Le disque microsillon.

Le disque microsillon a été le principal support de diffusion  d’enregistrement sonore commercial pendant la seconde moitié du xxe siècle. Appelé à ses débuts microsillon, par opposition au 78 tours, puis disque, de son succès commercial à l’apparition du disque compact dans les années 1980, il est aussi par synecdoque vinyle depuis les années 2000, quand il connaît un relatif renouveau après avoir presque disparu, tandis que le CD décline face à la musique en ligne.

Le développement du polychlorure de vinyle, une matière plastique, et le développement des tourne-disques à amplificateur électronique ont permis l’amélioration du disque phonographique à sillon standard à 78 tours par minute, multipliant par cinq ou six la durée d’écoute pour un disque de même taille, sur un matériau plus durable et léger, avec une qualité sonore très supérieure dans ses caractéristiques de bruit de fond, de bande passante et de distorsion. L’enregistrement, analogique, peut être stéréophonique.

Un sillon en spirale parcourt la surface de chaque face. Le début de l’enregistrement se trouve côté extérieur. Les vitesses, le sens de rotation du disque, la largeur et la forme du sillon sont définies pour permettre d’utiliser tous les disques sur n’importe quel appareil. La forme et la taille des disques peuvent varier sans nuire à leur compatibilité. Il existe principalement deux formats, « LP » (de l’anglais « long play », « longue durée ») quand il s’agit d’un disque de 30 cm de diamètre tournant à 33 tours par minute, et single (avec généralement un seul morceau par face) pour un disque de 17,5 cm de diamètre tournant à 45 tours par minute. Les disques sont en général de couleur noire comme leurs prédécesseurs ; des disques de formes diverses ont été produits, notamment des « disques » paradoxalement carrés, et des disques de couleurs y compris aussi transparents, souples, décorés d’images comme les picture-discs, tous possédant un sillon lisible par les appareils ordinaires.


Le microsillon remplaça, au milieu du XXe siècle, le disque sillon standard (disque 78 tours). Grâce au développement des tourne-disques à  amplificateur électronique et l’enregistrement par l’intermédiaire de magnétophones, il apportait un progrès considérable sur de nombreux aspects :

  • réduction du bruit de surface par rapport aux « chuintements et/ou crépitements » des 78 tours ;
  • augmentation de la durée d’écoute, environ cinq fois plus importante pour un 33 tours de même taille ;
  • disque devenu pratiquement incassable, contrairement aux fragiles disques 78 tours ;
  • disque moins épais et beaucoup plus léger ;
  • possibilité d’une extension de reproduction sonore vers les aiguës jusqu’à une fréquence de 16 kilohertz ;
  • moindre usure de la pointe de lecture et du disque grâce à une moindre force d’appui.

L’enregistrement sur disque plat, mis au point par l’Allemand Emile Berliner en 1887, pouvait être lu sur des appareils entièrement mécaniques. Le mouvement latéral de l’aiguille dans le sillon faisait vibrer la membrane qui produisait le son. Aucune puissance ne pouvant s’ajouter à celle que générait ce contact, il fallait un sillon suffisamment profond ; et comme l’amplitude de la vibration sonore dépend de celle de l’aiguille dans son déplacement latéral, il fallait aussi que les spires ne soient pas trop serrées.

À partir de l’invention de l’amplificateur électronique vers 1920, on put obtenir un son plus puissant en transformant le mouvement de l’aiguille en courant électrique. L’aiguille extrayant peu de puissance mécanique du sillon, il n’était plus nécessaire qu’elle appuie aussi fort. Le bénéfice était immédiat : le frottement, et donc le bruit de fond diminuait, et le disque s’usait moins vite.

Vers 1940, la plupart des tourne-disques neufs étaient électriques. Beaucoup de ménages en mesure d’acheter des disques possédaient déjà un amplificateur, dans un récepteur radio. À cette époque, l’industrie chimique produisait un grand nombre de matières plastiques nouvelles. Dans les laboratoires des grandes compagnies d’enregistrement de disques, on expérimentait des mélanges susceptibles de donner de meilleurs résultats que la gomme-laque, la matière plastique d’origine naturelle qui constituait la surface des disques, en anglais « shellac ». Quand la seconde Guerre mondiale interrompit l’importation en Amérique de la gomme-laque, les compagnies produisirent des disques 78 tours à support de polychlorure de vinyle. Ces disques coûtaient moins cher que les disques shellac, mais résistaient moins longtemps à l’action des aiguilles de phonographes mécaniques.

En 1946, la Columbia Records dépose un brevet aux États-Unis pour un disque plat en polychlorure de vinyle, qui ne peut être joué que sur un tourne-disques à amplification électronique. L’utilisation du vinyle, une matière plastique thermoformable, accélère aussi la production et diminue le coût de reproduction, d’emballage et d’expédition, le disque étant considérablement plus léger. La taille et l’excursion latérale du sillon sont réduites, et la compagnie fait la publicité de son produit sous le nom de « microsillon » (« microgroove ») ; et comme la réduction de  l’encombrement du sillon permet d’allonger le temps de musique sur chaque face, d’autant plus que la vitesse de rotation a pu être réduite à 33 ¹⁄₃ tours par minute, on le dit « long play » (LP) avec jusqu’à 23 minutes par face. Le vinyle (avec ses additifs) laissait aussi l’aiguille du tourne-disques glisser sur le sillon avec moins de frottement que sur la gomme-laque, ce qui réduisait considérablement le bruit de fond. Les progrès de l’amplification électronique et des techniques d’enregistrement et de gravure des matrices permettaient d’élargir la gamme des fréquences transmises.

En 1925, un procédé de sonorisation de films de cinéma avait utilisé des disques de sillon standard de 40 cm de diamètre à 33 ¹⁄₃ tours par minute pour 11 min de son synchronisé avec une bobine de 300 m de film, le Vitaphone. Le disque microsillon va adopter cette vitesse, déterminée par la bande passante et la dynamique sonore souhaitées, la largeur des sillons, la taille du disque, et un rapport simple avec la vitesse de rotation d’un moteur synchrone aussi bien dans les régions à distribution électrique à 60 Hz que dans celles à 50 Hz.

Un enregistrement datant de 1945 du Concerto pour violon, op. 64 de Felix Mendelssohn, interprété par le violoniste russe Nathan Milstein et dirigé par le chef allemand Bruno Walter avec l’Orchestre philharmonique de New York, pressé trois ans plus tard par Columbia Records, devint le premier 33 tours de l’industrie phonographique. RCA lance le single, disque de 18 cm tournant à 45 tours par minute, avec un large trou central, qui donne jusqu’à cinq minutes et demie de musique par face, en 1949, à destination des juke-box.

Le coût d’achat de l’appareil capable de lire les microsillons pour des consommateurs possédant aussi d’anciens disques causa la première baisse des ventes de disques depuis leur lancement, jusqu’en 1950.

Les disques en vinyle ont progressivement remplacé le disque 78 tours du milieu des années 1950 à 1959. En France, Pathé-Marconi pressa en 1951 le premier disque microsillon aux usines de Chatou, à la suite des études menées avec le laboratoire de Pechiney. Eddie Barclay favorisa le  développement de ces premiers microsillons en France, important 3 000 tourne-disques des États-Unis, créant par la suite sa propre firme sous son label.

À partir de 1958, les disques stéréophoniques vinrent compléter  l’amélioration du procédé. Ils exploitaient un principe de gravure mis au point dès 1931 par Alan Blumlein à la BBC, avec des disques 78 tours. À la modulation latérale du disque monophonique s’ajoute une modulation verticale gravée en profondeur, représentant la différence entre le canal gauche et le canal droit. Les disques mono pouvaient donc être lus avec une pointe stéréo. Les lecteurs monophoniques pouvaient lire la réduction monophonique en ne transcrivant que les oscillations latérales de l’aiguille tant que l’amplitude de la gravure verticale ne les perturbait pas. Toutefois, la lecture d’un disque gravé pour la stéréophonie avec une tête monophonique pouvait provoquer une usure anormale du disque. Afin de ne plus avoir à proposer deux versions de leurs enregistrements, les éditeurs introduisirent dans les années 1960 la gravure universelle, qui limite l’amplitude verticale du sillon, c’est-à-dire la différence instantanée entre canaux. Ces disques lisibles indifféremment avec une pointe mono ou stéréo portaient des mentions comme “stéréo gravure universelle”, “stéréo compatible”, “synchro-stéréo”.

Avant l’invention de la gravure universelle, les disques mono ne devaient être lus que sur des lecteurs mono et les disques stéréo que sur des lecteurs stéréo. La mention « stéréo » signifiait parfois simplement que les disques, enregistrés en monophonie, pouvaient être lus sur un lecteur stéréo, sans pour autant posséder d’effet stéréo. Ce fut le cas des premiers  enregistrement des Beatles sous la marque Polydor, ainsi que pour les Kinks du single Sunny Afternoon en « gravure universelle ». Par contre, la version stéréo de la chanson Tomorrow Never Knows des Beatles (en fin de l’album Revolver) contenait un effet d’opposition de phases qui annulait une partie du son si on jouait le disque stéréo sur un lecteur mono[réf. Un mixage séparé fut donc réalisé pour la version mono.

Le succès du disque compact (CD), que Philips a lancé en 1983, a entraîné la décroissance progressive de la diffusion de la musique sur disque  microsillon. Le CD imposait l’achat d’un nouvel équipement. Les audiophiles manifestèrent une préférence pour le microsillon pendant les premières années. Marec 1983 comparait dans la revue L’audiophile une édition sur disque analogique vinyle et une édition sur disque numérique CD des mêmes enregistrements. Les critiques pouvaient tout aussi bien viser les techniques d’équilibrage final des disques (de musique classique) que l’enregistrement numérique. La revue avait publié quatre articles techniques plutôt défavorables à l’introduction de la technologie numérique. Dans la deuxième série (1988-1995), Loyer 1989 écrivit une revue très favorable aux CD, et par la suite le disque vinyle ne trouva plus de soutien dans la revue. Les concepteurs de l’enregistrement numérique avaient cru que la disparition totale du bruit de fond et l’accroissement de la dynamique serait une amélioration ; ils durent généraliser le dither, et finaliser avec de la compression.

Les derniers 33 tours de grande production furent diffusés en 1991, et les derniers 45 tours en 1993.

Au xxie siècle, le microsillon reste utilisé pour l’enregistrement de genres musicaux particuliers (jazz, musique actuelle, d’avant-garde, punk ou électronique).

Le turntablism des disc-jockeys en discothèque ne pouvait s’exercer, dans les années 1990, qu’avec des platines tourne-disque vinyle. Des platines CD spécialisées le permettent désormais.

À partir des années 2000, la part des téléchargements et, à partir de 2005, de l’écoute en ligne, croissent au détriment du CD. En 2020, la consommation de la musique sur support matériel n’occupe plus que 7 % des parts du marché mondial de la diffusion de musique enregistrée. Dans cette faible partie, les ventes de microsillons augmentent au détriment de celles de CD ; en 2020 aux États-Unis, pour la première fois depuis les années 1980, les revenus de vente des disques vinyle ont dépassé ceux du disque compact.

Comme pour tous les produits vintage, le disque vinyle conserve des amateurs et des collectionneurs. Les pochettes des albums 30 cm, plus grandes que celles d’un CD et renfermant parfois des livrets plus complets, font l’objet de transactions sur les sites Internet usuels d’achats et de ventes[réf. nécessaire]. La guerre du volume a montré qu’un des caractères du disque compact, la dynamique sonore accrue, ne correspondait pas aux préférences de la masse du public. La production en France compte plusieurs fabricants.

Des artistes sortent des 33 et 45 tours, un autre fonde une compagnie qui ne presse que des disques vinyles. Les majors rééditent une partie de leur catalogue en disques vinyle ; de 2009 à 2011, l’album le plus vendu dans ce format est Abbey Road des Beatles (1969), dépassant cent mille exemplaires en 2011. En 2014, les ventes aux États-Unis croissent de 52 % jusqu’à un taux jamais atteint depuis 1991 ; en France elles triplent par rapport à 2010, atteignant, avec 471 000 unités, 1,6 % du chiffre d’affaires. En 2016, les ventes atteignent leur meilleur niveau au Royaume-Uni depuis 25 ans avec plus de 3 200 000 disques vendus soit 5 % du marché des albums (+53 % sur un an). L’année 2018 marque la 13e année consécutive de croissance des ventes de disques vinyle.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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