Le Flottage du bois.

Le flottage du bois est un mode de transport par voie d’eau pour des pièces de bois de tailles variables, à l’état brut ou déjà débitées, assemblées entre elles ou pas. Influencé par les caractéristiques typographiques,  hydrographiques, culturelles et climatiques de chaque région du monde, il prend des formes différentes et très variées en fonction des essences d’arbres des grandes zones forestières de la planète, mais surtout de la présence ou du degré de flottabilité du cours d’eau qui est aux abords des massifs forestiers où sont abattus les arbres.

Tous ces facteurs variables engendrent une activité extrêmement localisée, très marquée par le mode de vie des populations autochtones, ce qui se manifeste d’abord par un vocabulaire pratiquement toujours régional. Des zones blanches côtoient des aires d’extension du flottage très actives dans de nombreux pays du monde. Le noyau géographique du flottage est  l’Eurasie tout entière. De là, il a été exporté par les colons vers l’Amérique, l’Afrique et l’Océanie. En dehors de l’Amérique du Nord, il reste néanmoins très marginal voire très localisé dans ces trois continents. Il n’existe pas une forme de flottage du bois, notamment en trains, qui représenterait une norme particulière et qui aurait été imitée au fil des millénaires pour se

répandre dans le monde. La diversité est de mise car le flottage dépend de nombreux facteurs biochimiques et physiques qui influent sur la capacité du bois à flotter plus ou moins bien, voire pas du tout, suivant qu’il est fraîchement coupé ou stocké et séché. De même, certaines essences d’arbre en Asie sont naturellement peu flottables de sorte qu’il faut les arrimer à des essences d’arbres qui leur servent de bouées d’appoint. Les civilisations antiques ont également eu recours à des outres de bouc gonflées ou des poteries en terre cuite inversées pour améliorer la flottabilité de  l’assemblage de grumes.

Le flottage du bois n’appartient pas partout au passé comme dans les pays européens. Il est encore pratiqué dans certaines régions du monde. Le  flottage contemporain est très fortement lié aux forêts tropicales mais aussi au bambou qui devient un gros marché en Asie. En Chine, mais aussi de plus en plus en Éthiopie1, la ressource la plus importante en bois est le bambou dont l’exploitation et la transformation permettent l’emploi des millions de salariés. Il pousse plus vite que les essences d’arbres des zones tempérées et il est encore transporté par flottage parallèlement au transport par camions, barges ou chemin de fer.

Il ne faut pas confondre les radeaux et le flottage du bois bien qu’ils soient intrinsèquement apparentés. C’est la finalité qui diverge : un radeau, de sauvetage ou pas, ou encore un radeau-bac ont été construits  intentionnellement comme embarcation pour les hommes pour traverser une rivière, relier des îles (le « island hopping » des micronésiens et polynésiens3) ou servir de refuge improvisé avant l’apparition des canots de sauvetage, et surtout quand les bateaux étaient en bois et s’échouaient sur une rive. L’usage du radeau comme moyen de transport en Asie était très courant comme au Japon durant la période Muromachi avec les radeaux aux extrémités courbées vers le haut, mais on voit également pour la même époque sur une estampe exposée au Metropolitan Museum of Art de New York, réalisée par le Japonais Maejima Sōyū, l’explorateur chinois Zhang Qian sur un radeau sur une rivière qui ressemble en fait plus à un seul tronc d’arbre mal en point. De même, le déplacement et les migrations par radeaux remontent très loin ; les Indigènes du détroit de Torrès ont usé de radeaux en bambou traditionnels hérités des temps immémoriaux jusqu’au début du XXe siècle.

Le radeau est plus associé à la mer dans les cultures européennes, il a longtemps servi de ferry ou bac de rivière en Asie (aujourd’hui encore dans le Kerala2 en Inde du Sud-Ouest par exemple), parfois même avec un seul tronc tiré par une corde et auquel on s’accrochait.

Toutefois, les flotteurs, justement appelés parfois radeleurs, fabriquent en quelque sorte des radeaux puisqu’ils assemblent les grumes les unes aux autres pour rentabiliser l’expédition en transportant le maximum de pièces possibles jusqu’au port aux bois final. La finalité de ces radeaux est en premier lieu pratique et fonctionnelle : d’abord ils peuvent faire plus d’un mètre de profondeur, ensuite ils sont liés de manière interdépendante pour former un train qui peut atteindre des dimensions gigantesques sur lac ou fleuve. L’assemblage évite de perdre des pièces de bois pendant la descente avec un inconvénient majeur dû à sa taille : il n’est pas maniable ou  facilement manœuvrable.

Flottage du bois, entier postal, Roumanie.

Les hommes qui montent sur ces trains de bois ne sont pas des voyageurs qui se rendent d’un point à un autre, mais des livreurs de bois qui grimpent sur leur marchandise à leurs risques et périls pour la diriger entre les rochers, les méandres, entre les piliers de pont et surtout à travers les pertuis qui jalonnent les cours d’eau. Toutefois, pour les trains de bois assez stables sur les rivières peu agitées, les flotteurs ont, selon les régions bien sûr, accepté de prendre des passagers sur leur train de bois sans pouvoir leur garantir une totale sécurité. De même, ce qui sème la confusion avec les radeaux de passagers, c’est que pour les expéditions de plusieurs jours ou semaines il y avait sur les grands assemblages de radeaux des tentes ou des cabanes pour les flotteurs et leurs familles qui voyageaient avec eux. Enfin, et ce n’est pas la moindre des différences, le radeleur des bacs et des autres

embarcations de voyageurs ne démonte pas son radeau une fois la cible atteinte tandis que le flotteur disloque tous les radeaux solidaires au port aux bois qui prend en charge le triage et la redistribution, il reprend ce qui peut être réutilisé à la prochaine expédition (cordages et harts, gaffes, crochets…) et il rentre à pied. Dans les îles Fidji, certains utilisent encore le bili-bili, radeau réalisé en bambou, aussi appelé le « bateau sans retour » car le marchand de l’île ne vend pas le bois du radeau avec lequel il a descendu le fleuve Navua pour vendre sa marchandise au marché. Le paysan revenait à pied et le radeau à usage unique dérivait vers la mer.

La méthode la plus rudimentaire et donc la plus généralisée consiste à  rassembler le bois sur la rive, à marquer chaque pièce du symbole choisi par son propriétaire et à laisser les bûches ou grumes descendre librement le cours d’eau au gré du courant, de préférence au moment des hautes eaux c’est-à-dire, pour les zones tempérées, au printemps et en automne. Contrairement aux idées reçues, les crues sont néfastes et défavorables pour ce type de flottage car elles rendent les choses incontrôlables et dispersent les bûches. Toutefois, certains cours d’eau qui étaient presque des petits ruisseaux insignifiants avaient un étiage insuffisant pendant toute l’année de sorte qu’il fallut leur apporter des eaux supplémentaires pour gonfler le flot au moment du passage des bûches. C’est là la caractéristique de ce type de flottage : simple en apparence, il a parfois nécessité davantage  d’aménagements et d’entretien de la part des flotteurs pour rendre des petits ruisseaux flottables. Pour mieux visualiser les petits gestes et les étapes nécessaires avant de lâcher les bûches, les anciens flotteurs de la vallée de la Kinzig5 en Forêt-Noire en Allemagne ont réalisé un sentier pédagogique du flottage à bûches perdues, jalonné de panneaux informatifs à chaque station de la randonnée. Il fait autorité en Europe de l’Ouest puisque les techniques expliquées pour ce petit cours d’eau de montagne tributaire d’apports en eaux supplémentaires étaient peu ou prou similaires dans les autres massifs de moyenne altitude en Europe où l’ingéniosité des hommes a dû compenser le manque d’eau ou de débit des cours d’eau. Par ailleurs, il faut également écarter l’idée qu’un cours d’eau qui aurait assez d’eau ou assez de débit serait toujours flottable à bûches perdues. En réalité, certaines rivières n’ont jamais été flottables à cause de la morphologie du lit de la rivière, de bancs de sable ou de rochers présents à des endroits défavorables. Enfin, compte tenu de la faible valeur marchande du bois de feu, tous les seigneurs régionaux n’avaient pas forcément envie de  pratiquer ce type de flottage sur une rivière qui leur apportait peut-être d’autres avantages ou d’autres activités plus rémunératrices ou nourricières (pêche, perles par exemple).

Les grumes ou bûches descendaient donc les cours d’eau de pertuis en pertuis ou s’accumulaient devant les barrages mobiles à aiguilles ou des écluses. On « démasquait » le pertuis, le vannage ou l’écluse et le bois continuait son cours entrainé par le courant. Arrivé à destination, il était arrêté par un barrage dressé au travers de la rivière, par des pieux fichés dans le lit ou par un câble tendu. Ce procédé se traduisait par des pertes significatives (échouages — bois canards —, vols, grumes coincées sous des ponts ou des rochers). Avec le temps, des aménagements successifs des cours d’eau permettront d’améliorer ce type de flottage comme  l’élaboration d’une législation du flottage incluant tous les acteurs impactés par le passage des bûches, la formation d’une police ou d’un organisme de contrôle officiel suivant les États, les rectifications ou modifications des berges, les mises aux normes des écluses des moulins et des barrages d’usines ou les canaux de flottage spécialement conçus pour guider les bûches dans les endroits délicats ou pour les faire entrer dans les pertuis de manière plus contrôlée avec le principe de l’entonnoir comme le font les estacades qui guident les bateaux vers le sas de l’écluse sur les canaux aujourd’hui. Dans le canal de Saint-Quentin et ses deux parties souterraines, le flottage à bûches perdues est encore utilisé en 1918 à la fin de la Première Guerre mondiale ; soumis à taxation comme les péniches : « Les trains d’arbres flottés paieront pour chaque arbre, sans égard à la dimension, le droit fixe pour deux tonneaux, c’est-à-dire vingt centimes par arbre et par distance, 20 centimes » (au 1er janvier 1818, la taxe étant destinée dans ce cas au trésor public). Le flottage du bois dans les canaux deviendra incompatible avec la circulation des péniches quand elles seront équipées de moteurs à hélice. Le bois sera alors transporté par les chemins de fer, mais surtout en camion, avec plus de risque de se fendre en séchant trop vite.

Très spécifique aux États-Unis, le flottage impressionnant en trains de bois dits de Benson ou encore « radeau cigare » (Benson cigar raft) est adapté à la navigation maritime. Cette méthode de transport fut utilisée pour la première fois sur la côte pacifique en 1906 par Simon Benson, un marchand de bois influent de Portland en Oregon. Ce n’était pas le premier train de ce type en réalité, il avait été expérimenté en 1883 sur la côte atlantique, puis abandonné à la suite d’un grave accident. La navigation était trop incertaine et dangereuse. Ces flottes de bois gigantesques étaient surnommées des « Leary » ou des « Joggins » sur la côte Est: ils passaient pour être les radeaux les plus grands jamais construits. Composés de 24 000 grumes provenant de la baie de Fundy, ils faisaient 55 pieds de large, 595 pieds de long et nécessitaient 45 miles de câbles et chaînes. Ils pesaient jusque 15 000 t. Ils ressemblaient à un iceberg de bois car les deux tiers du bois étaient immergés. Six hommes géraient le transport avec ce colosse tracté par des remorqueurs très puissants, le Underwriter et le Ocean King. À l’époque, ce fut une méthode radicalement nouvelle pour le transport des billes de bois car le radeau Joggins correspondaient à 45 goëlettes remplies de grumes à cette époque pour un prix modique.

Pour assembler les billes en un énorme cigare de bois, les flotteurs  recouraient à un ber (craddle en anglais) dans lequel ils entassaient les pièces de bois. Un côté du ber se baissait pour faire glisser le radeau dans l’eau.

Source : Wikipédia.

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