Le fort (château) de Joux (Doubs).

Le fort de Joux est situé dans le Doubs, il surplombe la cluse de Pontarlier ouvrant passage vers la Suisse dans le massif du Jura. Il fait partie de la commune de La Cluse-et-Mijoux, Doubs.

Il fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le 18 juillet 1996.

Les sires de Joux, descendant probablement de princes burgondes, étaient très riches grâce à leur péage qui se trouvait sur une des deux seules routes carrossables entre le comté de Bourgogne et la Suisse puis la Lombardie ; c’était la route du sel mais également la via Francigena. Les personnes qui dépendaient de l’abbaye de Montbenoît, de Pontarlier et des fiefs de Joux étaient exemptés de péage. Les sires de Joux possédaient en outre une poêle à Salins-les-Bains et à cette époque le sel était très précieux. Ils possédaient des mines de fer et d’argent, des fours à chaux, des verrières et leurs serfs produisaient une viande fumée réputée depuis l’Antiquité. En outre, ils mettaient à ban la rivière du Doubs et possédaient des bois de sapin et d’épicéa (nommé picée à l’époque) pour les charpentes. De plus, les pois blancs cultivés sur la plaine de l’Arlier étaient très réputés et s’exportaient également bien vers la foire de Beaucaire, vers la Lombardie ou dans le reste du Saint Empire.

À travers toutes les générations, les sires de Joux se comportaient comme des brutes qui pillaient et rançonnaient leurs voisins et tous ceux qui ne leur payaient pas ce qu’ils leur devaient. Il ne fait pas de doute qu’ils se rangèrent derrière Eudes II de Blois lorsque le royaume de Bourgogne fut donné à Conrad du Saint Empire, n’acceptant pas d’être dirigés par des germaniques ; ils parlèrent toujours le romand et le latin pour communiquer avec les autres langues. En 1039, Aldric de Joux et toutes les personnes qui étaient dans le château ce jour là se firent couper le nez et les oreilles par Boniface III de Toscane et ses troupes lombardes afin qu’ils se souviennent qu’ils devaient allégeance à l’empereur du Saint-Empire romain germanique. En effet, ils avaient fortifié sans permission leur château. C’est probablement pour cela que les sires de Joux prirent toujours partie contre les Lombards et pour l’empereur. C’est ainsi qu’Amaury III accompagné d’Othon de Champagne fit allégeance en 1168 à Frédéric Barberousse, empereur du Saint Empire. En 1175, lorsque les sires allemands furent las de combattre, il fut aux côtés de son empereur jusqu’en 1183, il sera donc considéré comme ayant fait la troisième croisade organisée par Frédéric Barberousse qui y trouvera la mort en 1190. Pour récompenser sa fidélité, l’empereur lui remet le Val d’Usier et une bonne partie de la plaine de l’Arlier. Il entreprend la fortification de la roche surplombant le cours du Doubs à Pontarlier et notamment le quartier du “Morieux” devenant ainsi la “forte place du Molar”. En 1246 Amaury IV se voit contraint, par Jean Ier de Chalon, de traiter avec les “barons-bourgeois” de Pontarlier dans le cadre du “baroichage” de cette ville (qui est une association d’hommes libres), cet acte limite ses droits sur les forêts, le banvin et le baroichage de Pontarlier aussi en représailles Amaury IV exige des droits de péage exorbitants à ceux qui traversent ses terres pour aller chercher du sel à Salins ce qui ne manque pas de déclencher un important conflit avec Jean Ier de Chalon qui aboutira à apporter la désolation sur les terres de Joux. En 1282, Henri II de Joux participa aux côtés des gibelins aux Vêpres siciliennes contre les Français après avoir réuni l’argent nécessaire et s’être préparé en 1281. Jean de Joux partit contre Philippe le bel dans la Bataille de Mons-en-Pévèle où il perdit la vie avec son écuyer.

Château de Joux, carte maximum.

En 1410 Guillaume de Vienne achète le château et la seigneurie de Joux à Jeanne, fille d’Hugues de Blonay, seigneur de Joux, qui n’avait pas d’enfant. Il meurt en 1434 ; son château revient à son fils Guillaume II de Vienne dont Olivier de La Marche nous laisse le portrait de quelqu’un de joueur et très dépensier. Philippe de la Marche sera l’un des capitaine du château de Joux (1434-1437), il viendra accompagné de son fils Olivier qu’il confiera à Pierre de Saint-Mauris. Il sera scolarisé à l’école de Pontarlier qu’il quittera à l’âge de quatorze ans pour entrer comme page au service des ducs de Bourgogne. La fille de Guillaume II de Vienne, Marguerite, épouse Rodolphe de Hochberg elle meurt en 1453 léguant le château à Philippe, son fils. Mais le château ne lui appartenait pas encore, son père étant encore en vie. En 1454, Guillaume II de Vienne, couvert de dettes, vend le château à Philippe le Bon. Celui-ci en fait un poste frontière grâce à des travaux fait par les Pontissaliens et financé par les foires de Saint-Luc et Saint-Georges créées pour l’occasion. Le château prend de l’allure. Charles le Téméraire et Louis XI, pourtant cousins, étaient ennemis. Ce dernier proposa à Philippe de Hochberg de « récupérer » son bien (surtout pour piéger Charles le Téméraire). Il fit placer en 1474 Louis d’Arban à la tête du château (alors que Katherin Bouchet occupait le poste depuis 1473 et qui l’occupera en théorie jusqu’en 1482; il y aura deux capitaines jusqu’en 1492). En 1454, Guillaume II de Vienne vend le château à Philippe III de Bourgogne, il place le marquis de Rothelin comme capitaine du château, son souhait étant de faire du château un poste frontière bien gardé. En 1475, le château résiste aux Bernois partis piller Pontarlier. En 1477, Katherin Bouchet défend contre le capitaine du château, Louis d’Arban, les retraites de Charles le Téméraire aux batailles de Morat et de Grandson. C’est pourquoi, après la mort de son père, Marie de Bourgogne le nommera châtelain à vie du château de Joux. Par son mariage, le château se retrouve sous l’autorité de Maximilien d’Autriche. En 1481, Philippe de Hochberg place Antoine de Sarron dans le château, investissant ainsi la place. S’ensuit une série de procès entre les comtes de Hochberg et les comtes de Neuchâtel. En 1492 le tribunal de Dole décida que le château de Joux appartenait à Marguerite d’Autriche ; nulle objection n’y fut faite, elle y plaça le marquis de Rothelin. Mais l’histoire a montré jusqu’en 1815 que les Neuchâtelois revendiquaient toujours Joux et son fief. François 1er en personne arbitrera le conflit en 1529. Mais c’est Talleyrand qui finira par y mettre un terme définitif.

De la fin du règne de Louis XV jusqu’à la chute de Napoléon 1er, en 1815, le fort servit de prison d’état. Les cellules étaient froides et humides et les prisonniers devaient chauffer toute l’année à leurs frais. Malgré sa réputation de sûreté, plusieurs prisonniers réussirent à s’évader du fort. Certains de ces détenus furent célèbres.

Mirabeau fut enfermé en mai 1775 dans la tour qui porte aujourd’hui son nom. Mais très vite, il obtint du gouverneur de la place, le marquis de Saint-Mauris, de pouvoir se rendre à Pontarlier où il loua un appartement et où il connut Sophie de Ruffey avec laquelle il s’échappa en Hollande et à laquelle il écrivit les fameuses Lettres à Sophie.

Chouans et prêtres réfractaires y furent enfermés, parfois avec des traitements spéciaux, car beaucoup de Pontissaliens, s’ils étaient antiroyalistes, défendaient l’Église. Ainsi d’Andigné et Suzannet s’enfuirent du fort avec la complicité des cantiniers qui leur donnaient des limes pour scier leurs barreaux. Girod, Allier de Hauteroche, Michelot Moulin et Charles de Frotté (le frère du général Louis de Frotté) enfermés dans la même cellule avec la petite chienne Bibi, parvinrent à s’enfuir en janvier 1805 à l’aide de draps sur le plateau de la Rochette enneigé, puis dans la cluse et enfin par les Verrières ils atteignirent la Suisse puis rejoignirent l’Angleterre.

Toussaint Louverture fut l’initiateur de l’abolition de l’esclavage et de l’indépendance d’Haïti, première république noire. Il fut enfermé au secret au fort de Joux dans une cellule dont la fenêtre était presque entièrement murée en août 1802. On lui retira tous ses grades, on lui refusa des soins pour sa maladie qu’il avait contractée avant d’être fait prisonnier et dont il mourut le 7 avril 1803. Napoléon fit également enfermer André Rigaud, un métis qui avait combattu Toussaint Louverture.

Le poète allemand Heinrich von Kleist fut emprisonné par erreur du 5 mars au 9 avril 1807 ; l’un de ses compatriotes fut enfermé dans un premier temps dans la cellule de Toussaint Louverture et eut des contacts avec son geôlier avant de venir le rejoindre. Ce fut de cette expérience que Kleist tira l’inspiration sa pièce Les Fiancés de Saint Domingue.

Le marquis de Rivière fut enfermé en 1814 pour ses actions contre Bonaparte. En 1812, le cardinal Calvachini, ancien gouverneur de Rome, eut un traitement de faveur car il était théoriquement enfermé au château mais il résidait en réalité derrière la cure de Saint-Bénigne à Pontarlier avec son valet Volpini.

Le général Dupont fut transféré rapidement vers l’intérieur du pays avant l’arrivée des Autrichiens en 1813.

Les lieutenants de la guerre d’indépendance espagnole furent incarcérés de 1803 à 1815. L’un d’eux écrivit un poème pour son roi sur la porte de sa cellule. La veille de l’arrivée des Autrichiens, en 1813, les 300 à 400 prisonniers furent transférés à Salins. Le jour d’avant, quatre prisonniers étaient parvenus à se sauver à l’aide de draps noués par les latrines du château. Le dernier chuta et ses compagnons l’emmenèrent jusqu’à Oye où il mourut, les autres fuirent en Suisse.

Dès le 27 décembre 1813, les Autrichiens assiégèrent et bombardèrent le fort, causant beaucoup de dommages matériels, mais le fort résistait toujours avec ses 100 soldats dont 60 vétérans. Décidant de changer de tactique, le 17 janvier 1814, ils offrirent 942 Francs au gouverneur de la place, Roubeau, qui accepta et partit avec sa troupe. En mars 1815, profitant du désordre, 40 000 Suisses armés envahirent la contrée. Le 7 juillet, ils s’emparèrent du fort sans combat mais durent le restituer suite aux négociations de Talleyrand lors du Congrès de Vienne.

Le fort fut réparé et renforcé tant par l’amélioration de la seconde et cinquième enceinte que par la construction du fort Mahler entre 1843 et 1851. Le 1er février 1871, une fois l’armistice signé, les 100 000 hommes de l’armée de l’Est commandés par Bourbaki se firent attaquer par les 500 hommes prussiens de Manteuffel alors qu’ils se dirigeaient vers la Suisse pour être désarmés (Convention des Verrières). Le fort Mahler et le fort de Joux défendirent la colonne de soldats qui se dirigeait vers la cluse de leurs canons et la bataille furent victorieuse pour les Français. Ce fut aussi la première action d’envergure de la Croix-Rouge qui soigna autant les Prussiens que les Français aux Verrières-de-Joux.

Après la défaite de 1871, le fort fut modernisé par le jeune capitaine Joffre, alors officier du Génie. Il le transforma en véritable fort Séré de Rivières, avec des casemates Mougin contenant des canons de Bange de 155 mm, jugés comme les plus gros canons d’artillerie de l’époque. Mais la crise de l’obus-torpille en 1885 rendit obsolète ces coûteux travaux. Le fort fit partie des fortifications de l’Est tout comme le fort Mahler qui fut également modernisé et le fort Catinat qui fut construit entre 1880 et 1883.

Lors de la Première Guerre mondiale, le fort n’eut qu’un rôle dissuasif.

Entre les deux guerres mondiales et jusqu’à la bataille de France, il est intégré à la ligne Maginot au sein du secteur fortifié du Jura pour servir de plate-forme d’artillerie. En juin 1940, une colonne allemande arriva de Besançon vers la cluse ; le fort Mahler, le fort Catinat et celui de Joux arrêtèrent net la progression allemande. Les combats cessèrent avec la signature par Pétain de l’armistice du 22 juin 1940. Les Allemands occupèrent alors les forts. Ils construisirent une casemate pour un gros canon dans le fort Mahler et laissèrent une faible garnison au fort de Joux.

Après guerre, l’armée laissa juste une faction dans le fort devenu trop obsolète devant les armes modernes.

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Sources : Wikipédia, YouTube.