Le débarquement de la baie des cochons, Cuba (1961).

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Le débarquement de la baie des Cochons est une tentative d’invasion militaire de Cuba par des exilés cubains soutenus par les États-Unis en avril 1961. Planifiée sous l’administration de Dwight D. Eisenhower, et organisée par la CIA, l’opération fut lancée au début du mandat de John F. Kennedy. Elle visait à faire débarquer à Cuba, le 17 avril 1961, environ mille quatre cents exilés cubains recrutés et entraînés aux États-Unis par la CIA. Leur objectif était de renverser le nouveau gouvernement cubain établi par Fidel Castro, qui menait une politique économique défavorable aux intérêts américains et se rapprochait de l’URSS. L’opération fut un échec complet et les prémices d’une grave et profonde dissension entre la présidence et les services secrets américains.


Après leur arrivée au pouvoir en 1959, à la suite du départ du  dictateur Fulgencio Batista, le 1er janvier 1959, les révolutionnaires castristes menés par Fidel Castro engagèrent une politique de révolution agraire, entraînant la nationalisation des terres des grands propriétaires. En mai 1959, la réforme agraire élaborée par Che Guevara est publiée. Elle fixait le  minimum de possession de la terre à 27 hectares et plafonnait le maximum à 400 hectares. La nationalisation enlève aussi aux grands propriétaires terriens cubains leurs latifundios et minifundios ; la main d’œuvre ne leur appartient plus et ils ne bénéficient plus ou très peu des richesses qu’ils tiraient de leurs terres.

Dans un premier temps, l’administration américaine, sous la présidence Eisenhower, reconnut le nouveau régime considérant la fin du régime de Fulgencio Batista, qu’elle avait soutenu, comme une opportunité constructive tout en continuant à appliquer les règles de la doctrine Monroe en vigueur depuis 1823. Le programme annoncé par Fidel Castro de démocratie, d’élections libres et de progrès social semblait compatible dans un premier temps, avec les intérêts des États-Unis en regard de la corruption du régime précédent et de son impopularité grandissante auprès de la population civile. En outre, Washington envisageait de maîtriser la révolution grâce à la possibilité d’une aide économique au nouveau régime.

Or, dès avril 1959, à l’issue du voyage officiel à Washington de Fidel Castro, le vice-président Richard Nixon conclut qu’il ne serait pas possible d’entretenir des relations constructives avec le nouveau régime et qu’il fallait le renverser notamment en armant et en entraînant militairement les exilés anti-castristes.

En effet, la révolution cubaine s’accompagnait d’une vague de  nationalisation de toutes les entreprises américaines qui intervint le 6 juillet et d’une réforme agraire menaçant les intérêts des États-Unis. En effet, théoriquement libre depuis la modification de sa constitution en 1934, l’île de Cuba restait sous la très étroite tutelle politique et économique de leur puissant voisin nord-américain : par exemple 50 % des terres arables, 90 % des mines et 100 % des raffineries appartenaient à des compagnies américaines.

Parallèlement, le gouvernement révolutionnaire cubain amorça également un rapprochement diplomatique et commercial avec l’URSS, alors en pleine guerre froide avec les États-Unis, ce qui renforça les inquiétudes  stratégiques de ces derniers. Les États-Unis instaurèrent des restrictions commerciales en 1960 et finalement un embargo total contre l’île ; tous les échanges commerciaux Cuba/États-Unis prirent fin, notamment les exportations importantes de sucre de canne que Cuba envoyait à l’acheteur nord-américain. Véritable colonne vertébrale économique, l’exploitation de la canne à sucre représentait alors 80 % des exportations de Cuba, ce qui affectait profondément l’économie cubaine.

Le 17 mars 1960, le président Eisenhower signa un décret donnant le feu vert à toutes les tentatives de déstabilisation du régime castriste et d’assassinat de ses leaders. Parmi les premières mesures, fut adopté le principe de l’entraînement des exilés anti-castristes dans des camps situés au Guatemala. En août, la CIA contacta la mafia (ou Cosa nostra) américaine à Chicago pour tenter d’élaborer un projet d’assassinats simultanés de Fidel Castro, Raúl Castro et Che Guevara. En échange, si l’opération réussissait et qu’un gouvernement pro-américain était restauré à Cuba, les États-Unis s’engageaient à ce que la mafia y récupère « le monopole des jeux, de la prostitution et de la drogue ». En effet, pour l’organisation criminelle, la révolution cubaine avait été la plus grave et coûteuse déroute de son histoire avec une perte chiffrée 100 millions de dollars annuels soit l’équivalent de 900 millions de dollars en 2013 après la fermeture des casinos, des lieux de prostitution et de trafic de stupéfiants.

Fin juillet 1960, Che Guevara indiquait que le régime cubain s’était aligné politiquement sur l’URSS. Parallèlement, Fidel Castro affirmait le « devoir des peuples d’Amérique latine de récupérer leurs richesses nationales » et annonçait la nationalisation des intérêts économiques que possédaient les États-Unis à Cuba. L’administration américaine classera dès lors le régime cubain comme ennemi. En janvier 1961, le gouvernement de Dwight Eisenhower rompit toutes relations diplomatiques avec Cuba.

En août 1960, le président Eisenhower approuva un budget de treize millions de dollars pour financer l’opération paramilitaire contre le régime castriste, mais demandera qu’aucun membre de l’armée américaine ne soit impliqué7. L’opération, connue sur le nom de code de Pluton11, devait apparaître comme un conflit interne cubain.

La première préoccupation dans la préparation de l’opération fut pour les autorités américaines de ne pas apparaître comme le soutien logistique et financier de l’opération et de demeurer invisibles. Pour ce faire, au sein de la Central Intelligence Agency, une unité spécialement dédiée pour l’opération, la WH-4, donc ne transitant pas par les circuits classiques de l’agence de renseignements, fut fondée par Allen Dulles, le directeur de la CIA, Richard Bissell, son adjoint responsable des opérations spéciales et le général Charles Cabell. Les agents choisis pour diriger l’opération avaient pour la plupart participé au renversement du président du Guatemala Jacobo Arbenz en 1953 (opération PB/Success).

Au sein du Département d’État, les responsables des affaires latino américaines et cubaines furent maintenus également dans l’ignorance. Au sein du pentagone, les membres du Comité des chefs d’état-major interarmées, s’ils furent consultés à titre personnel, ne le furent pas pour l’organisation militaire de l’opération et ne purent fournir d’expertise militaire. Ainsi, le 20 décembre 1960, l’amiral Robert Dennison, commandant en chef de l’Atlantique, estimait qu’aucun des plans dressés jusque-là par la CIA n’était viable.

Lors du recrutement même du futur leader du groupe d’invasion, l’agent Franck Bender indiqua à Manuel Airtime (ancien directeur de l’Institut national de la réforme agraire), la chose suivante : « Rappelez vous bien ceci, Manolo, je ne travaille pas pour le gouvernement américain. Je suis au service d’un groupe extrêmement puissant qui lutte contre le communisme. »

La CIA appliquait la doctrine de son directeur Allen Dulles suivant laquelle : « On peut échapper à la culpabilité en instaurant une chaîne de commandement assez floue pour ne laisser aucune preuve de son passage. » L’objectif était pour l’agence de renseignement d’éviter toute implication et au travers d’elle, celui du gouvernement des États-Unis, conformément aux ordres données par la Maison Blanche.

Par la suite le projet évolua au sein de la CIA pendant la période de transition entre l’administration Eisenhower et Kennedy. Le 20 décembre 1960,  l’amiral Robert Dennison, commandant en chef de l’Atlantique, avait annoncé après analyses qu’aucun des plans de la CIA n’était viable en réalité. L’objectif devint alors de débarquer une force de 1 400 opposants cubains, qu’elle avait recruté et formé, afin qu’ils établissent une tête de pont6 après un débarquement amphibie avec une neutralisation préalable des moyens de riposte de l’armée cubaine, à savoir l’aviation et la marine par un bombardement aérien. Mesurant ses forces, l’objectif de la troupe contre-révolutionnaire n’était pas de s’emparer de La Havane et de la totalité de l’île mais de conquérir une portion relativement importante du territoire par des combats internes, pour y établir un « gouvernement provisoire » grâce à la structure politique du Cuban Revolutionary Council, installé à Miami avec à sa tête Miró Cardona, aussitôt reconnu par les États-Unis, qui réclamerait (et obtiendrait) une intervention militaire américaine.

Toutefois, malgré ce changement d’envergure, la CIA, désireuse de conserver la direction exclusive de l’opération n’inclut pas dans la gestion de l’opération le Pentagone qui disposait pourtant d’une expertise militaire dans la matière.

Le choix des organisateurs pour diriger la brigade se porta sur un ancien officier cubain, Jose Perez San Ronan6 et son adjoint Erneido Oliva. Les hommes étaient préparés dans des camps au Guatemala (le camp Trax situé à 2 000 mètres d’altitude qui offrait les mêmes conditions climatiques qu’à Cuba) et en Floride, à Fort Gullick dans la région du canal de Panama et sur la base militaire américaine de Vieques à Porto Rico. La brigade était constituée de l’ensemble des couches sociales de la population cubaine en majorité de la classe moyenne, soit opposées au nouveau pouvoir cubain soit des anciens soutiens de Baptista. La troupe hétéroclite était composée par des paysans, des médecins, des mécaniciens, des musiciens, des dessinateurs, des avocats, des géologues, des journalistes, des artistes, des instituteurs, des employés administratifs et de bureau, des bergers, des banquiers, des militaires et des hommes d’église.

Pour tromper d’éventuelles actions d’espionnage et pour effectuer une campagne de désinformation, le numéro des volontaires démarra à partir du numéro 2 500 pour tromper la surveillance cubaine sur le nombre réel des volontaires. Ce fut en l’honneur du dissident cubain Carlos Rodriguez Santana tué au cours d’un entraînement le 8 septembre 1960, que la brigade se mit à porter le numéro de série 2 506 de son blason.

Parallèlement, une opération de désinformation par les ondes fut mise en place avec la création le 4 mai 1960, d’une station de radio nommée Swan, dirigée par l’agent de la CIA, David Atlee Phillips, et destinée à la population présente sur l’île. Elle diffusait de la propagande anti-communiste. L’agent de la branche Executive Action de la CIA, Howard E. Hunt, vétéran de l’opération menée au Guatemala, reçut la mission de former un gouvernement d’exilés avec pour mission de remplacer Fidel Castro à la suite de l’invasion de l’île.

En parallèle, des opérations de déstabilisation du régime castriste sous la forme de destructions de récoltes agricoles (notamment les champs de canne à sucre, principale ressource économique de l’île), industriel (comme les raffineries de pétrole) et portuaire (avec des destructions de navires) furent menées durant toute la période précédant l’opération de débarquement ainsi que de la propagande sous la forme de tracts diffusés par voie aérienne eut lieu.

La troupe d’invasion fut regroupée le 12 avril 1961 à Puerto Cabezas, un port sur la côte atlantique du Nicaragua. Elle fut embarquée sur cinq cargos simples non munis de protection, sauf antiaérienne : le Houston, le Barbara J, le Blagar, le Caribe et le Rio Escondido de la compagnie Garcia Line, dirigée par un exilé cubain permettant de camoufler la participation des États-Unis par voie maritime. Ils étaient appuyés par 2 navires d’escorte. Les barges de débarquement étaient des canots de 5 m de long de style hors bord mais non prévues pour le débarquement de troupes. Lors de l’embarquement, les agents de la CIA assurèrent aux volontaires cubains, en montrant les appareils B-26 maquillés aux couleurs cubaines et stationnés sur la base que la maîtrise de l’air serait assurée pour le débarquement.

Le matin du samedi 15 avril 1961, huit bombardiers américains B-26 peints aux couleurs cubaines (dans l’intention de faire croire qu’il s’agissait d’une rébellion cubaine et non d’une attaque américaine), en violation des conventions internationales, décollèrent du Nicaragua et attaquèrent les bases aériennes de La Havane et de Santiago (sud). Les avions américains bombardèrent les aéroports et aérodromes du pays, détruisant une grande partie des avions au sol (civils et militaires). Les principaux bombardements touchèrent Ciudad Libertad, La Havane, San Antonio et Santiago de Cuba. La moitié des appareils de l’aviation militaire cubaine ainsi que des avions civils sont détruits au sol. Sept victimes cubaines sont également relevées11.

Un des B-26 qui avaient bombardé les sites, criblé de balles, demanda un atterrissage d’urgence en Floride. Le pilote, se présentant comme un membre de l’armée cubaine et déserteur, indiqua aux journalistes qu’avec d’autres militaires, il avait décidé de se rebeller et de prendre la fuite après avoir bombardé plusieurs sites. Cette opération d’intoxication, qui avait été montée intégralement par la CIA, fut défendue par l’ambassadeur des États-Unis, Adlai Stevenson, laissé dans l’ignorance, à l’ONU (où il sera d’ailleurs en conséquence ridiculisé). Les journalistes américains découvrirent cependant rapidement la fraude ce qui va influencer les décisions de l’administration Kennedy par la suite et notamment les bombardements prévus. Adlai Stevenson câbla en urgence auprès de Dean Rusk pour l’alerter du risque d’un scandale pour les États-Unis d’un niveau équivalent à celui provoqué par la chute de l’U2 du pilote Francis Gary Powers abattu au-dessus de l’URSS.

Cependant, Castro a caché ses avions hors des bases militaires : groupés par trois, camouflés et défendus par des batteries anti-aérienne, quatorze à quinze appareils sont restés intacts et joueront un rôle décisif 48 heures après. De plus, l’ensemble des forces armées sont placées en état d’alerte. Fidel Castro déclara alors « si ces attaques aériennes sont un prélude à une invasion, le pays est prêt à se battre et résistera et détruira les forces qui tentent d’envahir notre pays ».

Le même jour, en réaction au bombardement, Fidel Castro fait déployer les forces militaires sur l’île et les leaders rejoignent leur poste de  commandement respectifs : Raúl Castro dans la province d’Oriente (partie orientale), Che Guevara à Pinar del Rio (partie ouest de l’île), Juan Almeida Bosque à Santa Clara (partie centrale), Ramiro Valdes au contre-espionnage et Guillermo Garcia au centre tactique de La Havane.

Le lendemain, le 17 avril vers 1 h 15, la brigade 2506 débarqua en deux endroits, à Playa Larga et Playa Girón, c’est-à-dire au fond et à l’entrée orientale de la baie des Cochons, à 202 km au sud-est de La Havane et à 25 km l’une de l’autre. Un troisième débarquement prévu dans l’anse de la Caleta Buena entre les deux plages ne put avoir lieu.

Au large, des cargos et de nombreux autres bâtiments de guerre américains n’intervinrent pas militairement, étant destinés à consolider la tête de pont. Les exilés cubains, qui débarquèrent dans une région agricole isolée peu peuplée et de charbonneries et dont les habitants avaient bénéficié des réformes agraires mises en place par le gouvernement de Castro, ne reçurent pas le soutien attendu de la part des populations civiles.

Dès le débarquement, les troupes sont repérées par les miliciens qui ont, eux aussi, été placés en état d’alerte depuis le bombardement du 15 avril et qui vont transmettre l’alerte auprès du commandement militaire cubain. La brigade, grâce à son armement moderne, prit rapidement le dessus sur les miliciens.

Dès que l’alerte fut transmise, Fidel Castro, qui se trouvait alors à la Havane, donna l’ordre à un premier bataillon de 900 soldats stationnés sur la route de Playa Larga d’intervenir et fit bloquer les trois seules routes d’accès qui traversaient le marécage. En parallèle, les forces aériennes cubaines et les miliciens reçurent l’ordre d’attaquer la force d’invasion dès l’aube. La brigade, qui d’après le plan initial était censée livrer des combats dans les terres et bénéficier de la supériorité aérienne, s’est retrouvée clouée sur les plages. Des dizaines de péniches soumises au feu cubain sont alors coulées, obligeant les cargos à reculer pour se mettre hors de portée des tirs.

Bien qu’épaulée par un régiment de parachutistes largué le même jour avec l’objectif de prendre d’assaut et de verrouiller les trois routes qui mènent à la baie des Cochons, la brigade est également rapidement arrêtée par des tirs de mortiers des miliciens, tandis que les actions conjuguées de la défense aérienne et de l’aviation cubaine, dont les pilotes avaient été formés aux États-Unis, se révélaient particulièrement efficaces pour mitrailler les hommes et bombarder les bateaux de la brigade. Des soldats de la brigade tentèrent également de se replier vers les montagnes de l’Escambria au travers du marais ceinturant la plage, mais furent rapidement repoussés par l’armée cubaine.

Parallèlement, afin de gagner la bataille médiatique par les ondes et inciter la population cubaine à la rébellion, le poste Radio Swan, dans le cadre de sa campagne d’intoxication, incitait l’armée cubaine à se révolter et faisait croire que l’invasion était en passe de réussir. Elle diffuse également la fausse information du suicide de Raúl Castro.

Vers une heure du matin, la présidence américaine, au vu des rapports alarmants, autorisa un raid d’une heure, de 6 h 30 à 7 h 30 par des jets non identifiables mais avec l’interdiction d’engager le combat.

Richard Bissell sollicita la présidence pour obtenir l’intervention des forces armées aériennes de l’US Navy stationnées à proximité. Le président John F. Kennedy refusa et ne concéda que l’escorte par des avions de l’US Navy du nouveau raid des B-26. Cette protection, du fait de la mauvaise organisation de l’armée qui avait oublié la différence des fuseaux horaires entre le Nicaragua et Cuba, ne put avoir lieu. Les escadrilles ne se rencontrèrent pas et les quatre B-26 de ce raid, arrivés une heure trop tôt virent deux d’entre eux abattus par les forces aériennes cubaines. Les pilotes décédés, qui étaient de nationalité américaine après la défection des pilotes cubains anti-castristes inquiétés par les tirs de la DCA cubaine, contribuèrent à mettre en avant la responsabilité et l’implication des États-Unis, à la suite des déclarations de la délégation cubaine au sein de l’enceinte de l’ONU.

L’intervention de la milice et des troupes de Fidel Castro, appuyés par la dizaine d’avions militaires cubains encore en état et par les chars non détruits par les raids précédents des B-26, continuait à accroître la pression sur les troupes de la brigade. Rapidement à court de munitions, l’aviation cubaine ayant coulé le seul cargo porteur de ces dernières le cargo Rio Escondido porteur de 145 tonnes d’armement et de réserves de carburant, les combattants anti-castristes se rendirent à l’armée cubaine le 19 avril après 72 h de combat. À 14 h, sur Playa Larga, tandis que les forces au sol se rendaient, le commandant de la Brigade 2506 envoyait son dernier message : « Je détruis tout l’équipement et les communications. Je n’ai plus rien pour me battre. Je pars vers les bois. Je ne peux pas vous attendre ».

Quelques dizaines de combattants dont les trois chefs de la brigade seront capturés dans les jours suivants dans les marécages après avoir échappé au quadrillage des troupes cubaines pendant plusieurs jours et notamment Manuel Airtime qui tint treize jours. Vingt-deux hommes ayant réussi à s’échapper par la plage dériveront pendant quinze jours, recourant au cannibalisme, avant d’être secourus en mer.

Après la bataille, Che Guevara soutint des discours de moralité auprès de certains des prisonniers : un curé phalangiste qui demanda pardon mais qui fut bientôt renvoyé en Espagne, un play-boy qui plaida aussi non coupable et ne voulut pas être confondu avec les « sbires », un Noir à qui Guevara fit la leçon : « tu es venu te battre dans une invasion financée par un pays où règne la ségrégation raciale, pour permettre aux jeunes gens biens de récupérer leurs clubs privés, tu as moins d’excuses que les autres ».

114 anti-castristes furent tués et 1 189 furent faits prisonniers. De plus, quatre pilotes civils aux commandes des B-26 abattus par l’aviation cubaine furent également perdus. En effet, la CIA avait, en outre, oublié d’informer les responsables politiques qu’à la suite de la défection des pilotes cubains, ces derniers avaient de fait été remplacés par des pilotes civils de nationalité américaine2. Contrairement aux analyses de la CIA, aucune tentative d’insurrection intérieure contre le pouvoir en place ne fut observée.

Les États-Unis furent dénoncés à l’échelle internationale comme une puissance agressive à l’égard de l’île de Cuba. De fait, les tentatives de l’administration Kennedy pour tenter de se dédouaner de toute implication des États-Unis dans cette tentative d’invasion furent vaines auprès de l’opinion publique nationale et internationale. Le président John F. Kennedy accepta l’entière responsabilité de l’opération et de l’humiliation vécue par les États-Unis le 24 avril 1961 durant une conférence de presse. Ce fut la première véritable épreuve de son mandat présidentiel au bout des cent premiers jours2. Il déclara à son conseiller Arthur Schlesinger Jr :

« Selon un vieux dicton, la victoire a des pères par centaines et la défaite est orpheline. »

Les prisonniers de l’opération furent libérés le 22 décembre 1962 après un accord portant sur une somme globale de 53 millions de dollars, soit 47 000 dollars par prisonnier libéré, incluant de la nourriture, des fournitures agricoles et des médicaments, pour lesquels, Robert Kennedy, le procureur général américain, dut notamment faire pression sur les laboratoires pharmaceutiques américains. Les négociations furent menées par l’avocat d’affaires James B. Donovan, ancien agent de l’OSS (l’ancêtre de la CIA), qui était intervenu auparavant dans l’échange du pilote de l’avion espion U-2, Gary Powers, abattu en 1960 au-dessus de l’URSS.

Les membres survivants de la brigade furent reçus par le président John Fitzgerald Kennedy et son épouse Jacqueline Kennedy, le 29 décembre 1962 aux États-Unis à Miami à l’Orange Bowl. Au cours d’une cérémonie, le drapeau de la brigade fut remis au président des États-Unis qui, emporté par l’émotion2, déclara alors : « Je vous assure que ce drapeau vous sera rendu dans une Havane libre. » Toutefois, en 1976, le drapeau fut redemandé pour promesse non tenue. Il fut renvoyé aux survivants de la brigade 2506 par voie postale.

Quelque 300 vétérans de la brigade intégrèrent par la suite les services secrets américains. Ils furent dépêchés fin 1962 au Congo pour soutenir les troupes de Joseph-Désiré Mobutu, prirent part à l’opération Phoenix au Viêt Nam , à la traque de Che Guevara en Bolivie, à des actions de déstabilisation du gouvernement chilien de Salvador Allende.

Source : Wikipédia.

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