Le Dalaï-lama

Tenzin Gyatso a 3 ans lorsqu’il est appelé à devenir dalaï-lama. Aux yeux des Tibétains, son destin est maintenant celui d’incarner leur chef religieux et spirituel.

Chassé de son pays par la Chine en 1959, il choisira le chemin de la revendication pacifique afin de faire valoir les droits du peuple tibétain. Encore aujourd’hui, le symbole de paix qu’il incarne s’étend au-delà du seul aspect politique. Comme l’enseigne la tradition bouddhiste, il doit aussi prôner le renoncement à ses désirs et à l’attachement au « soi ».

Dans la tradition religieuse tibétaine, le dalaï-lama est l’incarnation physique du Bodhisattva de la compassion, le Bouddha en devenir. Le titre de dalaï-lama existe depuis le 14e siècle et celui qui le détient est le chef spirituel et temporel des Tibétains. Son rôle est de présider aux destinées du peuple tibétain dans le respect de tous les êtres vivants.

On me demande souvent si je crois réellement cela. Il n’y a pas de réponse simple à cette question. Mais […] considérant mon expérience dans cette vie et mes croyances bouddhistes, je n’ai aucune difficulté à accepter que j’ai un lien spirituel avec les 13 précédents dalaï-lamas […] et avec le Bouddha lui-même.

Tenzin Gyatso a vu le jour dans une famille paysanne le 6 juillet 1935, à Taktser, un petit village du nord-est du Tibet.

Selon la doctrine bouddhiste tibétaine, chaque être se réincarne après sa mort. C’est ainsi qu’au décès du dalaï-lama, le clergé bouddhiste entreprend des recherches afin de retrouver celui ou celle qui en serait la réincarnation. À l’âge de 3 ans, Tenzin Gyatso est reconnu, grâce à une série de signes, comme la réincarnation de ses 13 prédécesseurs. Le 22 février 1940, il est intronisé dalaï-lama à Lhassa, la capitale du Tibet. Il a alors 4 ans.

Tenzin Gyatso est maintenant dalaï-lama, mais il lui reste beaucoup à faire avant de pouvoir prendre la direction des affaires de l’État. À l’âge de 6 ans, il devient moine et entreprend l’éducation religieuse et académique qui va le préparer aux tâches qui l’attendent. Il poursuit de hautes études théologiques et philosophiques et obtient avec succès un doctorat en études bouddhiques en 1959. Il accède du même coup au titre de Geshe Lharampa, le rang universitaire le plus élevé.

Agrandir l’image(Nouvelle fenêtre)Le dalaï-lama s’est adressé à des milliers de personnes réunies au Verizon Centre de Washington mercredi.

En 1950, les visées expansionnistes de la Chine communiste – qui a perdu le Tibet au profit des Britanniques en 1917 – se font de plus en plus fortes sur le territoire. La même année, plus de 80 000 soldats de l’armée chinoise envahissent le Tibet.

Le 7 novembre, les Tibétains réclament que les pleins pouvoirs du pays soient remis au jeune dalaï-lama, alors âgé de 15 ans. Désireux de préserver la paix et de protéger son peuple face à un envahisseur aussi puissant, le jeune Tenzin Gyatso se montre ouvert et déploie de nombreux efforts pour maintenir le dialogue avec Pékin. Le dalaï-lama rencontrera même Mao Zedong, en 1954, pour tenter de trouver une issue pacifique à l’occupation de son pays par les Chinois. En vain.

En mars 1959, des milliers de Tibétains se rassemblent dans la capitale, Lhassa, pour réclamer le départ de l’envahisseur chinois et démontrer leur allégeance au gouvernement tibétain du dalaï-lama.

Mais les Chinois ne tolèrent aucune manifestation nationaliste de ce genre. Pour briser la résistance tibétaine, ils se préparent à attaquer les manifestants et à bombarder la ville. Craignant un bain de sang, le dalaï-lama quitte à regret la capitale dans l’espoir de désamorcer la situation. Mais rien n’y fait. Les Chinois répriment violemment les manifestations des Tibétains rassemblés dans la capitale.

Devant cette montée de violence, le dalaï-lama quitte le Tibet et trouve asile en Inde. Il s’installe dans la ville de Dharamsala, où il érige le siège du gouvernement tibétain en exil.

Dans les années qui suivent, les autorités chinoises démantèlent plusieurs monastères bouddhistes et répriment la pratique religieuse. Plus de 80 000 Tibétains imitent leur chef spirituel et fuient le pays. Ils seraient plus de 120 000 aujourd’hui à avoir quitté leur terre d’origine.

Les Tibétains sont en train de devenir une minorité insignifiante dans leur propre pays. Ce processus, qui menace la survie même de la nation tibétaine, sa culture et son héritage spirituel, peut être arrêté. On peut revenir en arrière. Mais cela doit être fait maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.

De son exil, le dalaï-lama fait appel aux Nations unies pour dénoncer l’occupation militaire de son pays par la Chine ainsi que les nombreuses violations des droits de la personne par les militaires chinois à l’endroit des civils tibétains. En tout, trois résolutions seront adoptées aux Nations unies (en 1959,1961 et 1965) qui demandent à la Chine de veiller au respect des droits de l’homme au Tibet et de respecter les aspirations indépendantistes des Tibétains.

En 1963, soucieux de donner à un futur Tibet libéré des assises modernes et démocratiques, le dalaï-lama promulgue une constitution démocratique inspirée des principes bouddhistes et de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Aujourd’hui, les membres du Parlement tibétain en exil sont tous élus au suffrage universel direct, et ce Parlement élit ensuite les membres du gouvernement. Le dalaï-lama est d’ailleurs réputé pour avoir démocratisé le mode de gouvernance tibétaine.

Depuis, le dalaï-lama n’a jamais cessé de travailler pacifiquement à l’élaboration d’un plan de paix et d’un dialogue avec le gouvernement chinois sur la désignation du Tibet comme un espace de paix. Même s’il a reçu le prix Nobel de la paix en 1989, ses efforts auprès de la Chine ont été infructueux. Depuis 2001, le dalaï-lama nie être indépendantiste. Il prône désormais pour le Tibet une « autonomie réelle ».

À ce jour, la Chine s’est toujours opposée à ce qu’il rencontre des chefs d’État à l’étranger.

En octobre 2007, le dalaï-lama entreprend une tournée nord-américaine. Il visite alors le Canada, où il sera officiellement reçu par le premier ministre Stephen Harper pour un entretien de 40 minutes. La Chine réagit en qualifiant la rencontre de « conduite dégoûtante ». C’est la première fois qu’un chef de gouvernement canadien rencontre le chef spirituel des Tibétains dans un cadre officiel.

En 2010, c’est au tour du président Barack Obama de passer outre aux protestations de Pékin et de recevoir le dalaï-lama à la Maison-Blanche. Cette rencontre a eu lieu un an après que le président démocrate eut refusé de discuter avec le chef spirituel lors de sa précédente visite à Washington en octobre 2009.

En 2012, lors de la visite du dalaï-lama à Ottawa, le premier ministre Stephen Harper rencontre à nouveau le chef spirituel des Tibétains, mais cette fois en privé.

En plus de rencontrer de nombreux dirigeants politiques et spirituels, le dalaï-lama a aussi participé à de nombreuses cérémonies œcuméniques.

Je crois qu’il vaut mieux qu’il y ait plusieurs religions, plusieurs philosophies, plutôt qu’une seule religion ou philosophie, à cause des différences entre les humains. Chaque religion a des idées et des techniques spécifiques, et, en apprenant à les connaître, on ne peut qu’enrichir sa propre foi.

En 2012, une vague d’immolation par le feu sévit au Tibet. Cette année-là, près d’une centaine de Tibétains posent ce geste politique afin de dénoncer l’emprise de la Chine sur la région. Le gouvernement chinois accuse alors le dalaï-lama de glorifier les immolations, mais ce dernier réfute les arguments de Pékin. Le dalaï-lama se dit plutôt opposé à ces gestes désespérés, car ils vont à l’encontre des préceptes bouddhistes.

En 2011, Tenzin Gyatso renonce à son titre de chef de gouvernement en exil afin d’occuper son rôle de chef spirituel à temps plein. Le flambeau politique est relayé à un nouveau chef élu, Lobsang Sangay, un juriste de 43 ans qui fait le voeu de libérer son peuple du « colonialisme chinois ».

Le dalaï-lama n’abandonne pas pour autant ses tournées mondiales, pendant lesquelles il continue de défendre la cause tibétaine tout en promulguant les valeurs de sa religion. Réputé pour son sens de l’humour, Tenzin Gyatso aime faire retentir son rire discret, mais contagieux, devant les invités qu’il rencontre.

Aussi à l’aise devant des dignitaires que devant des foules de sympathisants, le dalaï-lama continue de piquer la curiosité. En 2012, il est convoqué à Londres pour une réunion avec certains des plus grands banquiers du monde. L’explication de la crise économique que traverse le monde rejoint ses valeurs religieuses : « tout compte fait, la crise financière a été provoquée par la cupidité elle-même – par l’incapacité à faire preuve de la modération et de la retenue nécessaires, dans la quête aveugle de profits toujours plus élevés ». La solution? Des cours en « éthique séculière ».

Le 6 juillet 2013, alors qu’il soufflait sa 78e bougie, le dalaï-lama a mis en ligne une vidéo de lui où il évoque son voeu le plus cher pour son anniversaire. En attendant que son souhait de voir un jour le Tibet devenir autonome se réalise, il s’exclame : « le plus beau cadeau que l’on puisse me faire est celui de voir les hommes ouvrir leur coeur et leur esprit à la compassion ».

Le dalaï-lama évoque parfois sa retraite, même si la date reste indéterminée. Il a déjà parlé de choisir lui-même le prochain dalaï-lama ou même de l’élire démocratiquement. Sa succession risque toutefois de se produire sous haute tension avec la Chine, Pékin ayant déjà déclaré le prochain dalaï-lama « illégal ».

La réplique humoristique du dalaï-lama n’a pas tardé. « Si le gouvernement chinois a l’intention de se charger de nommer ma réincarnation, il doit alors accepter la religion et le concept de vie future. Ils doivent aussi, en premier lieu, trouver les réincarnations de Mao Zedong et de Deng Xiaoping. Après, seulement, ils pourront trouver ma réincarnation ».

Tenzin Gyatso prévoit abandonner son titre lorsqu’il aura 90 ans.

Voir aussi cette vidéo :

Sources : Radio-Canada, YouTube.

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