C’est la face qui offre le plus de voies. Et enfin, la face ouest, la plus haute avec ses 1 400 mètres, est celle qui fait l’objet du moins de tentatives d’ascensions. Entre la face ouest et la face nord se trouve aussi la face nord-nord-ouest, qui ne s’étire pas jusqu’au sommet mais s’arrête au Nez de Zmutt, sur l’arête du même nom. C’est l’itinéraire le plus dangereux pour l’ascension du Cervin. Il existe aussi une face sud-sud-est, réputée être l’itinéraire le plus difficile de la face sud, qui aboutit au Pic Muzio, sur l’Épaule de Furggen.

Du fait de sa forme pyramidale, le Cervin est doté de quatre arêtes principales, par où passent la plupart des itinéraires d’ascension. L’arête la plus facile, celle qu’emprunte la voie normale, est l’arête du Hörnli (Hörnligrat en allemand) : elle se situe entre les faces est et nord, faisant face à la vallée de Zermatt. Plus à l’ouest se trouve l’arête de Zmutt (Zmuttgrat), entre les faces nord et ouest. Entre les faces ouest et sud se trouve l’arête du Lion (Liongrat), dite aussi arête italienne, qui passe par le pic Tyndall, sommet de la partie sud de la face ouest, au niveau duquel commence la partie supérieure de face. Enfin, la face sud est séparée de la face est par l’arête de Furggen (Furggengrat).

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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